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6 novembre 2012 2 06 /11 /novembre /2012 13:03

http://goudouly.over-blog.com/article-tu-n-as-rien-compris-a-fukushima-112161683.html

 

carte postale de François Mourotte

 

François MOUROTTE
"Talus" triptyque mars 2006
24x20cm - collage de gravures.

 

Sur

The cARTed Picture Show
Sculpture Amicale - Friendly Sculpture
cARTed Series n.206 - avril 2006 - Yvetot

 

TU N’AS RIEN COMPRIS À FUKUSHIMA

par Cédric Chevalier

Billet invité du blog Paul Jorion

 

Le récent billet publié par Paul Jorion sur son blog, intitulé Tu n’as rien vu à Fukushima, aborde de manière concomitante d’intéressantes questions mathématiques, économiques et philosophiques. Jorion examine cette réalité complexe et à échelle multiple qu’est la gestion du risque par les individus, les sociétés (au sens social du terme) et l’espèce humaine (la réflexion au niveau de l’espèce étant devenue une question éthique pertinente depuis que la technologie permet notre suicide collectif, comme l’a montré Hans Jonas). Contrairement à ce que pourraient laisser penser des modèles désincarnés programmés directement en binaire dans des automates boursiers, la lecture correcte des informations probabilistes, loin d’être neutre, est au contraire un enjeu philosophique et politique fondamental.

C’est d’ailleurs seulement l’apparence du hasard qui a vu publié le même jour dans la revue Nature Geoscience un article relatif au tsunami qui dévasta les rives du lac Léman en 563, article largement repris par la presse ce jour-là.

Nous sommes de plus en plus nombreux à prendre conscience de ces risques, avec lesquels nous sommes désormais condamnés à vivre, pour le meilleur et pour le pire.

 Concrètement, on peut relever dans cette classe de problèmes, l’ensemble ouvert composé grosso modo de deux sous-ensembles : nucléaire militaire et civil, OGM, nanotechnologies, armes biologiques et chimiques, … dans le sous-ensemble des risques que nous créons nous-mêmes ; et catastrophes naturelles tels que : objets géocroiseurs, pandémie, tremblements de terre, tsunamis, … dans le sous-ensemble des risques qui sont générés par « la nature ». Cet ensemble est non fermé, car nous ne pouvons dénombrer avec certitude l’ensemble des risques qui le constituent, un constat qui a d’importantes implications pour la gouvernance.

En ce qui concerne les événements inventoriés dans le second sous-ensemble, nous ne sommes pas complètement impuissants car nous pouvons influencer directement le cours des choses – pour certains risques uniquement -, en agissant sur la probabilité d’occurrence de l’événement initial (évitement du déclenchement des pandémies), ou sur son niveau d’impact final (déviation d’un objet géocroiseur …). Pour les autres risques « naturels », dans l’état actuel de notre technologie, nous devons nous résoudre à mitiger les conséquences car nous ne maîtrisons absolument pas leur probabilité d’occurrence (tremblements de terre, tsunamis, … ).

Evidemment, la réalité est plus complexe, et certains risques a priori « naturels » peuvent être causés par nous (tremblements de terre dus à l’exploitation des gaz de schiste, tsunamis dus à des glissements de terrain provoqués par l’Homme).

Deux éléments essentiels constituent « un risque » (on ne prendra ici en compte que les événements néfastes, mais les mêmes concepts s’appliquent aux événements favorables) : la  « probabilité d’occurrence » d’un « événement » par intervalle de temps et dans un espace donné (comprise entre 0 et 1 ou 0 et 100%), et son « niveau de dégât potentiel ». Il s’agit bien ici, comme le rappelle Paul Jorion, d’un niveau « potentiel », et non « moyen ». Le risque pertinent pour la gouvernance, compris dans toutes ses implications morales, est composé sans aucun doute du niveau de dégât maximal. C’est là précisément que se situe le nexus de la réflexion qui va continuer à occuper les chancelleries au cours de ce XXIème siècle.

On peut montrer qu’il existe une borne inférieure au niveau de dégât d’un risque : 0. C’est-à-dire aucun dégât. Par contre, théoriquement, l’opposé du continuum n’est pas borné, on peut imaginer des dégâts tendant vers l’infini. En pratique, comme nous sommes des êtres finis, en quantité finie sur une planète finie, le risque connaît en fait une borne maximale. Ici, il faut évidemment adopter une échelle relative, forcément subjective selon ses croyances philosophiques. Pour nous, Occidentaux baignant dans une culture judéo-chrétienne, le risque maximal individuel pourrait être « la mort » (ou pour les croyants, la « damnation éternelle »), pour une ville ou un pays « l’anéantissement total » (de ses habitants, de ses infrastructures, …), pour l’espèce humaine « l’extinction » pure et simple.

La lecture probabiliste a donc des implications morales directes. Le risque maximal, ontologique, pour un individu ou notre espèce complète, ne peut en aucun cas être pris en compte de la même manière que les autres risques. La pratique appelée « gestion des risques » au sens courant, utilisée notamment par les financiers et les politiciens, n’intègre vraisemblablement pas cette nécessité. Il s’agit là d’une compréhension des probabilités au mieux partielle, naïve, ou pire, d’un usage des probabilités marqué d’un manque flagrant de conscience éthique collective. On peut à nouveau rejoindre Hans Jonas dans son énoncé du Principe Responsabilité : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre », qui actualise de manière judicieuse la maxime (pas uniquement chrétienne) « Aime ton prochain comme toi-même », qui restait suffisante tant que la technologie de l’époque ne permettait pas à l’Homme de suicider sa propre espèce. Appliquant cette règle à notre propre bénéfice, nous eussions tous souhaité naître dans un monde où l’on ne courrait pas le risque de périr vaporisé par un missile balistique, ou de devoir survivre d’une façon qui n’aurait plus rien d’authentiquement humain dans les décombres d’un holocauste nucléaire.

Le respect de cette « loi » formulée par Hans Jonas a deux champs d’application intéressants :

-        Les risques connus ou connaissables, qui peuvent être déduits de la connaissance contemporaine des possibilités biophysiques dans l’univers.

-        Les risques inconnus ou inconnaissables.

Dans le premier cas, il n’est pas nécessaire d’avoir prédit avec certitude l’occurrence d’un événement critique futur, ni d’avoir calculé sa probabilité exacte de survenance, pour obliger moralement l’individu ou l’Humanité à une action positive ou au renoncement à une action dangereuse, dans la mesure de ses possibilités. Il suffit, parmi plusieurs conditions suffisantes :

-        de pouvoir montrer qu’un événement comparable s’est produit par le passé, qu’il a atteint tel niveau de dégât critique et que les conditions actuelles, en l’état des connaissances, n’interdisent pas une nouvelle occurrence.

-        de pouvoir montrer, même sans archives du passé, qu’en l’état des connaissances, un enchainement causal singulier peut mener à un résultat final critique. La simple description qualitative des enchainements de mécanismes (tous vérifiant le principe de plausibilité) peut suffire à conclure à l’existence d’un risque moralement inacceptable.

Dans le second cas, celui des risques inconnus, c’est-à-dire inimaginables, on ne peut sans doute se montrer aussi catégorique quant à l’obligation morale « de faire ou ne pas faire ». En effet, une bonne compréhension de la logique scientifique implique que par exemple, je ne peux exclure a priori que mon éternuement ne va pas provoquer la fin du monde (A vos souhaits !). Tout le construit scientifique repose en effet sur des postulats scientifiques tels la stabilité éternelle des lois de la physique dans le temps… Dans ces cas là, il est difficile de concevoir une obligation morale immédiate. Nous ne sommes ni omniscients, ni omnipotents. Laissons cela à un Dieu éventuel.

On le voit en tout cas, le sens de risque « connu » n’émane pas de sa parfaite compréhension, prédictibilité ou de l’existence de traces indéniables d’occurrence passée, mais simplement d’un « état actuel des connaissances », qui donne une vision de la réalité, de ses mécanismes et donc du champ des possibles futurs. En effet, les risques « connus » sont parfois « inimaginés », c’est-à-dire que malgré un état des connaissances permettant théoriquement de les énoncer, personne ne les a encore jamais répertoriés et décrits.

Les subtilités de la réalité peuvent mixer ces aspects. Le cas d’un avion de ligne s’écrasant sur un bâtiment stratégique illustre parfaitement le cas de figure d’un événement à la fois connu (« bête » chute d’un avion sur un bâtiment) et méconnu (attentat terroriste coordonné impliquant un avion de ligne sur une cible stratégique). Il a en effet été décrit en 1994 par Tom Clancy, dans son roman « Dette d’honneur ». Dans ce livre, un Boeing 747 s’écrase sur le Capitole tuant la plupart des parlementaires et le président des Etats-Unis. 7 ans plus tard,  la réalité a rejoint la fiction, quand deux avions s’écrasaient sur le World Trade Center de New York, un sur le Pentagone à Washington et qu’un quatrième avion, dont un groupe de passagers s’efforça de reprendre le contrôle s’écrasait au sol, alors qu’il avait pour cible présumée le Capitole.

Dans l’analyse des probabilités appliquées aux risques, d’autres notions sont négligées. La conjonction et la corrélation des événements sont des réalités tout aussi indispensables. Loin d’être parfaitement homogène et défini par le hasard, l’univers est au contraire parcouru de lignes de forces et de singularités. Il en va logiquement de même des probabilités appliquées. Ce qui fait de notre monde un contexte structuré, prédictible dans une certaine mesure, et non un magma informe, ce sont les lois de la physique, mais aussi les mécanismes de la biologie et dans le cas de l’Homme, les déterminations psychologiques, sociales et historiques.

