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  • : Le blog de la rue Goudouly
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9 juin 2010 3 09 /06 /juin /2010 03:11

http://goudouly.over-blog.com/article-a-qui-profitera-la-nouvelle-fiscalite-locale--51621696.html

 

 

carte postale de Adel Abdessemed

ABDESSEMED ADEL
1997 Lyon
"Nuit de noces"

Sur The cARTed Picture Show

Sculpture Amicale - Friendly Sculpture
cARTed Series n.053 - novembre 1997 - Nantes

 

A qui profitera la nouvelle fiscalité locale ?
Analyse d’une réforme

La réforme supprimant la taxe professionnelle est entrée en vigueur le 30 décembre 2009, par la Loi de finances n° 2009-1673 s’appliquant au 1er janvier 2010.

Cette réforme sera mise en place sur deux années. 2010 sera une année de transition : les entreprises acquitteront les impôts du nouveau dispositif à l’Etat, qui reversera une dotation relais aux collectivités, calculée selon une méthode tenant compte du nouveau et de l’ancien système. C’est donc l’Etat qui prendra la différence du produit fiscal induite par la réforme. 

En 2011, la nouvelle architecture fiscale s’appliquera totalement, ainsi qu’un fonds de compensation entre les collectivités qui percevront davantage après la réforme (prélèvement), et celles qui percevont moins (versement complémentaire).

Les impôts qui remplacent la Taxe Professionnelle (cas de pleine application au 1er janvier 2011)

 

De nouveaux impôts payés par les entreprises:


A – La cotisation économique territoriale (CET), qui comprend elle-mëme deux composantes :

1)    la cotisation locale d’activité (CLA) – c’est un impôt perçu par les communes et les groupements de communes (les « EPCI » (Etablissements publics de coopération intercommunale), c’est-à-dire les communautés de communes, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines)dont la base est celle de la part foncière de la taxe professionnelle (c’est-à dire la valeur des immeubles utilisés par l’entreprise), et dont les taux sont votés par les collectivités locales. La loi prévoit un dispositif permettant de lier ces taux à ceux des impôts locaux payés par les ménages;

2)    la cotisation complémentaire (CC), perçue essentiellement par les départements et les régions, calculée sur la valeur ajoutée des entreprises. Les taux sont fixés par l’Etat , en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise.


B – L’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER)

Certaines entreprises des secteurs de l’énergie, des transports et des communications possédent des installations d’une valeur considérable liées à la nature de leur activité. Celles-ci verraient leur imposition chuter énormément en raison de la disparition de la taxation sur les biens productifs (les EBM de la taxe professionnelle). Pour compenser ce sur-bénéfice, une imposition forfaitaire sur les équipements (éoliennes, centrales nucléaires, thermiques, barrages, transformateurs, matériel roulant, répartiteurs) est instituée au bénéfice des collectivités territoriales (communes, EPCI, départements, régions).


C – La taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM)

C’est une taxe calculée au m2, dont le taux dépend du chiffres d’affaires, payée pour des surfaces au moins égales à 400 m2. Elle est perçue par les communes et les EPCI.


Une nouvelle répartition des impôts locaux sur les ménages:


D – La taxe d’habitation : les communes et les EPCI récupèrent 100 % du taux de la taxe départementale;


E – La taxe sur le foncier bâti : les communes et les EPCI récupèrent 80 % du taux de la taxe régionale.


F – La taxe sur le foncier non bâti : les communes et les EPCI récupèrent 100 % du taux de la taxe départementale (« taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties);


Une nouvelle répartition d’autres impôts:


G – Les droits de mutation (ventes de biens par les particuliers ou les professionnels). Les communes, récupèrent la part de l’Etat;


H – La taxe spéciale sur les conventions d’assurances (particuliers et professionnels) : la part de l’Etat est transférée aux départements.


La compensation par le Fonds National de Garantie Individuelle des Ressources (FNGIR)


Les collectivités qui, du fait de la réforme, encaisseront en 2011 des recettes supérieures à celles qu’elles ont reçues en 2009 devront reverser le trop perçu au FNGIR. Cet argent sera versé aux collectivités pour lesquelles le bilan de la réforme sera déficitaire. Le montant estimé de ce fonds est de 4 milliards d’€


Simulation d’évolution des ressources fiscales des collectivités locales avant et après la réforme.


