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18 janvier 2010 1 18 /01 /janvier /2010 03:36



Agrocarburants : bienvenue dans l’enfer vert
http://goudouly.over-blog.com/article-agrocarburants-bienvenue-dans-l-enfer-vert-42949534.html

Par Nadia Djabali (13 janvier 2010)

Sur Basta !


Les agrocarburants seraient-ils la solution miracle pour limiter les émissions de CO2 et réagir à l’épuisement des ressources pétrolières ? S’ils représentent une manne financière pour de grands groupes industriels, leur efficacité énergétique est loin d’être prouvée, et leurs conséquences sociales et environnementales sont déplorables. Pourtant, en investissant des centaines de millions d’euros dans cette filière, l’Etat français continue de miser sur ce qui semble bien être une escroquerie.


La cause est entendue, il faut réduire la consommation mondiale d’énergie fossile. Pour freiner le dérèglement climatique et se préparer à la raréfaction des réserves de pétrole, l’utilisation de ressources biologiques pour produire du carburant est considérée comme l’une des solutions-miracles. La France compte y consacrer plusieurs centaines de millions d’euros dans les années qui viennent. Mais ce choix est-il vraiment judicieux ?

La canne à sucre et le maïs sont dorénavant distillés en éthanol. Palmiers à huile, colza et soja sont, eux, transformés en biodiesel. La deuxième génération d’agrocarburants proviendra de n’importe quel résidu agricole : mauvaises herbes, parties des plantes impropres à l’alimentation, arbres et même l’huile de cuisine usagée. Bienvenue dans l’ère de l’indépendance énergétique pour tous, dans un monde où communautés agricoles et pays pauvres pourront bénéficier de la manne de l’or vert ! Mais attention aux désillusions.

L’Union européenne a conçu en décembre 2008 une directive fixant le seuil d’incorporation des agrocarburants dans la production dédiée aux transports à 10% d’ici 2020 dont plus de 5% d’ici 2012. Face aux critiques très vives, l’UE a reformulé cette obligation en transformant « 10% de biocarburants » en « 10% d’énergies renouvelables » et a ouvert la porte aux autres filières (éolien, solaire, hydraulique...). Les pays de l’Union ont donc le choix de la répartition entre la consommation d’agrocarburants [1] et la production d’électricité renouvelable pour atteindre leurs objectifs.


Le développement durable, pour les riches seulement


De nombreux mouvements tels que la Confédération paysanne, Peuples solidaires, le Réseau action climat ou Oxfam, dénoncent les agrocarburants. Du Brésil à l’Indonésie en passant par le Sénégal, petits paysans et communautés locales sont expropriés et nombre de forêts rasées pour faire place aux millions d’hectares de plantations de palmiers à huile, de soja ou de jatropha. Le Brésil est, depuis trente ans, en pointe dans la production d’éthanol à base de canne à sucre. Il est aujourd’hui le deuxième producteur d’agrocarburants derrière les États-Unis.

Si la canne à sucre est beaucoup plus efficace énergétiquement que le maïs, le colza ou la betterave utilisés dans les pays du Nord, les mouvements sociaux et écologistes locaux critiquent les effets néfastes d’un modèle tourné vers l’agrobusiness. La monoculture intensive de canne à sucre dans les États côtiers (Nordeste notamment) contribue indirectement à la déforestation en repoussant vers l’Amazonie d’autres types de productions, comme les vastes plantations de soja destinées à l’alimentation animale en Europe. Ce modèle, qui favorise les gigantesques exploitations, a ainsi expulsé de leurs terres 5,3 millions de personnes entre 1985 et 1996, générant la disparition de 941 000 petites et moyennes exploitations agricoles.

Les conditions de travail dans les plantations de canne à sucre sont souvent déplorables, dans un pays où l’esclavage agricole est encore une réalité pour des dizaines de milliers de personnes. En trente ans, les objectifs de productivité exigés des ouvriers agricoles travaillant dans les plantations de canne à sucre ont été multipliés par trois avec la mécanisation (entre 12 et 15 tonnes de coupe par jour et par travailleur). Si l’objectif n’est pas réalisé, le travailleur est renvoyé. Ce n’est pas demain que petits paysans et ouvriers agricoles bénéficieront du « développement durable » promis par l’avènement des agrocarburants.


L’or vert des multinationales


Au contraire des compagnies pétrolières, de l’industrie agroalimentaire, des entreprises de biotechnologie et des sociétés financières qui se frottent les mains. Les multinationales états-uniennes Cargill ou ADM [2] (négociants en grains et en produits alimentaires de base) contrôlent la production de matières premières agricoles sur de nombreux continents. Les entreprises de biotechnologie tels que Monsanto ou Syngeta investissent pour produire des plantes et des arbres répondant aux exigences des fabricants d’agrocarburants. « La révolution des agrocarburants accompagne les OGM. Cargill s’est par exemple associé avec Monsanto pour produire une nouvelle variété de maïs génétiquement modifié destiné à la fois aux agrocarburants et à l’alimentation animale, explique l’ONG Grain. Les nouveaux milliardaires et autres investisseurs, ainsi que les contribuables du monde entier, qui y participent par les subventions que leurs gouvernements distribuent au secteur, injectent des sommes énormes d’argent frais dans ces réseaux d’entreprises. Le résultat : une gigantesque expansion de l’agriculture industrielle mondiale et un contrôle renforcé des firmes. »

Au Guatemala, où la production d’agrocarburants est massive, les plantations sont aux mains de grands propriétaires et de multinationales qui entrent directement en concurrence avec l’agriculture vivrière locale. Les paysans sont expulsés parfois très violemment et les cours d’eau détournés. Au Nord-Ouest de la Colombie où la guerre de l’huile de palme fait rage, les petits paysans vivent depuis une dizaine d’année sous le régime de la terreur. Les populations sont évacuées de force de leur terre ou assassinées par les paramilitaires pour que des firmes y fassent pousser des monocultures d’huile de palme, converties ensuite en agrocarburants. Le gouvernement colombien ferme les yeux sur ces exactions et soutient une révision de la loi légalisant les expulsions. Au Brésil, le Mouvement des sans terre (MST) dénonce un « processus de recolonisation » des terres par des multinationales.

« Tout ceci n’est rien moins que la réintroduction de l’économie coloniale de la plantation redéfinie pour fonctionner selon les règles du monde moderne, néolibéral et globalisé » assène l’ONG Grain. Sans oublier l’efficacité très contestable de plusieurs types d’agrocarburants : en Asie du Sud-Est, la production d’une tonne de biodiesel tiré du palmier à huile dans les tourbières produit 2 à 8 fois plus de CO2 que la seule combustion de diesel de pétrole. Quant au Brésil, 80% des émissions de gaz à effet de serre du pays proviennent de la déforestation, conséquence indirecte de l’extension de la canne à sucre pour augmenter la production d’éthanol.


Une niche fiscale d’un milliard d’euros


Ce bilan lamentable semble pourtant rester lettre morte auprès du gouvernement français et de plusieurs collectivités territoriales comme la région Picardie. En France, les agrocarburants bénéficient depuis 1992 d’une exonération partielle de la taxe intérieure de consommation (TIC, ancienne TIPP). Pour l’année 2008, les montants de défiscalisation représentent un coût pour les finances publiques estimé à 939 millions d’euros. Celui-ci pourrait atteindre 1,1 milliard d’euros cette année. Mais cela ne suffit pas pour cette filière de plus en plus gourmande. Début octobre 2009, on apprend que l’État français s’apprête à lancer l’expérimentation à grande échelle des agrocarburants de deuxième génération, avant même d’avoir tiré le bilan de la première. Le conseil d’administration de l’Ademe (Agence pour le développement et la maîtrise de l’énergie) valide un plan de développement des agrocarburants de deuxième génération baptisé « BioTfuel » (prononcez « beautiful »), d’un montant de 112 millions d’euros. L’Ademe apportera une aide de 30 millions d’euros et la région Picardie, 3,2 millions.

Le projet expérimental est porté par un consortium comprenant le pétrolier Total, l’Institut français du pétrole (IFP), le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), Sofiproteol (Établissement financier de la filière des huiles et protéines végétales) et le groupe allemand Uhde (industrie chimique et nucléaire). Le consortium prévoit la construction de deux sites industriels, dont un à Compiègne, l’autre sur un site de Total. La compagnie pétrolière - qui a dégagé 13,9 milliards d’euros de bénéfices en 2008 – recevra à ce titre 7,2 millions d’euros des contribuables pour financer ce programme de recherche.


Quand l’énergie atomique est rebaptisée énergie alternative


En octobre 2009, l’Ademe a mis en ligne la synthèse d’un rapport très attendu sur les agrocarburants. Quelques jours plus tard, elle la retirait en toute discrétion. Le rapport complet montrait que l’efficacité énergétique de plusieurs agrocarburants (comme celui issu du blé) est très médiocre, et que certaines filières, comme celle du colza, produit davantage de gaz à effet de serre que le diesel fabriqué par une raffinerie pétrolière ! « La lecture complète de l’étude conduit à des conclusions opposées à celles de cette synthèse qui présente les agrocarburants sous un jour très favorable, dénonce Jean-Denis Crola, d’Oxfam France. En choisissant ce format, le gouvernement fait passer un message clair : la politique de soutien aux agrocarburants ne changera pas et restera la seule action mise en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports. »

Plus inquiétant encore, le 14 décembre 2009, Nicolas Sarkozy a dévoilé la répartition des 35 milliards d’euros du grand emprunt, dont 22 milliards seront levés en 2010 sur les marchés financiers. Parmi eux, 5 milliards seront consacrés au développement durable. « L’essentiel de l’effort portera sur les énergies renouvelables puisque nous allons affecter 2,5 milliards d’euros à l’Ademe qui sélectionnera ensuite les meilleurs projets présentés par les laboratoires dédiés aux énergies renouvelables, à l’Institut français du pétrole, au CNRS, dans les universités ou au CEA, expliquait Nicolas Sarkozy devant un parterre de journalistes. Le CEA a un savoir-faire technologique inégalé dans le nucléaire mais nous permet aussi, ce qui se sait moins, de figurer aux premiers rangs de la recherche mondiale dans le domaine solaire, dans les biocarburants ou le stockage de l’énergie. » Décision a été prise de rebaptiser le CEA. Il s’appellera dorénavant le Commissariat à l’Énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA²). Ça promet.

Nadia Djabali

Notes

[1] Le terme « biocarburants » peut induire qu’il s’agirait de carburants « bio » et crée une confusion avec l’agriculture biologique. Or les cultures destinées à produire du carburant n’ont rien de « bio » : emploi de pesticides, irrigation incontrôlée, déforestation… Nous employons donc le terme agrocarburants (carburants issus de l’agriculture)

[2] Archer-Daniels-Midland Company

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17 janvier 2010 7 17 /01 /janvier /2010 03:55

Altermondialisme

http://goudouly.over-blog.com/article-les-verts-fossoyeurs-de-l-altermondialisme-42903484.html

Les Verts fossoyeurs de l’altermondialisme

sur Politicoblogue
et par Denis Blondin


Malgré l’expansion marquée de la conscience environnementaliste, rien ne semble se pointer à l’horizon pour modifier la trajectoire de notre système de production capitaliste. C’est pourtant lui le véritable moteur du désastre écologique. Ce système reste fondé sur un principe de croissance économique illimitée et, loin de se remettre en question, il maintient son cap insensé chez nous en même temps qu’il fleurit à une allure accélérée en Chine, en Inde ou au Brésil. Même la dernière crise financière, pourtant sévère, ne l’a pas modifié d’un iota.

Il peut sembler injuste de vouloir rendre notre nouvelle ferveur environnementaliste responsable de cette inertie mais c’est pourtant sa part de responsabilité que je voudrais cerner ici. C’est parce qu’elle constitue un rouage essentiel de notre conscience collective et qu’elle pourrait jouer un rôle différent.


Mon constat, c’est que la vague écologiste a étouffé la vague altermondialiste. Elle a déplacé sur un plan strictement matériel une réflexion qui portait au départ sur la société. Nos yeux sont maintenant braqués sur des cirques ternes comme celui de Copenhague pendant que les forums sociaux mondiaux se font de plus en plus timides, égarés et sans conséquences. Ce joli coup de barre a requis la collaboration de tous, aussi bien des grands manitous que des petits militants plus ou moins verts que nous sommes presque tous devenus.


Verts militants et grands récupérateurs


À la base, il y a les citoyens de bonne volonté, qui votent de plus en plus vert. Mais les Partis Verts n’ont qu’un seul et unique programme : c’est la verdure. Comme les questions sociales, économiques et politiques sont trop compliquées, ils évitent de s’en mêler pour ne pas perdre de votes. Le pire, c’est qu’ils ont l’impression d’être bien partis, sous prétexte qu’ils recueillent un pourcentage croissant de votes parmi les mécontents des vieux partis. En fait, ils réussissent surtout à freiner l’essor des véritables partis alternatifs.


L’éveil d’une conscience environnementaliste ne semble susciter que des ajustements mineurs dans le choix des gadgets à consommer. Ceux qui en ont les moyens se pavanent avec des autos hybrides, les autres se contentent des petits gestes du recyclage quotidien. Le problème des petits gestes, ce n’est pas tellement qu’ils risquent de prendre la place des grands, c’est qu’ils peuvent déplacer notre champ de conscience vers la mauvaise cible. La foi a besoin d’être alimentée par des rituels mais les rituels peuvent aussi devenir des soporifiques aussi efficaces que le chapelet ou l’aumône: ils créent de la bonne conscience à peu de frais et confortent le système social dominant sans le contester. Je préfère encore la mauvaise conscience.


Les citoyens de bonne volonté ne sont pas les seuls à vouloir préserver notre culture matérialiste si enivrante. Ils emboîtent le pas aux grands manitous de la nouvelle économie verte, ceux qui font fortune en convainquant les gouverne­ments de subventionner la destruction des vieux chars pour pouvoir en vendre plus vite des nouveaux. Ces écologistes-là sont les chouchous des gouvernements, du moins ceux qui ne vivent pas du sable bitumineux.


La progression des idéaux verts se nourrit de leur récupération comme instruments de marketing. Le vert est rapidement devenu un simple logo facilitant la vente ou le vote, tout comme le  bio ou l’équitable, si bien que le consommateur finit par oublier la différence entre les trois pour ne retenir que le signe « plus » : ce sont de bons produits.

 

Pendant ce temps, nous laissons les riches dormir en paix. Ils ne sont pas les seuls responsables mais leur position aux commandes des institutions leur confère une plus grande responsabilité. Il reste qu’acheter pour $49 des lecteurs DVD qu’on jettera au bout d’un an est aussi scandaleux qu’empocher des primes faramineuses pour s’acheter des jets privés, et cela en vertu de l’empreinte sociale, pas seulement de l’empreinte écologique. Ce qui importe, c’est de cibler le système même qui est en cause : celui qui définit le bonheur comme un niveau de consommation et l’être humain comme une créature animée de besoins illimités et vouée à l’irresponsabilité puisque tout finit avec sa mort individuelle et matérielle.


Les vrais enjeux


Faut-il sauver la planète ou les humains ? Comme ce sont des humains qui choisissent, la réponse semble évidente. Mais quels humains ? Il peut très bien arriver que le choix soit fait par les riches seulement et vise seulement leur propre préservation, comme d’habitude. Ce qui est nouveau dans l’histoire, c’est que cette option n’est plus envisageable parce qu’on ne peut plus construire des murs ou des frontières pour séparer l’air ou l’eau des pauvres de ceux des riches, même si ces derniers préfèrent l’ignorer. Il faut à tout prix les – c’est-à-dire nous – forcer à regarder cette réalité en face.


Personne ne peut fournir les plans détaillés de la nécessaire révolution. Seuls des grands objectifs peuvent être définis. On peut les ramener à deux cibles essentielles : la transformation des institutions politiques, économiques et sociales, et l’émergence d’une nouvelle culture. C’est précisément ce à quoi s’était attaqué spontanément le mouvement altermondialiste au moment où il a émergé, au tournant du millénaire. On pourrait penser que ce mouvement, après que les médias aient réussi à le rendre synonyme de cagoulards casse-pieds, s’est simplement essoufflé mais en réalité, il a plutôt été dévié. Les idéaux qui l’ont inspiré n’ont pas disparu, ils ont simplement été noyés dans un discours écologiste plus tapageur et plus subventionné.


Au-delà de la boulimie de surconsommation et de la misère imposée à des continents entiers, il y a une culture, il y a une société avec son système économique et ses institutions. Ce sont des constructions humaines et il est donc possible de les changer car rien de tout cela n’est irrémédiablement inscrit dans notre nature humaine. Cette nature a, pendant très longtemps, produit des économies durables et des cultures axées sur l’être humain, où la liberté signifiait l’absence de contraintes plutôt que la multiplicité des choix entre nos 78 modèles de 4X4, où l’on pouvait chercher à être une richesse plutôt qu’à être riche. Puis est arrivé le « développement », qui a fini par inverser les priorités et définir la consommation des biens matériels comme une fin en soi. Nous ne pouvons pas revenir en arrière mais nous pouvons saisir l’occasion que nous donne la conscience écologique pour remettre notre société mondialisée sur une trajectoire historique plus prometteuse.


Denis Blondin

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16 janvier 2010 6 16 /01 /janvier /2010 03:16

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L’empressement des patrons français à liquider leurs stock-options est-il annonciateur de l’imminence d’un crash boursier ?

Troublante liquidation des stock-options chez les grands patrons français
http://goudouly.over-blog.com/article-troublante-liquidation-des-stock-options-chez-les-grands-patrons-fran-ais-42902935.html

Article rédigé le 07 jan 2010, par Agata Kovacs


Agata Kovacs, pour Mecanopolis



Un article de la dernière livraison de l’hebdomadaire Le Canard enchaîné relève une situation pour le moins troublante. En pleine euphorie boursière, alors que l’année se termine sur une hausse de 22% du CAC 40 et qu’une nouvelle progression de 10 à 15 % est prévue par une majorité des analystes en 2010, la plupart des grands patrons se sont empressé de lever leurs stock-options afin de les revendre. Plusieurs fonds d’investissement, qui ont observé ces mouvements, ont fait de même. Ces manœuvres pourraient bien indiquer que nous sommes à l’aube d’un nouveau crash boursier.

 

 

Il s’agit en effet d’un indicateur qui vaut bien les avis d’experts et les plus savantes analyses économiques. Les patrons des société cotées en bourse sont obligés de déclarer à l’Autorité des marchés financiers (AMF) et aux instances dirigeantes de leurs sociétés les achats ou ventes d’actions auxquelles ils ont procédé.

Ainsi, Jean René Fourtou, administrateur de Sanofi-Adventis, et par ailleurs président de Vivendi a, le 11 décembre dernier, acheté 234′782 actions auxquelles lui donnent le droit ses stock-options, et les revend dans la même journée avec un faible bénéfice.

Le président du groupe Danone (et patron le mieux payé de France selon le palmarès du magazine « Challenge ») lève 329′310 stock-options le 14 décembre qu’il revend lui aussi le même jour.

Les dirigeants de la BNP semblaient pressé eux-aussi. Michel Pébéreau, président de la banque, lève 79′000 stock-options le 15 décembre. Il s’empresse d’en revendre 62′000 cinq jours plus tard. Son bras droit, Baudoin Prot revend 80% de ses 47′300 stock-options quatre jours après les avoir touché.

Chez Thales, un membre du comité exécutif a revendu, dans la journée, les 10′500 titres qu’il venait d’acquérir.

Chez Christian Dior (groupe Arnault-LVMH), le directeur général et un administrateur ont, eux aussi, cédé plus de 80% des actions achetées quelques jours plus tôt.

Idem chez Bouygues, où deux administrateurs ont liquidé illico 90% de leurs options. Ou encore chez Total, dont un membre du « comité exécutif » s’est défait, en cinq jours,  de la totalité des 40′000 actions qu’il venait de se voir attribuer.