Pour reprendre l’exemple, présenté par Paul Jorion, de l’événement « chute d’un avion », on peut sadiquement extrapoler et imaginer la chute d’un avion de ligne sur une centrale nucléaire à proximité d’une métropole. On a là la conjonction de trois probabilités : le risque qu’un avion s’écrase, le risque qu’il s’écrase sur une centrale nucléaire et le risque que cette centrale soit proche d’une métropole. Loin d’être indépendants, ces trois risques connaissent en fait une corrélation effective, puisqu’on peut constater que les centrales nucléaires ne sont pas construites dans des déserts humains, mais bien à proximité des grandes centres de population (pour des raison logistiques évidentes). Il y a de plus une corrélation plus forte qu’on ne pourrait le croire entre la probabilité qu’un avion s’écrase et la probabilité qu’il s’écrase sur une centrale nucléaire. En effet, les risques d’accident aérien sont notoirement plus élevés au décollage et à l’atterrissage, et les aéroports sont situés à proximité des grands centres urbains…

Appliquée au cas de Fukushima, cette réflexion sur les conjonctions et les corrélations d’événements est tout à fait révélatrice. Une centrale nucléaire a besoin de beaucoup d’eau pour assurer son fonctionnement, mais aussi sa sécurité, une bonne partie d’entre elles sont donc situées à proximité de la mer. Les parties du monde les plus peuplées sont elles-aussi situées en bordure de mer pour toute une série de bonnes raisons historiques et pratiques. Les tsunamis sont causés par des tremblements de terre, des glissements de terrain ou la chute d’objets géocroiseurs. La corrélation entre un tsunami et un tremblement de terre est donc gigantesque. Rappelons que le Japon est situé sur une des zones sismiques les plus intenses du globe…

Malgré cela, l’existence d’une singularité telle que la conjonction au Japon d’un tremblement de terre, d’un tsunami, d’une défaillance majeure d’une centrale nucléaire et d’une catastrophe humaine concomitante semble à tout un chacun a priori peu probable.

La fameuse formule de Bayes nous éclaire à ce propos. Soit deux événements A et B, et leurs probabilités d’occurrence respectives P(A) et P(B). La formule de Bayes indique ceci P(A/B) = [P(B/A) P(A)] / P(B).

P(A/B) exprime la probabilité conditionnelle que l’événement A se produise, sachant que l’événement B s’est produit et inversement pour P(B/A). Deux événements indépendants produisent : P(A/B) = P(A) et P(B/A) = P(B). Lorsqu’il existe une corrélation forte entre A  et B (ce qui est toujours le cas lorsqu’existe un lien de cause à effet de A à B), C’est-à-dire si P(B/A) > P(B), alors P(A/B) n’est plus égal à P(A), mais à [P(B/A) P(A)]/P(B). Si P(B) est > 0, on obtient que P(A/B) est toujours supérieur à P(A). Lorsqu’existe une corrélation entre événements, la probabilité de leur occurrence conjointe augmente.

La difficulté, dans la gestion des risques, est donc bien la prise en compte de ces probabilités conditionnelles.

Illustrons à nouveau : si la P(tsunami) est faible, et si la P(tremblement de terre) est tout aussi faible, par contre, la P(tsunami/tremblement de terre) est bien plus importante. Cette conjonction d’événements très fortement corrélée est donc presque à considérer comme un événement en soi, un risque à part entière.

Ajoutons un peu de piment : le risque révélé par Fukushima aurait pu être exprimé comme suit : P(nombreuses victimes dans une grande métropole au Japon/accident nucléaire/tsunami/tremblement de terre).

Bien que ces 3 événements conditionnants soient rares de manière indépendante, on peut montrer que leur conjonction est au contraire éminemment probable, pour la simple raison logique qu’il y a des liens de causalité énormes entre eux.

Faisons intervenir un dernier élément majeur. Ce risque de singularité plus important qu’imaginé, augmente d’autant plus si l’on tient compte du nombre de centrales existantes, et d’une durée d’utilisation suffisamment longue. Ces deux derniers facteurs aggravants jouent pour tous les événements individuels qui surviennent selon une certaine loi de probabilité. Par exemple, même si plusieurs lancers successifs d’un seul dé sont des événements indépendants, la probabilité d’obtenir un résultat singulier, comme un « 6 », augmente très vite avec le nombre de lancers de dés, jusqu’à s’approcher dangereusement de la probabilité certaine, soit 1 (vous pouvez vérifier vous-même et essayer de battre le record de lancer successifs d’un seul dé sans obtenir de 6… Pour ceux qui veulent gagner du temps et qui possèdent beaucoup de dés, vous pouvez les lancer tous simultanément et constater le même résultat…). La probabilité d’occurrence d’un événement sur un intervalle de temps augmente avec l’intervalle de temps choisi, mais aussi avec l’échelle d’analyse choisie. Comme le rappelle Paul Jorion, la nature a bien le temps, est vaste et en a déjà vu d’autres.  Loin d’être une exception et le comble de la malchance pour l’Humanité, ce genre d’événement est en fait pratiquement inévitable, si l’on saisit bien les causalités, les corrélations et donc les probabilités conjointes. Ces probabilités sont notre pire ennemie, car elles sont les plus difficiles à cerner. Or elles sont beaucoup plus courantes qu’on ne le croit.

On le voit en filigrane, la comparaison de la technologie nucléaire avec la plupart des autres technologies telles que l’exploitation minière, la circulation routière ou même l’industrie classique, pour en souligner la prétendue « sécurité », est fallacieuse, et un non-sens, en raison précisément de la notion de risque potentiel maximal, d’une part, et d’une mauvaise compréhension de la probabilité d’occurrence effective, par non prise en compte des corrélations et des répétitions dans le temps et l’espace. L’usage d’un décompte comparatif de victimes « historiques » est encore plus ridicule, quand on a compris l’analogie avec le lancer de dé et le temps qu’il nous reste à vivre avec des unités de production nucléaire. Jamais aucun accident de voiture ne pourra tuer un million de personnes, ou toute l’espèce humaine, ni aujourd’hui, ni demain. Les échelles et l’analyse qualitative sont complètement différentes. Pour reprendre le vocable des économistes, les externalités potentielles des technologies de la classe du nucléaire civil sont telles, en termes d’impacts  sur la vie d’autrui et de l’espèce, qu’il s’agit en fait d’une question politique planétaire. Pour prendre une analogie d’une échelle différente, la nucléarisation passive (qui met en péril la population des pays voisins de ceux qui sont dotés de centrales nucléaires) est condamnable à plusieurs titres, non seulement comme l’est le tabagisme passif infligé sans accord par les fumeurs, mais, de manière cette fois totalement spécifique, parce qu’elle met en danger notre espèce toute entière. Les arguments philosophiques et de gouvernance changent donc complètement.

Au vu de cette réalité, on pourrait considérer que la gouvernance devrait désormais se définir comme suit : direction qui est donnée par les gouvernants à l’action humaine collective, en fonction des connaissances disponibles et d’un avenir jugé souhaitable (un avenir répondant donc à la maxime de Jonas, qui laisse ouvert le champ des possibles pour toutes les générations à venir). Cette gouvernance aura pour objectif premier l’évitement catégorique du risque ontologique pour l’espèce humaine, ainsi qu’ensuite pour la collectivité et chaque individu isolément. À cette fin, elle mettra en œuvre les institutions nécessaires pour étudier, répertorier, analyser les risques critiques majeurs de disparition de l’espèce humaine, de la collectivité et d’individus et proposer des actions d’évitement ou de mitigation. Une fois cette tâche accomplie au maximum des possibilités contemporaines, elle pourrait ensuite veiller aux conditions de maintien de la « civilisation » (notre bagage culturel et scientifique) et aux conditions concrètes de bien-être des générations actuelles.

En particulier, l’attention et les efforts d’un gouvernement devraient être directement proportionnels au produit du risque d’occurrence d’un événement par son niveau de dégât maximal.

Le niveau de dégât maximal sera fixé à l’infini lorsque l’événement impliquera : pour un individu, sa mort ; pour une collectivité, sa destruction ; pour l’espèce, son extinction. Dans ces cas où le risque maximal est infini, même une probabilité proche de zéro sera prise en charge par le gouvernement, dans la mesure du possible, c’est-à-dire à un coût acceptable pour la collectivité, ceci étant le seuil le plus difficile (mais pas impossible) à définir.

Certains risques pourraient être pris économiquement en charge de manière mondiale, comme c’est actuellement le cas pour la mitigation du risque d’impact par un objet géocroiseur.

Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, en termes juridiques, la charge de la preuve incomberait à un gouvernement de montrer qu’il a tout mis en œuvre pour éviter le scénario fatal. Ce principe serait une grande nouveauté s’il était inscrit dans une Constitution.

Si on formule un principe de précaution selon ces termes, il a toute sa raison d’être (au même titre qu’une ceinture de sécurité dont le coût relatif est insignifiant a toute sa raison d’être dans une voiture pour éviter le risque fatal individuel).

Une solide formation probabiliste – pourquoi pas un cours de « probabilité morale » et pas seulement de « probabilité mathématique » ? -, imposés aux dirigeants-en-herbe, qu’ils deviennent financiers, politiciens ou ingénieurs, permettrait d’éliminer l’hypothèse de l’inconscience et de la naïveté, dans la gestion des risques qui pèsent sur l’Humanité.

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2 septembre 2012 7 02 /09 /septembre /2012 08:15

 

carte postale de Susi Fichmann-Csuka

Susi Fichmann-Csuka
Décoratrice

Après la comète.

The cARTed Picture Show
Sculpture Amicale - Friendly Sculpture
cARTed Series n.082 - juin 1999 - Curcy sur Orne

http://goudouly.over-blog.com/article-la-declaration-de-cocoyoc-109622868.html

 

Traduction réalisée par Aurélien Bernier, Bénénice Bernier et Cécile Guillerme. 
http://abernier.vefblog.net/27.html#La_declaration_de_Cocoyoc_du_23_octobre_1974


 

Trente ans ont passé depuis la signature de la Charte des Nations-Unies visant à établir un nouvel ordre international. Aujourd'hui, cet ordre a atteint un moment critique. L'espoir de créer une vie meilleure pour l'humanité toute entière a été largement démenti. Il s'est révélé impossible d'atteindre les « limites intérieures » de la satisfaction des besoins humains fondamentaux. Au contraire, les affamés, les sans abri et les illettrés sont plus nombreux aujourd'hui que lorsque les Nations Unies ont été créées.


Dans le même temps, de nouvelles préoccupations ont commencé à assombrir les perspectives internationales. La dégradation de l'environnement et la pression croissante sur les ressources nous amènent à nous demander si un risque ne pèse pas sur les « limites extérieures » de l'intégrité physique de la planète.


A ces préoccupations, nous devons ajouter que, dans les trente prochaines années, la population mondiale va doubler. Un autre monde va s'ajouter à l'actuel, équivalent en nombre d'habitants, en demande et en espoir.


Mais cette pression cruciale ne signifie pas que nous devons désespérer de l'entreprise humaine, à partir du moment où nous entreprenons les changements nécessaires. Le premier point à souligner est que l'échec de la société mondiale à procurer « une vie sûre et heureuse » pour tous n'est pas dû à un manque de ressources physiques. Le problème aujourd'hui n'est pas en premier lieu celui d'une pénurie physique absolue, mais d'une inéquité économique et sociale et d'un mauvais usage ; la situation difficile dans laquelle se trouve l'humanité a pour origines les structures économiques et sociales et les comportements à l'intérieur des pays et entre les pays.