(d’après Stratorial finances – octobre 2009, et note sur la réforme de TP – AdCF – octobre 2009)

En milliards d’€ – 2008

Impôt Communes + EPCI Départements Régions TOTAL
  avant après écart avant après écart avant après écart avant après écart
Taxe d’habitation 10,4 15,4 5 5 0 -5       15,4 15,4 0
Taxe sur Foncier Bâti 12,7 14,2 1,5 6 6 0 1,8 0 -1,8 20,5 20,2 -0,3
Taxe sur Foncier Non Bâti 0,8 0,9 0,1 0,1 0 -0,1       0,9 0,9 0
Taxe professionnelle nette du plafonnement de la valeur ajoutée (PVA) et du prélèvement France Télécom 16,5 0 -16,5 8,2 0 -8,2 2,7 0 -2,7 27,4 0 -27,4
Cotisation Locale d’Activité 0 8 8             0 8 8
Cotisation Complémentaire       0 8,5 8,5 0 2,8 2,8 0 11,3 11,3
Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères 5 5 0             5 5 0
Droits de Mutation 2,2 2,6 0,4 7,3 7,3 0       9,5 9,9 0,4
Taxe Inétrieure sur les Produits Pétroliers       5,1 5,1 0 3,5 3,5 0 8,6 8,6 0
Taxe sur les Conventions d’Assurances       3,1 5,8 2,7       3,1 5,8 2,7
Taxe sur les Surfaces Commerciales 0,6 1,2 0,6             0,6 1,2 0,6
Imposition Forfaitaire sur les Entreprises de Réseaux 0 0,7 0,7       0 0,7 0,7 0 1,4 1,4
Recettes fiscales diverses

(taxe sur la publicité, taxe de trottoirs, sur les pylônes…)

0,4 0,4 0 0,2 0,2 0 2,5 2,5 0 3,1 3,1 0
Concours de l’Etat (dotation de fonctionnement, d’équipement, compensations fiscales) 59,5 59,7 0,2 23,8 25,9 2,1 12 13 1 95,3 98,6 3,3
TOTAL DES RESSOURCES 108,1 108,1 0 58,8 58,8 0 22,5 22,5 0 189,4 189,4 0
Commentaires sur la réforme

Conséquences financières pour les différentes parties (en 2011 – cf. tableau)

 

Les familles
La réforme est neutre dans l’immédiat pour la fiscalité locale des familles : les impôts qu’elles payent sont seulement ventilés autrement entre les différentes collectivités.
Les entreprises

Elles sont les gagnantes de la réforme, avec une baisse d’impôts égale à 6,1 milliards d’€. Leur appareil productif n’est plus taxé.

Les collectivités locales

 

La réforme est supposée neutre sous réserve que :

1)     l’Etat compense bien les 3,3 milliards restant après transfert des produits d’impôts, et que cette compensation soit durable ;

2)     le Fonds de Compensation fonctionne à 100 % (le gouvernement avait cependant évoqué en 2009 une décroissance de 5 % sur 20 ans, ce qui a soulevé un tollé des élus locaux).

L’Etat

 

Il finance entièrement l’allègement de la fiscalité locale sur les entreprises. Compte tenu de la situation très endettée de l’Etat, des conséquences indirectes sur les familles peuvent en résulter : des conséquences sociales (baisse du service public , privatisations) et financières (la taxe carbone, d’un produit égal à 6 milliards d’€, a été abandonnée aujourd’hui, mais demain ?)

Conséquences politiques et économiques

La marge de manœuvre fiscale des collectivités locales se réduit

La part du produit d’impôt décidé par les collectivités locales concerne les impôts dont celles-ci fixent librement les taux.

Au total, cette part était de 38 % avant la réforme, elle sera de 28 % après. Pour les communes et leurs regroupements, la part est quasi stable : 42 % avant, et 41 % après. Par contre, les départements et les régions voient leur autonomie fiscale se réduire de façon importante : 33 % et 31 % avant, mais seulement 11 % après (l’Etat décidera donc de 89 % des ressources de ces collectivités !)

L’Etat reprend donc du pouvoir sur les ressources des collectivités locales.

La fiscalité mixte fait son apparition dans les regroupements de communes

Les intercommunalités ne percevaient que la taxe professionnelle et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Désormais, une part des impôts fonciers et de la taxe d’habitation leur revient.

 

La fiscalité des Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) se rapproche de la fiscalité communale.

Le lien fiscal des activités économiques avec le territoire s’amenuise

Les communes et les EPCI percevront 9,3 milliards d’€ de produit lié à la fiscalité économique après la réforme, contre 16,5 milliards d’€ de taxe professionnelle. Le résidentiel, quant à lui, passe de 23,9 milliards d’ € à 30,5 milliards d’ €. Dans le même temps, la part des familles dans la fiscalité locale s’accroît de 55,7 % à 59,4 %.

Par conséquent, les collectivités vont tenter d’attirer des entreprises du secteur marchand, ou des services à la population (riches en emplois), ainsi que des réseaux (antennes, transformateurs…), plutôt que des industries (qui, en plus, ont comparativement besoin de beaucoup d’espace, d’infrastructures et de ressources).

Les collectivités du « secteur communal » industrielles sront désavantagées, alors que celles riches en résidentiel et en secteur marchand et de services seront favorisées.