Tout cela dans un ensemble inquiétant, durant la deuxième quinzaine de décembre. Est ce que cette précipitation est annonciatrice de l’imminence d’un nouveau crash boursier ? Il n’est vraiment pas impossible que les analystes optimistes qui, comme l’indique le Canard « sont aussi bien payé quand ils se trompent », soient une fois de plus dans l’erreur, et que les patrons d’entreprises aient déjà senti le vent tourner.

Agata Kovacs, pour Mecanopolis

Avec les informations du Canard enchainé du 6 janvier 2010
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15 janvier 2010 5 15 /01 /janvier /2010 03:52

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On le savait, mais... !

http://goudouly.over-blog.com/article-on-le-savait-mais--42775873.html

 

Je regarde avec attention « un truc » dans la presse et à la radio depuis maintenant six mois.

Cela semble anodin et sans importance, mais je ne sais pourquoi, je le suis quasi au quotidien.

Là je sens que vous voulez savoir de quoi il s’agit !

Bon, allez je ne résiste pas plus : la nomination de Philippe Val à France Inter.

Le protégé de Carlitta . Carlitta la femme de l’actionnaire.

Arrêtons nous sur le cas Carla quelques secondes.

Celle-ci, ne fait pas honneur à notre classe (celle des femmes, allons !). Sous couvert de liberté ou d’émancipation elle se jette au cou de tout ce qui détient pouvoir.

Sauf qu’elle semble prise en ce moment dans un espace clos du fait de la représentation donnée à la fonction qu’elle s’est choisie et ne peut dans ce cas virevolter comme antérieurement. Bien que la période bling bling peut lui en donner l’occasion.

Mais peut être souhaitait elle arriver aussi haut en terme de pouvoir...oui car en terme d’aisance financière, j’aimerais toucher toute ma vie ce qu’elle gagne juste en un an, ça mettrait du beurre dans les épinards en fin de mois.

Le pouvoir n’étant jamais neutre et sans saveur, notre Carlitta nationale, a mis quelques petits protégés en place, on n’est pas là pour ne rien obtenir. Donc Philippe Val à la direction de France Inter.

Pour ceux qui ne connaissent pas Val, voici une brève description de mon crû. Journaliste il en est venu à diriger jusqu’à l’été 2009 le journal bête et méchant, Charlie Hebdo. Sous sa plume ce journal satirique à irrémédiablement basculait du côté obscur de la force. Il s’est illustré avec un faux débat sur la question du référendum sur l’Europe en défendant à chaque éditorial la « nécessité » de voter Oui et en laissant en pages de fin s’exprimer les partisans internes au journal pour le Non. Il s’est aussi fait un honneur dans la justification de « l’intervention » militaire en Bosnie, en Irak ou en Afghanistan...

Un mec simple en définitive qui sait accompagner le pouvoir et surtout l’empire, tout en faisant croire à une attitude rebelle.

D’où sa récompense.

Arrive alors une prise de fonction à France Inter rock and roll où il assurait mordicus ne pas être au courant de sa prochaine nomination venant directement de l’Elysée.

Se posait ensuite la question de savoir ce qu’il venait faire dans cette galère.

Beaucoup ont supputé.

Jusqu’à la semaine dernière je me posais la question et écoutais les supputations de gens « éclairés ».

 Puis l’illumination est venue car notre cher directeur de conscience lâchait un : "cette radio qui coûte cher à l'actionnaire, qui n'est pourtant pas très bien traité"/ 

Là petite explication de texte, pour vous faire comprendre ce que j’ai cru comprendre.

Avec : cette radio qui coûte cher à l'actionnaire, j’ai entendu que l’actionnaire n’était rien d’autre que le président de la République. Un normal retour à l’investisseur me dis-je.

Et avec : qui n'est pourtant pas très bien traité, j’ai compris que l’investisseur se plaignait du traitement que lui inflige France Inter en particulier avec quelques humoristes chroniqueurs dont Stéphane Guillon.

Justement un de ces derniers matins, à une heure de grande écoute, j’entendais le fameux Guillon annoncer la compétition qui s’est mise en place entre la rédaction, lui et Val, avec pour toile de fond le président de la République.

Une chronique que je juge au vitriol, ne laissant aucun doute sur les intentions des uns et des autres, ouvre une brèche dans la manière dont peut être traité l’actualité politique et ses conséquences.

Nommer les faits réels, les petits arrangements en coulisse, les intentions, prophétiser les situations à venir et n’en avoir cure donne une liberté que d’aucun aimerait retrouver sur tous les plateaux de radio et de télévision...

...mais faire ce constat là, lorsqu’une personne sort la tête du rang, montre l’asservissement de nos chaînes radio télévisuelles au pouvoir d’une manière quotidienne.

On peut imaginer la suite du scénario avec l’éviction tranquille d’un chroniqueur trop impertinent vers un horaire plus discret, en milieu de nuit par exemple, ou son éviction pure et simple, pour indiquer la « direction à prendre » à l’ensemble du personnel et des auditeurs dans et hors la maison de radio France.

Ne vous leurrez pas ce sont des pratiques courantes que l’on peut retrouver dans tous les secteurs d’activités, même dans l’associatif, et vous remarquerez le grand silence qu’il s’en suit.

Comme si le pouvoir avait encore une fois mis un coup sur la tête à la Liberté.

Je vous le disais en exergue, je suis cette affaire sans trop savoir pourquoi....je vais donc poursuivre, je pense jusqu’à cet été, heure du dénouement, au moment du changement de grilles de programmes.

A moins que tout ceci ne serve qu’à faire de l’audience.

La compétition est si rude !

Nous devrions nous occuper de notre avenir.

Aurore

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14 janvier 2010 4 14 /01 /janvier /2010 03:07

http://goudouly.over-blog.com/article-toulouse-bruxelles-l-axe-du-mal-de-veolia-42527735.html
Toulouse-Bruxelles : l’axe du mal de Veolia
par Marc Laimé
Sur Les blogs du Diplo


Veolia, multinationale française leader mondial des services à l’environnement, a construit à Bruxelles à l’orée des années 2000 une gigantesque station d’épuration (STEP), qui épure les eaux usées d’un million d’habitants de la capitale belge. Depuis le début du mois de décembre 2009, cette STEP est au centre d’une véritable affaire d’Etat qui enflamme la Belgique. Aquiris, la filiale belge de Veolia qui gère cette station, en a unilatéralement suspendu le fonctionnement une dizaine de jours durant début décembre, avant de se voir enjoindre par la justice de la remettre en route, compte tenu des pollutions gravissimes entraînées par le rejet dans trois fleuves flamands des eaux usées non traitées de l’agglomération bruxelloise. L’affaire est sans précédent, folle, baroque, incompréhensible. La filiale belge de Veolia, Aquiris, soutient que les eaux usées charriées jusqu’à la STEP par le réseau public d’égouts bruxellois y acheminent des tonnes de sables et de gravats qui ne permettent pas à la station de fonctionner correctement. Les médias belges relatent qu’Aquiris serait à vendre depuis six mois. Le nouveau directeur de Veolia Eau a rencontré toutes affaires cessantes, l’avant-veille de Noël, les autorités belges. Veolia vient de mobiliser la plus grande entreprise américaine de relations publiques spécialisée dans la gestion de crise, afin de « gérer » cette affaire. Celle-ci pourrait trouver son origine dans une véritable catastrophe industrielle, qui pourrait demain avoir des échos jusqu’à Milan et Varsovie. Cette terrifiante histoire a en fait débuté dans la banlieue toulousaine à l’orée des années 1990. La Générale des eaux, aujourd’hui Veolia, a cru y découvrir le Graal, une nouvelle technologie de traitement des boues d’épuration : l’oxydation par voie humide. La généalogie de cette « innovation » industrielle constitue un acte d’accusation sans précédent contre les multinationales françaises de l’eau qui prétendent promouvoir sa marchandisation sur toute la planète, en excipant de leur supériorité technologique. L’enquête ci-après nous a occupés plusieurs années. Nous la dédions à nos amis d’Outre-Quiévrain, aujourd’hui victimes de la folle mégalomanie de Veolia.



Plusieurs années avant la tragique explosion de l’usine AZF, Toulouse commençait à vivre un autre feuilleton catastrophe, qui est loin d’être arrivé à son terme : celui de l’agrandissement de la station d’épuration des eaux usées de la ville et de son agglomération. Initié au début des années 1990, le projet « Ginestous 2000 » a très vite tourné au cauchemar. Pour les Toulousains, mais aussi pour la municipalité et la Générale des Eaux, filiale de Veolia qui réalise dans l’agglomération un chiffre d’affaires annuel de près de 100 millions d’euros. Au terme d’un invraisemblable feuilleton qui aura vu les autorités concernées multiplier les impairs en s’affranchissant trop souvent des contraintes légales, des centaines de milliers de Toulousains s’apprêtent désormais à vivre aux côtés de deux incinérateurs géants qui vont être édifiés à trois kilomètres à vol d’oiseau de la place du Capitole, cœur emblématique de la Ville rose. Après les stocks d’ammonium, la dioxine ?

L’épuration à tout prix 

L’usine d’épuration de Ginestous, dont la construction débuta en 1954, fut gérée par le service municipal de l’eau de Toulouse jusqu’en 1990, date à laquelle la mairie concède pour trente ans l’exploitation et la gestion des services de production et d’assainissement de l’eau à la Générale. C’est donc il y a près d’un demi-siècle que l’Omnium de traitements et de valorisation (OTV), filiale de la Générale, commença à édifier la station. Les travaux se poursuivront par tranches successives jusqu’en 1989. D’une capacité actuelle de 550 000 « équivalent-habitant » (EqH), l’unité conventionnelle de mesure de la pollution des eaux usées [1], l’usine rejette ensuite les eaux traitées dans la Garonne.

Au début des années 1990, la Générale gère non seulement les eaux usées, et donc les boues d’épuration, de la ville, mais aussi celles de sept autres communes de l’agglomération, déjà raccordées au réseau souterrain des égouts toulousains – communes qui n’avaient d’ailleurs pas eu à signer de contrat avec l’entreprise pour profiter de l’aubaine. Tablant sur le traitement des eaux usées pour asseoir son pouvoir dans l’agglomération, la Générale propose dans la foulée de traiter également les boues de dix-sept autres villes des environs de Toulouse, qui seraient transportées par camion à Ginestous. Et, pour ce faire, de « rénover » la station.

Le projet s’appuie sur des constats auxquels sont confrontées toutes les collectivités depuis une décennie. L’adoption de normes d’assainissement de plus en plus strictes, impulsée par des directives communautaires, incite à prévoir l’augmentation de capacité de la station, de 550 000 à 700 000 EqH. L’élaboration du SDAGE Adour-Garonne [2] implique que des efforts particuliers soient réalisés en Zones d’action prioritaire, les zones voisines de l’agglomération toulousaine déjà fortement polluées par les nitrates d’origine agricole. Il va donc falloir améliorer les performances épuratoires pour traiter les matières azotées présentes dans les eaux usées. La station d’origine ne permettant pas cette « dénitrification », il faut prévoir des investissements complémentaires pour assurer ce traitement. Enfin, quoiqu’à l’époque les risques d’eutrophisation [3] de la Garonne en aval de Toulouse n’aient pas été clairement identifiés, on prévoit déjà de doter la station pour un traitement ultérieur du phosphore. A ce stade, l’addition se chiffre déjà à 54 millions d’euros (augmentation de capacité, nitrification, traitement du phosphore).

Le maire de Toulouse n’hésitera pas à prédire, en novembre 1999 dans le mensuel diffusé par la municipalité, Capitole-Infos, que cette station sera, à terme, « la plus grande de France, voire d’Europe ». Dominique Baudis et la Générale avaient vu grand. Au terme d’un invraisemblable feuilleton, Ginestous 2000 aboutit en fait aujourd’hui à concentrer, à 3 kilomètres du centre-ville, une gigantesque zone de traitements de déchets multiples, avec notamment le projet, depuis 2001, d’y construire deux incinérateurs qui pourraient traiter l’ensemble des boues d’épuration de la Haute-Garonne.

Dès 1995, des travaux d’infrastructure préfigurent le grand chantier à venir. Une digue est édifiée sur la plaine de Ginestous afin de la rendre non-inondable. Une voie d’accès rapide à la zone de la station, le « Fil d’Ariane », est construite. Les associations d’usagers qui combattront à partir de 1997 les projets pharaoniques de Dominique Baudis et de la Générale sourient aujourd’hui de leur naïveté : elles s’étaient déchirées des mois durant dans un conflit à la Clochemerle, qui portait sur les sorties de cette rocade en direction du quartier des Sept Deniers, où est implantée l’usine d’épuration. Fallait-il opter pour des sorties en « demi-boucle » ou des sorties en « trompette » ? Les « demi-boucles » l’emporteront finalement sur les « trompettes ». Au plus grand profit des norias de poids lourds qui transportent les boues d’épuration des communes voisines, auxquels les « demi-boucles » facilitent l’accès à Ginestous, en sortie de la voie rapide...

La roche tarpéienne est proche du Capitole... 

C’est l’ex-OTV (aujourd’hui Veolia Water Systems), qui a construit le site à partir de 1954, qui est retenue en 1997 pour mener à bien « l’extension et la mise aux normes » de la station. Elle a été préférée à une filiale de la Lyonnaise des Eaux, éternel challenger de Veolia, et à une troisième entreprise qui n’avait aucune chance face aux deux géants. Le coût de l’offre de Veolia pour construire la quatrième tranche de la station, baptisée « Ginestous 4 », 160 MF hors taxes, était il est vrai inférieur de 11 MF à la proposition de la Lyonnaise.

L’ensemble des travaux sont alors estimés à 273 MF. La commission d’appel d’offres présidée par feu Jean Diebold, adjoint au maire de Toulouse en charge des eaux et de l’assainissement et vice-président de la Communauté d’agglomération, souligne toutefois à l’époque que cette enveloppe globale n’intègre pas les différentes options et variantes qui restent à « optimiser »... Sage précaution. Depuis lors, la facture a plus que doublé. Il a fallu adjoindre successivement à l’épure initiale un « sécheur » de boue, une aire de compostage et finalement deux incinérateurs. Sans compter une future unité de « dénitrification » qui va devenir indispensable pour pouvoir continuer à distribuer de l’eau potable aux Toulousains. Un comble, puisque ce traitement destiné à éliminer les nitrates d’origine agricole qui polluent les nappes phréatiques, très profitable à la Générale, va devenir indispensable à terme, en raison même des solutions techniques d’élimination des boues d’épuration privilégiées par la ville et la Générale. Qui vont, même si elles s’en défendent, transformer peu ou prou Ginestous en « usine à polluer ». Un parfait cercle vicieux.

Du coup, l’addition va grimper en moins de cinq ans à 555 MF. Le tout dans un contexte administratif et juridique calamiteux. Les travaux seront « découpés » en tranches successives qui n’en facilitent évidemment pas la lisibilité. Certains seront même engagés sans avoir obtenu les autorisations nécessaires. Les conclusions d’une première enquête d’utilité publique seront vertement retoquées par les différentes autorités de tutelle concernées. Les riverains engagent une véritable guérilla avec la mairie et la Générale. En fait, l’affaire dérape irrésistiblement, dans un contexte qui ne facilite pas, il est vrai, la tâche des collectivités et des entreprises spécialisées dans l’épuration, aujourd’hui débordées par le flot des boues d’épuration dont elles ne savent plus comment se débarrasser.

Boues d’épuration : la marée grise 

Alors que chaque personne rejette en moyenne 200 litres d’eau usées par jour, les stations d’épuration françaises n’éliminaient en 2002 qu’environ 50% de la pollution brute des eaux usées en matières organiques. Rien d’étonnant. En 1999, seules 17 000 communes étaient reliées à une station. Elles concernaient 53,4 millions d’habitants, soit 89% de la population. Le nombre de ces stations est bien passé de 1 500 à 15 000 entre 1970 et 1990, mais c’est encore insuffisant. Car le taux d’élimination de la pollution brute devait atteindre 65% en 2005 pour répondre aux normes européennes. A cette date, toutes les communes de plus de 2 000 habitants devaient être raccordées. Mais ce développement rapide de l’assainissement pose des problèmes qui sont loin d’être résolus.

Ces stations produisent notamment chaque année plus d’un million de tonnes de boues, dont un peu plus de 50% étaient jusqu’ici valorisées comme fertilisant agricole par voie d’épandage. Le reste étant soit incinéré (15 à 20%), soit mis en décharge (30%). Or, l’instauration de normes européennes plus restrictives, comme les réticences croissantes des secteurs de l’agroalimentaire et de la grande distribution à accepter des produits fertilisés par les boues d’épandage, sont en passe de transformer le problème des boues d’épuration en une nouvelle bombe écologique à retardement. Depuis quelques années, les collectivités ne savent en fait plus à quel saint se vouer pour les éliminer. Du coup, les impairs se multiplient.

L’évolution des modalités de traitement des eaux usées a en fait peu à peu abouti à une impasse. Les densités de population et les activités humaines ont rendu nécessaire un traitement centralisé des pollutions. Les collectivités ont donc lourdement investi, et continuent d’investir, dans des réseaux de collecte et des usines de traitement qui permettant de concentrer la pollution en un point et de la traiter plus efficacement. Revers de la médaille : on se retrouve avec des résidus, les boues d’épuration, qui concentrent tous les polluants qu’on a coûteusement réussi à séparer d’une eau qu’on va ensuite rendre, partiellement dépolluée, aux rivières.

Mais comment se débarrasser des boues ? Il n’a plus été possible de les mettre en décharge à partir de 2005, en application d’une Directive européenne. Pour ce qui est de l’épandage, les agriculteurs rejettent de plus en plus massivement ce mode de fertilisation, pressés par la grande distribution, elle-même en butte à la défiance des consommateurs depuis la succession de graves crises alimentaires des années 1990... Reste l’incinération, qui pose d’autres problèmes. Les boues sont très humides, et leur combustion dégage des pollutions supplémentaires, découlant de la combustion des métaux lourds qu’elles contiennent...

Impasse donc, car en continuant à rejeter les boues dans le milieu naturel, on réinjecte la pollution là où on ne souhaiterait pas la voir surgir, et notamment dans les terres agricoles et les eaux de ruissellement. Or les modalités industrielles de la production de boues ne sont pas celles de l’agroalimentaire. Le producteur ne choisit pas ses ingrédients, mais traite ce qu’on lui fournit. Et les analyses du produit final (chargé en métaux lourds, en micro-polluants et en germes pathogènes) ne s’effectuent qu’a posteriori. Du coup, l’effet indirect sur la chaîne alimentaire est possible, et son impact est encore loin d’être bien évalué.

La chaîne de dépollution des eaux usées est encore incomplète. Les collectivités et les opérateurs le savent. D’autres méthodes de traitement des boues sont d’ailleurs expérimentées. Mais leur application à grande échelle entraîneraît un surcoût sensible des factures d’assainissement acquittées par les usagers. Les élus s’inquiètent, temporisent... Coupable attentisme.

Fuite en avant 

Les grands travaux toulousains illustreront jusqu’à la caricature la fuite en avant qui caractérise la gestion des ressources en eau en France ; des eaux de plus en plus polluées par les nitrates et les pesticides, sous-produits d’un modèle agricole productiviste. Si les habitants concernés par « Ginestous 2000 » ne nient pas le besoin d’amendement des sols, ils subodorent vite que c’est plutôt le producteur de boues (la Générale qui exploite la station pour la mairie de Toulouse) qui cherche à se débarrasser d’un stock de déchets encombrants en lui donnant « l’apparence d’un produit capable de se substituer aux coûteux engrais utilisés par les exploitants agricoles »...