La plus grande partie du monde n'a pas encore émergé des conséquences historiques de près de cinq siècle de contrôle colonial qui a massivement concentré le pouvoir économique entre les mains d'un petit groupe de nations. A ce jour, au moins les trois quarts des richesses, des investissements, des services et presque toute la recherche mondiale sont dans les mains d'un quart de la population.


Les solutions à ces problèmes ne peuvent pas provenir de l'auto-régulation par les mécanismes de marché. Les marchés classiques donnent un accès aux ressources à ceux qui peuvent payer plutôt qu'à ceux qui en ont besoin, ils stimulent une demande artificielle et génèrent des déchets dans le processus de production, et certaines ressources sont même sous-utilisées. Dans le système international, les nations puissantes ont sécurisé leurs approvisionnement à bas prix en matières premières en provenance des pays pauvres – par exemple, le prix du pétrole a nettement chuté entre 1950 et 1970 – ont accaparé toute la valeur ajoutée de la production et de la revente de biens manufacturés, souvent à des prix monopolistiques.


Dans le même temps, le prix très bas des matières a encouragé l'industrialisation des nations et l'utilisation extravagante et sans précaution de matériaux importés. Encore une fois, l'énergie est le meilleur exemple. Le pétrole à peine au dessus d'un dollar le baril a stimulé la croissance de la consommation d'énergie entre 6 et 11% par an. En Europe, l'augmentation annuelle des immatriculations de voitures a atteint 20%.


En fait, la mainmise des riches sur une part disproportionnée des ressources clé entre en contradiction avec les intérêts à long terme des pauvres en réduisant l'accès aux ressources nécessaires à leur développement et en augmentant leur coût. Autant de raisons pour créer un nouveau système d'évaluation des ressources qui prenne en compte les bénéfices et les pertes pour les pays en développement.


Le principal effet de relations économiques aussi biaisées s'observe dans les inégalités en matière de consommation. Un enfant d'Amérique du Nord ou d'Europe consomme outrageusement plus que son homologue Indien ou un Africain – un fait qui rend douteuse l'attribution de la pression sur les ressources à la seule augmentation de la population du Tiers monde. L'augmentation de la population est bien sûr une des raisons de l'augmentation de la pression sur les ressources mondiales. La planète est finie et une multiplication infinie du nombre d'habitants et de la demande ne peut être indéfiniment soutenable. De plus, des pénuries peuvent apparaître localement bien avant qu'on ne détecte un dégradation générale de certaines ressources.


Une politique de conservation des ressources et, d'une certaine façon, de gestion des ressources rares menacées dans le cadre du nouvel ordre économique doit rapidement remplacer la rapacité actuelle et l'absence de précaution. Mais le fait est que, dans le monde actuel, l'énorme contraste entre la consommation par personne de la minorité riche et de la majorité pauvre a bien plus d'impact que le nombre d'humains sur l'utilisation de ressources et leur dégradation. Ce n'est pas tout.


Depuis la conférence de Bucarest sur la population, il est clairement établi que le manque de ressources pour le développement humain est l'une des causes de l'explosion démographique, l'absence de moyens pour le développement exacerbant les problèmes démographiques.


Ces relations économiques inégales contribuent directement à augmenter les pressions sur l'environnement. La baisse des prix des matières premières a été un facteur de l'augmentation des pollutions, a encouragé la production de déchets et une économie du jetable chez les riches. La pauvreté qui perdure dans de nombreux pays en développement a souvent conduit les gens à cultiver des terres nouvelles, provoquant d'énormes risques d'érosion des sols, ou à migrer dans des villes surpeuplées et physiquement dégradées.


On ne compte pas les problèmes qui découlent d'une dépendance excessive au système de marché, restreint aux relations internationales.


L'expérience des trente dernières années montre que la recherche exclusive de croissance économique, voulue par le marché et poursuivie par les élites puissantes, a le même effet désastreux à l'intérieur des pays en développement. Les 5% les plus riches accaparent tous les profits tandis que les 20% les plus pauvres ne peuvent que s'appauvrir encore. Au niveau local comme au niveau international, les maux de la pauvreté matérielle proviennent d'un manque de participation des gens et de dignité humaine, et d'une absence totale de pouvoir pour déterminer leur propre sort.


Rien ne peut illustrer plus clairement le besoin de réformer l'actuel ordre économique et la possibilité de le faire que la crise qui a touché les marchés mondiaux ces deux dernières années. Le triplement des prix des fertilisants agricoles et de produits manufacturés dans un contexte d'inflation mondiale a frappé plus durement les populations les plus pauvres. De fait, le risque d'une rupture complète d'approvisionnement menace la vie de millions de personnes du Tiers monde. Mais on ne peut pas appeler ce phénomène une pénurie. Les récoltes existent, mais sont consommées ailleurs, par des personnes très bien nourries. La consommation par personne de céréales en Amérique du Nord a cru de 350 livres depuis 1965, principalement pour la production animale, et atteint 1 900 livres aujourd'hui. Ce supplément de 350 livres est quasiment égal à la consommation annuelle d'un Indien. Les Américains du Nord étaient réellement affamés en 1965... Cette augmentation a contribué à une surconsommation qui va jusqu'à menacer leur santé. Ainsi, d'un point de vue strictement physique, il n'y aura pas de pénurie cet hiver. Il suffirait d'une petite partie des « surplus » des riches pour combler la pénurie de toute l'Asie. Il existe un exemple encore plus frappant de ce qu'on peut appeler la surconsommation dans les nations riches et de la sous-consommation qu'elle provoque dans les pays pauvres. La multiplication par quatre du prix du pétrole grâce à l'action conjointe des pays producteurs affecte nettement le rapport de forces sur les marchés mondiaux et redistribue massivement les ressources en faveur de certains pays du Tiers monde. Elle a permis de renverser l'avantage dans le commerce du pétrole et de mettre près de 100 milliards par an à la disposition de certaines nations du Tiers monde. Qui plus est, dans un domaine critique pour les économies des Etats industrialisés, ce profond renversement des pouvoirs les expose à ce que connaissent bien les pays du Tiers monde : l'absence de contrôle sur des décisions économiques vitales.


Rien ne peut illustrer plus clairement la façon dont le marché mondial, qui a continuellement opéré pour augmenter le pouvoir et la fortune des riches et maintenu le relatif dénuement des pauvres, trouve ses racines non pas dans des circonstances physiques impossibles à changer mais dans des relations politiques qui peuvent, dans leur nature profonde, subir de profonds changements. Dans un sens, le combat pour un nouvel ordre économique est déjà engagé. La crise du vieux système peut aussi être une opportunité pour en bâtir un nouveau.


Il est vrai que, pour l'instant, les perspectives se limitent à la confrontation, l'incompréhension, les menaces et les conflits. Mais encore une fois, il n'y a pas de raison de désespérer. Les crises peuvent aussi être des moments de vérité dans lesquels les nations apprennent à admettre la faillite du vieux système et à rechercher un cadre pour un nouvel ordre économique.


Gouverner, c'est essayer de guider les nations, avec leurs intérêts divergents, leurs pouvoirs et leurs richesses, vers un nouveau système qui soit capable de mieux articuler les « limites intérieures » des besoins humains essentiels et de le faire sans violer les « limites extérieures » des ressources planétaires et de l'environnement. C'est parce que nous croyons que cette tâche est à la fois vitale et possible que nous demandons plusieurs changements dans la conduite des politiques économiques, dans la direction prise en matière de développement et dans la conservation de la planète, qui nous apparaissent comme des composantes essentielles du nouveau système.


Le but du développement


Notre première préoccupation est de redéfinir l'ensemble des buts du développement. Celui-ci ne doit pas avoir pour but de développer les choses, mais les hommes. Les êtres humains ont des besoins fondamentaux : la nourriture, la sécurité, l'habillement, la santé, l'éducation. Tout processus de croissance qui ne permet par de les satisfaire – ou, encore pire, qui les perturbe – est un travestissement de l'idée de développement. Nous sommes toujours dans une période où le plus important en matière de développement est la satisfaction des besoins fondamentaux pour les populations les plus pauvres de chaque société. Le but premier de la croissance économique doit être d'améliorer les conditions de vie de ces groupes. Une croissance qui bénéficie seulement à la minorité la plus riche et maintien ou accroît les disparités entre et au sein des pays n'est pas du développement. C'est de l'exploitation. Le temps est venu de lancer une véritable croissance économique qui conduise à une meilleure répartition et à une satisfaction des besoins fondamentaux. Nous croyons que 30 ans d'expérience, avec l'espoir qu'une croissance économique rapide bénéficiant à quelques uns va irriguer la plus grande partie de la population, ont montré qu'il s'agissait d'une illusion. Par conséquent, nous rejetons l'idée de la croissance d'abord et d'une juste répartition des bénéfices ensuite.


Le développement ne doit pas être limité à la satisfaction des besoins fondamentaux. Il y a d'autres besoins, d'autres buts et d'autres valeurs. Le développement inclut la liberté d'expression et de publication, le droit de donner et de recevoir des idées et des impulsions. Il y a un profond besoin social de participation pour poser les bases de sa propre existence et pour contribuer à créer le monde futur. Par dessus tout, le développement englobe le droit de travailler, ce qui ne signifie pas seulement le droit d'avoir un travail, mais celui d'y trouver un accomplissement personnel, le droit de ne pas être aliéné à travers des procédés de production qui utilisent les hommes comme des outils.


La diversité du développement


Au delà des besoins matériels, des buts et des valeurs, la plupart de ces choses dépend de la satisfaction des besoins fondamentaux, qui est notre première préoccupation. Aujourd'hui, il n'y a pas de consensus quant à la stratégie à suivre pour satisfaire ces besoins fondamentaux. Mais nous avons de bons exemples, même dans les pays pauvres. Ils montrent que le point de départ du développement varie considérablement d'un pays à l'autre, pour des raisons historiques, culturelles et pour d'autres raisons. En conséquences, nous soulignons la nécessité de suivre différentes routes vers le développement. Nous rejetons la pensée unique qui voit le développement essentiellement et inévitablement comme l'effort fait pour imiter le modèle historique de pays qui, pour différentes raisons, sont actuellement riches. C'est pourquoi nous rejetons le concept « d'écarts » dans le développement. Le but n'est pas de « se mettre à niveau », mais d'assurer une qualité de vie pour tous avec une base productive compatible avec les besoins des générations futures.