La sécurité financière des collectivités se réduit

La taxe professionnelle était assise à 80 % sur les équipements productifs, qui sont des biens fixes. Pour les départements et les régions, cette part est remplacée par une taxation de la valeur ajoutée, qui est volatile car elle dépend des résultats des entreprises. On dit qu’on remplace une ressource « de stock » par une ressource « de flux ». La différenciation des taux de cotisation locale d’activité mettra les collectivités en concurrence, favorisant les mieux armées pour sélectionner leurs entreprises (cf. paragraphe précédent).

Enfin, les communes et les EPCI pauvres seront tributaires du fonds de compensation. Celui-ci se bornera par ailleurs à laisser les choses en l’état sans aucune avancée vers une péréquation des ressources, car il ne concernera que le produit de l’ancienne taxe professionnelle. C’est ainsi qu’une commune globalement pauvre mais ayant la chance de percevoir de la TP devra rembourser tout avantage tiré de la réforme au profit d’une commune globalement beaucoup plus riche mais qui perdrait des ressources en 2011.

La réforme rend moins sûres les ressources des départements et des régions, et conserve les inégalités existantes du secteur communal.

Les gagnants seront probablement les actionnaires

Que vont faire les entreprises des 6 milliards d’€ de valeur ajoutée supplémentaire ?

On se réfèrera au tableau suivant (source INSEE, OFCE, Bureau Statistique sur la R & D) de 1981 à 2007 :

En % de la valeur ajoutée

Entreprises financières et non financières

1981 1990 1997 2007
Salaires bruts 52,4 % 46,2 % 46,8 % 48,6 %
FBCF * (taux d’investissement) 21,5 % 21,9 % 16,7 % 20,8 %
Recherche et Développement 1,1 % 1,4 % 1,4 % 1,3 %
Dividendes 2,8 % 3,8 % 5,0 % 7,0 %

*FBCF = formation brute de capital fixe

Seuls les dividendes versés augmentent régulièrement; les autres indicateurs stagnent ou baissent, quel que soit le niveau d’imposition des entreprises (le produit de la taxe professionnelle a augmenté depuis 1975, mais l’imposition sur les bénéfices a baissé).

On ne voit pas pourquoi il en irait autrement de ce cadeau fiscal.

En effet, malgré la crise, les entreprises du CAC 40 ont distribué 56 % de leurs bénéfices en 2009, au lieu de 40 % en moyenne les années précédentes (pour compenser la stagnation des cours de Bourse).

L’argument déployé par Nicolas Sarkozy (conférence de presse du 16/6/2009) est que la réforme de la TP permettra de restaurer la compétitivité des entreprises et donc de sauver des emplois.

Cet argument n’est pas recevable, car (Insee – Anna Lahrèche- Révil : l’harmonisation fiscale en Europe – 2002) :

1)    75 % des exportations françaises sont à destination des autres pays européens;

2)    la France n’est pas mal placée fiscalement par rapport à ces mêmes pays (taux d’imposition nominal de 33 %, les autres pays se placent de 32 % à 38 %, sauf l’Irlande, qui n’apparaît d’ailleurs pas dans les 20 premiers partenaires commerciaux de la France à l’export)

Il n’est pas crédible que la baisse de la fiscalité locale produise l’effet annoncé en termes de développement de l’économie : elle finira sans doute dans la poche des propriétaires du capital.

Une réforme aux conséquences incertaines

La mise en place de la nouvelle fiscalité en deux temps, d’une part, et la complexité de la détermination des taux en référence aux taux transférés, d’autre part, génèrent une incertitude sur les simulations qui ont conduit l’état à proposer dans la loi une « clause de revoyure » destinée à tirer un premier bilan de l’application de la réforme par un projet de loi déposé avant le 31 juillet 2010.

Cette clause visait à calmer les élus locaux très remontés contre la réforme dans le premier semestre 2009 : ils lui reprochent encore l’absence d’un mécanisme de péréquation (cf. supra).

Elle a été obtenue sous la pression des Sénateurs, eux-mêmes sous la pression des élections sénatoriales de 2011 où la gauche pourrait faire un bon score…

Une « clause de revoyure » complètera le dispositif existant dès l’été 2010.

Conclusion

La réforme de la fiscalité locale s’inscrit dans le sens de la politique de l’offre (on favorise la production des entreprises, on réduit l’imposition cf. courbe de Laffer – « trop d’impôt tue l’impôt ») d’inspiration libérale qui guide l’action du gouvernement actuel de la France.

Elle est également cohérente avec la réforme territoriale « Balladur » dans le sens où les communautés d’agglomérations seront incitées à absorber les communes qui les composent d’une part, et les départements seront affaiblis dans un prolongement des propositions du rapport Attali de 2008.



par Pascal Barrère
UFAL 64

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