La France a connu deux jours tendus à Genève, lors de son audition par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU (CERD). Les récents discours de ses dirigeants ont hérissé les experts du comité. Ces critiques viennent s'ajouter au conflit, déjà ancien, qui oppose la France et le CERD sur les « statistiques ethniques ». Le programme des auditions de la 77ème session du CERD avait été fixé avant même les discours et annonces polémiques de l'été sur les Roms, les Gens du voyage et les « Français d'origine étrangère ». Régulièrement, comme tous les pays ayant ratifié la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la France passe ainsi son oral. Les sujets à aborder ne manquaient pas : débat sur l'identité nationale, politique d'immigration, contrôles au faciès, la « discrimination à l'égard des Roms » ou la « portée des lois sur les gens du voyage »... Les 18 experts qui ont auditionné la délégation française, mercredi et jeudi, rendront leurs conclusions à la fin du mois. Un point de satisfaction à retirer ? Oui : l'annonce par la France de la mise en oeuvre prochaine d'un plan de lutte national contre le racisme. Mais la Fédération internationale des Ligues droits de l'Homme (FIDH) déplore sur ce point l'absence de concertation avec les principaux acteurs en ce domaine, et ne voit là « qu’une manière de détourner l’attention des véritables problèmes ». Le discours de Grenoble ne passe pas « Problèmes », au yeux du CERD : les toutes récentes prises de position du chef de l'Etat (notamment son discours du 30 juillet à Grenoble) et de membres du gouvernement ou de l'UMP, qui ont attiré des remarques corrosives. Les experts du comité ont dénoncé une « recrudescence notable du racisme » en France. Le représentant du Togo s'en est directement pris à Nicolas Sarkozy : « Le discours du chef de l'Etat n'est pas seulement discriminant, c'est aussi une incitation à la haine. » Pour la FIDH c'est « une volée de bois vert » que la France a reçue à Genève. Sur Rue89, Julie Gromellon, représentante de la fédération dans les débats, rapporte : « D'habitude, les experts s'interrogent sur la conformité d'une politique nationale par rapport à la convention. Mais là, les membres du comité ont été choqués par les récentes déclarations au plus haut niveau de l'Etat. Ils critiquent l'attitude générale de la France, qui non seulement ne reconnaît pas les discriminations raciales, mais en nie aussi l'existence. Ils reprochent à la France de se retrancher derrière les principes de “liberté, égalité, fraternité” pour dire que “tout va bien”. » Statistiques ethniques, visions divergentes La question de la mesure des discriminations raciales est, il faut le dire, un point de tension récurrent entre la France et le CERD. Suivant en cela la tradition anglo-saxonne, ce dernier appelle depuis des années Paris à mettre en place des « statistiques ethniques » afin de disposer de données pour mieux appréhender les discriminations. Une sujet sensible que la France rejette par principe, se fondant sur l’article 1er de la Constitution : la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Les exceptions existent, encadrées pour des travaux de recherche, ou relatives à l’origine géographique ou la nationalité antérieure à la nationalité française. Mais pas au sens des « statistiques ethniques » demandées par le comité. Paris l'expliquait ainsi l'an dernier au CERD : « l’affirmation de l’identité est le résultat d’un choix personnel, non de critères applicables définissant a priori tel ou tel groupe et dont découlerait un régime juridique distinct. » Une position plus inconfortable à tenir, toutefois, quand ses dirigeants eux-mêmes en viennent à pointer du doigt des groupes définis a priori... |