Nous avons parlé de la satisfaction à minima des besoins fondamentaux. Mais il y a aussi un niveau maximum : il y a des planchers mais aussi des plafonds. Les hommes doivent manger pour vivre. Mais il peuvent aussi trop manger. Cela ne sert à rien de produire et de consommer de plus en plus s'il en résulte une augmentation des antidépresseurs consommés et des hôpitaux psychiatriques. De la même manière que les hommes ont des capacités limitées pour absorber la consommation matérielle, nous savons que la biosphère a une capacité limitée. Certains pays prélèvent d'une manière qui est hors de proportion avec leur poids dans la population mondiale. Ainsi, ils créent des problèmes environnementaux aux autres comme à eux-mêmes.


En conséquences, le monde ne doit pas seulement faire face à l'anomalie du sous-développement. Nous devons aussi parler de types de développement surconsommateurs qui violent les limites intérieures de l'homme et les limites extérieures de la nature. Vu de cette manière, nous avons tous besoin de redéfinir nos buts, d'adopter de nouveaux modes de vie, avec des comportements de consommation plus modestes chez les riches. Même si la priorité est de sécuriser le minimum vital, nous devrions étudier ces stratégies de développement qui pourraient aussi aider les pays prospères, pour leur propre intérêt, à trouver des modes de vie plus humains, exploitant moins la nature, les autres, et eux-mêmes.


L'autonomie


Nous croyons qu'une stratégie de base pour le développement passe par l'amélioration de l'autonomie nationale. Ceci ne signifie pas l'autarcie. Cette autonomie implique des bénéfices mutuels issus du commerce et de la coopération et une plus juste redistribution des ressources pour satisfaire les besoins fondamentaux. Cela signifie avoir confiance en soi, dépendre de ses propres ressources humaines et naturelles et avoir la capacité de fixer ses propres objectifs et de décider par soi-même. Cela exclut toute dépendance vis à vis d'une influence et d'un pouvoir extérieur qui pourrait se transformer en pression politique. Cela exclut des modèles commerciaux d'exploitation privant les pays de leurs ressources naturelles pour leur propre développement. C'est évidemment une ouverture pour le transfert de technologies, mais en se concentrant sur l'adaptation et la diffusion des technologies locales. Cela implique de décentraliser l'économie mondiale, et parfois aussi l'économie nationale pour favoriser la participation personnelle. Mais cela implique également une coopération internationale en faveur de l'autonomie. Plus que tout, cela signifie avoir confiance dans les peuples et les nations, dépendre de la capacité des peuples à inventer eux-mêmes et à générer de nouvelles ressources et de nouvelles techniques pour améliorer leur capacité à les assimiler, de les mettre au bénéfice de la société, de prendre en main les levier économiques et de créer leur propre mode de vie.


Dans ce processus, une éducation qui permette une véritable conscience sociale et la participation joueront un rôle fondamental et il faudra s'interroger pour savoir si cela est compatible avec le modèle scolaire actuel.


Pour atteindre cette autonomie, des changements économiques, sociaux et politiques fondamentaux des structures de la société seront souvent nécessaires. De même, le développement d'un système international compatible et capable de supporter les évolutions vers plus d'autonomie est tout aussi nécessaire.


L'autonomie au niveau national implique aussi un détachement temporaire du système économique actuel. Il est impossible de développer l'autonomie au travers de la participation pleine et entière à un système qui perpétue la dépendance économique. Les plus grandes parties du monde d'aujourd'hui sont composées d'un centre exploitant une vaste périphérie, ainsi que notre héritage commun, la biosphère. L'idéal dont nous avons besoin est un mode de coopération harmonieuse dans lequel chacun fait partie du centre, ne vivant aux dépends de personne, en partenariat avec la nature et en étant solidaire des générations futures.


Il existe une structuration international du pouvoir qui résistera à de tels changements. Ses méthodes sont bien connues : la volonté de maintenir les mécanismes biaisés de marché existants au niveau international, d'autres formes de manipulation économique, la rétention de capitaux, les embargos, les sanctions économiques, l'utilisation subversive de services de renseignement, la répression et la torture, des opérations de contre-insurrection, et même des interventions à plus grande échelle. A ceux qui envisagent de telles méthodes, nous disons : « bas les pattes. Laissez les pays trouver leur propre chemin vers une vie plus épanouissante pour leurs citoyens ». A ceux qui sont, parfois sans le vouloir, les outils de tels projets – universitaires, hommes d'affaires, policiers, soldat, et beaucoup d'autres – nous disons : « Refusez d'être utilisés pour nier le droit des autres nations à se développer ». Pour les scientifiques travaillant dans le domaine de l'écologie ou des sciences sociales, qui aident à concevoir les instruments de cette oppression, nous disons : « le monde a besoin de vos talents pour des projets constructifs, pour développer de nouvelles technologies au bénéfice des hommes et qui n'endommagent pas l'environnement ».



Propositions pour l'action


Nous appelons les leaders politiques, les gouvernements, les organisations internationales et la communauté scientifique à utiliser leur imagination et leurs moyens pour élaborer et commencer à mettre en oeuvre, aussi vite que possible, des programmes visant à satisfaire les besoins fondamentaux des plus pauvres partout dans le monde, ce qui implique, partout où cela s'impose, des distributions d'aide en nature. Ces programmes doivent être conçus de façon à ce que la conservation des ressources et la protection de l'environnement soient assurés.


Nous considérons que cette tâche prioritaire serait facilitée en instituant un nouvel ordre économique international plus coopératif et équitable.


Nous sommes conscients que le système mondial et les politiques nationales ne peuvent pas être changées du jour au lendemain. A ce tournant de l'histoire, les changements majeurs qui sont nécessaires pour répondre aux défis de l'humanité ont besoin d'acquérir une maturité. Mais ils doivent être enclenchés immédiatement, pour que l'impulsion aille croissante. La session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies sur le nouvel ordre économique a lancé le processus et nous le soutenons totalement. Mais ceci n'est que l'étape préliminaire qui doit se développer dans une déferlante d'activités internationales.


La Charte des Droits économiques et des devoirs des Etats, proposée par le président du Mexique, M. Luis Echevarria, et mis en discussion aux Nations Unies devrait constituer un pas important dans la bonne direction. Nous demandons à ce qu'elle soit adoptée aussi vite que possible.


Dans un cadre qui assurerait la souveraineté nationale sur les ressources naturelles, les gouvernements et les institutions internationales devraient placer la gestion des ressources et de l'environnement à un niveau global. L'objectif premier serait de faire bénéficier ceux qui ont le plus besoin de ces ressources et de le faire en respectant le principe de solidarité avec les générations futures.


Nous soutenons la mise en place de régimes internationaux forts pour l'exploitation des biens communs qui ne tombent pas sous le coup d'une juridiction nationale. Nous insistons sur l'importance des fonds et des sous-sols marins, et éventuellement de l'eau qui les surplombe. Un régime maritime doit être établi, chaque pays du monde étant représenté de manière à n'en favoriser ni n'en léser aucun, et ce régime doit s'appliquer à un maximum de surface océanique. Un tel régime devrait développer graduellement des mesures de conservation des ressources et des technologies environnementales pour explorer, développer, traiter et répartir les ressources des océans au bénéfice de ceux qui en ont le plus besoin.


L'accès aux biens communs devrait être taxé au bénéfice des couches les plus pauvres des pays les plus pauvres. Ce serait une première étape vers la mise en oeuvre d'un système de taxation international qui génèrerait des transferts automatiques de ressources vers l'aide au développement. Avec la création d'un fonds pour le désarmement, la taxation internationale pourrait éventuellement remplacer des programmes d'aide traditionnels. En attendant la mise en oeuvre de ces nouveaux mécanismes, nous recommandons vivement que le flux de ressources internationales vers les pays du Tiers monde soit largement augmenté et strictement dédié aux besoins fondamentaux des couches les plus pauvres de la société.


La science et la technologie doivent répondre aux buts que nous cherchons à atteindre. La recherche actuelle et les modèles de développement n'y contribuent pas. Nous appelons les universités, les autres institutions d'enseignement supérieur, les organisations de recherche et les associations scientifiques de par le monde à reconsidérer leurs priorités. Conscients des bénéfices découlant d'une recherche libre et fondamentale, nous soulignons le fait qu'il existe un réservoir d'énergie créative sous-utilisée dans l'ensemble de la communauté scientifique mondiale, et qu'elle devrait être mieux centrée sur la recherche de la satisfaction des besoins fondamentaux. Cette recherche devrait autant que possible être menée dans les pays pauvres, de manière à endiguer la fuite de cerveaux.


Un système des Nations unies rajeuni devrait permettre de renforcer les capacités locales en matière de recherche et de contrôle de la technologie dans les pays en développement, pour promouvoir la coopération entre eux dans ces domaines et pour soutenir la recherche pour une meilleure utilisation, plus innovante, de ressources potentiellement abondantes pour satisfaire les besoins fondamentaux de l'humanité.


En même temps, de nouvelles approches des styles de développement doivent être introduites au niveau national. Elles demandent des recherches originales sur des modèles de consommation alternatifs, sur les types de technologies, les stratégies d'utilisation des terres, autant que sur les exigences en matière d'éducation pour les soutenir. La surconsommation qui absorbe des ressources et crée des déchets doit être réduite tandis que la production de biens essentiels pour les plus pauvres doit être augmentée. Des technologies générant peu de déchets et consommant peu d'eau devraient remplacer celles qui dégradent l'environnement. Des circuits plus harmonieux de prise de décisions doivent être mis en oeuvre pour éviter la congestion des métropoles et la marginalisation des zones rurales.


Dans beaucoup de pays en développement, de nouveaux styles de développement impliqueraient une utilisation bien plus rationnelle de la force de travail disponible pour mettre en oeuvre des programmes centrés sur la conservation des ressources naturelles, l'amélioration de l'environnement, la création des infrastructures nécessaires et des services pour augmenter la production alimentaire et pour renforcer les capacités domestiques de production industrielle pour produire des marchandises destinées à la satisfaction des besoins fondamentaux.


Avec un ordre économique international plus équitable, une partie des problèmes d'accès aux ressources et d'utilisation de l'espace pourront être pris en compte grâce à un changement de la géographie industrielle mondiale. L'énergie, les ressources et les considérations environnementales donnent une force nouvelle à l'aspiration légitime des pays pauvres qui souhaitent voir considérablement augmenter leur part dans la production industrielle.


