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Les humeurs, les rumeurs, les coups de cœur, les coups de gueule, et puis les amitiés de la rue et de plus loin, de la journée, de l'air du temps...un peu de tout, un peu de rien, mais toujours à gauche.

Nourrir 9 milliards d'humains sans OGM, c'est possible

"Nourrir 9 milliards d'humains sans OGM, c'est possible"

- Spéciale Agriculture - Marc Dufumier -
Professeur d'agronomie au sein d'AgroParis Tech
sur Ecolife


2050 : la Terre porte 9 milliards d'humains. Pour que la planète supporte ce poids, prévu par les études démographiques, pas de solution miracle. Marc Dufumier, Professeur d'agronomie au sein d'AgroParis Tech (Institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement), rappelle que seule l'intégration des écosystèmes dans l'agriculture, ou agroécologie, serait viable.


 

(ECOlife) Qu'est ce que l'agroécologie ?

(Marc Dufumier) Il s'agit de l'agronomie la plus efficace possible, basée sur nos savoirs scientifiques. C'est une agronomie savante et véritablement minutieuse, puisqu'elle doit tenir compte du fonctionnement global de l'écosystème. L'objet du travail n'est plus la plante seule, ni même le sol. C'est tout le travail conjoint par les cycles du phosphore, de l'eau, du carbone, de l'azote, sur lequel on va travailler afin d'optimiser la production, et nourrir 9 milliards de personnes en 2050.

Dans l'agroécologie, il faudra utiliser au mieux les ressources renouvelables : le soleil, mais aussi le carbone et l'azote de l'air. L'agriculture écologique utilisera moins de produits issus de l'exploitation des ressources non renouvelables comme le gaz ou le pétrole, c'est-à-dire les engrais chimiques et pesticides.


Pourquoi la modification du génome (OGM) ne serait-elle pas la solution?

Pour la simple et bonne raison que la génétique n'est pas le facteur déterminant de la culture d'une plante dans la nature. C'est l'écosystème tout entier qui détermine un rendement optimal, c'est-à-dire une production maximum pour des coûts minimums. Nous ne pouvons absolument pas prévoir quelles seront les conséquences des cultures en plein champ d'OGM. En revanche, nous avons la certitude que ces derniers constituent de très fortes pressions de sélection sur les autres êtres vivants.


Avez-vous un exemple concret ?

En Chine, pour éviter que les capsules du coton ne soient dévorées par les chenilles, on a cultivé du coton Bt [NDLR : composé d'un gène issu d'une bactérie produisant de la toxine botulique qui agit comme un insecticide]. Or, celui-ci a favorisé le développement d'une autre espèce de chenille, qui elle, mange les feuilles... mais a développé par ailleurs une résistance à la toxine. Résultat, les cultures ont été envahies par cette chenille qui mangeait à la fois feuille et capsule. Tout cela, malgré la modification génétique, pour en venir à l'épandage de nouveaux insecticides.

Dans la mesure où les écosystèmes sont extrêmement complexes et que nous sommes loin de les maîtriser, les OGM ne peuvent être cultivés en plein champ. C'est trop risqué. On ne peut donc compter sur ces cultures pour nourrir les futures générations.


Mais en quoi les OGM sont-ils tellement différents des variétés créées par l'homme depuis le Néolithique ?

En réalité, les OGM sont en totale continuité avec l'agriculture pratiquée dans les pays riches depuis un siècle et demi, et les pays en développement depuis un demi-siècle. C'est cette agriculture-là, qu'on appelle productiviste, qui a constitué une vraie rupture avec l'agriculture développée depuis le Néolithique.

Autrefois, le paysan était maître de ses créations variétales. Dans un champ de maïs sud-américain par exemple, il choisissait les plus beaux épis, et parmi ceux-ci, les plus beaux grains, qu'il hybridait entre eux.

Au cours de l'Histoire, d'autres critères de sélection comme le goût, la facilité de culture, se sont ajoutés, mais il restait un critère inaliénable : l'adaptation de la nouvelle variété à son environnement. Et non pas l'inverse ! Et comme chacun faisait ces hybridations dans son écosystème, on est parvenu à une énorme biodiversité culturale, et animale.


Quand les choses ont-elles changé ?

Lors de la révolution industrielle, les hommes ont commencé à investir d'énormes quantités d'argent dans la création de variétés. Pour amortir ces millions, ils ont dû vendre de très gros volumes de semences. Il a fallu évidemment mettre de côté certains critères de sélection, jusqu'à n'en garder plus qu'un : le rendement par hectare. En parallèle, les cultivateurs ont gommé les caractéristiques locales, rédhibitoires si l'on voulait cultiver sous toutes les latitudes, comme les différences de sensibilité à la durée du jour et de la nuit, qu'on appelle photopériodisme.


Ces plantes n'étaient donc pas adaptées à leur environnement ?

Clairement, non. Et ce, d'autant plus qu'elles n'étaient efficaces que dans les conditions expérimentales dans lesquelles elles avaient été créées. A savoir, un environnement très contrôlé, sans cailloux ni insectes. Mais lorsqu'il a fallu cultiver en plein champ, ces plantes, qui n'avaient pas été sélectionnées sur d'autres critères que le rendement, n'ont pas résisté aux attaques de champignons, insectes, et maladies. D'où la nécessité des engrais et pesticides chimiques de synthèse.


L'agroécologie apporte la qualité, certes. Mais comment produire en quantités sans engrais ?

Le soleil, l'azote, la potasse, le phosphore et les éléments minéraux sont aujourd'hui sous-utilisés, alors que ce sont eux, les vrais facteurs de croissance !

Aujourd'hui, nos engrais azotés sont fabriqués par le gaz naturel de Russie. Les protéines qui nourrissent notre bétail viennent du Brésil. Nous pouvons faire autrement. Ces protéines peuvent être fabriquées par les légumineuses (luzerne, fèves, pois chiches, lentilles, trèfle, etc.), combinées à la rotation des cultures.

Mis à part la rupture technologique, et le fait d'avoir franchi une barrière entre espèces, les OGM continuent dans la même logique que l'agriculture productiviste et ne résolvent rien. Croire que la production des pesticides par la plante elle-même permettra de s'en affranchir est une fuite en avant.


Propos recueillis par Diana Semaska

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