Alors que la station de Ginestous produisait 6 000 tonnes de boues par an en 1979, vingt ans plus tard, on aurait déjà atteint, officiellement du moins, les 13 500 tonnes, dont 30% (7 500 tonnes) étaient compostées, et 50% à 55% (6 000 tonnes) séchées afin d’être transformées en granulés destinés, comme le compost, à la fertilisation des terres agricoles. A l’horizon 2013, la Générale prévoit que Ginestous devrait en produire 20 000 tonnes par an... Chiffre contesté par les associations d’opposants au projet d’« extension » de la station. Se basant sur les statistiques officielles disponibles, qui évaluent la quantité annuelle de boues produites à 20% de matières sèches par habitant à 95 kilos, elles l’ont multipliée par l’estimation, avancée par la Générale, de quelque 800 000 EqH de pollution produite en 2013 à Toulouse. Ce qui ne donne qu’une estimation de 15 500 tonnes de « matières sèches », produites à partir des boues d’épuration des 800 000 EqH présumés de Toulouse en 2013. Et non de 20 000...

Un feuilleton catastrophe 

La Générale va accumuler une impressionnante succession de déboires dès le début des années 1990. Dès la signature du contrat de concession, la technologie de la méthanisation est abandonnée. Jusque-là, trois unités produisaient du biogaz par méthanisation des boues. Une technologie « propre ». Mais guère rentable... On conserve toutefois une partie des ouvrages existants afin d’assurer la « flottation », c’est-à-dire l’épaississement des boues. Du coup, ces fameuses boues ont une forte teneur en éléments fermentiscibles. Elles fermentent donc allègrement, et empestent d’autant. Comment s’en débarrasser ? A priori par voie d’épandage agricole, comme cela a toujours été le cas.

C’est là que l’affaire commence à déraper. A l’époque, la législation n’encadre pas vraiment l’épandage des boues. Faute de plan d’épandage autorisé et d’équipements de séchage (pour la fabrication de granulés dont l’épandage ne provoque pas de nuisances olfactives), ou de compostage en état de marche, la Générale se livre à des épandages « sauvages » de boues pâteuses, qui vont donner une image déplorable de cette pratique. Du coup, les collectivités de la périphérie de Toulouse qui accueillaient ces boues commencent à les refuser. Y compris celles dont les eaux usées étaient traitées à Ginestous. Syndrome « Nimby » : « Not in my backyard »...

On songe alors à trouver d’autres débouchés que les terrains agricoles traditionnels. Mais la Générale devra abandonner dès 1997 un projet sur lequel elle avait beaucoup misé, le programme « Collembole », qui prévoyait d’expédier nos encombrantes boues d’épuration, chargées en métaux lourds (arsenic, cadmium, mercure, plomb, zinc...) dans des forêts d’eucalyptus expérimentales du sud du département. Il est vrai que les « mécanos » de la Générale prendront un peu de haut les élus et les agriculteurs des zones concernées, qui ne tarderont pas à les renvoyer à leurs études.

Face à cette impasse, ils imaginent ensuite de transformer les boues pâteuses et malodorantes en granulés secs destinés à la fertilisation des terres agricoles. Et d’utiliser pour ce faire un « sécheur » de boues, d’un coût de 45 MF, dont la construction sera financée par la ville de Toulouse, l’Agence de l’Eau Adour-Garonne et la Générale. Sur le papier, tout est OK. Une fois séchées et transformées en granulés, nos boues devraient pouvoir être mieux acceptées. Qu’il s’agisse de leur stockage, de leur transport, ou des nuisances olfactives.

De surcroît, une fois séchées, les boues pourraient aussi, pourquoi pas, être « co-incinérées » dans l’unité d’incinération des ordures ménagères dont la ville s’est déjà dotée, et qui est implantée au Mirail. Au prix d’un nouvel investissement, évalué par l’Agence de l’eau Adour-Garonne à 4 millions d’euros. Là aussi, sur le papier, tout semble OK.

Hélas, à peine est-il inauguré en grande pompe le 6 juin 1997 que notre fameux « sécheur » tombe malencontreusement en panne, le lendemain même d’une conférence de presse au cours de laquelle feu Jean Diebold, l’adjoint chargé des eaux et de l’assainissement de Dominique Baudis, présentait officiellement « Ginestous 2000 » ! La mairie, pas plus que la Générale, ne se montrent très disertes sur les causes du fâcheux incident. Les sociétés CGE-OTV et Swiss-Combi se rejettent d’ailleurs mutuellement la responsabilité de l’incident, ce qui n’aide guère à y voir plus clair. Quoi qu’il en soit, la réparation du sécheur va coûter 3 MF supplémentaires. Du coup, la filière alternative de la co-incinération avec les ordures ménagères ne sera jamais mise en œuvre.

Laxisme réglementaire 

La Générale des eaux a joué de malchance à Toulouse. A peine la première enquête d’utilité publique concernant l’extension de la station d’épuration était-elle lancée qu’étaient adoptés un décret le 8 décembre 1997, puis un arrêté le 8 janvier 1998, tous deux relatifs à l’épandage des boues issues du traitement des eaux usées. Or l’article 2 du décret précisait clairement que ces boues « ont le caractère de déchets » au sens d’une loi datant de 1975. Depuis, toute « valorisation » de ces boues doit donc s’accompagner d’un grand luxe de précautions préalables. En clair, il n’est plus possible de les présenter comme d’innocents substituts aux engrais, que l’on va pouvoir épandre sur des terres agricoles.

Du coup, et cela ne va pas arranger ses affaires, la Générale va devoir abandonner son projet initial de les répandre sur des zones situées à la périphérie de Toulouse, ce qui était d’ailleurs violemment contesté par les habitants des zones concernées. Et va devoir explorer des zones moins « sensibles », jusqu’au sud du département, dans le Lauragais, pour espérer pouvoir enfin s’en débarrasser.

Mais, nouvelle impasse, il lui faut désormais établir que les boues transformées en granulés, et toujours vouées à l’épandage sur des terres agricoles, auront reçu des traitements tels qu’elles pourront être considérées comme des « boues hygiénisées », catégorie définie par le décret et l’arrêté précités. Or, toujours selon les pugnaces opposants qui contesteront le projet présenté dans le cadre de la seconde enquête d’utilité publique, après avoir obtenu l’enterrement de la première, « la prétendue absence d’odeur vantée dans la propagande de Vivendi (aujourd’hui Veolia), n’est pas un gage de qualité bactériologique ».

Il est vrai qu’on pouvait s’interroger sur la pertinence et la rigueur des « études techniques » jointes par la Générale au dossier de cette enquête, puisqu’elles avaient été réalisées, non par des laboratoires dépendant d’organismes publics, mais par des organismes privés liés à notre concessionnaire. Ainsi, un grand nombre des terres agricoles qui devaient initialement recevoir les granulés issus du séchage des boues traitées à Ginestous étaient-elles déjà classées en « zones vulnérables aux excès de nitrates », au sens de la Directive européenne du 12 décembre 1995 !

Sans compter que les affirmations de la Générale péchaient aussi sur un autre point. Le projet Ginestous 2000 prévoyait qu’outre les boues d’épuration de la ville, celles de dix-sept communes avoisinantes seraient elles aussi traitées dans la mégastation. Sauf que si la filiale de Vivendi apportait donc des « garanties » (contestées) quant à l’innocuité sanitaire des boues d’origine toulousaine, elle ne s’engageait pas à ce que soient mises en place des procédures d’analyse séparée des boues provenant des dix-sept autres stations d’épuration, qui seraient donc expédiées elles aussi à terme à Ginestous. Or nos fameuses circulaire et décret interdisent le mélange de boues provenant d’installations de traitement distinctes, sauf accord express du préfet, « qui peut autoriser leur regroupement dans des unités d’entreposage ou de traitements communs, lorsque la composition de ces déchets répond aux conditions prévues au chapitre III ». En clair, à condition que les boues provenant d’autres stations soient elles aussi soumises aux traitements et contrôles qui permettent de les faire entrer dans la catégorie des boues « hygiénisées ». Ce qui n’était donc pas le cas dans le projet déposé dans le Générale lors de la seconde enquête d’utilité publique, qui n’apportait de garanties (au demeurant sujettes à caution) sur ce point que pour les boues toulousaines...

Le dossier d’extension de Ginestous fourni par la Générale à l’appui de son projet lors des deux enquêtes d’utilité publique qu’il a suscitées constituait au total un accablant florilège des aberrations environnementales qu’entraîne désormais fréquemment la volonté obstinée d’imposer à toute force des « solutions techniques », lesquelles ne remettent jamais en cause le processus même à l’origine d’une pollution qu’on ne parvient plus à maîtriser.

Exemple ? Ces dossiers doivent comporter des représentations cartographiques au 1/25 000e du périmètre d’étude et des zones aptes à l’épandage des boues. Les cartes présentées étaient vieilles de plusieurs années, et omettaient de nombreuses constructions récentes. Certains relevés cadastraux fournis étaient en fait vieux de vingt ans, et un grand nombre de maisons individuelles construites depuis lors n’y figuraient donc pas !

Ces dossiers doivent aussi comporter « des analyses de sols réalisées sur des points représentatifs des parcelles concernées par l’épandage ». L’une des analyses fournies par la Générale datait de... 1993. Elle était donc antérieure à au moins deux épandages massifs de boues non contrôlées qui étaient intervenus dans l’intervalle. Et ne pouvaient donc valablement constituer un « état-zéro » des sols dans le cadre de l’enquête d’utilité publique ouverte.

On pourrait continuer, presque à l’infini. Et noter par exemple que les stations d’épuration autonomes des dix-sept villes concernées par le projet d’extension, puisque leurs boues seraient traitées à Ginestous dans l’avenir, ont continué dans toute la période à se débarrasser de leurs propres boues sous forme liquide sur des terres agricoles – pratique des plus contestable. Et que rien ne garantit donc que de fâcheux « recouvrements » ne viennent finalement totalement fausser des « études d’impact » déjà sujettes à caution...

Au total, et si l’on cherche « à qui profitera le crime », la réponse est vite trouvée. Les opposants au projet découvriront en effet que la Générale va aussi proposer à la mairie de Toulouse de construire dans les prochaines années, toujours sur le site de Ginestous, une unité de « dénitrification », destinée à perfectionner les traitements qui permettent de distribuer de l’eau potable aux Toulousains. Dès lors la boucle serait bouclée : après avoir contribué à créer un problème, soit la pollution croissante des ressources en eau par la mise en œuvre de techniques d’épuration des eaux usées à l’évidence inadaptées, on présentera ensuite la note à la collectivité, en dépit des critiques aussi virulentes que fondées qui auront été émises des années durant, tant par les populations concernées que par différentes autorités administratives qui ont eu à connaître du dossier.

Reste qu’au terme de quatre années d’instruction administrative du projet, le préfet de la Haute-Garonne délivrait finalement, le 25 juin 2001, un arrêté autorisant « l’extension et la mise aux normes de la station » de Ginestous. Et le Comité de bassin de l’Agence de l’eau Adour-Garonne décidait dans la foulée, en octobre 2001, un mois après l’explosion de l’usine AZF, d’engager les financements des premiers tranches de travaux des incinérateurs.

A l’évidence, le contrôle de légalité exercé par les pouvoirs publics sur ce type de projet est encore loin de se situer à la hauteur des enjeux.

Contestations 

Dès l’automne 1997, les opposants à l’extension de Ginestous commencent à se mobiliser fortement. Ils vont se battre pied à pied tout au long du déroulement des deux enquêtes d’utilité publique qui vont se succéder, après que la première se sera vue sèchement retoquée par les administrations de tutelle concernées.

Des usagers créeront par exemple dès le 3 octobre 1997 une association de défense à Saint-Lys, petite ville de la banlieue toulousaine, après qu’un projet d’épandage de boues d’épuration sur les terres agricoles de leur commune leur aura été présenté par un chargé de mission « valorisation agricole des boues » du Conseil général.

L’association « Saint-Lys Terre propre » soulignera d’emblée que la zone de Ginestous est inondable... Comme l’établit sans conteste le dossier de la première enquête d’utilité publique ouverte en 1998. « La zone d’activité nord-ouest où se situe l’usine de dépollution de Ginestous se caractérise par une faible occupation du sol qui s’explique en grande partie par l’inondabilité de la rive droite de la Garonne, et ne correspond pas aux caractéristiques d’un quartier à vocation péri-centrale (à moins de 3 kilomètres du centre ville). » La municipalité objectera que la digue qu’elle a édifiée à Ginestous en 1995 protègera l’usine de toute inondation, en prenant comme référence la crue de 1875. Mais, en près d’un siècle et demi, d’autres digues ont été construites en amont de Ginestous, et le nord de Toulouse s’est urbanisé, ce qui a fortement modifié l’hydrographie toulousaine. Et notre association aura beau jeu de rappeler que des affirmations identiques avaient été avancées quelques années plus tôt pour la centrale nucléaire du Blayais. Qui devra pourtant suspendre son activité pour cause d’inondation lors des tempêtes de l’hiver 1999...

Chiffres en folie 

Il y a plus grave. La Générale des eaux va endurer en 1998 les foudres de l’Agence de l’eau Adour-Garonne, qui subventionne en partie son activité, puis celles du Secrétariat permanent pour la prévention industrielle (SPPI), un organisme qui dépend du ministère de l’environnement. Ils suspectent la Générale d’avoir sérieusement exagéré les chiffres du traitement de la pollution de l’eau collectée à Ginestous. Traitement pour lequel l’entreprise perçoit des redevances acquittées par l’usager, qui transitent par l’Agence de l’eau, avant qu’elle ne les rétrocède pour partie à la Générale. Révélée par un hebdomadaire local, le Satiricon, l’affaire a fait scandale. On comprend vite pourquoi.

Quand les résidus contenus dans les eaux usées parviennent dans l’un des bassins de décantation de Ginestous, les matières organiques solides en suspension sont d’abord retenues par des grilles et des filtres de plus en plus fins. L’eau est ensuite traitée et nettoyée de ses impuretés bactériologiques avant d’être rejetée dans la Garonne. Au fil de traitements complexes, les boues d’épuration, soit les résidus retenus, sont transformés en matière sèche, qui est ensuite valorisée sous forme de granulés destinés à l’agriculture. Chaque habitant relié à la station, à raison de 200 litres d’eaux usées rejetées chaque jour, produit environ 20 kilos de matière sèche par an. Et ce sont ces opérations de transformation qui figurent sur la facture d’eau de l’usager, sous l’appellation de « taxe d’assainissement ». Plus le nombre d’habitants concernés augmente (les industriels sont eux aussi taxés en « équivalents-habitant » à raison de leurs rejets), et plus le volume de pollution traitée par la station doit donc croître.

Or, si l’agglomération toulousaine a régulièrement gagné dix mille habitants par an depuis le début des années 1990, et que l’on peut donc comprendre le souhait de la ville et de son concessionnaire d’accroître la capacité de dépollution de Ginestous, très étrangement, c’est en fait l’inverse qui semble s’être produit depuis 1992. Un document interne de l’Agence de l’eau du bassin Adour-Garonne, intitulé « Note sur le système d’assainissement de la Ville de Toulouse », en date du 5 octobre 1998, soulignait en effet qu’entre 1992 et 1998, « le flux journalier des déchets entrant à la station de Ginestous diminue de 27%. Et les matières en suspension de 32% ». Une décrue contredisant les constats de l’Agence de l’eau, qui ne voit diminuer « ni les pollutions industrielles raccordées, ni celle des volumes d’eaux distribuées. Ces deux paramètres s’avérant relativement stables durant cette période », ajoutaient les auteurs de la note.

Résultat, en six ans, de 1992 à 1998, la baisse constante des déchets traités correspondrait donc à la « disparition » de 160 000 EqH. Alors même que la population de la ville ne cesse d’augmenter... Intriguée – on le serait à moins –, l’Agence de l’eau saisit la CGE. Celle-ci déclare entreprendre « des contrôles sur le réseau, les dispositifs de mesure de débits et de prélèvements, les protocoles analytiques », avant de s’avouer « incapable de donner un début d’explication à cette baisse de charges et de volumes », déplorait l’auteur de la note. Et de souligner que la CGE n’invoque pour toute explication que « la réhabilitation et l’extension du réseau » : un peu court. D’autant plus, soulignait l’Agence en enfonçant le clou dans un courrier adressé ensuite à la mairie de Toulouse – légalement tenue de vérifier les activités de son concessionnaire, la Générale des eaux –, que, « sans doute embarrassée, la CGE ne nous transmet plus depuis mars 1998 un diagnostic satisfaisant et les résultats de son autosurveillance ».

L’affaire fait des remous et remonte le très complexe organigramme du dispositif administratif de la gestion de l’eau en France. Du coup, le Secrétariat permanent pour la prévention industrielle (SPPI) est saisi du dossier. Il va constater à son tour qu’en 1999, Ginestous n’aurait produit que 7 700 tonnes de matières sèches. Cela alors même que l’année précédente, en 1998, la station revendiquait une production de 14 000 tonnes... Autrement dit, la station aurait enregistré une chute brutale de son activité de 50% en une année !

Il est vrai qu’en cette même année 1999 la Générale a du reconnaître qu’elle avait laissé s’écouler dans la Garonne une partie des eaux usées domestiques qu’elle doit théoriquement épurer. Et d’invoquer pour sa défense les difficultés qu’elle rencontrerait à stocker nos encombrantes boues d’épuration, que les agriculteurs refusent de plus en plus massivement d’utiliser comme fertilisant d’épandage. Reste qu’on conçoit mal que ces difficultés puissent justifier cette considérable et brutale « chute de régime ».

L’histoire se corse quand on découvre que les statistiques établies par l’Agence de l’eau, qui analysent notamment le volume d’azote traité (NTK) – un indicateur qui devrait varier avec le volume de pollution – ne décroît pas, ce qui serait logique, mais reste constant de 1992 à 1998... « La CGE [a été] alertée sur ce phénomène dès 1997 », précisait la note de l’Agence. Il faudra en fait attendre la fin de l’année 1998 pour que l’Agence puisse prendre connaissance d’un rapport établi par un expert « indépendant », le cabinet Wolf. Quoique lénifiant – c’est la CGE qui a payé l’étude –, le rapport Wolf soulignait lui aussi ces anomalies, attribuées à des « dysfonctionnements techniques ».

Dépollution à prix d’or 

La dispute n’est pas anodine. Ce sont donc 160 000 EqH qui se seraient mystérieusement évaporés. Ou plutôt, la station n’aurait en fait traité qu’une quantité de déchets équivalant à la soustraction de ces 160 000 EqH de son activité globale, évaluée à 550 000 EqH. Et cela, chaque année de 1992 à 1998. Or, c’est cette unité de mesure qui détermine le concours financier apporté à la Générale par l’Agence de l’eau pour sa participation à la maîtrise de la pollution de la Garonne. Le concessionnaire est en effet rétribué par une prime de l’Agence, proportionnelle à la pollution éliminée. La Générale a ainsi perçu en 1996 environ 15,8 MF au titre de la dépollution, auxquels il faut ajouter 3,5 MF au titre de « l’aide au rejet minimum ». Une sorte de bonus pour dépollueur performant.

Dès 1999, l’Agence de l’eau soupçonne en fait la Générale de l’avoir abusée, et d’avoir « enjolivé » ses performances réelles. Si bien que le concessionnaire voit disparaître sa prime, versée au titre de « l’aide au rejet minimum ». Puis l’Agence refait ses comptes. Ces « recalages techniques » font tomber la facture à 8 MF. Ceci sans que l’épisode fasse l’objet d’une quelconque communication de la mairie de Toulouse, qui aurait pourtant pu se targuer d’avoir réduit la facture de l’usager.

Il est vrai que demeure la question de l’éventuel « trop perçu » si, comme tout semble l’attester, la Générale a en fait été rémunérée de 1992 à 1998 sur la base d’une prestation de dépollution surévaluée. Pour les seules années 1996, 1997 et 1998 cette « surfacturation » a été estimée par plusieurs associations d’usagers de l’eau toulousaines à un montant annuel de 7 MF. Si l’on y ajoute les « super-primes » qui auraient elles aussi, par hypothèse, été indûment engrangées durant six ans, l’addition, payée par l’usager, se chiffrerait au bas mot à 50 MF...