Des expériences concrètes sur le terrain sont également nécessaires. Nous considérons que l'effort actuel du Programme des Nations unies pour l'environnement qui définit des stratégies et soutient des projets en faveur d'un développement socio-économique et écologique (l'éco-développement) au niveau local ou régional constitue une contribution importante. Les conditions devraient être créées pour que les peuples apprennent par eux-mêmes au travers de leurs pratiques comment utiliser au mieux les ressources spécifiques des écosystèmes dans lesquels ils vivent, comment concevoir des technologies appropriées, comment s'organiser et s'éduquer dans ce but.


Nous appelons les leaders d'opinion, les enseignants, toutes les parties concernées à contribuer à augmenter la prise de conscience publique sur les origines et la sévérité de la situation à laquelle l'humanité doit aujourd'hui faire face. Chaque personne a le droit de comprendre pleinement la nature du système dont elle fait partie comme producteur, consommateur, et surtout comme l'un des milliards d'habitants de la planète. Elle a le droit de connaître qui tire les bénéfices de son travail, qui tire les bénéfices de ce qu'elle achète et vend, et la façon dont cela enrichit ou dégrade l'héritage planétaire.


Nous appelons les gouvernements à se préparer à agir lors de la Session extraordinaire de l'assemblée générale des Nations Unies pour que les dimensions et les concepts du développement soient étendus, pour qu'une juste place soit donnée aux buts du développement dans le système des Nations Unies et que les changements nécessaires soient initiés. Nous croyons fermement que, puisque les sujets du développement, de l'environnement et de l'utilisation des ressources sont des problèmes globaux essentiels et qui concernent le bien-être de toute l'humanité, les gouvernements devraient utiliser pleinement les mécanismes des Nations unies pour les résoudre et que le système des Nations unies devrait être rénové et renforcé pour faire face à ses nouvelles responsabilités.


Epilogue


Nous reconnaissons à la fois la menace des « limites intérieures » des besoins humains fondamentaux et celle des « limites extérieures » de ressources planétaires. Mais nous croyons également qu'un nouveau sens du respect pour les droits humains fondamentaux et pour la préservation de notre planète progresse derrière les conflits et les confrontations de la période actuelle. Nous avons foi dans le futur de l'humanité de cette planète. Nous croyons que ces modes de vie et les systèmes sociaux peuvent évoluer pour devenir plus justes, moins arrogants dans leurs exigences matérielles, plus respectueux de l'environnement planétaire dans son ensemble. La voie à suivre ne passe pas par le désespoir, par la fin du monde, ou par un optimisme béat devant les solutions technologiques successives. Elle passe au contraire par une appréciation méticuleuse, sans passion, des « limites extérieures », par une recherche collective des moyens d'atteindre les « limites intérieures » des droits fondamentaux, par l'édification de structures sociales exprimant ces droits et par tout le travail patient qui consiste à élaborer des techniques et des styles de développement qui améliorent et préservent notre patrimoine planétaire. »

 
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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 07:33
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Les imprévus de Rio + 20

 

dimanche, 1er juillet 2012  

Christophe Ventura 

Mémoire des luttes

 http://www.medelu.org/Les-imprevus-de-Rio-20

 

« J’affirme que le document de Rio+20 constitue une grande avancée et une victoire car je n’ai jamais connue une autre réunion sur l’environnement qui ait débouché sur l’adoption d’un document consensuel entre toutes les parties » [1].

Cet objectif — atteint — était bien celui que s’était assignée Dilma Rousseff, présidente du Brésil et hôte de l’événement planétaire qui s’est tenu du 20 au 22 juin. Il s’agissait pour elle de démontrer aux yeux du monde — en particulier dans la foulée du G 20 de Mexico (18-19 juin) — la capacité de son pays à pouvoir jouer un rôle de facilitateur et de négociateur majeur sur la scène géopolitique internationale.

Pour ce faire, obtenir un texte adopté par les 191 pays représentés à la Conférence des Nations unies sur le développement durable était primordial. Et ce, quitte à ce que cet accord se réalise sur la base du plus petit dénominateur commun.

La performance diplomatique a prévalu sur la réponse politique concrète aux enjeux posés, à l’heure de la crise globale, par notre modèle de développement économique, le réchauffement climatique, la crise écologique et énergétique, la question de l’éradication de la pauvreté [2].

Intitulé « L’avenir que nous voulons », le document final de Rio+20 [3] a été fortement critiqué par l’ensemble des ONG et des mouvements sociaux présent dans la cité carioca. Et ceci, aussi bien par ceux directement associés au processus onusien que par les participants au « Sommet des peuples pour la justice sociale et écologique, contre la marchandisation de la vie et pour la défense des biens communs » [4]. Au point que ce Sommet ait été qualifié par tous de « Rio moins 20 ».

En effet, la lecture attentive de ce document impose un constat. Aucun engagement concret n’a été pris par les Etats pour atteindre les objectifs que ces derniers disent vouloir remplir comme « préalables indispensables du développement durable  » : « élimination de la pauvreté  », « abandon des modes de consommation et de production non viables en faveur de modes durables », « protection (de) la gestion des ressources naturelles sur lesquelles repose le développement économique et social  » (article 4).

Le texte affirme la primauté des Nations unies – notamment de son Assemblée générale face à son Conseil de sécurité [5] – dans la gestion des problèmes transversaux qui affectent l’avenir de la planète et de l’humanité. Mais dans le même temps, il inscrit la libéralisation des échanges au cœur de sa conception du développement économique : « nous réaffirmons que le commerce international est un moteur du développement et d’une croissance économique soutenue, et que l’existence d’un système commercial multilatéral universel (…), assorti d’une véritable libéralisation des échanges, peut stimuler de façon déterminante la croissance économique et le développement dans le monde entier  » (article 281). Et introduit, pour la première fois, le concept décrié « d’économie verte dans le contexte du développement durable et de l’élimination de la pauvreté  » (article 56) [6].

La seule décision prise à Rio porte sur la création d’un « comité intergouvernemental  » (article 256) composé de 30 experts choisis par les Etats. Sa mission consistera à définir les objectifs du développement durable – qui n’existent pas actuellement — en vue de la 68ème session de l’Assemblée générale des Nations unies qui se tiendra en 2013, « pour examen et suite à donner  » (article 248). L’idée étant que ces objectifs puissent être mis en œuvre à partir de 2015 et prendre le relais des objectifs du Millénaire pour le développement. Parallèlement, ce groupe de travail devra faire des propositions en 2014 à l’Assemblée générale des Nations unies sur « des options pour une stratégie efficace de financement du développement durable qui favorise la mobilisation de ressources et leur utilisation judicieuse en vue de réaliser les objectifs du développement durable  » (article 255).

A n’en pas douter, le fait le plus important de ce Sommet fut en réalité… le coup d’Etat « constitutionnel » intervenu au Paraguay contre le président démocratiquement élu Fernando Lugo le 22 juin alors que tous les Etats du monde négociaient à moins de 2 000 kilomètres… et que tous les gouvernements de l’Union des nations sud-américaines (Unasur), ainsi que le secrétaire général de l’organisation, Ali Rodriguez, participaient à l’événement !

Ce faisant, Unasur a pu se montrer très réactive en se réunissant dans l’heure pour dénoncer « une rupture de l’ordre démocratique  » au Paraguay et envoyer sur place une première mission d’évaluation conduite par Monsieur Rodriguez [7].

Depuis, les principales structures d’intégration régionale latino—américaines se sont mobilisées pour dénoncer les agissements de la droite paraguayenne, refuser toute reconnaissance diplomatique et politique aux nouvelles autorités et suspendre le pays de toute participation à leurs rencontres thématiques ou plénières : le Mercosur, l’Unasur et désormais la Celac — Communauté des Etats d’Amérique latine et de la Caraïbe [8] —, dont une réunion s’est tenue le 5 juillet au Chili sur le cas du Paraguay, sont à l’unisson sur ces positions.

A la faveur de cette crise, le Venezuela a fait son entrée dans le Mercosur. Jusqu’ici, le Parlement du Paraguay et sa majorité de droite bloquaient la ratification de cette décision. La 43ème réunion du Conseil du marché commun du Sud, organisée les 28 et 29 juin à Mendoza (Argentine) — sans le Paraguay suspendu —, a décidé l’intégration du pays dirigé par Hugo Chavez au premier bloc commercial d’Amérique latine (effective à partir du 31 juillet).

Avec cette dernière, le Mercosur devient un ensemble régional de 272 millions d’habitants représentant 75 % du PIB latino-américain. Et également « l’un des plus importants producteur mondial d’énergie, d’aliments et de produits manufacturés » selon l’économiste brésilien Luciano Wexell Severo [9]. Avec le Venezuela, le commerce intra-mercosur augmentera de 20 % selon lui. Reste ouverte la question de savoir si cette intégration permettra de modifier le cours libre-échangiste de l’ensemble.

Aujourd’hui, tous les gouvernements latino-américains somment l’Organisation des Etats Américains (OEA) — et donc les Etats-Unis qui en sont membres — de condamner clairement les auteurs du coup d’Etat et de qualifier les événements du 22 juin comme tel au Paraguay.

Une délégation conduite par le secrétaire général de l’organisation, José Miguel Insulza, s’est rendue à Asuncion les 2 et 3 juillet. Le Conseil permanent de l’OEA se réunira le lundi 16 juillet afin de déterminer s’il convient de convoquer une rencontre des ministres des affaires étrangères. Cette procédure est le préalable nécessaire pour la tenue d’une assemblée extraordinaire de l’organisation qui pourra, le cas échéant, suspendre le Paraguay de participation.

Les événements survenus pendant Rio + 20 — mais pas ceux auxquels les observateurs pouvaient s’attendre — ont bel et bien accéléré une nouvelle étape de l’intégration politique latino-américaine à l’épreuve d’une crise démocratique au Paraguay dont toutes les conséquences géopolitiques — notamment avec les Etats-Unis et les soutiens internationaux des droites déstabilisatrices dans la région — n’ont pas encore eu lieu.

 

[1] Propos de Dilma Rousseff, O Globo, 20 juin 2012.

[2] Lire Ignacio Ramonet, « Les défis de Rio+20 » (http://www.medelu.org/Les-defis-de-Rio-20)

[3] Document disponible dans son intégralité sur le site officiel de Rio+20 (http://www.uncsd2012.org/thefuturewewant.html).

[4] Lire le dossier de Mémoire des luttes « Face à « l’économie verte » de Rio+20 : le Sommet des peuples pour la justice sociale et écologique » (http://www.medelu.org/Face-a-l-economie-verte-de-Rio-20).

