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En campagne

24 avril 2008 4 24 /04 /avril /2008 03:08
Chinese soldiers posing as Tibetan monks during the riots
Photo réelle, commentaires truqués


Par Danielle BLEITRACH
sur
Le Grand Soir

Athée, j’ai néanmoins toujours eu beaucoup de respect pour ceux qui croient en une puissance surnaturelle. Je respecte leur besoin de transcendance, de dévouement, qui conduisent certains d’entre eux à sacrifier leur vie. Je ne veux donc pas la moindre ambiguïté : j’ai un profond respect pour les bouddhistes, moines compris et surtout je ne voudrais pour rien au monde que quelqu’un subisse la moindre répression pour un sentiment ou une manière d’être au monde qui relève de l’intime conviction.

Ma position sur tous mes articles concernant la Chine a toujours été la même : considérer ce pays avec sympathie sans pour autant éliminer les contradictions et tenter de comprendre ce qui se joue dans ce pays continent ; être curieuse avant de donner des leçons. Mais en matière de boycott comme de couverture médiatique des événements du Tibet, on ne peut pas juger du droit souverain d’un pays, et de son droit à une information impartiale sur des événements, à l’aune de son régime - qu’on soit pour ou contre. Ce serait du même type de démarche que de demander à une femme violée de faire la preuve de sa vertu avant d’enregistrer sa plainte. C’est malheureusement la démarche de tous les dominants à l’égard des dominés. En revanche, quand les USA violent, massacrent et polluent ils ont tous les droits selon la logique du mâle, de l’occidental, du notable. Les faits n’ont plus d’importance. Ce qui compte c’est la rumeur, la mauvaise réputation de la victime.

C’est pourquoi cette affaire du boycott des jeux olympiques me paraît plus inquiétante pour ce qu’elle révèle de la situation française que pour la Chine. Nos médias sont un système de propagande et nous devenons un pays de sectes.

Quand l’autodétermination devient un mythe raciste


Deux questions me paraissent soulever débat : la première est la relation entre la religion et la politique. Dans ce domaine il est sage de laisser à chaque nation, à chaque peuple, le soin de décider de cette séparation laïque si chère aux Français. Nous ne pouvons pas importer notre propre vision politique et l’imposer aux autres peuples qui ne nous demandent ni avis, ni surtout missionnaires de notre vision du bon gouvernement. Dans ce cas, la nation est chinoise et nul ne le nie au plan international, même pas le Dalaï Lama, même si l’on peut penser qu’il s’agit de sa part d’une position tactique. Comment des peuples au sein d’une nation trouvent un équilibre les concerne.

La seconde question est la manipulation par les mythes, la manière dont on impose des régressions intellectuelles non seulement à soi mais aux autres, et qui est en mesure de le faire. Par exemple, aux Etats-Unis quand les mouvements religieux sont en train d’imposer le refus du darwinisme et l’enseignement de la bible, le refus de la science, là je suis inquiète. Comme je suis inquiète quand les mouvements évangélistes - toujours dans le même pays - deviennent sionistes chrétiens parce qu’une quarantaine de millions de personnes croit dur comme fer que le temps de l’apocalypse est venu et que la bataille finale contre les hordes de l’antéchrist (les pacifistes) aura lieu en Israêl. Je suis inquiète à cause de la puissance du pays en question car là il ne s’agit plus seulement de choix politiques internes mais d’imposer au reste de l’humanité, au Moyen Orient en particulier, ce qui m’apparaît comme du pur délire.

Je rangerais volontiers dans cette catégorie les délirants pro tibétains qui nous expliquent que le combat final contre le matérialisme capitaliste, c’est-à-dire la Chine, doit être mené impitoyablement parce que, avec le Tibet, c’est la sauvegarde de la spiritualité anticapitaliste. Non parce que ce sont de doux rêveurs mais parce qu’ils portent visiblement le projet étasunien du choc des civilisations. Ces gens n’en ont pas après les Etats-Unis, non, leur problème c’est le matérialisme, le productivisme chinois. La Chine c’est l’industrie donc le mal, doublement... Elle combine toutes les peurs d’un occident gavé, classe laborieuse-classe dangereuse, fumée d’usine et accumulation de marchandise, le cruel Fu Manchu, le péril jaune, le concurrent menaçant et les hordes venues du Tiers Monde pour réclamer vengeance et part du gâteau alors qu’il y en juste pour nous. Comme le moine ascétique mendiant avec sa gamelle est rassurant… Le combat de l’Apocalypse va avoir lieu sur ces hauteurs himalayennes et nous devons impérativement le mener pour vaincre le dragon…

Ceux qui dans cette affaire prennent position au nom du fait que la Chine est ou non communiste ne sont pas si éloignés de cette grande lutte entre le matérialisme (capitalisme ou communiste) et le spirtualisme (un autre futur pour la planète). Pour savoir s’il faut ou non intervenir sur la situation chinoise, aller jusqu’au boycott (jamais posé pour les Etats-Unis quoiqu’ils fassent) il n’y a aucun besoin de savoir la nature du communisme ou du capitalisme chinois. Il suffit de respecter le droit des nations à leur souveraineté. Alors que là, dans ce prétexte tibétain pour rabaisser la Chine, nous nous emparons de “rumeurs” souvent infondées pour justifier notre droit à châtier. Nous sommes en plein dans la monstruosité du “devoir d’ingérence”. Nous sommes dans le Mythe qui fonde toutes les croisades et nous partons effectivement en croisade derrière le saint prêcheur, le Dalaï Lama, parce que la Chine est matérialiste, trop ou pas assez communiste.

