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16 janvier 2008 3 16 /01 /janvier /2008 03:21


L'hypocrisie financière
par JOSEPH E. STIGLITZ


Cette année marque le dixième anniversaire de la crise financière asiatique, qui avait tourné à la crise mondiale.

Elle a touché la Russie et des Etats d'Amérique latine comme le Brésil. L'Argentine peut aussi être comptée parmi ses victimes. Il y en eut d'autres, notamment des pays non impliqués dans les flux de capitaux à l'origine de la crise. Le Laos, par exemple, a figuré parmi les pays les plus touchés.

Ce fut la pire crise mondiale depuis la Grande Dépression.

En tant qu'économiste en chef de la Banque mondiale, je me suis retrouvé au milieu du cataclysme, et au centre des débats sur ses causes et les réactions appropriées. L'été et l'automne derniers, j'ai visité à nouveau plusieurs des pays affectés, notamment la Malaisie, le Laos, la Thaïlande et l'Indonésie. Leur rétablissement fait chaud au coeur. Ces pays connaissent aujourd'hui une croissance d'au moins 5 % à 6 % - pas aussi rapide qu'à l'époque du miracle, mais bien plus que quiconque ne l'aurait cru possible au lendemain de la crise.

Beaucoup de pays ont rectifié leurs politiques, mais dans des directions différentes de ce que préconisait le Fonds monétaire international (FMI). Certains ont investi davantage dans le capital humain, lancé des initiatives inventives permettant un accès accru aux soins de santé et aux financements, créé des fonds sociaux pour aider au développement de communautés locales. Dix ans plus tard, nous voyons clairement à quel point le diagnostic et la prescription du FMI et du Trésor américain étaient erronés.

Le problème fondamental était celui de la libéralisation prématurée du marché des capitaux. Il est ironique de voir le secrétaire américain au Trésor recommander la libéralisation du marché des capitaux en Inde - l'un des deux principaux pays en développement (avec la Chine) à  être sorti indemne de la crise de 1997.

Ce n'est pas un hasard si ces pays, qui n'ont pas complètement libéralisé leurs marchés de capitaux, s'en sont si bien sortis. Des recherches ultérieures menées par le FMI l'ont confirmé : la libéralisation des marchés de capitaux apporte l'instabilité, mais pas nécessairement la croissance. Naturellement, Wall Street, dont le Trésor américain représente les intérêts, profite de la libéralisation des marchés de capitaux en gagnant de l'argent quand l'argent sort, quand il rentre, et lors des restructurations issues du chaos qui en résulte. En Corée du Sud, le FMI a recommandé la vente de banques du pays à des investisseurs américains, alors que les Coréens avaient géré leur économie de manière impressionnante au cours des quatre décennies précédentes, avec une croissance plus forte et une plus grande stabilité qu'aux Etats-Unis - et sans les scandales qui ont marqué si fréquemment les marchés financiers américains.

Le contraste entre les conseils du FMI et du Trésor américain à l'Asie et ce qui s'est passé lors de la débâcle du « subprime » est flagrant. On a demandé aux pays asiatiques d'augmenter leurs taux d'intérêt, parfois de 25 %, 40 % ou davantage, provoquant une foule de cessations de paiements.

Au cours de la crise actuelle, la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne ont réduit les taux d'intérêt. De même, les pays d'Asie ont eu droit à un sermon sur la nécessité d'une transparence accrue et d'une meilleure réglementation. Mais le manque de transparence a joué un rôle central dans la crise de l'été dernier. Des emprunts immobiliers ont été coupés en morceaux, envoyés à travers le monde, pour que personne ne sache au juste qui détenait quoi. Les mises en garde se multiplient à l'encontre de nouvelles réglementations, supposées entraver les marchés financiers.

La crise de 1997 a fait naître un consensus sur la nécessité de réformer  fondamentalement l'architecture financière mondiale. Toutefois, alors que le système actuel peut déboucher sur une instabilité superflue, et imposer des coûts énormes aux pays en développement, il sert certains intérêts.

Rien de surprenant, donc, qu'il n'y ait pas eu de réforme fondamentale. Et il n'est pas surprenant non plus que le monde soit à nouveau confronté à une période d'instabilité financière à l'issue incertaine.

JOSEPH E. STIGLITZ, prix Nobel d'économie 2001, est professeur à l'université Columbia (New York).

issu de Combat Républicain
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