[5] Le texte affirme également son soutien aux différentes conventions et agences onusiennes, aux programmes des Nations unies (objectifs du Millénaire pour le développement de 2015, Action 21 défini lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992, Plan de mise en œuvre du Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg, Consensus de Monterrey issu de la Conférence internationale sur le financement du développement, etc.), à l’Organisation internationale du travail, etc. En revanche, le principe de création d’une Organisation mondiale de l’environnement, notamment portée par la France durant ces négociations, a été rejeté.

[6] Lire « Contre « l’économie verte », la justice sociale et écologique » (http://www.medelu.org/Contre-l-economie-verte-la-justice).

[7] Sur ce coup d’Etat, ses causes et ses objectifs, lire « Coup d’état « constitutionnel » au Paraguay. - Semaine diplomatique sous tension en Amérique du Sud. » (http://www.medelu.org/Semaine-diplomatique-sous-tension).

[8] La Celac regroupe 32 pays. Lire le dossier de Mémoire des luttes : http://www.medelu.org/+-CELAC-+

[9] « Os desdobramentos da entrada da Venezuela no Mercosul », Carta Maior, 1/07/2012, (http://www.cartamaior.com.br/.../componente_id=20552)


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9 juillet 2012 1 09 /07 /juillet /2012 07:29
carte postale de Marie-Christine Palombit

 

Marie Christine PALOMBIT

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Variations sur lui, III°
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Rio contre Rio 20 : 0 à 0 ?

Rio vient de voir se dérouler le sommet de la Terre, 20 ans après le premier qui se tenait lui aussi à… Rio, ainsi va Rio + 20 (1992 – 2012).

En terme de présence, ce sommet a vu une redoutable augmentation du nombre de présents, passant de 110 à 130 chefs d’États et de 2 500 à plus de 50 000 participants entre 1992 et 2012. Notons au passage l’absence des plus gros pollueurs : États-Unis, Allemagne, Russie, Angleterre.

Mais est-ce là l’essentiel ?
Que recouvrent ces sommets dans le concret ?


Le sommet de Rio avait acquis 5 grands axes :


- La Charte de la Terre ou déclaration sur l’environnement et le développement, qui énonce les principes de gestion responsable des ressources. Ce texte sans contraintes est la pierre angulaire des sommets de la Terre et influence l’ensemble des autres orientations.
Si ses résultats au niveau planétaires ne se font pas toujours sentir, nous pouvons déjà constater qu’en France il a abouti à une modification de notre constitution en institutionnalisant le principe de précaution. (2005 loi Barnier). Pour quels effets ? La route est encore longue !


- La déclaration sur la forêt. Ce texte reconnaît aux États le droit d’exploiter les forêts à condition que ce soit fait d’une manière écologiquement viable, dans l’intérêt des générations futures et sous réserve que cette exploitation ne génère pas de dommages à d’autres États.
Nous pouvons constater un ralentissement du déboisement au niveau international passant de 16 millions d’ha/an en 1990 à 13 millions dans les années 2000. Il est aussi nécessaire de reconnaître que le projet Yasuni ITT en Amazonie transforme les esprits. Sous l’impulsion de la société civile équatorienne, le président Rafael Correa a décidé de laisser sous terre quelque 920 millions de barils de pétrole pour éviter l’émission de 410 millions de tonnes de CO2. Dans cet échange qui préserve en outre la faune et la flore de cette partie de l’Amazonie riche en biodiversité, il est demandé une contribution financière aux pays qui polluent le plus, estimant ce montant à la moitié des ressources financières que l’Équateur aurait pu gagner en exploitant ce pétrole. C’est un excellent moyen de faire reconnaître la dette écologique historique.


- La Convention sur la biodiversité biologique. Il faut admettre que cette convention qui reconnait aux États la propriété de leurs ressources biologiques, a permis d’étendre les espaces protégés, les faisant passer de 8 millions de km2 en 1980 à 16 millions en 2000. C’est également cette convention qui a permis la création du Protocole de Carthagène en 1998 qui entre autres permet de limiter l’introduction des OGM en le présentant auprès de l’OMC. De même cette convention a permis la signature du protocole de Nagoya en 2010 qui garantit un meilleur accès aux ressources génétiques avec un partage plus équitable des avantages de leur utilisation.


La convention climat. Afin de prévenir un dérèglement du climat, cette convention a pour objectif de stabiliser la concentration des gaz à effets de serre (GES) dans l’atmosphère.
Elle s’appuie sur les travaux du groupe international d’expert sur le climat (GIEC). Elle a donné naissance au protocole de Kyoto (1997) qui a vu des pays, dont l’Europe, s’imposer des objectifs chiffrés… Ces objectifs ont été prolongés en 2011 à Durban, sans l’accord des principaux émetteurs de GES (États-Unis, Chine, Russie, Canada et Japon). L’émergence d’une prise de conscience ne s’accompagne pas toujours d’une mise en application nécessaire.


L’agenda 21 doit permettre de développer le développement durable au niveau local. Dans un cadre démocratique invitant les populations locales à s’inscrire dans les schémas proposés sont traités les sujets tels la gestion des substances chimiques, la gestion des ressources en eaux, la désertification, la protection des océans, la pollution de l’air, la pauvreté, la santé,… L’agenda 21 a suscité beaucoup d’engouements et permis de donner le jour au programme REACH (Enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques — en anglais : registration, evaluation and authorisation of chemicals) Certains objectifs sont atteignables à ce jour, comme de réduire de moitié d’ici 2015 la population sans accès à l’eau. Le taux de pauvreté selon les Nations Unies serait passé de 45 % en 1990 à 27 % en 2005. Le développement des énergies renouvelable peut aussi se ranger dans les acquis de l’agenda 21.

Ces 5 grands axes qui tentent de transformer l’état d’esprit général, remplissent quelques succès, mais souvent les États-Unis se désolidarisent de ces initiatives suivies dans leur exemple par la Chine et quelques autres pays fortement industrialisés. Les solutions individuelles, si elles doivent être encouragées, ne peuvent pas se dissocier de volontés politiques fortes. Malheureusement c’est cette volonté que nous ne voyons pas surgir de ces différents sommets de la Terre. L’idée d’une OME (organisation mondiale de l’environnement), à condition qu’elle intègre de manière forte la problématique africaine, peut très bien être un moteur de progrès pour les questions d’environnement, à condition qu’elle s’impose à l’OMC.


Malgré ça les mentalités progressent, car en marge de ce sommet de Rio 2012, les syndicats se sont retrouvés pour affirmer leur « conviction que notre modèle actuel de production et de consommation, guidé par le profit, est source d’inégalités sociales et de dégradation de l’environnement et doit être remplacé si nous voulons garantir un développement réellement durable ». Ils « affirment qu’il est nécessaire de garantir que les biens communs et les ressources naturelles et énergétiques soient et restent de propriété publique et que leur préservation et leur administration soient publiques et sous contrôle social ».


Ils « demandent aux gouvernements de financer avec des fonds publics une recherche scientifique qui contribue à l’objectif de soutenabilité à long terme, construite de façon démocratique et avec la participation de la société. »
Les syndicats « s’engagent à utiliser leur capacité organisationnelle et leur expérience issue des luttes du passé afin de former un mouvement puissant et organisé à l’échelle mondiale, de sorte à veiller à ce que les gouvernements et les entreprises, réticents à agir, prennent les mesures appropriées pour s’attaquer au changement climatique et le stopper. » Ils « s’engagent à renforcer les alliances avec d’autres mouvements sociaux, environnementaux et populaires, avec les femmes, les peuples indigènes, les jeunes, et les chercheurs, en faveur d’un développement durable ».


Une page pourrait bien se tourner là, dans la mesure où les syndicats, au niveau mondial, officialisent l’entrée dans leur gouvernance des questions environnementales.

Reste la question des dirigeants nationaux et le rôle de l’OMC, du FMI et des instances internationales dans ce contexte de plus en plus tendu.
Le résultat de ce sommet de la Terre, via les dirigeants de pays, s’attache plus aux contraintes économiques qu’aux dangers que cette économie fait peser sur notre écosystème entrainant ainsi de simples effets déclaratifs.
Le texte final ne trace aucune route, n’a aucune ambition pour résoudre les défis que le monde rencontre et prend au final la décision… de laisser les décisions se prendre plus tard.
Les intérêts de classe auront été très présents à Rio aussi cette année puisqu’un désaccord persiste entre la quasi-totalité des pays développés et les pays industrialisés sur le maintien dans le texte de la référence au principe de “responsabilités communes mais différenciées”, lancé au sommet de la Terre de 1992, qui fait peser une moindre pression sur les pays en développement.
On voit là que les intérêts de groupes particuliers vont à l’encontre des intérêts communs.


Il faudra beaucoup d’autres sommets de la Terre et une pression populaire beaucoup plus forte pour que l’avenir de la Terre soit pris en considération par nos dirigeants, qui pour l’instant se laissent convaincre par les intérêts économiques. La proximité du G20 et les priorités données au “sauvetage de la finance mondiale ainsi qu’au marché” laissent peu de chance pour que l’environnement soit pris en compte et le signal envoyé depuis Los Cabos au Mexique en direction de Rio au Brésil ne laisse rien augurer de bon dans ce sens, surtout compte tenu de la déclaration finale qui oublie toute ambition environnementale.
Bien qu’il soit déjà trop tard et même dans cette situation catastrophique où les grands élus de ce monde se détournent du sommet de la Terre, il faut encore et encore œuvrer pour l’avenir de notre Terre et pour celle de nos enfants.


par Dominique Mourlane
co-responsable de la commission Développement écologique et social de l'UFAL

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20 septembre 2011 2 20 /09 /septembre /2011 03:20

http://goudouly.over-blog.com/article-la-via-campesina-appel-pour-durban-84733588.html

 





 

Les paysans, les paysannes et les peuples indigènes disposent de milliers de solutions pour faire face au réchauffement climatique !

La Via Campesina appelle les mouvements sociaux et l’ensemble de la population à se mobiliser partout dans le monde

Le mouvement international paysan La Via Campesina et son organisation-membre sudafricaine Landless Peoples Movement (Mouvement des Paysans Sans-terre) se mobilisent pour la 17ème Conférence des Parties (COP 17) de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (UNFCCC) qui se tiendra à Durban en Afrique du Sud, du 28 novembre au 9 décembre 2011.

Des caravanes de paysans et paysannes africain(e)s, partiront du Mozambique, de la Tanzanie, du Zimbabwe et d'autres pays pour converger à Durban pour rejoindre d’autres agriculteurs et représentants de mouvements sociaux afin de réclamer la justice climatique.