Je crois qu’il faut relire les pages de Politzer : “l’obscurantisme au XX e siècle”, dans lesquelles il dénonce les théories de Rosenberg, l’idéologue du IIIe Reich. « Partant à la conquête de la France raisonneuse - das räsonienrende Frankreich - comme nous appelle aigrement la presse de monsieur Hitler, la « rassenseele » a provisoirement ravalé ses mystères pour se déguiser en logique. L’impressario du Mythe Immémorial-qui- éclaire-de sa-flamme-à-nouveau-jaillit le sens-caché des millénaires » (1).

Nous sommes avec le Dalaï-Lama tout à fait avec l’impressario du Mythe-immémorial-qui-éclaire-de-sa flamme-à nouveau-jaillit-le-sens-caché-des-millénaires et je crains qu’avec la violence de la crise, des gens complètement déboussolés soient prêts à n’importe quoi… Chauffés à blanc par des campagnes publicitaires qui fabriquent de la compassion et de la haine comme à guignol.

Vous pensez que j’exagère mais point du tout. On a commencé par nous peindre de méchants policiers chinois tuant d’innocents et pacifiques moines tibétains et quand il a été difficile de maintenir la fiction, parce qu’il est apparu que des hordes délinquantes avaient attaqué des Hans et des Huis, procédé à des lynchages de vieux et de jeunes femmes, on les a excusés. Ces brutes racistes étaient excédées parce que d’autres Chinois issus d’un autre coin de la Chine venaient chez eux. Le Dalaï lama a parlé de « génocide démographique » vu qu’il y avait plus de Hans que de Tibétains. C’est étrange parce qu’au Kosovo, les mêmes ont pleuré sur les Albanophones et dénoncé les Serbes autochtones… Pourquoi doit-on défendre les Tibétains et pas les Serbes ? Pourquoi dans un cas brâme-t-on à la purification ethnique et pas dans l’autre ? Il n’y a qu’une réponse : Albanophones et DalaÎ Lama avaient pour bailleurs de fond les Etats-Unis. Jusque là, cela relève du rapport de forces le plus concret qui se puisse imaginer, avec financement à l’appui de la CIA.

Quand on démontre à tous ces braves gens amoureux du Tibet, après l’avoir été contradictoirement des Albanais du Kosovo, que le Tibet est depuis le 13e siècle chinois et qu’il n’y a pas plus de raison de prendre parti pour eux, de planter le drapeau du gouvernement réactionnaire en exil du Dalaï Lama (tiens il est quoi exactement un chef religieux ou un politique ?) que d’aller se mêler de soutenir un quelconque séparatisme, (imaginons que les Chinois accueillent avec des tapis rouges les nationalistes corses, fassent flotter sur le cité interdite la tête de maure) ; quand on demande aux partisans de l’autodétermination tibétaine s’ils sont bien sûr que les Tibétains - en dehors des excités en question - sont d’accord pour l’indépendance, non seulement du Tibet mais de la moitié de la Chine (vu qu’ils ont inventé un grand Tibet que les six millions de Tibétains auraient beaucoup de mal à occuper même si on trouve ça et là des monastères), notre interlocuteur est obligé de reconnaître qu’il n’en sait rien. Ce qui ne l’empêche pas de s’agiter comme une diable dans un bénitier en disant qu’il faut de l’autodetermination.

Bon imaginons, c’est un rêve, que le gouvernement chinois accepte un référendum qui amputerait la Chine d’une bonne partie de son territoire parce que Robert Ménard a agité une pancarte à Olympie, ou parce que Bernard-Henri Levy et quelques autres du même tonneau le veulent, parce que Sarkozy ne viendra pas sur la tribune de l’inauguration des J.O... Imaginons ce rêve d’une ONG qui se ferait aussi grosse que l’Empire du Milieu : comment on saurait si les Tibétains sont d’accord ou non ?

Et qui va voter ? les gens estampillés "Tibétains", ou les Chinois qui résident à Lhassa et dans les environs ? Ce sont tous des Chinois, il y a pas mal de couples mixtes. Dites-nous qui va voter ? Faudra-t-il des certificats de pureté de la race ? Un des problèmes n’est-il pas qu’il y a actuellement plus de Hans que de Tibétains ? Jusqu’où ira la purification ethnique ?