Mais on conçoit que tant la Générale que la mairie de Toulouse aient préféré observer un silence prudent sur ces « dysfonctionnements techniques ». Car l’Agence de l’eau ne s’est pas privée de tirer le signal d’alarme : « On peut imaginer la difficulté dans laquelle se trouveraient la ville, l’exploitant... et l’Agence elle-même s’ils devaient argumenter le projet d’extension en admettant leur incapacité à expliquer la perte en réseau de 27% de la charge initiale », s’inquiétait ainsi l’auteur du rapport précité. Avant de préciser le fond de sa pensée : « Cette perte est susceptible de remettre en question les bases du dimensionnement de la station Ginestous 2000, ou du moins l’économie générale de l’opération. » On ne saurait être plus clair. Car l’argument majeur avancé par la Générale pour justifier l’extension du site, et notamment la construction de deux nouveaux incinérateurs, repose sur ces fameux 550 000 EqH (le taux estimé de pollution de la ville de Toulouse), dont 160 000 se sont donc mystérieusement évaporés durant des années. Or, comme les volumes de pollution réels ont été revus à la baisse par l’Agence de l’eau, la capacité de traitement de la station actuelle apparaît satisfaisante.

Fortement embarrassée, la Générale invoque dès lors le spectre de 8 000 EqH supplémentaires par an, qui justifieraient pleinement l’engagement des travaux à l’horizon 2015... Sauf que, comme n’ont pas manqué d’objecter les opposants au projet, on ne constate depuis 1999 aucune progression en ce sens, puisque les volumes traités demeurent stables. Et pour ce qui concerne le traitement des boues, la station, s’étant équipée d’un sécheur à 45 MF et ayant été mise aux normes, satisfait depuis lors amplement aux besoins. L’adjonction de deux nouveaux incinérateurs apparaît bien dès lors comme un luxe superflu – quoique très rémunérateur pour la Générale.

L’été de tous les dangers 

Dans le courant de l’été 1999, des quartiers entiers du centre-ville de Toulouse, et notamment celui des Sept Deniers, le plus proche de la station d’épuration, sont empuantis par des effluves provenant de tas de boues entreposées à l’air libre sur la plaine de Ginestous. Plus de 50 000 Toulousains sont concernés. Dès la rentrée, des habitants des Sept Deniers se mobilisent et contactent le Comité de quartier qui organise une réunion. Il est décidé d’élargir la lutte à toutes les personnes et associations concernées. Une semaine plus tard, quatre-vingt riverains contactés de bouche à oreille se réunissent à nouveau et décident de constituer un collectif. Il ne s’écoulera pas quinze jours avant l’établissement d’une pétition, la diffusion de tracts dans les boites aux lettres des habitants, puis l’émission d’un premier communiqué de presse.

Le collectif découvre vite l’origine des nuisances olfactives de l’été précédent. Une défaillance du sécheur de l’usine d’incinération d’ordures ménagères du Mirail (qui aurait du être utilisé après le dysfonctionnement du sécheur construit à Ginestous, le lendemain même de son inauguration officielle) a interdit de brûler les boues au Mirail. Jusqu’à cette date, elles étaient donc transformées en compost, destiné à la fertilisation des terres agricoles. Mais nous avons vu que les collectivités et les agriculteurs qui les recevaient les refusent de plus en plus. Une solution d’urgence est alors mise en place. La SADE, filiale de la Générale qui exploite la station, décide d’entreposer ces boues à ciel ouvert, et de les recouvrir d’écorces de pin, afin d’accélérer le processus de décomposition, et de retenir les odeurs.

En fait, cette plateforme de compostage est construite en toute hâte par la SADE, sans permis de construire, sans en informer les habitants, sans respecter les normes de construction pour éviter la pollution de la nappe phréatique... Elle est située chemin de Candélie, juste en face de la Compostière de la mairie de Toulouse, à 200 mètres de la station d’épuration. Et voisine avec l’aire de concassage exploitée par une entreprise de travaux publics. Des tas de graviers de plus de six mètres la dissimulent donc fort opportunément aux regards.

Comme la couverture d’écorces de pin sous laquelle sont enfouies les boues ne suffit pas à atténuer l’odeur pestilentielle qui s’en dégage, chaque nuit les employés de la SADE les brassent hardiment pour accélérer leur transformation en compost. On va même jusqu’à installer en toute hâte des diffuseurs géants qui crachent en permanence sur la zone des jets de concentré de citronnelle ! Las, rien n’y fait. Et durant plusieurs mois de l’automne 1999, d’épouvantables exhalaisons acides, qui prennent à la gorge, infestent tous les quartiers du nord-ouest de Toulouse. Parfois, vents mauvais aidant, la pestilence gagne le centre-ville, et jusqu’à la commune de Blagnac.

Demande de moratoire 

Du coup le collectif d’opposants redouble d’activité. Surtout après la diffusion par la mairie et la Générale d’un bulletin se voulant rassurant, distribué dans les boites aux lettres des riverains. Le collectif organisera une manifestation le 13 mai 2000 sur la place du Capitole. Et interpellera vivement la municipalité : « Pourquoi concentrer sur un site unique le traitement des eaux usées de la quasi-totalité de l’agglomération toulousaine ? (...) Pourquoi les enquêtes publiques ont-elles été morcelées, contrairement aux dispositions prévues par le décret 93-145 et la circulaire Barnier du 27.09.93 ? (...) Pourquoi l’unité de compostage, installation classée, a-t-elle été construite et mise en service avant l’enquête publique et ce, sans permis de construire ? » Et de demander, au nom du principe de précaution, l’adoption d’un moratoire sur le projet. Jean Diebold, l’adjoint au maire en charge de l’eau et de l’assainissement, n’avait en effet apporté aucune réponse convaincante à ces questions lors d’une réunion publique précédemment organisée par le collectif le 22 mars 2000.

Or il apparaît clairement à cette date que l’extension de la station a pour but d’accueillir de nouveaux clients, directement connectés au réseau d’assainissement de la ville ou extérieurs, puisque sa capacité serait portée de 550 000 à 800 000 EqH. En témoignait par exemple un Avis d’appel d’offres pour le transport des lixiviats [4] de Villeneuve-les-Bouloc vers Ginestous, publié dans le quotidien local La Dépêche le 29 décembre 1999.

En l’état, elle recueille déjà des déchets industriels en provenance de dix-sept communes. La ville de Toulouse reconnaît en effet avoir signé près de 1 500 conventions avec des entreprises. Une formalité obligatoire avant tout raccordement d’industriels au réseau, qui fixe en particulier les charges et volumes admissibles sur le réseau, la participation aux frais de fonctionnement et d’investissement. En conformité avec le Contrat d’agglomération passé entre l’Agence de l’eau Adour-Garonne, la ville de Toulouse et son concessionnaire.

La station de Ginestous reçoit donc bien des déchets industriels identifiés en charge et en volume, comme le prévoit cet engagement. Mais le collectif s’insurge contre le fait que s’y ajoutent, dans un flou critiquable, et comme en fait foi le dossier d’enquête d’utilité publique ouverte pour l’extension du site, les boues issues des stations d’épuration de dix-sept communes périphériques de l’agglomération toulousaine, elles aussi chargées de déchets industriels de ces communes.

Le collectif s’élevait enfin contre l’augmentation constante de la facture des usagers de l’eau toulousains, pour sa partie relative au traitement des eaux usées par l’usine de Ginestous. Difficile de nier en effet les incidences des « grands projets » de Dominique Baudis et de la Générale. En 1989 (gestion directe mairie de Toulouse), la part « assainissement » de la facture s’établissait à 3,5600 F/m3. En 1990 (1e année concession CGE), elle grimpait à 4,1948 F/m3. En 1999 (10e année concession CGE), elle avait atteint 5,9635 F/m3. Soit des augmentations en pourcentage de 17,83% dès la 1e année de concession, et 67,51% au terme de la 11e année. En francs constants sur onze ans, avec une inflation de 20%, l’augmentation se chiffrait à 39,59 %. Et à la fin 2003, l’incidence des travaux de Ginestous 2000 serait de 1,50 F/m3, selon les chiffres avancés par la Mairie de Toulouse et la CGE. Soit une nouvelle augmentation de 25,15 %...

Petits arrangements avec la loi 

Confronté à la fronde de ses administrés, Dominique Baudis juge la situation suffisamment critique pour adresser à chaque riverain une longue lettre dans laquelle il s’engage à mettre fin à ces nuisances. Les ingénieurs de la Générale s’engagent du coup à rajouter une couverture sur le compost. Le coût de l’opération, qui n’avait pas été prévue dans le devis initial, se chiffre à 10 MF.

Dans sa lettre, Dominique Baudis imputait la responsabilité du retard des travaux d’extension de la station au préfet. Prévue pour 2001, elle était en effet très loin en 2000 de pouvoir être achevée à cette date. Le maire écrira donc que le programme a subi « des retards importants (...) du fait de difficultés de procédure avec les services de I’Etat ». Il omettait de leur préciser que la première version de Ginestous 2000 avait été sèchement retoquée par le Conseil national d’hygiène publique de France (CNHPF), au motif notamment d’un défaut d’enquête publique préalable, carence qui n’en avait pas moins été avalisée par la préfecture qui avait donné son feu vert au commencement des travaux.

Les experts du ministère de la Santé s’interrogeaient en outre, comme les riverains, tant sur le « sur-dimensionnement » de la station que sur son « sous-dimensionnement » qualitatif. En clair, le projet manquait singulièrement de précisions dans sa description du réseau d’assainissement de Toulouse. Et ceci sans compter que l’usine a dans le même temps continué à polluer la Garonne au-delà de l’acceptable. La Générale est donc priée de revoir sa copie, la facture continue à grimper et les boues malodorantes s’accumulent plus que jamais.

La quête du Graal 

La défaillance du sécheur en 1997 n’aura pas servi de leçon. Pour tenter de liquider ces maudites boues une bonne fois pour toute, les mécanos de la Générale imaginent finalement de les brûler dans des incinérateurs qu’ils construiraient à Ginestous. Pas d’alternative : la technologie de la méthanisation a été abandonnée dès le début des années 1990. Le sécheur de boues est tombé en panne le lendemain de son inauguration. Le projet de co-incinération avec des ordures ménagères au Mirail est donc lui aussi tombé à l’eau... Et pendant ce temps, la production de boues ne cesse bien sûr de croître !

Les mécanos de la Générale optent donc pour finir pour la construction de deux nouveaux incinérateurs sur le site même de Ginestous. Pas de problème : Veolia est aussi spécialiste de l’incinération. Elle en détient même le monopole en France avec vingt incinérateurs spécifiquement dédiés à l’élimination des boues d’épuration. Coût supplémentaire : 100 MF. Mais les riverains, déjà excédés par les odeurs de l’aire de compostage, grimpent aux rideaux à l’idée de risquer d’endurer les possibles émanations de dioxine produites par ce type d’installation. Certains contestataires accusent même la Générale d’avoir délibérément laissé se propager les effluves du compostage à l’été 1999 pour rendre incontournable la construction des incinérateurs... Sur le fond, l’argumentaire technique de l’opérateur ne convainc guère. Car les riverains ont désormais conscience que, sous couvert de « mise aux normes », c’est en fait à une extension considérable de la station qu’entendent procéder la Générale et la municipalité, jusqu’à en faire l’une des plus grosses stations d’épuration françaises, dont le coût estimé a gaillardement explosé, puisqu’on passera des 273 MF prévus en 1997 à 555 MF, chiffre officiellement annoncé par la mairie de Toulouse en 2001.

Et l’on comprend l’inquiétude des riverains. Deux incinérateurs « dédiés » vont donc être construits, à 3 kilomètres du Capitole. En 1999, selon l’Ademe [5], les stations d’épuration françaises se débarrassaient de leurs boues par enfouissement (30%), épandage (50 à 55%), et incinération (15% à 20% seulement). A Ginestous, selon la Générale des eaux, 13 500 tonnes de boues étaient éliminées en 1999 par voie de compostage (30%), et de séchage à hauteur de 50 à 55%. A l’avenir, grâce à la construction de deux incinérateurs, si le compostage sera toujours utilisé pour 30% des boues, leur séchage ne représenterait plus que 30% du traitement, et l’incinération 40% (chiffres avancés en novembre 1999 par la mairie de Toulouse dans une lettre aux riverains du site).

En fait, c’est l’ensemble des boues produites dans l’agglomération qui ont vocation à être incinérées à l’avenir : celles issues de la plate-forme de compostage, du sécheur, de l’usine d’épuration, comme d’autres boues artisanales et industrielles. Déshydratées de 30%, elles seront d’abord stockées dans un silo, puis acheminées jusqu’au four par un système de conduits. Hormis la phase de mise en route, le dispositif ne consommera pas d’énergie puisque les boues sont auto-combustibles. Chacun des deux fours éliminerait à terme 7 000 tonnes de boues, à une température de 850°C. Ceci pour une capacité totale de traitement (compostage, séchage et incinération) évaluée à 20 000 tonnes annuelles en 2013.

Problème : la technique de l’incinération est de plus en plus violemment contestée. A raison. Les risques sanitaires qu’elle fait peser sur les riverains ont défrayé la chronique depuis l’affaire d’Albertville, dans l’Isère, à l’automne 2001 : les rejets d’une usine d’incinération d’ordures ménagères sont suspectés d’avoir très gravement affecté la santé de milliers de personnes.

Incinération : un traitement à hauts risques 

Aujourd’hui environ 20% des boues d’épuration françaises sont éliminées par voie d’incinération. Ces boues sont chargées en métaux lourds, en micro-polluants et en germes pathogènes. Or aucun procédé de combustion n’est parfaitement maîtrisable, surtout si l’on prend en compte le caractère hétérogène de ces déchets et le volume important de boues que doivent traiter ces fours d’incinération.

Cette combustion provoque des réactions incomplètes, où se forment notamment du monoxyde de carbone, toxique. Et des molécules complexes, les HAP (polluants organiques persistants), qui sont cancérigènes. Dont les HAP chlorés, plus connus sous le nom de dioxines et furanes, qui sont des toxiques persistants et « bioaccumulatifs ». Ces dioxines se reforment en fait après leur destruction dans des conditions complexes.

Les métaux comme le fer et l’aluminium sont oxydés et se combinent avec le silice et le calcium pour former la base des cendres et des mâchefers, qui sont les « sous-produits » de l’incinération. Quant aux « métaux lourds », plomb, cadmium, mercure ou zinc, ils vont former des vapeurs ou se fixer sur les composés minéraux : les mâchefers qui s’accumulent à la base du four, et les cendres volantes qui sont entraînées par le flux gazeux de la combustion.

L’incinération produit donc un mélange d’une multitude de composés, sous forme solide ou gazeuse. Il va donc s’agir d’éliminer tant les composés minéraux, pollués par des métaux lourds et des dioxines, que les flux gazeux, eux aussi chargés de polluants. Pour filtrer les poussières, on va utiliser des filtres en tissu. On y recueille des cendres dites « volantes », fortement contaminées par des métaux et des composés organiques. Le lavage de la fumée nécessite de l’eau et un réactif – la plupart du temps de la chaux. On obtient dès lors un nouveau déchet appelé résidu d’épuration des fumées (Refiom). Selon le procédé, on obtient également de l’eau polluée, à renvoyer en station d’épuration. Les évolutions récentes de la réglementation sur les émissions de dioxines et d’oxyde d’azote ajoutent, pour les premières, des systèmes complexes de régulation des températures de gaz, pour les secondes l’incorporation d’un réactif coûteux.

Au total l’incinération produit donc une émission atmosphérique, des mâchefers, des cendres, des Refioms et des rejets liquides. Tous toxiques. La question est de savoir quelle est la quantité admissible de ces rejets. Or, les métaux lourds, et les polluants organiques persistants comme les dioxines, ont la particularité de s’accumuler dans l’environnement et dans les tissus corporels. Quelles que soient les normes en vigueur, la fumée qui s’échappe des incinérateurs, même composée majoritairement de vapeur d’eau et de gaz carbonique, est donc toxique.

De plus, les sous-produits de l’incinération vont aussi devoir être éliminés. C’est dès lors un cycle perpétuel qui se met en place. Le rejet liquide de l’incinération repart à la station d’épuration, qui va à nouveau « piéger » les polluants métalliques dans ses boues. Boues polluées qui, n’étant pas épandables, vont donc revenir à l’incinération...

Les mâchefers vont être expédiés sur une plate-forme de « maturation ». Une simple aire de stockage, où ils vont « prendre l’air » pour refroidir et oxyder les dernières traces de matière organique imbrûlée. Comme il va falloir construire des dalles de béton afin que ces mâchefers ne polluent pas le sous-sol, l’élimination des mâchefers va représenter une fraction notable du coût global de l’incinération. Après avoir été soumis à un « contrôle qualité », ils pourront, selon les mesures de contamination, soit alimenter des décharges, où ils seront « confinés », soit servir de matériau de récupération pour les travaux publics ou le bâtiment. Ce recyclage des mâchefers permet en fait de faire l’économie de leur confinement en décharge surveillée. A ce stade surgit un premier paradoxe : on disperse dans l’environnement des déchets toxiques que l’on a préalablement concentrés dans un incinérateur dans un souci de « sécurité sanitaire »...

Pour ce qui est des cendres et des Refioms, étant fortement contaminés et toxiques, ils deviennent à ce stade des Déchets industriels spéciaux (DIS), dont une loi du 13 juillet 1992 exigeait de réduire la quantité et le caractère nocif. Au total, l’incinération des boues d’épuration aura donc transformé des déchets ménagers ou des déchets industriels banals en DIS. Second paradoxe.

Conséquence inévitable, ces DIS doivent être éliminés. Ne reste donc plus qu’à les confiner en décharge. Mais ces DIS étant extrêmement solubles, les polluants qu’ils contiennent (sels et métaux lourds) vont être immédiatement entraînés dans les jus de décharges (lixiviats), et se retrouveront donc (dans le meilleur des cas...) en station d’épuration, où ils alimenteront à nouveau un cycle perpétuel d’élimination qui ne pourra jamais atteindre ses objectifs.

Ultime parade, leur « solidification ». On va agréger en blocs compacts les cendres et les Refioms, grâce à du ciment et de l’eau additionnée d’adjuvants. Si les déchets deviennent du coup moins solubles, les blocs solidifiés n’en continuent pas moins de rejeter des polluants sur une période plus longue. Et le processus a des failles. Comme le mélange déchet-ciment « prend » rapidement, l’usine doit être située sur un centre d’enfouissement où un camion va déverser le mélange dans des alvéoles. En principe, les contrôles effectués au préalable en laboratoire permettent de repérer l’alvéole qui contiendrait un mauvais « solidifiat ». Reste qu’ensuite, l’exploitant est seul à même de juger de l’opportunité de réintroduire dans le circuit ce bloc par trop polluant, afin de le traiter à nouveau.

Si les mâchefers encombrent vite les décharges (300 grammes pour 1 kilo de déchets), le procédé de solidification puis confinement en décharge de « classe 1 », qui ne produit que 40 à 60 grammes de « solidifiat » pour un kilo, a aussi l’avantage de constituer une rente pour les exploitants privés. Outre un aspect « technologique » séduisant et l’apport de marges supplémentaires, ce processus d’élimination par confinement sur des sites protégés est garant... de la pérennité dudit site. Il provoque en outre moins de nuisances visuelles et olfactives qu’une décharge de classe II ou III, et donc moins d’oppositions.

Au total, l’incinération produit donc un ensemble de déchets toxiques, qui représentent plus d’un tiers du poids des déchets non toxiques qu’on lui confie ! Déchets qui vont ensuite devoir subir d’autres traitements spécifiques, avant de finir par être stockés dans une décharge qui n’apportera jamais de garanties absolues de sécurité. Elle peut en outre générer un transfert de pollution vers des rejets liquides qui devront à nouveau être traités, engageant un véritable cercle vicieux. Sans compter la dispersion de polluants dans l’air qui, même réduits après traitement, n’en demeurent pas moins dangereux. Fait reconnu par une convention internationale sur les polluants persistants (Convention de Stockholm), qui préconise l’adoption de filières de substitution à l’incinération.

Concession perpétuelle ? 