Les femmes paysannes africaines membres de La Via Campesina, participeront à la 2ème Assemblée sud-africaine des femmes rurales, du 30 novembre au 2 décembre, à Durban (organisée conjointement notamment par La Via Campesina – Région Afrique 1, TCOE, Women on Farms Project, Lamosa, ESAFF, UNAC, Namibian National Farmers Union etc.).

La Via Campesina participera également à la Journée Mondiale d’Action qui aura lieu le 3 décembre, au cours de laquelle, en collaboration avec des centaines d’autres activistes, elle manifestera pour la justice climatique.

La Via Campesina ainsi que d’autres mouvements paysans et de producteurs en Afrique invitent également toutes organisations, alliés et activistes à participer à une Journée spéciale pour l’Agroécologie et la Souveraineté Alimentaire, le 5 décembre à Durban et à travers le monde (co-organisée par ESAFF régional, ESAFF Uganda, ESAFF Zimbabwe, ROPPA, TCOE, Surplus People Project, etc.)

Les négociations sur le climat ont été détournées de leur objectif pour devenir de simples négociations mercantiles

Lors de la conférence COP 16 à Cancun (Mexique), la majorité des gouvernements du monde - à l’exception notable de la Bolivie – se sont assis autour de la table non pas pour trouver une réponse efficace au changement climatique, mais plutôt pour parler gros sous avec les grandes sociétés multinationales qui font trafic de fausses solutions au changement climatique, proposant des fausses mesures comme le programme REDD et autres marchés du carbone, ou encore le développement d’agrocarburants et d’OGM. Ils ont transformé les négociations sur le climat en une immense place de marché où seuls le profit et la spéculation comptent.

De concert, nos différents gouvernements ont fait comme si de rien n’était, fermant les yeux sur l’urgence d’une situation qui condamne l’Afrique et l’Asie du Sud à être littéralement incinérées par l’augmentation des températures. Et, bien sûr, les premières victimes de ces changements climatiques seront les paysannes et les paysans de ces deux continents, puisque l’augmentation des températures crée un environnement encore plus défavorable aux récoltes, au bétail et à la survie des êtres humains. La majorité des gouvernements a choisi d’ignorer les Principes de Cochabamba qui posent pourtant un cadre clair pour élaborer des réponses au changement climatique et protéger notre Terre Mère.

Dans le système climatique actuel, les pays développés et les grandes entreprises polluantes, pourtant historiquement responsables de la plus grande partie des émissions de gaz à effet de serre, se voient accorder toutes les dérogations et trucages de chiffres possibles afin de leur éviter d’avoir à réduire leurs émissions. Ainsi, le système des marchés d’émission-carbone et les mécanismes de compensation permettent aux pays industrialisés et aux entreprises de continuer à consommer des ressources et à polluer comme avant, tout en payant des petites sommes, sans commune mesure avec la réalité de leur impact sur le climat, dans le but d’aider les populations pauvres des pays en développement à réduire leurs émissions. En réalité ces entreprises font deux fois du profit : d’une part en continuant à polluer et d’autre part en vendant des fausses solutions aux États. Pendant ce temps là, des initiatives présentées comme étant une solution au problème climatique, comme le programme REDD, dépouillent les populations pauvres de la plupart de leurs différents droits en matière d’usage des ressources naturelles : ils ne peuvent plus accéder aux forêts communautaires. Au même moment, des grands groupes financiers apparaissent sur le marché foncier et y accaparent d’immenses territoires fertiles, dont ils expulsent les agriculteurs afin d’y pratiquer la monoculture ou pour spéculer sur les marchés des crédits d’émission carbone.

Nous connaissons les principales sources d’émissions qui altèrent le climat : elles sont générées par les multinationales agroalimentaires qui imposent une agriculture industrielle essentiellement tournée vers l’exportation et la production d’agrocarburants. Mais elles sont aussi le fruit d’un système de transports uniquement basé sur la voiture individuelle, au détriment des transports en communs. Enfin, elles sont causées par les activités industrielles polluantes et prédatrices de ressources pratiquées par les différentes entreprises multinationales. Si nous ne parvenons pas à imposer des engagements réels et contraignants qui forceront les pays développés à changer ce système, alors nous échouerons à prévenir l’incinération effective de nos terres agricoles et la destruction de notre capacité à nourrir le monde.

Les chiffres sont unanimes ; ce sont nous, les paysans et paysannes travaillant sur de petites exploitations qui produisons aujourd’hui la vaste majorité des aliments consommés sur la planète. Or aujourd’hui, nous, et la nourriture que nous produisons, sommes mis en danger par les changements climatiques et l’augmentation des températures. Les dates de semis deviennent imprévisibles tandis que les sécheresses, les ouragans et les moussons deviennent plus intenses.

A l’inverse – et encore une fois les chiffres sont unanimes – c’est nous qui détenons les clés des solutions les plus importantes, efficaces et scientifiquement prouvées face au changement climatique, à travers nos systèmes de production locale d’aliments selon des méthodes agroécologiques, produits par des paysannes et des paysans, selon les principes de la souveraineté alimentaire.

A lui seul, le système de transport d’aliments sur de longues distances, qui est à la base du système alimentaire mondial capitaliste, est responsable d’au moins 44% des émissions totales de gaz à effet de serre. Ces aliments pourraient facilement être cultivés localement. Mais l’agriculture détruit également le climat par l’usage excessif de ressources fossiles comme le pétrole et les intrants chimiques dérivés du pétrole. Le modèle de production est basé sur la monoculture et les pratiques industrielles, il engendre la déforestation et la destruction des écosystèmes en vue de la réalisation de plantations industrielles aboutissant à des “déserts verts”.

Nous pouvons réduire drastiquement voire même éliminer ces émissions en transformant le système alimentaire sur la base de la souveraineté alimentaire, c'est à dire en produisant localement pour une consommation de proximité un production durable variée basée sur les familles et les communautés paysannes.

L’agroécologie n’est pas à vendre !

Nous rejetons toutes les tentatives pour étendre le marché des émissions carbone et des mécanismes de compensation de type REDD aux systèmes de puits de carbone, même quand ces initiatives sont déguisées par la Banque Mondiale sous la forme de mesures de soutien aux petites exploitations agroécologiques ou bien à une “Agriculture respectueuse du climat”. Les raisons de ce refus sont les suivantes :

  • Tout comme c’est le cas du REDD pour les forêts, le carbone de nos sols deviendra majoritairement la propriété d’entreprises polluantes du Nord. On nous demande tout simplement de vendre et de privatiser notre carbone.
  • Le marché volontaire des puits de carbone ne sera rien d’autre qu’un nouvel espace pour la spéculation financière, ce qui veut dire que tant que les agriculteurs ne toucheront que quelques centimes, les spéculateurs amasseront des profits substantiels.
  • Il s’agit simplement d’une nouvelle façon pour les pays et industries polluants de se soustraire à leurs véritables obligations en matière de réductions réelles d’émissions.
  • C’est également un moyen pour déplacer l’attention portée aux émissions massives de carbone produites par l’agriculture industrielle et l’agrobusiness, surtout dans les pays du Nord, afin de transférer le fardeau de la réduction des émissions sur les épaules des paysans du Sud, alors que rien n’est fait pour réduire les émissions causées par l’agriculture industrielle.
  • Si nous paysannes et paysans, signons un accord sur les puits de carbone, nous allons perdre notre autonomie et le contrôle sur nos systèmes agricoles. Ce seront des bureaucrates de l’autre côté de la terre, des gens qui ne connaissent rien à nos sols, à nos pluies, à nos pentes, à nos systèmes alimentaires locaux, à notre économie familiale, etc., qui décideront des méthodes agricoles que nous devrons utiliser ou ne pas utiliser.
  • L’agroécologie procure une somme de bienfaits pour l’environnement et les moyens d’existence des paysans. Par contre, en réduisant la contribution des pratiques agroécologiques à la seule valeur du carbone séquestré, non seulement on dévalue les autres bénéfices de ces pratiques, mais on peut également créer des incitations perverses à altérer ces pratiques (et ouvrir la porte aux technologies telles que les OGM) dans l’unique but de maximiser le carbone plutôt que de valoriser les autres apports de l’agroécologie.
  • Cette initiative est inséparable de la tendance néolibérale à vouloir convertir absolument tout (la terre, l’air, la biodiversité, la culture, les gènes, le carbone, etc.) en capital, lui attribuant une valeur monétaire qui permet ensuite de négocier ces éléments sur un marché spéculatif quelconque.
  • Si la valeur actuelle - relativement faible - du carbone séquestré devait augmenter sur le marché spéculatif, cela pourrait générer une nouvelle course à l’accaparement des terre afin de s’emparer des crédits pour les puits de carbone, étant donné que la concentration des terres est un prérequis si l’on veut rendre rentables les crédits liés au puits de carbone.

Comment l’Agroécologie devrait être soutenue par les politiques publiques

  • Soutenir les programmes de formation de paysan-à-paysan gérés par les organisations paysannes
  • Soutenir les écoles de formation en agroécologie gérés par les organisations paysannes
  • Mettre fin à toutes les subventions directes et indirectes à l’agriculture industrielle
  • Bannir les OGM et tous les produits chimiques agricoles dangereux
  • Fournir des crédits à la production aux agriculteurs qui produisent de manière agroécologique
  • Réorienter les appels d’offres publics pour la fourniture d’aliments aux hôpitaux, écoles, etc., vers l’achat à un prix équitable d’aliments écologiques produits par des petits producteurs
  • Soutenir les marchés de producteurs écologiques pour la vente directe aux consommateurs
  • Transformer les cursus de formation agricoles afin de les concentrer sur l’agroécologie et la méthodologie du transfert de connaissances de paysan-à-paysan
  • Créer des incitations en vue d’établir un prix de vente équitable pour les aliments locaux produits de manière écologique
  • Etc.