Donc vous ne savez pas réellement ce que veulent les habitants du Tibet, et vous ne savez même pas ce que vous voulez d’autre que de vous rendre intéressants, alors pourquoi vous agiter comme cela ? La répression ? Mais que je sache elle s’est arrêtée, alors que ça continue à tomber comme à gravelotte en Irak. Les seuls lamas qui reçoivent des coups de baton, c’est au Népal. Donc, pouvez-vous me dire exactement ce que vous voulez ?

La théocratie tibétaine


Et c’est là qu’on atteint le sommet du genre : la spiritualité tibétaine… Je vous recommande ce texte qui me paraît un modèle du genre… Lisez bien voilà l’argumentation et elle n’est pas si éloigné de ce qu’on peut lire tous les jours en particulier dans les forums, c’est effrayant.. pas pour la Chine mais pour nous Français…

Voici ce texte :

Pour relater les événements récents au Tibet, et éclairer l’œil du lecteur sur sa situation politique, peu d’articles ou de reportages n’abordent le sujet sous l’angle, pourtant nécessaire à la compréhension, de la religion bouddhiste.

Les efforts de la Chine pour réduire le Tibet au rang de province d’un pays à l’idéologie matérialiste, sont motivés par un enjeu bien plus important que la simple annexion d’une région aux ressources minières stratégiques, ou à la possibilité d’y déposer des déchets nucléaires.

L’enjeu est de tuer un important bastion de renouvellement de l’énergie spirituelle d’une religion qui est un danger pour le matérialisme forcené et son corollaire, le productivisme, l’individualisme et la société de consommation.

Pour saisir ce qui est en jeu dans la culture tibétaine et l’acharnement que met la Chine à vouloir la faire disparaître, on peut tenter d’approcher le problème par la relation existant entre le Panchen Lama, détenu par les chinois et dont le Dalaï Lama réclame la libération, et le Dalaï Lama lui même.

Ces deux lignées de lama appartiennent à la même école bouddhiste, celle des Gelug, l’une des cinq écoles tibétaines, et qui détient le pouvoir temporel sur le Tibet depuis le XVIIe siècle. Le Panchen Lama et le Dalaï Lama sont des tulkous, c’est à dire qu’ils sont actuellement des réincarnations de leur prédécesseur, et qu’ils ont la capacité de choisir à leur mort (on dit pudiquement “quitter leur corps”) où ils vont renaître et de donner des indications sur cette renaissance pour ceux qui seront chargés de les retrouver. Le Panchen Lama est en outre le second en importance dans la hiérarchie, il est donc subordonné au Dalaï Lama.

Le point clé politico-religieux est que c’est le Dalaï Lama qui doit reconnaitre la réincarnation du Panchen Lama, et le Panchen Lama qui doit reconnaitre la réincarnation du Dalaï Lama.

Cassez ce couple et vous coupez la tête gelug, donc le phare politique du Tibet, et donc la résistance à la disparition de ce régime théocratique bouddhiste et la culture qui va avec. Les chinois l’ont bien compris et c’est pour cette raison qu’ils détiennent le Panchen Lama. Ils ne leur reste plus qu’à attendre que le Dalaï Lama quitte son corps pour résoudre le problème de la menace de la culture tibétaine sur l’idéologie matérialiste.

Lorsque l’on s’intéresse à la politique tibétaine, on entre tout de suite dans une autre logique, à laquelle nous ne sommes pas habitué. Il faut d’abord pour y adhérer, admettre la possibilité de la réincarnation ! La pensée tibétaine est emplie de cette logique étrangère à la nôtre, et comprendre le Tibet et l’enjeu lié à la survie de sa culture, nécessite un certain effort.

La lutte contre l’hégémonie matérialiste et capitaliste, passe par la défense de la culture tibétaine et bouddhiste. Au Bouthan par exemple, pays bouddhiste, le régime qui a défini un Bonheur Intérieur Brut, à protégé le pays de l’invasion capitaliste, y compris des touristes occidentaux évidemment, qui y rentrent au compte-goutte. Au Népal, il se dit que si une certaine vallée jusqu’ici protégée et inaccessible, venait à être pénétrée par une route, se serait la fin du monde. La vision du monde des himalayens est différente de la nôtre, mais nous devons la prendre au sérieux. Soutenir la survie de la culture tibétaine va bien au delà du simple engagement pour les Droits de l’Homme. C’est aussi soutenir la possibilité d’un futur pour l’humanité.


http://lenumerozero.lautre.net/spip...

Un conseil : relisez Politzer et même tous les rationalistes qui passent à votre portée, l’heure est grave… La France a bien des défauts, elle est colonialiste, arrogante, mais elle a toujours été critique. Sommes-nous en train de glisser vers une totale américanisation ?

Danielle Bleitrach

(1) Politzer contre le nazisme, editions sociales, messidor, 1984 réedition, p.41
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