Les déboires de la Générale et de la Mairie seront largement évoqués par l’opposition toulousaine lors des élections municipales du printemps 2001, qui verront Philippe Douste-Blazy succéder à Dominique Baudis. Le contrat de concession, valable trente ans, signé en 1990 entre la ville et la Générale prévoit en effet dans son article 51 la mise en régie provisoire du service d’assainissement « en cas de faute grave du concessionnaire ». Mieux, l’article suivant prévoit que « si le concessionnaire n’a pas mis les ouvrages en service dans les conditions du cahier des charges, ou en cas d’interruption totale et prolongée du service, la ville pourra prononcer elle-même la déchéance du concessionnaire ». Du grain à moudre, tant pour l’opposition municipale que pour les différentes associations d’usagers qui se manifestent de plus en plus bruyamment à Toulouse.

Reste que tout cela n’empêchait finalement pas le Comité de bassin de l’Agence de l’eau Adour-Garonne, présidé depuis vingt ans par l’inamovible Jean-François Poncet, de décider en octobre 2001, un mois après l’explosion de l’usine AZF, l’octroi d’une subvention de 31,5 MF pour « l’extension et la mise aux normes réglementaires de la station d’épuration de Toulouse Ginestous ».

Ancien ministre de Valéry Giscard d’Estaing, sénateur et président du Conseil Général de Lot-et-Garonne, Jean-François Poncet assumait la présidence du « parlement de l’eau » du grand Sud-Ouest depuis plus de vingt ans. Il sera d’ailleurs reconduit à l’unanimité dans ses fonctions pour un mandat supplémentaire de trois ans, le 24 juin 2002. Nouveau mandat qui va lui permettre de continuer à animer la politique de l’eau du bassin Adour-Garonne jusqu’en 2005.

Après quatre années d’instruction administrative du dossier, le préfet de la Haute-Garonne avait en effet finalement délivré le 25 juin 2001 un arrêté autorisant « l’extension et la mise aux normes de la station ».

L’Agence de l’eau précisait que « les contraintes réglementaires imposant le traitement de l’azote contenu dans les eaux usées, la volonté de traiter la pollution carbonée et l’augmentation constante de la population de l’agglomération toulousaine ont imposé ces nouveaux travaux d’un montant de 325 MF ». Ils devaient s’échelonner sur trois ans et l’aide totale de l’Agence atteindrait les 168,5 MF. La décision d’aide (35,3 MF) prise lors de ce Conseil d’administration était donc la première. Par ailleurs, le Conseil avait aussi donné un avis favorable pour financer en 2002 « la construction d’un premier four d’incinération des boues issues de l’épuration (76,2 MF de travaux) et d’un second en 2004 (30,3 MF de travaux), aux taux d’aide qui seront en vigueur à ces moments là ».


La Générale, et sa maison-mère Veolia Environnement, ont en fait peu à peu transformé Ginestous en laboratoire et en vitrine. VE, leader français de l’incinération des boues d’épuration, gère déjà une vingtaine d’unités en France. Comme la filière thermique traditionnelle est de plus en plus contestée, notamment en raison de ses rejets de dioxine, c’est à Seilles, petite ville proche de l’agglomération toulousaine, que le groupe expérimente et développe une nouvelle technologie : l’oxydation par voie humide. Son principe repose sur une oxydation sans flamme à basse température (230°C) et forte pression (30 bars) en présence d’un gaz oxydant (oxygène par exemple), et un temps de séjour de 30 minutes. Procédé compact, il s’applique sur des boues épaissies, et pourrait remplacer l’ensemble de la filière déshydratation-incinération traditionnelle.

On mesure les enjeux. Grâce à l’unité pilote d’oxydation par voie humide édifiée à Seilles, Veolia a déjà raflé à l’orée des années 2000 un énorme marché à Bruxelles, où l’entreprise a construit une nouvelle usine d’épuration, qui devait entrer en service en 2005. Forte de ce succès, VE escomptait construire des usines identiques à Milan et à Varsovie...


Montant de l’addition de la saga de Ginestous pour les Toulousains, qui financent comme tous les Français près de 85% des redevances perçues, via la facture d’eau, par les Agences de l’eau : séchage : 8,8 millions d’euros. Compostage : 3,4 millions d’euros. Co-incinération (qui n’aura finalement jamais été mise en œuvre) : 4 millions d’euros. Incinération : 16 millions d’euros. Soit au total, pour les boues uniquement, et sans compter le fonctionnement, 32 millions d’euros (211 millions de francs).

Alors que les agriculteurs et les collectivités refusent toujours davantage, en raison des risques sanitaires qui y sont liés, l’épandage des boues d’épuration sur les terres agricoles, les Toulousains vont désormais devoir vivre avec deux incinérateurs géants implantés en pleine agglomération. Vous avez dit « développement durable » ? Le plus durable dans l’histoire aura été la ténacité de la Générale et de la mairie. C’est dès le 17 décembre 1992 que le Conseil municipal avait adopté une délibération prévoyant la construction d’un incinérateur à Ginestous...

Il n’apparaît donc pas totalement impossible, au vu de ce qui précède, que l’« accident industriel » qui vient d’affecter la capitale belge trouve sa source, non dans un afflux malencontreux de gravats et de sables, charriés par le réseau public d’égouts de Bruxelles jusqu’à l’orée de la STEP édifiée par Veolia dans la capitale belge, mais bien plutôt dans le fameux process d’« oxydation par voie humide » des boues d’épuration produites par la STEP.

Il est malheureusement des plus probables, dans l’hypothèse où cette hypothèse s’avérerait fondée, que les autorités belges, qui, dans ce cas de figure, se seraient fait rouler dans la farine, n’aspirent aucunement à ouvrir la boîte de Pandore.

Ce qui se comprend aisément au vu du contexte très particulier qui aura entouré la signature de ce contrat. Une « histoire belge » qui pourrait bien alimenter à son tour, tout prochainement, la chronique de ce nouveau désastre imputable à nos inoxydables chevaliers d’industrie.

Notes

[1] L’équivalent-habitant (EqH) est une unité de mesure de la pollution organique biodégradable représentant celle produite par une personne en un jour.

[2] SDAGE : Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux. La loi sur l’eau de 1992 en a prévu l’établissement par chacune des six Agences de l’eau françaises.

[3] Eutrophisation : évolution d’un milieu aquatique caractérisée par son enrichissement en substances nutritives pour les végétaux (azote, phosphore). Le milieu devenu « eutrophe » peut devenir le siège de prolifération d’algues indésirables avec divers effets secondaires (production de toxines, appauvrissement en oxygène...). L’eutrophisation peut affecter aussi bien les eaux courantes que stagnantes.

[4] Lixiviats : eau ayant percolé à travers des matériaux polluants, notamment ceux d’une décharge ou d’un centre d’enfouissement technique (CET). Les lixiviats de décharge sont constitués des eaux d’infiltration, de ruissellement et de précipitation qui percolent à travers la masse de déchets enfouis se chargeant tant en matières minérales qu’organiques. Ces effluents liquides pollués sont communément appelés « jus de décharge ».

[5] Ademe : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. La politique de maîtrise de l’énergie et de gestion des déchets, largement orchestrée par l’Ademe, a été revue à la baisse par le gouvernement Raffarin. Le projet de loi de Finances 2003, adopté en Conseil des ministres le 25 septembre 2002, témoignait que le budget de l’Agence passerait en effet de 480 millions d’euros en 2002 à 315 en 2003, soit une baisse de 34,5%. Mme Roselyne Bachelot, ministre de l’écologie et du développement durable, avait d’ailleurs annoncé quelques semaines plus tôt à Agen, où se tenaient les Assises nationales des déchets ménagers et assimilés, que les aides à l’investissement que l’Ademe verse aux collectivités locales pour les aider à traiter les déchets ménagers seraient « réorientées », en clair revues à la baisse...

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13 janvier 2010 3 13 /01 /janvier /2010 03:06
la-comète

http://goudouly.over-blog.com/article-youssef-mariam-et-yesuah-demandeurs-d-asile-42513258.html

Youssef, Mariam et Yesuah, demandeurs d’asile

Ricardo Montserrat

- retable -



Noël, noël, la nuit est finie
et le soleil illumine
ceux qui vivaient à l’ombre de la mort
Luc, évangiles.


Avec par ordre d’apparition :

1. Le Feu
2. La Miche de pain
3. La Paille
4. L’Âne
5. L’Eau
6. Le Boeuf
7. La Comète
8. Le Vent
9. Le Couteau.
10. Youssef
11. L’Hôtelier
12. La Fenêtre
13. Le Froid
14. Mariam
15. Le Policier
16. Hérode de Hortefeux
17. Le Berger
18. Le Mage
19. La Terre
20. Le Sang
21. L’Ange
22. Le Bonhomme Noël
23. La Neige
24. L’Enfant





1
LE FEU
Je ne savais même pas qu’on était en hiver
Je ne sais jamais rien
Ma mémoire est partie en fumée
Je brûle la vie par tous les bouts
Si vous insistez
Le ciel était blanc
La terre était bleue
L'air avait un goût de pomme de terre sous la cendre
Une étincelle jaillit de ma bouche
faisant naître un sourire
sur ses lèvres craquelées

2
LA MICHE DE PAIN
Moi je n’étais pas née
pas tout à fait
J’étais ronde et chaude
pressée de sortir du four
Mais personne ne se pencha sur moi
pour toucher le doré de ma croûte
humer le parfum douillet de ma pâte
Ils étaient tous trop occupés
à essayer de réchauffer
ses petits pieds violets

3
LA PAILLE
Je ne me souviens pas
Je ne me souviens jamais
Je ne veux pas me souvenir
Je fus épis de blés que troublaient les caresses du vent
Je fus moisson couchée par les faux du soleil
Je fus gerbes d’allégresse dans les mains des jeunes filles
Je ne me souviens jamais qu’il pleurait et ses larmes gelèrent
Qu’une pluie d’or coula entre ses cuisses
Et les gouttes retombèrent en cristaux glacés
Se souvient-il lui que je me fis manteau de miel
Rayons d’abeilles chaudes et bruissantes
Champ de chaume étoilé sous le bleu de son corps ?

4
L’ÂNE
Moi
Moi
Moi
Je n’ai rien à dire
Je n’y suis pour rien
Etes-vous sûr que j’y étais
Un bébé, dites-vous
N’exagérons pas
S’il avait pleuré je l’aurais entendu
Vous avez vu la longueur de mes oreilles
Je l’aurais consolé
Je lui aurais chatouillé les doigts de pied
J’aurais soufflé deux nuages de vapeur
qui l’auraient amusé
qui l’auraient protégé
Je n’ai rien à dire
rien que des âneries
Vous ne voulez tout de même pas que j’avoue
que ce soir-là j’aurais aimé mourir
pour ne plus voir ses yeux interroger la nuit
Papa
Pourquoi m’as-tu abandonné
Papa

5
L’EAU

Quant à moi je n’ai pas de mémoire
Je vais je viens je m’évapore
C’est cela je suis une évaporée
Hiver ou été je n’aime que scintiller
Ils m’ont brisée à coups de marteau
M’ont fait chauffer sur un feu de bouse
Je n’ai pas réussi à diluer les caillots
de sang séché sur sa peau
J’en rougis encore
Je préfère oublier
A-t-on jamais vu l’eau se mettre à sangloter

6
LE BOEUF
Ah la vache
Quelle nuit
Je m’en souviens comme si c’était hier
Quelle fête
Je m’en étais mis plein la panse
La paille toute fraîche qui avait goût de miel
Le pain doré qu’ils avaient laissé brûler
Et même du sucre
C’était la première fois que j’y goûtais
Doux Jésus j’en ai l’eau à la bouche rien que d’y penser
Ces deux minuscules pierres de sucre candi
à l’intérieur de ses petites mains pleines d’engelures
Ce petit
il ne lui manquait que des cornes sur le front
pour être le plus beau de la Création.

7
LA COMETE
J’étais en retard
Je l’avais dit au chef de gare
qu’avec le froid qu’il faisait
et une nuit pareille
ça créerait des embouteillages
Pire ce fut pire
J’avais beau lancer des appels de phare
faire hurler la sirène
crier par la vitre que j’étais attendue
que si je n’arrivais pas à temps
la fête tomberait à l’eau
qu’ils se perdraient
que le petit capable qu’il ne veuille plus naître
qu’il préfère disparaître
En vain
Les étoiles dévalaient la voie lactée sans respecter les feux
J’avais filé mes bas et accroché ma traîne au dessus de la Méditerranée
Quand j’arrivai près de la crèche
j’ai failli passer sans m’arrêter
tellement il faisait noir
Personne n’avait songé à allumer
je ne sais pas moi des bougies des chandelles
une lampe une guirlande
tout de même un tel évènement
S’il n’y avait eu tout à coup
cette odeur d’enfant qui voulait naître
ce souffle léger qui fit frissonner
les astres les mieux accrochés.

8
LE VENT
Non je ne suis pas coupable
Ce n’est tout de même pas de ma faute si c’était l’hiver
Et bien oui je soufflais
vous n’allez pas me le reprocher
c’était l’hiver je soufflais
D’abord je ne sais rien faire d’autre
Je souffle du soir au matin et du nord au sud
Ils n’avaient qu’à mieux s’abriter
A chacun son métier
D’ailleurs j’ai fait un effort
J’ai soufflé la fumée pour ne pas qu’il tousse
J’ai soufflé sur le feu chaque fois qu’il voulait s’éteindre
J’ai soufflé les mauvaises odeurs et les vieilles poussières
parce que ce n’est pas bien sain
J’ai soufflé sur ses joues et ses mains quand la vie les quittait
Et tous ceux qui sont venus je leur ai soufflé dans le dos
pour qu’ils arrivent plus vite et ne changent pas d’idée
J’ai même tourné en rond
un bon bout de temps autour de la maison
avant que d’y laisser les cadeaux que j’apportais
Oh pas grand chose vous savez des cadeaux légers
Une gousse de vanille qui venait des Antilles
Un peu de cacao de Macao
Une goutte de rhum pour le petit homme
Des pétales d’oranger
Et puis les fenêtres
A force d’y passer et d’y repasser
j’y ai laissé des fleurs de givre joliment dessinées
des arabesques des fougères des animaux gentils
des petits polissons avec des queues de poisson
Toutes ces choses que le vent connaît
je les ai soufflées sur le verre brisé
Je n’ai pas osé m’approcher de son oreille.

9
LE COUTEAU
Je n’ai jamais eu aussi peur de faire mal
Pour un couteau de boucher plus habitué
à égorger les agneaux qu’à les aider à naître
ce n’était pas évident
Rien que de me faire beau de me faire propre
vous n’imaginez pas ce que ça m’a coûté
Alors quand le petit est sorti couvert de sang et tremblotant
que j’ai vu que c’était mon tour d’y aller
je vous jure que j’en avais la lame
qui flageolait dans l’emmanchure
Quand Youssef a pris le cordon dans sa grosse main rugueuse
je n’en menais pas large
j’étais glacé je n’arrivais plus à penser droit
j’en perdais le fil
Ça s’est passé si vite
et si lentement en même temps
Zac c’était tranché
et ce qui était tranché
ce n’était pas un simple bout de chair et de peau
c’était la mort
que je venais de séparer de la vie
c’était un monde nouveau que j’avais ouvert
comme on ouvre une orange
un monde plein d’amour
dans lequel je plongeai avec délectation
comme on plonge dans un gâteau
pour savoir s’il est cuit
un gâteau d’angéliques et de fruits confits
s’il est à point ça rentre sans efforts
sans rien qui vous colle à la peau
comme si c’était la seule odeur
qu’on venait de couper

10
YOUSSEF
Je n’ai pas grand chose à dire
Avec tout ce qui est arrivé depuis j’ai appris à me taire
A mon âge c’est plus sûr
Les gens racontent des menteries les journaux les répètent
C’est vrai que je n’étais pas le père et alors
Ah je n’étais pas heureux d’être là
il faisait un des ces froids
et je n’avais pas un outil sur moi
bien la peine d’être charpentier
Si j’avais emporté ma boîte j’aurais calfeutré les portes
réparé les vitres retapé le toit
J’aurais fabriqué un lit pour le petit
Je me serais senti utile
Ça j’étais fâché contre elle
et contre le méchant monde qui avait refusé de nous héberger
Contre le bébé lui-même
qui aurait bien pu attendre un jour ou deux avant de sortir
C’est que moi je n’avais jamais accouché
Ce n’est pas un métier d’homme
Ma partie c’est le bois le dur le solide
Je me retrouvais avec sur les bras
cette petite femme fragile qui allait me faire père
d’une chose plus fragile encore
La matrone avait refusé de se déplacer
Des étrangers qu’ont pas les moyens de payer
Il n’aurait plus manqué que ce soit une fille
Pour le coup je me serais fâché pour de bon
Ou bien quelque chose ni fille ni garçon
J’étais tout tourneboulé avec cette histoire d’ange qui était entré dans la chambre
Pour un peu il allait me naître un môme ni chair ni poisson
Vous imaginez les blagues des clients
Oh dites Youssef votre table-là il n’y manque rien
Cette chaise elle n’a pas un pied de trop
Ma toiture il ne va pas lui pousser des ailes
La honte pour un charpentier
J’ai pourtant tout oublié
Oublié ce qui s’était passé et ce qui allait venir
quand mes grosses mains usées l’ont soulevé
Je crois même avoir compris pourquoi j’avais vécu si longtemps
Il lui a suffi d’un regard au petit
et je leur ai tout pardonné
à sa mère et à lui.

11
L’HÔTELIER

Si c’est pour une chambre c’est complet
Vous savez avec les fêtes et le recensement
c’est le coup de feu
Si j’ai refusé du monde dernièrement
Bien sûr si je vous dis qu’
Vous êtes de la police
Une femme enceinte
accompagnée d’un vieil homme fatigué
Non je ne me souviens pas
Je vais demander à ma femme à son retour du marché
Elle était jeune dites-vous
Enceinte jusqu’aux yeux
Celui qui l’accompagnait c’était son père
Son mari
Ah il y en a qui n’ont pas peur
Il passe sous les portes sans se pencher votre charpentier
Je plaisantais
Leur petit est bien né n’est-ce pas
C’est l’essentiel
Finalement c’est aussi bien qu’il soit né à côté
Parce qu’ici avec le passage ça aurait fait du désagrément
les cris le sang les vagissements
ça ne fait pas propre ça fait fuir les clients
Faut les comprendre ils ne viennent pas à l’hôtel
pour jouer les nounous
Sans compter que ce n’est pas sain la promiscuité
pour un nouveau-né
Il nous en vient de tous les coins et même de l’étranger
Certains ne se lavent pas de tout le voyage
Bon ce n’est pas tout ça j’ai mes comptes à terminer
Désolé de n’avoir pu vous aider
Mais vous savez la mémoire
ça s’en vient ça s’en va
c’est comme la clientèle

12
LA FENÊTRE
Moi je n’ai rien fait
j’ai juste regardé
Si j’avais voulu faire quelque chose
je n’aurais pas pu dans l’état où j’étais
Si le vent n’avait pas eu la gentillesse
de me fleurir de givre j’aurais eu honte
Etre là les carreaux grands ouverts
à essayer bêtement de donner un peu de lumière
Parce que si vous réfléchissez
je ne suis utile que dans la journée
Je fais entrer la clarté et un peu d’air frais
Mais la nuit à quoi peut bien servir une fenêtre
Ah je m’en voulais d’avoir battu tout l’été
J’en voulais aux fils de l’hôtelier
avec leurs frondes et leurs billes de plomb
Les vitres brisées les charnières disloquées
les peintures écaillées comment vouliez-vous
que j’illumine un évènement pareil
Si l’étoile n’était pas arrivée avec sa chevelure décolorée
et ses mains maquillées
Si elle ne m’avait pas traversé d’un doigt de feu
pour guider les mains du charpentier
Un rayon tranquille
qui a tout transformé
C’est bien simple on aurait dit une cathédrale
et j’en étais le vitrail

13
LE FROID
On ne parle jamais de moi
ou bien on en parle mal
Pourtant sans moi l’histoire serait banale
S’il avait fait chaud
Youssef en short et Mariam en paréo
le petit suant à grosses gouttes
et le boeuf chassant avec sa queue
des nuages de mouches bleues
ça n’aurait été qu’une naissance
comme il y en a des millions
dans les pays de l’autre côté du soleil
Sous le soleil tout s’en va tout s’oublie
tout s’évapore
les images les plus fondantes
les souvenirs les plus tendres
Moi je les glace
je les conserve éternels et brillants
nets et pointus
C’est pour ça qu’ils font mal

14
MARIAM
Oui je suis jeune
j’ai le visage lisse
J’ai pourtant souffert avant qu’il naisse
et pendant et après
Comme si j’avais été choisie
moi la plus fragile la plus faible la moins dure à la vie
parce que je pouvais souffrir davantage
On dit tout le temps de lui
qu’il a souffert pour racheter l’humanité
Cette nuit là et toutes les nuits de ma vie
c’est moi qui ai souffert pour lui
Ai-je racheté les mères qui ont souffert avant moi
et qui souffriront bien après
de la vie à la mort de leur premier-né
Mon corps n’a conservé aucun souvenir
de tant de souffrance acceptée
Comme s’il se réservait
pour une souffrance encore plus grande
Pas une ride
Est-ce lui qui a voulu me garder telle qu’il m’a vue
la première fois qu’il a ouvert
ses yeux épouvantés sur le monde
Des yeux qui m’ont cherchée
qui m’ont trouvée
Je ne suis pas sûre qu’ils m’aient vraiment vue
On dit que les bébés ne voient pas avant plusieurs mois
Mais tout son corps s’est apaisé

15
LE POLICIER
Il ne s’est rien passé
Personne ne s’est plaint
Vous pouvez consulter le registre
Rien à signaler
Avec le froid qu’il faisait il n’y avait pas un chat dehors
Le monde semblait mort
Seul le ciel respirait encore
Il pleuvait des étoiles en veux-tu en voila
La comète était si belle dans sa robe de mariée
Elle s’était posée sur le toit de la crèche de l’hôtel
La lune souriait bêtement
comme une poule qui va pondre un oeuf
Des chiens fous rôdaient autour des maisons
pour empêcher les portes de s’ouvrir
J’ai pensé une seconde
qu’il se passait quelque chose d’étrange
J’aurais peut-être dû les arrêter
Un accouchement dans une étable
ce n’est pas bien légal
La fille n’était pas un peu mineure
Vous connaissez sûrement l’identité
de ceux qui les ont visités
Des gens qui n’étaient pas d’ici
et qui s’en vont sans rien dire c’est suspect
Ils avaient certainement quelque chose à cacher

16
HERODE DE HORTEFEUX
Je n’ai rien à déclarer
De quoi m’accuse-t-on
Je ne me souviens de rien
Tant de temps a passé
Le sang a séché
C’est un mensonge
Je n’ai tué personne
Vous savez l’âge que j’ai
Il n’y avait pas de prédiction
Les mages n’ont rien dit
Je n’ai envoyé personne les chercher
C’est un coup monté par mes adversaires
pour me déstabiliser
des ragots des calomnies
Des innocents on en massacre tous les jours
Vous n’avez qu’à lire les journaux
Je n’avais rien à craindre d’un bébé bouseux
d’un fils de charpentier
Il n’y a aucune preuve
Vous pouvez interroger qui vous voulez
Vous ne trouverez aucun témoin vivant
Je vais vous donner un conseil
Méfiez-vous de la jeunesse
Ils sont pires que la lèpre
Le sida
Si on les laisse faire on en sera envahi
Il y en aura partout vous verrez ils nous prendront tout
ils ne nous laisseront pas en paix
Et moi Monsieur c’est la paix que je veux
A mon âge avec la vie que j’ai vécue
je veux qu’on me fiche la paix vous m’entendez
Une paix royale
Je veux qu’on m’oublie
Moi j’ai tout oublié

17
LE BERGER
En naissances on s’y connaît
Des centaines qu’on a aidés à sortir
Des agneaux naturellement
Quand on a su qu’il y en avait un qui voulait naître
en plein hiver et dans une étable
notre sang n’a fait qu’un tour
On a laissé les troupeaux à la garde des chiens
et on s’est mis en marche
On ne pouvait pas se tromper
Il y avait une étoile grande comme ma main
au-dessus de la crèche
On a tendu nos manteaux et nos couvertures
sacrifié une de nos bêtes
Pour passer le froid on s’est mis à danser
Quelle fête
Une fête de pauvre bien sûr
mais il y avait l’amitié et le rire de ce bon charpentier
qui n’avait rien mangé depuis des jours
et qui bavait dans sa barbe
Sa petite dame tentait de sourire mais ses larmes coulaient
Elle ne pouvait plus s’arrêter
C’était toute sa douleur de jeune mère effrayée qui fondait
Son bébé souriait d’un gentil sourire en dedans
Il ouvrait des yeux pleins de lumière
Pour la première fois nous les va-nu-pieds
les sans-chemise les sans-logis les morts-de-faim
pour la première fois nous nous sommes sentis riches
Notre richesse c’était la certitude
que le monde serait un jour à nous
les doux les humbles
à nous tous qui n’avons rien d’autre au creux des mains
qu’une immense capacité de souffrir et d’aimer
à nous qui aimons d’autant plus la vie
qu’il nous en coûte de simplement survivre
qui aimons d’autant plus la vie
qu’elle ne nous appartient pas

18
LE MAGE
C’est un malentendu
Un malentendu poétique
La faute à la comète en quelque sorte
Nous sommes des scientifiques
Nous ne nous occupons pas de politique
Nous avons été frivoles
Nous n’aurions jamais dû parler avant d’avoir
... trouvé
Si nous avions su
que nos bavardages vaniteux
causeraient la mort de tant d’innocents
nous ne serions jamais partis
Mais il y avait eu les pluies d’étoiles
les tremblements de terre la comète
Tant de coïncidences annulaient le hasard
Imaginez notre atterrement quand nous nous trouvâmes
dans une étable qui sentait le graillon
en face d’un bébé mal vêtu qui dormait
au milieu des rires grossiers de bergers en haillons
Comment était-il possible qu’un roi
eût consenti à naître dans une telle bauge
Il ouvrit les yeux
Ce que nous cherchions depuis des années
il nous le révéla en un regard
Qu’il y a une relation entre la course des étoiles
et le soupir d’un enfant
Que chaque goutte de sang versé modifie le cours du monde
Que la loi de l’amour efface toutes les lois
Alors nous nous agenouillâmes dans la paille
et lui rendîmes hommage

19
LA TERRE
J’étais là j’ai tout vu tout entendu
Je n’ai rien oublié
Je me souviens du bruit de leurs pas sur le sol gelé
Il toussait et ses crachats retombaient sur moi
avec un bruit de verre brisé
Je me souviens des portes qui claquaient
des chiens qui aboyaient
et mordaient aux mollets le charpentier épuisé
Je me souviens que le petit à l’intérieur de sa mère
trépignait d’indignation
Il donnait des coups de pied des coups de poing
qui résonnaient dans mes entrailles
Je bouillais de colère
Je tentai de réveiller mes volcans endormis
secouai la croûte pesante qui me recouvrait
agitai ma chevelure d’étoiles
En vain il fallut que j’accouche dans la douleur
car c’est moi qui accouchais cette nuit-là
J’accouchai d’un monde où désormais
il y aurait de la place pour ceux qui n’en avaient jamais eu
Un monde où il y aurait du temps pour les petits
Un monde qui bientôt lèverait la voix pour dire
Assez assez de sang assez de violence assez
Trop tard j’entendais déjà
le martèlement des bottes des soldats
Je retins mon souffle
je me sentis si lourde et vieille
L’envie de renaître s’éteignait en moi
Je ne fus plus soudain qu’une orange dans sa main potelée
Une orange de laquelle sortirait un immense oranger

20
LE SANG
Je n’ai rien à vous dire
Pourquoi vous parlerais-je
si vous n’écrivez que de vilaines choses sur moi
que je coule par ci que je coule par là
Je suis le sang je coule
A qui la faute
Je suis le sang je suis la vie
Je suis la sève du monde
Coupable ou innocent je coule
Je suis l’eau et le feu la passion et la joie
Je coule
Je suis généreux comme le rire d’un enfant
Je rends ivres les hommes
et bavardes les femmes
Je suis la fièvre au fond des yeux
l’amour au fond des nuits
Je suis désir de chansons nouvelles
et nostalgie de musiques anciennes
Pourquoi voulez-vous que je me sente coupable
de vos mots qui blessent
de vos gestes qui tuent
de vos lèvres qui coupent
vos mensonges qui écrasent
vos caresses qui broient
vos pas qui piétinent
Je suis le sang je suis la vie je coule
Une goutte Monsieur une petite goutte

21
L’ANGE
Je sais
On a dit que j’y étais
Ce que les gens peuvent inventer tout de même
Je vais vous dire
Quand les hommes se retrouvent face à quelque chose
de trop grand pour eux
ils l’affublent de masques et d’accessoires invraisemblables pour tenter de donner une idée de ce
qu’ils ont ressenti
Ils lui collent des ailes
parce qu’ils se sentent libres et légers
comme des oiseaux marins
Une grande robe blanche
parce qu’ils sont soudain neufs
comme à l’aube de leur vie
Ajoutez une voix douce et harmonieuse
qui rappelle les lointaines berceuses au goût de lait
Et voilà comment la tendresse
le besoin de paix et de fraternité
s’envolent dans les cieux en chantant
Paix aux hommes de bonne volonté
et de grande imagination

22
LE BONHOMME NOËL
Je ne sais pas comment je suis entré dans cette histoire
Pas en traîneau ni en manteau rouge
Je ne portais pas de jouets
Il n’y avait pas de cheminée
La terre n’était pas ronde mais plate comme une galette
Il y avait davantage d’esclaves harassés
que d’hommes libres et gais
Je traînais ma vieille barbe de village en hameau
pour rassurer les pauvres gens
leur promettre que la nuit s’achèverait
que le soleil reviendrait
Elle était longue la nuit
longue la faim
Combien de fois n’ai-je pas sauvé de la marmite
les mioches qu’on allait sacrifier
J’entrais les poches pleines de fruits secs
Je tirais des pétards racontais des histoires
J’épouvantais la mort avec mes grimaces
la famine avec une sucrerie
l’horreur avec la flamme d’une bougie
Mais plus je vieillissais et moins ces mégères me craignaient
Il était temps que vienne un enfant étoilé
Cette nuit-là je me suis approché de la fenêtre brisée
Il m’a fait signe d’entrer mais je n’ai pas pu
Je suis un vieil ours
J’ai pris une hotte de bûches qui se trouvait là
et je suis parti sur les routes annoncer la nouvelle
Noël Noël
Noël la nuit s’achève
Noël la nuit est finie
Et le soleil illumine
Ceux qui vivent à l’ombre de la mort.

23
LA NEIGE
Je suis étonnée que personne n’ait encore parlé de moi
Sans moi la fête n’aurait pas été complète
Ce n’est pas une question de géographie Monsieur
c’est une question de poésie
Il fallait qu’il neigeât
Il fallait qu’un drap blanc recouvrît le lit
où l’amour donnait vie à la vie
Il fallait qu’un manteau de silence tissé fil à fil
protégeât l’espoir qui venait de naître
Il fallait qu’un arbre de verre
tendît ses branches de cristal
au-dessus de la terre
où germait le bonheur à venir
Il fallait une grande page vierge
pour qu’un poète y écrive aujourd’hui
cette histoire simple et douce comme mes flocons
Allons Monsieur laissez-moi tomber
S’il vous plaît

24
L’ENFANT JESUS
Moi je suis né à Minuit
Et je vous remercie
De m’avoir donné vie
Il s’en est fallu de peu
S’en est fallu d’un cheveu
Pour que je ne voie pas le jour
Un petit peu moins d’amour
Et la guerre et la nuit
Auraient tout envahi
Ce que j’ai commencé
Vous le terminerez
C’est facile enfantin
Ouvrez les deux mains
Laissez parler le coeur
Partagez votre bonheur
Ecoutez
En cette minute même
Naissent des enfants blêmes
Dans la peur et la haine
Criez à perdre haleine
Ouvrez grand vos fenêtres
Il est encore temps peut-être.
Fin ?
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12 janvier 2010 2 12 /01 /janvier /2010 03:45




 

Réflexions du compañero Fidel




LE MONDE, UN DEMI-SIÈCLE APRÈS
 http://goudouly.over-blog.com/article-le-monde-un-demi-siecle-apres-42511813.html


Le cinquante et unième anniversaire du triomphe de la Révolution, célébré voilà maintenant deux jours, a fait remonter à ma mémoire des souvenirs de ce 1er janvier 1959. Je n’aurais jamais pensé me le rappeler un demi-siècle après – qui s’est écoulé à toute allure – comme si c’était hier.

Quand, le 28 décembre 1958, je me réunis à la sucrerie Oriente avec lui, le chef des forces ennemies dont les unités d’élite étaient cernées sans aucune échappatoire reconnut sa déroute et fit appel à notre générosité afin de trouver une issue digne pour le reste de ses troupes. Il savait que nous traitions humainement, sans la moindre exception, les prisonniers et les blessés. Il accepta l’accord que je lui proposai, bien que je l’eusse averti que les opérations se poursuivraient. Mais, à l’instigation de l’ambassade étasunienne, il gagna la capitale où il fomenta un coup d’Etat.

Nous nous préparions aux combats du 1er janvier quand la nouvelle que le tyran avait pris la fuite nous parvint au petit matin. Je donnai des ordres à l’Armée rebelle de ne pas admettre de cessez-le-feu et de poursuivre les actions sur tous les fronts. Aux micros de Radio-Rebelde, j’appelai les travailleurs à déclarer une grève générale révolutionnaire qui serait secondée aussitôt par toute la nation. La tentative de coup d’Etat avorta de ce fait et nos troupes entrèrent victorieuses à Santiago de Cuba cette même après-midi.

Le Che et Camilo, à la tête de leurs forces aguerries, reçurent des instructions d’avancer rapidement sur la Nationale à bord de véhicules et de s’emparer de la Cabaña et du camp militaire de Columbia. L’armée ennemie, frappée sur tous les fronts, n’était plus en mesure de résister. Le peuple soulevé se chargea d’occuper les centres de répression et les stations de police. Le 2 janvier dans l’après-midi, accompagné d’une petite escorte, je me réunis dans un stade de Bayamo avec plus de deux mille soldats – blindés, artillerie et infanterie motorisée – contre lesquels nous avions combattu jusqu’au jour antérieur. Ils portaient encore leurs armes. Nous avions forcé le respect de l’adversaire par nos méthodes audacieuses, mais humanitaires, de guerre irrégulière. Ainsi, en quatre jours seulement – alors que nous avions lancé la guerre, vingt-cinq mois avant, avec à peine quelques fusils – plus de cent mille armes des armées de terre, de mer et de l’air et tout le pouvoir de l’État passèrent aux mains de la Révolution. J’ai raconté en quelques lignes ce qu’il s’est passé à cette même date, voilà cinquante et un ans.

Commença alors la bataille principale : préserver l’indépendance de Cuba face au plus puissant Empire de l’Histoire, et notre peuple l’a livrée avec une dignité immense. Je me réjouis avec ceux qui, par-delà des obstacles, des sacrifices et des risques incroyables, ont su défendre notre patrie et qui profitent ces jours-ci, en compagnie de leurs enfants, de leurs parents et de leurs êtres les plus chers, de l’allégresse et des gloires de chaque nouvel an.

Mais les jours actuels ne ressemblent en rien, toutefois, à ceux d’hier. Nous vivons une époque nouvelle, sans commune mesure avec aucune autre de l’Histoire. Avant, les peuples se battaient avec honneur – et ils continuent de se faire – pour un monde meilleur et plus juste ; aujourd’hui, ils doivent le faire en plus – et sans échappatoire – pour la survie de notre espèce. L’ignorer, ce n’est rien savoir du tout !

Le peuple cubain est sans aucun doute l’un des plus avertis du monde sur le plan politique. Il est pourtant parti d’un profond analphabétisme. Pis encore, nos maîtres yankees et la bourgeoisie associée aux patrons étrangers possédaient les terres, les sucreries, les usine de biens de consommation, les entrepôts, les commerces, l’électricité, les téléphones, les banques, les mines, les assurances, les quais, les bars, les hôtels, les bureaux, les maisons de rapport, les cinémas, les imprimeries, les revues, les journaux, la radio, la télévision naissante et tout ce qui valait quelque chose.

Une fois éteintes les flammes brûlantes de nos batailles pour la liberté, les Yankees s’arrogèrent le droit de penser pour un peuple qui avait tant lutté pour être maître de son indépendance, de ses richesses et de ses destinées. Rien, absolument rien ne nous appartenait, même pas la pensée politique. Combien d’entre nous savaient lire et écrire ? Combien avaient même le certificat d’études ? Je m’en souviens particulièrement en un jour pareil, parce que le pays appartenait censément aux Cubains. Je ne cite rien d’autre, parce que je devrais inclure bien d’autres choses, dont les meilleurs établissements d’enseignement, les meilleurs hôpitaux, les meilleurs logements, les meilleurs médecins, les meilleurs avocats… Combien étions-nous à avoir droit à tout ça ? Qui possédait, sauf rares exceptions, le droit naturel et divin d’être un gérant et un chef ?

N’importe quel millionnaire ou richard était, sans exception, chef de parti, sénateur, représentant ou haut fonctionnaire. Telle était la démocratie représentative et pure qui régnait dans notre patrie, à moins que les Yankees n’imposassent à leur guise des tyranneaux impitoyables et cruels quand cela convenait davantage à leurs intérêts, afin de mieux défendre leurs biens face à des paysans sans terre et à des ouvriers avec ou sans travail. Comme plus personne n’en parle, je m’aventure à le rappeler.

Notre pays fait aujourd’hui partie des plus de cent cinquante qui constituent le Tiers-monde et qui seront les premiers, mais non les seuls, à souffrir d’incroyables dommages si l’humanité ne prend pas conscience d’une manière claire, sûre et plus rapide que jusqu’à présent de ce que seront la réalité et les conséquences des changements climatiques provoqués par l’homme, si l’on ne parvient à l’empêcher à temps.

Nos médias ont décrit les effets des changements climatiques. Les cyclones toujours plus violents, les sécheresses et d’autres calamités naturelles ont aussi contribué à l’éducation de notre peuple en la matière. Un fait singulier – la bataille autour du climat qui s’est déroulée au Sommet de Copenhague – a contribué à faire connaître le danger imminent. Il s’agit là d’un risque réservé non au lointain XXIIe siècle, mais au XXIe, non à la seconde moitié de celui-ci, mais aux prochaines décennies où nous commencerions à en souffrir déjà les tristes conséquences.

Il ne s’agit pas non plus d’une simple action contre l’Empire et ses acolytes qui, dans ce domaine comme dans tous les autres, tentent de faire primer leurs intérêts stupides et égoïstes, mais d’une bataille d’opinion mondiale qu’on ne saurait laisser à la spontanéité ni aux caprices de la plupart de leurs médias. C’est une situation que connaissent heureusement des millions de personnes honnêtes et courageuses dans le monde, d’une bataille à livrer avec le concours des masses et au sein des organisations sociales et des institutions scientifiques, culturelles, humanitaires et d’autres de caractère international, tout particulièrement aux Nations Unies où l’administration étasunienne, ses alliés de l’OTAN et les pays les plus riches ont tenté d’assener en fraude, au Danemark, un coup antidémocratique au reste des pays émergents et pauvres du Tiers-monde.

La délégation cubaine, qui a assisté au Sommet de Copenhague aux côtés des membres de l’Alliance bolivarienne des peuples de Notre Amérique (ALBA) et des autres pays du Tiers-monde, a dû y livrer une bataille frontale après les incroyables événements enclenchés par le discours du président yankee, Barack Obama, et du groupe des États les plus riches de la planète, bien décidés à démanteler les engagements contraignants de Kyoto – où ce problème épineux avait été débattu voilà plus de douze ans – et à faire retomber le fardeau des sacrifices sur les pays émergents et sur les pays sous-développés qui sont, non seulement les plus pauvres, mais aussi les principaux fournisseurs de matières premières et de ressources non renouvelables de la planète aux plus développés et aux plus opulents.

Obama s’est pointé à Copenhague le dernier jour de la Conférence, qui avait démarré le 7 décembre. Le pire, c’est – alors qu’il avait déjà décidé d’expédier trente mille soldats de plus à la boucherie en Afghanistan, un pays aux fortes traditions d’indépendance que même les Anglais, à leur meilleure et plus cruelle époque, ne purent soumettre – d’avoir accepté le Prix Nobel de la paix et de s’être rendu à Oslo pour le recevoir ! Il est donc apparu le 10 décembre dans la capitale norvégienne où il a prononcé un discours vide, démagogique et justificateur. Puis le 18, autrement dit le dernier jour du Sommet, à Copenhague, où il ne pensait rester au départ que huit heures. Sa secrétaire d’État et un groupe sélect de ses meilleurs stratèges y avaient débarqué la veille.

Obama commença par choisir un groupe d’invités qui eurent l’honneur de l’accompagner pour l’entendre prononcer son discours au Sommet. Le Premier ministre danois, qui présidait la Conférence, complaisant et flagorneur, céda la parole au groupe qui ne comptait guère plus d’une quinzaine de personnes. Le chef impérial méritait des égards spéciaux. Son discours fut un brassage de paroles mielleuses assorties de gestes théâtraux qui commencent déjà à ennuyer ceux qui, comme moi, se sont assignés la tâche de l’écouter pour tenter d’apprécier objectivement ses caractéristiques et ses visées politiques. Obama imposa à son docile hôte danois une condition : seuls ses invités pourraient prendre la parole, ce qui ne l’empêcha pas, à peine son intervention conclue, de disparaître en coulisses par une porte dérobée, tel un acteur fuyant l’auditoire qui lui a pourtant fait l’honneur de l’écouter avec intérêt.

Une fois terminée la liste des orateurs autorisés, un indigène de pure souche aymara, Evo Morales, le président bolivien, qui venait d’être réélu par 65 p. 100 des voix, exigea de pouvoir prendre la parole, laquelle lui fut cédée sous les applaudissements majoritaires des personnes présentes dans la salle. En à peine neuf minutes, il exprima des concepts profonds et dignes qui répondaient à ce qu’avait dit le président, désormais absent, des États-Unis. Aussitôt, Hugo Chávez se leva à son tour pour réclamer la parole au nom de la République bolivarienne du Venezuela, et celui qui présidait la séance n’eut pas d’autre solution que de la lui céder : Chávez en profita pour improviser un des plus brillants discours que je lui ai entendu prononcer. Quand il eut terminé, un coup de maillet mit fin à cette séance insolite.

Le très affairé Obama et son cortège n’avaient toutefois pas une minute à perdre ! Son groupe avait mis au point un projet de déclaration, bourré de choses vagues, qui était le déni même du Protocole de Kyoto. Après son exit précipité de la salle des séances plénières, il se réunit avec d’autres invités, qui ne dépassaient pas la trentaine, négocia en privé et en groupe, insista, parla de millions de billets verts qui, faute d’aval en or, ne cessent de se dévaluer, et menaça même d’abandonner la réunion si on n’accédait pas à ses demandes. Le pire, c’est qu’il s’agissait d’une rencontre de pays hyper-riches à laquelle il avait invité plusieurs des principales nations émergentes et deux ou trois pays pauvres, et auxquels il soumit le document sur un ton de : C’est ça ou rien !

Le Premier ministre danois s’évertua à présenter cette déclaration confuse, ambiguë et contradictoire, à la discussion de laquelle l’Organisation des Nations Unies n’avait participé en rien, comme un Accord du Sommet ! La session avait déjà pris fin officiellement, presque tous les chefs d’État ou de gouvernement et ministres des Affaires étrangères avaient regagné leurs pays. Et c’est à trois heures du matin que l’honorable Premier ministre danois soumit, en séance plénière, le fatidique document à des centaines de malheureux fonctionnaires, qui avaient à peine fermé l’œil pendant trois jours, leur offrant juste une heure pour l’analyser et l’adopter.

Et la chaudière explosa ! Les délégués n’avaient même pas eu le temps de le lire. Plusieurs réclamèrent la parole. Le premier fut celui de Tuvalu, dont les îles seraient englouties par les eaux si ce qui était proposé là était adopté ; vinrent ensuite ceux de la Bolivie, du Venezuela, de Cuba et du Nicaragua. Cet affrontement dialectique du 19 décembre à trois heures du matin est digne de passer à l’Histoire, si tant est que celle-ci dure très longtemps après les changements climatiques…

Comme l’on connaît à Cuba une bonne partie des faits, et qu’on les trouve sur des sites d’Internet, je me bornerai à reproduire des extraits des deux interventions de notre ministre des Relations extérieures, Bruno Rodríguez, parce qu’il vaut la peine de connaître les épisodes finals de la série de Copenhague et les péripéties du dernier chapitre qui n’ont pas encore été publiées dans notre pays. Il s’adresse au Premier ministre danois, qui préside la séance :

« Le document dont vous avez nié à plusieurs reprises l’existence, monsieur le Président, apparaît maintenant. Nous avons tous vu des versions qui circulent d’une manière subreptice et qui se discutent en petits conciliabules secrets, hors des salles où la communauté internationale négocie d’une manière transparente à travers ses représentants.

« Je me joins aux représentants de Tuvalu, du Venezuela et de la Bolivie. Cuba juge extrêmement insuffisant et inadmissible le texte de ce projet apocryphe…

« Le document que vous nous présentez ne contient, hélas, aucun engagement de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

« Je connais les versions antérieures qui se sont négociées elles aussi à travers des procédés contestables et clandestins, en coteries fermées, mais qui mentionnaient du moins une réduction de 50 p. 100 d’ici à l’an 2050.

[…]

« Le document que vous nous soumettez maintenant omet justement les phrases clefs déjà bien maigres et insuffisantes de cette version-là. Ce document-ci ne garantit absolument pas l’adoption de mesures minimales qui permettraient d’éviter une très grave catastrophe à la planète et à l’espèce humaine.

« L’ignoble document que vous nous soumettez est tout aussi muet et ambigu au sujet de l’engagement concret de réduction des émissions de la part des pays développés, responsables du réchauffement global du fait des niveaux historiques et actuels de leurs émissions et devant donc procéder sans retard à des réductions substantielles. Votre document ne dit pas un traître mot concernant cet engagement des pays développés !

[…]

« Votre papier, monsieur le Président, est l’acte de décès du Protocole de Kyoto, et ma délégation s’y refuse.

« La délégation cubaine tient à souligner la primauté du principe des « responsabilités communes mais différenciées » en tant que concept clef des futures négociations. Votre papier n’en dit mot.

[…]

« La délégation cubaine proteste une fois de plus devant le fait que cette Conférence a été conduite d’une manière antidémocratique, soumise à de graves violations de procédure, en particulier à travers des formes de débats et de négociations arbitraires, non inclusives et discriminatoires. […]

« Je vous demande formellement, monsieur le Président, de faire en sorte que ma déclaration fasse partie du rapport final sur les travaux de cette lamentable, de cette honteuse Quinzième Conférence des Parties. »

Ce que personne ne pouvait imaginer, c’est que, au terme d’une autre longue pause et alors que tout le monde pensait que le Sommet conclurait sur les formalités habituelles, le Premier ministre du pays siège allait, à l’instigation des Yankees, faire une nouvelle tentative pour que ce document soit adopté comme consensus du Sommet, alors qu’il ne restait même plus aucun ministre des affaires étrangères dans la salle ! Des délégués du Venezuela, de la Bolivie, du Nicaragua et de Cuba, restés vigilants et l’œil ouvert jusqu’à la dernière minute, frustrèrent à nouveau cette ultime manœuvre de Copenhague.

Mais l’affaire n’était pas conclue pour autant. Les puissants ne sont pas habitués à ce qu’on leur résiste, et ils ne l’admettent d’ailleurs pas. Le 30 décembre, la mission permanente du Danemark auprès des Nations Unies à New York informait aimablement la nôtre avoir pris note de l’ « accord » de Copenhague du 18 décembre 2009 et joignait une copie préalable de cette décision. Elle écrivait textuellement : « …le Gouvernement danois, en sa qualité de président de la Quinzième Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, invite les Parties à informer par écrit le secrétariat de ladite Convention, dans les meilleurs délais, de leur volonté de s’associer à l’Accord de Copenhague. »

Cette communication surprenante a entraîné une réponse de notre Mission permanente, qui affirme, entre autres : « Aussi le Gouvernement de la République de Cuba rejette-t-il catégoriquement la tentative de faire adopter indirectement un texte qui a été refusé par plusieurs délégations, non seulement du fait de ses carences face aux graves effets des changements climatiques, mais aussi parce qu’il répond exclusivement aux intérêts d’un groupe d’États réduit. »

Elle a aussi provoqué une lettre de Fernando González Bermúdez, notre vice-premier ministre de la Science, de la Technologie et de l’Environnement, à M. Yvo de Boer, Secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, dont je transcris quelques paragraphes :

«Nous avons reçu avec surpris et inquiétude la Note que le Gouvernement danois a distribué aux Missions permanentes des États membres des Nations Unies à New York, que vous connaissez sûrement et qui invite les États Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques à informer par écrit le Secrétariat exécutif, dans les meilleurs délais possibles, de leur souhait de s’associer audit Accord de Copenhague.

« Nous avons constaté avec tout autant d’inquiétude que le Gouvernement danois faisait savoir que le Secrétariat exécutif de la Convention-cadre inclura dans le rapport de la Conférence des Parties tenue à Copenhague la liste des États parties qui auraient manifesté leur volonté de s’associer audit Accord.

« Cette façon d’agir constitue, de l’avis de la République de Cuba, une violation grossière et condamnable de ce qui a été décidé à Copenhague où les États parties, devant le manque évident de consensus, se sont bornés à prendre note de l’existence de ce document.

« Rien de ce qui a été accordé à la Quinzième Conférence des Parties n’autorise le Gouvernement danois à décider de cette action ni, à plus forte raison, le Secrétariat exécutif à inclure dans le Rapport final une liste des États parties, ce pour quoi il n’a pas mandat. […]

« Je tiens à vous faire savoir que le Gouvernement de la République de Cuba rejette avec la plus grande fermeté cette nouvelle tentative de légitimer indirectement un document frappé de nullité et à réitérer que cette façon d’agir compromet le résultat des futures négociations, pose un précédent dangereux pour les travaux de la Convention-cadre et heurte en particulier la bonne foi dans laquelle les délégations devront poursuivre les négociations l’an prochain. »

Beaucoup savent, en particulier les mouvements sociaux et les personnes les mieux informées des institutions humanitaires, culturelles et scientifiques, que le document promu par les USA constitue un recul par rapport aux positions atteintes par ceux qui s’efforcent d’éviter à notre espèce un désastre colossal. Il serait oiseux de répéter ici les chiffres et les données qui le prouvent mathématiquement. Les faits apparaissent sur les pages d’Internet et sont à la portée d’un nombre croissant de personnes intéressées par cette question.

La théorie que défendent ceux qui souhaitent la signature du document est débile et marque un recul. On invoque l’idée trompeuse que les pays riches fourniront 30 milliards de dollars en trois ans aux pays pauvres pour leur permettre d’assumer les dépenses qu’implique l’affrontement aux changements climatiques, cette somme pouvant s’élever à 100 milliards par an en 2020, ce qui revient à renvoyer les choses aux calendes grecques, compte tenu de la très grande gravité de ce problème. Les spécialistes savant que ces sommes sont misérables, ridicules et inacceptables face aux volumes d’investissements exigés. D’autant que leur origine est vague et confuse, et n’engage personne à rien.

Que vaut un dollar ? Que signifient trente milliards ? Nous savons tous que de Bretton Woods (1944) au décret présidentiel de Nixon (1971) – promulgué pour faire retomber sur l’économie mondiale les dépenses de la guerre génocidaire lancée contre le Vietnam – la valeur du dollar, mesurée en or, n’a cessé de se réduire pour être aujourd’hui trente-deux fois inférieure : autrement dit, 30 milliards de dollars signifient moins d’un milliard, et 100 milliards en valent à peine 3,125, ce qui ne permet même pas de fabriquer aujourd’hui une raffinerie de pétrole de moyenne capacité !

Si les pays industrialisés tenaient un jour leur promesse d’apporter aux pays encore à développer 0,7 p. 100 de leur PIB – ce qu’ils n’ont jamais fait, sauf rares exceptions – cela représenterait plus de 250 milliards de dollars par an.

Pour sauver les banques, l’administration étasunienne a dépensé 800 milliards de dollars. Combien serait-elle disposée à verser pour sauver les 9 milliards de personnes qui peupleront notre planète en 2050, à supposer que ne se produisent pas avant les grandes sécheresses et inondations que provoquera la mer à cause de la fonte des glaciers et des grandes masses d’eau congelées du Groenland et de l’Antarctique ?

Ne nous abusons pas. Ce que les États-Unis ont prétendu faire par leurs manœuvres à Copenhague, c’est diviser le Tiers-monde, séparer les plus de cent cinquante pays sous-développés de la Chine, de l’Inde, du Brésil, de l’Afrique du Sud et d’autres avec lesquels nous devons lutter unis pour défendre, à Bonn, à Mexico et à toute autre conférence internationale, aux côtés des organisations sociales, scientifiques et humanitaires, de vrais accords qui soient favorables à tous les pays et préservent l’humanité d’un désastre qui peut entraîner l’extinction de notre espèce.

Le monde possède toujours plus d’informations, mais les hommes politiques ont de moins en moins de temps pour penser.

Les nations riches et leurs dirigeants, le Congrès des Etats-Unis compris, semblent discuter à qui sera le dernier à disparaître.

Obama s’est proposé de faire vingt-huit fêtes pour célébrer la fin de l’année et le début de celle-ci. J’espère qu’il aura inclus celle des Rois mages et que Gaspar, Melchior et Balthazar lui seront de bon conseil.

Qu’on m’excuse la longueur de ces Réflexions que je n’ai pas voulu diviser en deux. J’en demande pardon à mes patients lecteurs.

 
Fidel Castro Ruz



Lire aussi le texte en conclusion du sommet de Copenhague de Dominique Mourlane qui avait bien analysé les choses à cet instant à chaud :
http://goudouly.over-blog.com/article-cop-15-quel-bilan--41264355.html
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11 janvier 2010 1 11 /01 /janvier /2010 03:03
        
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Une politique aux antipodes du discours
http://goudouly.over-blog.com/article-une-politique-aux-antipodes-du-discours-42379306.html
Michel Feher et Aurélie Windels
Philosophe et Journaliste – Membres de Cette France-là
Plein droit, 83, décembre 2009 revue du Gisti

Telle qu’elle est présentée par le ministère de l’immigration, la politique de développement solidaire de la France apparaît comme une idée ambitieuse, généreuse, irréprochable, répondant « à un triple intérêt : l’intérêt du migrant, l’intérêt du pays de destination et l’intérêt du pays d’origine ». Cependant, à y regarder de plus près, ce dispositif présente un certain nombre de faiblesses voire même de contradictions qui conduisent à s’interroger sur les intentions réelles de ses auteurs.

« Pendant trop longtemps, notre pays a pris des décisions unilatérales en matière migratoire, avec le succès que l’on connaît. » Tel était le constat, ironique, que formulait Brice Hortefeux, alors ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, dans son discours du 19 juin 2008, prononcé à l’occasion du premier anniversaire de son ministère. Trois mois plutôt, ledit ministère avait partiellement modifié ses attributions, le codéveloppement cédant la place au concept censément plus inclusif de « développement solidaire ».


Selon Brice Hortefeux, en effet, le codéveloppement se soucie « exclusivement [du] soutien aux initiatives des migrants en faveur de leur pays d’origine [1] », alors que le développement solidaire vise « l’ensemble des actions de développement susceptibles de contribuer à la maîtrise des flux migratoires [2]. » Au-delà de leurs ressortissants, ce sont donc les gouvernements des pays d’émigration qu’il s’agit désormais de soutenir. Fort de cet exercice d’explication, le ministre pouvait alors se féliciter du caractère ambitieux de la politique de coopération dont il avait la charge.

Les devoirs constitutifs de la concertation dont se réclame le ministère du développement solidaire sont principalement de trois ordres. Premièrement, comme le soulignait Brice Hortefeux, il importe de ne « pas piller les élites ou la main-d’œuvre de pays qui en ont besoin [3]. » Autrement dit, même si la France a indéniablement intérêt à accueillir de nombreux travailleurs étrangers hautement qualifiés, il lui incombe de ne pas dépouiller les pays émergents et en développement des ressources humaines qui sont indispensables à leur essor.


Deuxièmement, pour que les cerveaux, les talents et plus généralement les bras du Sud ne soient pas contraints de s’expatrier, faute d’opportunités dans leurs contrées d’origine, une politique de solidarité doit veiller à favoriser le développement économique de ces contrées. Il s’agit donc de contribuer à l’offre d’emploi dans les pays d’émigration – en encourageant les investissements directs de capitaux français privés et en engageant les deniers de l’État dans des projets d’utilité publique – et, ce faisant, de substituer au moins partiellement l’échange des biens et services à l’expatriation des personnes.


Enfin, troisièmement, le développement solidaire comprend aussi une dimension de réciprocité symbolique. Il est en effet essentiel que, tout en aidant matériellement des nations moins favorisées qu’elle, la France ne se conduise pas comme un donateur condescendant. Autrement dit, il lui revient de prêter autant d’attention à la dignité de ses partenaires qu’à leur prospérité. Or, à cet égard, il n’est pas de meilleure preuve de respect envers un donataire que celle qui consiste à lui signifier que l’on a également besoin de lui. Par conséquent, en sollicitant le soutien des États du Sud dans son projet de lutte contre l’immigration subie, le gouvernement français ne se donnerait pas seulement les meilleures chances d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixés dans ce domaine : il substituerait en outre à une relation d’assistance unilatérale quelque peu humiliante un rapport d’entraide fondé sur le besoin mutuel et la responsabilité partagée. Ainsi, la signature d’accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire [4] (voir article p. 16) concrétise, selon le ministère, le « partenariat global » entre les pays d’émigration et la France, et s’inscrit dans une « démarche gagnant–gagnant [5]. »


Refuser le pillage des compétences et talents, aider les pays d’émigration à offrir davantage d’opportunités à leurs ressortissants et enfin traiter les gouvernements du Sud comme les partenaires d’un échange équitable et valorisant pour toutes les parties : tels sont les trois mots d’ordre sur lesquels repose le développement solidaire. Quant à leur application, elle passe respectivement par la promotion d’une immigration de travail qui privilégie les titres de séjour à durée limitée – de manière à ne pas priver trop longtemps les pays d’origine de leurs forces vives –, par des aides apportées à la fois aux investissements français à l’étranger et aux étrangers qui acceptent de quitter la France pour rentrer volontairement chez eux – ainsi Brice Hortefeux remettait le 3 juillet 2008 les tout premiers « prix du codévelop-pement », ainsi qu’un chèque de 3000 euros, à de jeunes diplômés « qui font le pari du retour au pays » –, et enfin par un conditionnement de l’assistance économique de l’État français aux efforts que déploient ses partenaires pour limiter l’émigration de leurs ressortissants.


Telle qu’elle est présentée par le ministère, la politique de développement solidaire de la France apparaît donc comme une idée ambitieuse, généreuse, irréprochable. Cependant, à y regarder de plus près, ce dispositif présente un certain nombre de faiblesses. La première d’entre elles concerne la « fuite des cerveaux », dont le ministère de l’immigration veut préserver les pays d’émigration. On sait, grâce aux travaux de nombreux économistes que, contrairement à l’idée largement répandue, c’est loin d’être « toute la misère du monde » qui fait le choix de migrer vers les pays occidentaux. Au contraire, les nations qui sont à la fois les moins riches et les moins peuplées sont celles où le taux d’expatriation des « cerveaux » est le plus élevé. Cette double corrélation, qui s’explique aisément par le peu d’opportunités que les marchés intérieurs des petits pays pauvres offrent aux travailleurs hautement qualifiés, sert d’ordinaire à conforter les ardents défenseurs de la maîtrise des flux migratoires dans leur conviction que la fermeté qu’ils préconisent protège les sociétés les moins développées de l’hémorragie de leurs forces vives.


Il reste pourtant que le développement économique qui inciterait les « cerveaux » des pays d’émigration à demeurer chez eux est un processus relevant de la longue durée, alors que la décision d’émigrer s’inscrit quant à elle dans le court terme et offre les meilleures chances aux migrants d’améliorer leur condition matérielle. Par conséquent, les promesses d’aide à l’essor économique des « pays source d’immigration » inhérentes à la politique de développement solidaire n’ont aucune incidence sur les raisonnements et la volonté de partir des migrants potentiels. Elles en ont même d’autant moins que les dirigeants occidentaux qui affichent hautement leur refus de piller les ressources humaines du Sud sont également de chauds partisans d’une immigration sélective qui a pour effet d’augmenter encore le quotient des qualifiés dans les diasporas des nations les plus pauvres.


La deuxième faiblesse dont souffre le dispositif du développement solidaire renvoie à l’appui qu’il prend sur une théorie désormais jugée largement obsolète, celle de la substituabilité entre commerce international et migrations. Longtemps dominante, cette perspective suppose à la fois que le développement des échanges internationaux pousse les pays qui y prennent part à se spécialiser en fonction de leurs avantages comparatifs, que la spécialisation des partenaires de l’échange stimule à la fois l’offre d’emploi et la croissance chez chacun d’eux, et que la prospérité ainsi générée offre aux travailleurs des régions les moins favorisées d’autres options que l’expatriation. Ce dernier aspect du raisonnement repose sur une prémisse supplémentaire, à savoir que la décision d’émigrer procède d’une estimation subjective mais rationnelle de l’écart entre les revenus escomptés dans les pays d’accueil et d’origine.


C’est donc en vertu de cette substituabilité supposée que le gouvernement français soutient qu’en favorisant les investissements français, directs et indirects, chez ses partenaires du Sud, il œuvre simultanément à leur essor économique et à la diminution de l’immigration subie en France. Toutefois, cette théorie est largement remise en cause par les économistes spécialisés dans le développement. Ils constatent d’abord que la propension à l’expatriation dépend souvent moins de l’écart entre les revenus escomptés à l’étranger et dans le pays d’origine que de la répartition des richesses à l’intérieur de la société de départ. Dans la mesure où les migrants potentiels ne figurent généralement pas parmi les couches les plus défavorisées de la population, ce n’est donc pas tant le dénuement dans lequel ils se trouveraient déjà qui va les déterminer à tenter leur chance ailleurs, mais plutôt la crainte d’un déclassement ou d’un appauvrissement causé par le creusement des inégalités dans leur pays.


Or, telle est bien l’incidence initiale de la libéralisation du commerce international sur les pays émergents et en développement, en particulier lorsque cette ouverture s’étend à la circulation des capitaux : la spécialisation induit une concentration de la richesse dans les branches exportatrices, une contraction corrélative du marché intérieur et un important chômage dans les secteurs où les importations remplacent la production domestique. En outre, la suppression des tarifs douaniers prive les gouvernements d’une bonne part de leurs recettes, ce qui se traduit aussitôt par une nette diminution des budgets sociaux.


Complémentarité

Contrairement aux proclamations de Brice Hortefeux et de son successeur, Eric Besson, l’intensification des échanges de biens et services entre la France et ses partenaires du Sud est loin d’offrir des solutions de substitution aux candidats à l’expatriation : au moins dans un premier temps, elle ne peut au contraire manquer d’attiser leur désir d’émigration. D’autant que le développement des relations économiques améliore la qualité et diminue les coûts des moyens de communication et de déplacement entre le Nord et le Sud, et rend ainsi le projet d’émigrer plus abordable.


Le constat de la complémentarité – plutôt que de la substituabilité – entre la propension à émigrer des personnes originaires du Sud et l’ouverture de leurs frontières aux marchandises et aux capitaux venus du Nord n’est pas destiné à déboucher sur un éloge du protectionnisme ou un appel à cesser toute aide au développement. Il demeure en effet parfaitement concevable qu’à terme, et sous réserve d’une régulation plus ferme et plus équitable, la globalisation des échanges favorise l’essor des régions qu’elle soumet aujourd’hui à de terribles tensions sociales. En revanche, il est manifeste qu’aucun rééquilibrage ne pourra se produire en faveur des pays du Sud aussi longtemps que l’émigration de leurs ressortissants vers les pays du Nord ne sera pas traitée comme l’indispensable complément du commerce international et de l’aide au développement..


Enfin, la troisième faiblesse du développement solidaire tel qu’il est défini par le gouvernement français témoigne elle aussi d’une formidable méconnaissance des corrélations entre la circulation des richesses et les migrations humaines. Un paramètre semble être en effet négligé dans ce dispositif, à savoir l’importance, et la constante croissance, des fonds que les migrants renvoient vers leurs pays d’origine, ainsi que l’impact qu’ils ont sur le développement économique des régions destinataires. La Banque mondiale estimait le montant total des transferts de fonds vers les pays en développement, pour l’année 2008, à environ 328 milliards de dollars, soit plus d’un triplement du volume depuis 1995. Dans les pays aux économies les plus réduites, tels la Moldavie, les îles Tonga, le Lesotho ou le Honduras, les envois de fonds représentent un taux supérieur à 25 % du PIB. Ils atteignent même les 45 % de ce dernier pour le Tadjikistan. Les transferts de fonds pèsent désormais autant que les investissements étrangers dans l’économie des pays d’émigration, et bien davantage que l’aide publique au développement prodiguée par les pays du Nord.


L’économiste El Mouhoub Mouhoud insiste sur un paradoxe : alors que la mondialisation marginalise les pays en développement – dans la mesure où le commerce international, les flux de capitaux et les transferts de technologies leur sont tous défavorables –, seul le phénomène migratoire, soit le type de circulation qui est de loin le moins libéralisé, contribue à les insérer dans l’économie mondiale. Cela apparaît plus clairement encore dans le contexte actuel de crise économique. En effet, si la Banque mondiale prévoit bien une baisse de 7,3 % des transferts de fonds pour l’année 2009 – ce qui n’était jamais arrivé au cours des vingt dernières années –, elle précise aussitôt que cette diminution est minime et « bien inférieure à celle des investissements privés vers les pays en développement [6]. » Les transferts de fonds comptent ainsi parmi les flux financiers qui résistent le mieux à la crise. Le principal facteur pouvant affecter de manière négative ces transferts serait, comme le souligne Hans Timmer, directeur du groupe Perspectives du développement de la Banque mondiale, un « renforcement des restrictions à l’immigration dans les principaux pays de destination » dû à l’augmentation du chômage. Bien plus, Timmer souligne que cet éventuel durcissement des politiques d’immigration pourrait « tout comme le protectionnisme commercial, ralentir le redressement économique mondial ».


La relative stabilité de la manne financière que les migrants renvoient dans leurs pays d’origine est d’autant plus remarquable que, dans un monde où il demeure largement impossible de taxer les mouvements de capitaux, pour leur part, les transferts de fonds peuvent être « imposés » jusqu’à hauteur de 20 %, notamment par Western Union et, dans une moindre mesure, MoneyGram, leurs principaux vecteurs officiels. Sans doute ne suffirait-il pas d’aligner les conditions de circulation de ces transferts sur celles qui régissent les marchés financiers pour assurer le développement des pays du Sud. Les fonds rapatriés par les migrants représentent en outre un certain nombre de problèmes spécifiques relatifs à leur répartition et leur allocation. Il ne reste pas moins que, sans relever du remède miracle, ils contribuent indéniablement à réduire la pauvreté dans les milieux qui en bénéficient. Ils présentent en outre l’avantage, comme on l’a vu, d’une certaine stabilité par rapport aux autres types de flux financiers, ainsi que celui de produire des effets contra-cycliques, au sens où les expatriés tendent à envoyer davantage d’argent à leurs proches lorsque la situation économique de leur pays d’origine se dégrade.

Faire régresser le genre humain

Force est par conséquent de reconnaître qu’un État du Nord réellement préoccupé de favoriser, dans la concertation, le développement de ses partenaires du Sud serait bien inspiré d’articuler tant les aides publiques qu’il leur apporte que les investissements privés dont il s’efforce de les faire bénéficier aux transferts de fonds qu’envoient leurs ressortissants présents sur son sol. Or, pour sa part, le gouvernement français s’ingénie à faire exactement le contraire. Le développement solidaire du ministère qui en a la charge consiste en effet à conditionner le soutien économique de la France aux efforts déployés par les gouvernements des pays d’émigration en vue de dissuader leurs ressortissants de se rendre sur le territoire français. La délivrance de laissez-passer permettant la réadmission des éloignés et la fixation de quotas de travailleurs destinés à s’installer temporairement sur le territoire français figurent en bonne place parmi les engagements exigés par la France en contrepartie de son assistance économique. Qu’une pareille politique ne réponde pas aux intérêts économiques des pays avec lesquels le ministère de l’immigration français signe des accords de gestion concertée des flux migratoires est une évidence. L’obstination de ses concepteurs à favoriser ce qu’ils condamnent, à entraver ce qu’ils prétendent souhaiter et à tenir pour substituable ce qui est complémentaire engage même à s’interroger sur la nature de leurs intentions.


Le 3 septembre 2009, lors d’une conférence de presse intitulée « Huit mois au service du pacte républicain », Eric Besson déclarait : « Les migrations sont un facteur de progrès pour l’humanité si elles répondent à un triple intérêt : l’intérêt du migrant, l’intérêt du pays de destination et l’intérêt du pays d’origine ». Dans la mesure où elle ne sert ni ses hôtes, ni ses partenaires, ni la prospérité de son pays, force est d’admettre que la politique d’immigration mise en œuvre par le ministère qu’il dirige contribue quant à elle à une régression du genre humain.


Notes

[1] Discours de Brice Hortefeux à la presse, 13 janvier 2009.

[2] L’essentiel sur le développement solidaire – Favoriser le développement solidaire avec les pays source d’immigration, livret édité par le ministère de l’immigration.

[3] Discours de Brice Hortefeux à la presse, 19 juin 2008.

[4] Au 15 octobre 2009, neuf accords étaient signés : avec le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Cap Vert, le Congo, le Gabon, l’Ile Maurice, le Sénégal et la Tunisie.

[5] Communiqué du ministère de l’immigration, 13 mai 2009.

[6] Communiqué de presse de la Banque mondiale, 13 juillet 2009.

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10 janvier 2010 7 10 /01 /janvier /2010 03:33


"jugeons les prédateurs de la finance pour crime contre l’humanité"

Jean Ziegler

http://goudouly.over-blog.com/article-jugeons-les-predateurs-de-la-finance-pour-crime-contre-l-humanite-42267875.html

Le sociologue Jean Ziegler, auteur de La Haine de l’Occident, rappelle que l’argent donné aux banques à été retiré de la bouche des enfants du Tiers-monde.

sur Altermonde sans frontières


À 75 ans, Jean Ziegler n’a toujours pas envie de se taire. Membre du comité consultatif du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, il part en guerre contre les banquiers et tous les prédateurs de la finance internationale. « Il faut savoir qu’au moment où les États de la zone euro libéraient 1 700 milliards pour remobiliser le crédit interbancaire, dans le même temps, ils coupaient d’un tiers le financement de l’aide alimentaire d’urgence. Or, 71 millions de personnes dans le monde ne vivent que de cette aide », dénonce le sociologue.


Les chefs d’États des pays occidentaux se sont bien gardés d’assister à la réunion de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui s’est déroulée en Novembre à Rome. Ils avaient trop la honte. Sur un budget prévisionnel de 6,7 milliards de dollars pour 2009, 3 milliards n’ont toujours pas été versés au Programme Alimentaire Mondial (PAM).

« Avec la crise, les pauvres en Occident maigrissent mais dans le tiers-monde, les pauvres meurent. Dans les camps de réfugiés en Somalie, le PAM ne distribue plus que des rations adultes de 1 500 calories par jour, alors que le minimum vital est de 2 200 calories », s’insurge Jean Ziegler.

« Peu à peu, ces réfugiés ne parviennent plus qu’à se traîner, attendant la mort. Tout cela à cause des prédateurs de la finance ! Ces types, il ne faut pas seulement les dénoncer. On doit les traduire devant une Cour Pénale Internationale afin de les juger pour crime contre l’humanité », dit le sociologue. Dans son dernier ouvrage, il rappelle que les Blancs ne représentent que 13 % de la population de la Terre. Or, depuis cinq cents ans, ils dominent la planète.

Jean Ziegler est aussi l’auteur de Main basse sur l’Afrique, de Retournez les fusils ! Manuel de sociologie d’opposition, et de La Suisse, l’Or et les morts, révélant que les banques suisses avaient gardé les biens des Juifs disparus dans les camps de concentration. Des ouvrages qui lui ont valu attaques, saisies sur ses biens, et même une levée de son immunité parlementaire.

« Un million d’enfants au Bangladesh n’avaient qu’un repas convenable par jour, celui que leur servait le PAM à l’école. Faute de crédits, ils ne peuvent plus être nourris. Est-ce que les chefs d’État, comme Nicolas Sarkozy, qui se sont montrés si généreux avec les banquiers, se rendent compte de cela ? » analyse Jean Ziegler.

Un enfant de moins de dix ans meurt de faim toutes les cinq secondes

Un milliard d’êtres humains sont en permanence gravement sous-alimentés. « Un milliard de crucifiés dès la naissance ! Alors que la FAO indique que l’agriculture mondial peut nourrir sans problème 12 milliards d’êtres humains, soit le double de l’humanité présente. Un enfant qui meurt de faim est assassiné », ajoute le sociologue.

« Autrefois, les enfants du Sud mouraient sous l’esclavage et la colonisation. Aujourd’hui, ils meurent sous le capitalisme globalisé », affirme-t-il.

Mais alors, pourquoi continuer à travailler pour l’ONU ? « C’est vrai, l’ONU est proche de la ruine. Mais certaines organisations spécialisées, comme le PAM, le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), le Conseil des Droits de l’Homme, font un travail magnifique »


Siné-Hebdo n° 67 du 16 décembre 2009

 

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9 janvier 2010 6 09 /01 /janvier /2010 03:27
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La France de nos jours (2009 – 2010)

 http://goudouly.over-blog.com/article-la-france-de-nos-jours-2009-2010--42232074.html

 

Ce n’est pas parce que le champagne a coulé à flot que nous devons nous endormir.

Enfin, champagne à flot, ce n’est qu’une vue de l’esprit, pour faire genre.

Une bouteille pour passer la nouvelle année, c’est bien suffisant, car comme dit une bonne amie à moi :

Vous avez aimé les Subprimes en 2009, vous allez adorer les LBO en 2010

Vous avez aimé Copenhague en 2009 vous allez adorer Mexico en 2010

Vous avez aimé le ralentissement de la montée du chômage en 2009, vous allez adorer l'accélération de la montée du chômage en 2010

Vous avez aimé les élans de solidarité et de fraternité initié par notre classe politique en 2009, vous allez adorer les conséquences du débat sur l'identité nationale en 2010

Vous avez aimé H1N1, vous allez adorer C12B8...............

Elle rajoutait en forme de vœux angélique :

J'aurais du envoyer une carte de voeux qui chante et qui neige.....

Je vous souhaite à tous (et toutes) une excellente année 2010.

 

Je n’ai rien d’autres à ajouter, et je vous la souhaite donc belle et re belle.

 

Ce n’est pas parce que le champagne a coulé à flot qu’il faut en oublier ce monde qui nous entoure.

Aussi j’ai puisé dans les infos du quotidien de ces derniers jours avec 3 points d’entrées.

 

Les revers français, le respect des critères de Maastricht, les incendies du réveillon.

 

Je vous rassure tout va très bien.

L’industrie française est en perte de vitesse, cela n’empêche pas les grands patrons de faire grossir leurs fortunes et pour les plus « importants » de ne plus vivre en France mais aux States, à côté de Johnny, et de nous donner de grandes leçons de morales.

Au fait on a failli perdre notre idole française en cette fin d’année.

Remarquez qu’il est mieux soigné dans une clinique religieuse en Amérique, qu’une clinique privée en France...je ne sais pas ce que cela peut vouloir dire...mais bon il se repose dans sa maison de Los Angeles de 500 m2 en attendant de construire sa nouvelle demeure.

Il sont malheureux tous nos symboles français là bas loin de la France.

 

C’est quand même ceux là même qui dictent ce que nous devons faire.

En clair, faites ce que je vous dis, pas ce que je fais.

J’ai de plus en plus de mal à les écouter sans un large sourire.

 

Le TGV, Areva, EPR, télécom, espace, tous nos fleurons sont en train de se ramasser.

Si on considère que la main d’œuvre bon marché est déjà partie à l’autre bout du monde dans un souci d’abolition des règles sociales, et que notre matière grise s’effondre, il y a gros à parier que notre avenir industriel est en mauvaise posture et que le chômage va continuer son accélération vers le haut.

 

Heureusement le grand emprunt est là, qui va nous faire payer individuellement la faillite de nos élites.

 

Mais cela ne suffisant pas, concernant nos élites, il y a aussi le secteur financier qui est en capilotade.

Le niveau de dette publique française a atteint 75,8% du PIB au troisième trimestre 2009, soit une hausse de 1,9 point de pourcentage de plus qu'au trimestre précédent. Les vœux pieux du Traité de Maastricht, qui recommande une dette publique à 60% du PIB, semblent bien oubliés

Nous voilà rendu à 1 457.4 milliards d’euros de dette publique.

 

Je me souviens de discours qui disaient en gros : « ne votez pas à gauche, la socialisation des moyens de productions ne feront qu’aggraver la dette publique, il vous faut faire confiance au marché et à la concurrence libre et non faussée »

Ben voilà nous y sommes.

Et la gauche est atomisée d’avoir voulu courir après le marché.

 

Se pose aussi en filigrane la question des critères imposés par l’Europe via le contournement des décisions populaires. Ces critères OBLIGATOIRES, ne le sont que pour les peuples...le pouvoir peut très bien s’en arranger.

Donc encore une fois : faites ce que je vous dis, pas ce que je fais.

Cela devient une habitude de fonctionnement.

 

Mais le réveillon est là et son maintenant traditionnel feu de voitures dans la France entière.

L’état avait mis en place une légère mobilisation au plan national : 45 000 policiers et gendarmes quadrillaient le territoire dans cette nuit embrasée... ce qui n’a conduit qu’à 1 137 véhicules brûlés, soit 10 de moins que l’année dernière.

 

Hip hip hourra ! a crié le ministre en charge des feux de la saint sylvestre.

Dix incendies de moins, c’est une victoire !

 

Avec à la clef de nouvelles interdictions de circuler et de détention de boissons en particulier dans Paris, avec à la clef  549 interpellations sur Paris (288 l’année dernière) et 16 gendarmes et policiers légèrement blessés.

Tout cela dans la bonne humeur du réveillon et le silence complice de la presse.

 

La question de ces incendies n’est même plus posée.

Pourquoi ont-ils lieux ?

Quel mal être cela révèle-t-il ?

Quelle réponse politique est-il proposé ?

Là je sais : la répression, et la surveillance des quartiers chicos.

Les autres !?

 

Enfin ne soyons pas pessimistes, d’un côté les arrangements avec les lois, les règles, la finance, vont bon train, de l’autre la répression s’accélère et la presse est complice par son silence.

Il suffit d’être du bon côté du manche.

 

Au fait une solution pour nous sortir de la dette et renflouer les caisses de la sécu : revendre nos vaccins de grippe à l'Afrique !

 

Un geste humanitaire, dans sa communication, qui permettra la survie de notre système de santé !

 

Nous devrions nous occuper de notre avenir.

Aurore


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