Engagements de La Via Campesina

Alors que nous ne cessons d'exiger de nos gouvernements qu'ils prennent la question du changement climatique à bras-le-corps, nous nous engageons à bâtir l’agroécologie et la Souveraineté Alimentaire depuis la base. Nous nous engageons en faveur des mesures concrètes suivantes:

  1. Nous allons continuer à renforcer le mouvement pour l’agroécologie à la base afin de nous adapter aux changements climatiques en cours.
  2. Nous nous efforcerons de “garder le carbone dans le sol et dans les arbres” dans les territoires sous notre contrôle, en promouvant les pratiques agroforestières, la plantation d’arbres, la conservation de l’énergie, mais aussi en luttant contre l’accaparement des terres par les entreprises minières et les plantations industrielles.
  3. Nous allons continuer à faire pression sur les gouvernements à tous les niveaux afin qu’ils adoptent la souveraineté alimentaire comme étant la solution au changement climatique.
  4. Nous allons poursuivre la lutte contre l’inclusion de l’agriculture paysanne et de l’agroécologie dans les mécanismes des marchés du carbone.
  5. Nous allons poursuivre notre lutte pour la réforme agraire afin que la terre soit redistribuée aux paysannes et aux paysans qui pratiquent une agriculture durable et contre toute usurpation de terres.
  6. Nous allons construire un puissant mouvement qui fera entendre la voix des paysans et des paysannes et nous seront présents avec d’autres secteurs de la société civile à la conférence climatique COP-17 de Durban ainsi qu’à la Conférence de Rio +20 au Brésil. Nous y porterons le message comme quoi nous nous opposons aux fausses solutions proposées pour soi-disant lutter contre le changement climatique et nous exigerons l’adoption des Principes de Cochabamba. Nous mettrons en avant les bénéfices de l’agriculture paysanne durable et de la souveraineté alimentaire en tant que principales et réelles solutions pour lutter contre le changement climatique.

Non à l’accaparement des terres au nom du climat !

Notre carbone n’est pas à vendre !

L’agriculture paysanne n’est pas à vendre !

Les méthodes de production agroécologiques des petits paysans refroidissent la planète !

Globalisons la lutte ! Globalisons l’Espoir !


 

 

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31 mars 2011 4 31 /03 /mars /2011 03:18

  http://goudouly.over-blog.com/article-les-liens-qui-liberent-70580157.html

 

Qui a tué l'écologie?
Fabrice Nicolino
Qui a tué l'écologie?
Date de parution : 16-03-2011
ISBN : 978-2-918597-25-4
Editions : Les liens qui libérent
20.50 €
Qui a tué l'écologie?

De Fabrice Nicolino

 

Ce livre va faire mal, parce qu'il décrit ce qu'est devenu le mouvement écologiste, celui des salons dorés, des petits-fours, des photos de groupe devant les palais officiels. Ce livre va faire mal, parce qu'il révèle pour la première fois l'histoire, les histoires, les coulisses. On peut donc le lire comme un roman vrai, un polar implacable, rempli de personnages aussi étonnants qu'Anton Rupert, l'un des véritables fondateurs du WWF International. Mais, bien au-delà, l'acte d'accusation vise la "bande des quatre"  qui s'est laissé abuser par les ruses et les risettes de l'Etat français, Nicolas Sarkozy, Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciuski-Morizet en tête. Certes, il existes de nombreuses différences entre le WWF, Greenpeace, la Fondation Hulot et France Nature Environnement (FNE). Mais au total, le bilan est désastreux. Alors que les mêmes clament que la planète est en perdition - et elle l'est -, ils préfèrent compromis, tapes dans le dos et décorations. Qui a tué l'écologie? ne se contente pas de poser une question, mais y répond. Le livre a été écrit par un écologiste engagé depuis des décennies dans le combat pour la vie sur terre. Il appelle à un sursaut historique, seul capable de nous aider à faire face à la crise écologique qui arrive. Qui est déjà là. C'est donc un cri d'espoir. Et un appel majeur.


Fabrice Nicolino est journaliste. Il est notamment l'auteur de Pesticides, révélations sur un scandale français et de Bidoche, l'industrie de la viande menace le monde.


 

 

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30 mars 2011 3 30 /03 /mars /2011 13:12

http://goudouly.over-blog.com/article-nous-y-sommes-70579796.html

 

carte postale de Eugénie Fauny & Valentin Fadika

Plastikart by
Eugénie Fauny & Valentin Fadika

Tableau "Mon robot super Héros"

Sur cARTed Series n.236 - novembre 2008 - Tourlaville

Nous y sommes

Par Fred Vargas

Nous y voilà, nous y sommes.
Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l'incurie de l'humanité, nous y sommes.


Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l'homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu'elle lui fait mal.
Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d'insouciance, nous avons chanté, dansé. Quand je dis « nous », entendons un quart de l'humanité tandis que le reste était à la peine. Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides àl'eau, nos fumées dans l'air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu'on s'est bien amusés.

 
On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l'atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu. Franchement on s'est marrés.
Franchement on a bien profité.
Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu'il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre.
Certes.
Mais nous y sommes.


A la Troisième Révolution.
Qui a ceci de très différent des deux premières ( la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu'on ne l'a pas choisie.
« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.
Oui.


On n'a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis. C'est la mère Nature qui l'a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies. La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets. De pétrole, de gaz, d'uranium, d'air, d'eau. Son ultimatum est clair et sans pitié : Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l'exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d'ailleurs peu portées sur la danse).
Sauvez-moi ou crevez avec moi

Évidemment, dit comme ça, on comprend qu'on n'a pas le choix, on s'exécute illico et, même, si on a le temps, on s'excuse, affolés et honteux. D'aucuns, un brin rêveurs, tentent d'obtenir un délai, de s'amuser encore avec la croissance.
Peine perdue.
Il y a du boulot, plus que l'humanité n'en eut jamais.
Nettoyer le ciel, laver l'eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l'avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, – attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille
récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n'en a plus, on a tout pris dans les mines, on s'est quand même bien marrés).
S'efforcer.
Réfléchir, même.


Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire.
Avec le voisin, avec l'Europe, avec le monde.
Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.
Pas d'échappatoire, allons-y.


Encore qu'il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l'ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante. Qui n'empêche en rien de danser le soir venu, ce n'est pas incompatible.
A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie –une autre des grandes spécialités de l'homme, sa plus aboutie peut-être.
A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.
A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.

Fred Vargas
Archéologue et écrivain

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6 janvier 2011 4 06 /01 /janvier /2011 03:13

http://goudouly.over-blog.com/article-cancun-derriere-les-bilans-d-autosatisfaction-la-menace-pour-les-pauvres-se-precise-64387243.html 

 

carte postale de Amsterdameditions*

ELECTRONIC NETWORK
SLOW MOTION AVANT-GARDE

Amsterdameditions*

Sur  cARTed Network

The cARTed Picture Show
Sculpture Amicale - Friendly Sculpture
cARTed Series n.164 - novembre 2003 - Bretteville Besançon Sète & Bourges
Special "10e Anniversaire de cARTed"

Cancun : derrière les bilans d’autosatisfaction, la menace pour les pauvres se précise

 

par Daniel Tanuro

 



Sur Mondialisation.ca, Le 15 decembre 2010

et Europe solidaire sans frontières

Pour l'occasion relire aussi :  Le climat n’existe pas !

 

 

Après avoir chanté sur tous les tons qu’il ne fallait rien attendre de Cancun, les médias claironnent à présent que le sommet climatique est une réussite car les gouvernements se sont enfin décidés à agir pour que le réchauffement ne dépasse pas deux degrés, voire 1,5°Celsius par rapport à l’ère préindustrielle. Cet objectif théorique figure en effet dans les documents adoptés par le sommet… mais, en pratique, les plans climat élaborés par les différents pays impliquent une hausse de température de 3 à 4°C d’ici la fin du siècle ! Or, Cancun n’a pris aucune décision pour combler ce gouffre entre les intentions et les actes. Les vraies décisions sont renvoyées au sommet de Durban, dans un an. D’ici là, le protocole de Kyoto et ses timides garanties sont plus que jamais au frigo, et les pays capitalistes développés se voient garantir toute une série de moyens pour échapper à des réductions drastiques de leurs émissions. Derrière les bilans d’autosatisfaction, la menace pour les pauvres se précise.

L’objectif d’une hausse maximale de 2°C figurait déjà dans le texte négocié à Copenhague entre les Etats-Unis et les grands pays « émergents », dont la Chine. Mais la précision « par rapport à la période préindustrielle » manquait. De plus et surtout ce soi-disant accord, concocté en coulisses, n’avait pas été ratifié par l’assemblée générale des Nations unies. La Bolivie, Cuba, le Venezuela, le Tuvalu et le Soudan s’y étaient opposés : 1°) pour protester contre la procédure ; 2°) pour dénoncer le manque d’engagements des pays développés (clairement perceptible dans leur volonté d’utiliser la protection des forêts au Sud comme alternative à la réduction des émissions au Nord) ; 3°) pour exiger que le capitalisme assume réellement sa dette écologique vis-à-vis des pays pauvres (au lieu d’utiliser la crise climatique comme prétexte pour une politique néocoloniale d’appropriation des ressources naturelles). On va voir que ces motifs restaient pleinement valables dans le cadre du sommet de Cancun qui, pour l’essentiel, n’a fait que transformer le texte de Copenhague en accord onusien. Pourtant, le front du refus s’est délité. Cuba et le Venezuela sont rentrés dans le rang, seule la Bolivie a maintenu une attitude de principe… La présidence mexicaine l’a balayée en décrétant que la règle de l’unanimité ne donnait pas un droit de véto à un pays…

Un gouffre entre les intentions et les actes

En matière d’objectif général, Cancun va un peu plus loin que Copenhague. En effet, tout en se prononçant pour 2°C maximum, le texte adopté reconnaît la nécessité d’envisager rapidement « un durcissement de l’objectif global de long terme sur la base de la meilleure connaissance scientifique, y compris en relation à une hausse moyenne de la température globale de 1,5°C ». C’est la première fois que l’ONU se prononce sur le « seuil de dangerosité » du réchauffement, et l’inquiétude croissante du GIEC trouve enfin un écho dans la communauté internationale (à l’initiative des petits Etats insulaires, cent pays se sont prononcés pour 1,5°C maximum). C’est important. Mais il y a un gouffre béant entre les belles intentions et les actes.

Suite à « l’accord » de Copenhague, et conformément à celui-ci, quelque 140 nations ont élaboré un plan climat et l’ont transmis au secrétariat de la Convention cadre des nations unies sur les changements climatiques. Sur base de ces documents, et à condition que tous les pays tiennent parole, la température augmenterait de 3 à 4°C d’ici la fin du siècle – un écart presque aussi grand en moins d’un siècle que celui qui nous sépare de la dernière glaciation, il y a plus de 12.000 ans ! Un écart qui aurait à coup sûr des conséquences sociales et écologiques catastrophiques…

En 2209, la quantité globale de gaz à effet de serre rejetée annuellement dans l’atmosphère était un peu supérieure à 48 milliards de tonnes. Au rythme d’augmentation actuel, et en tenant compte de la récession, on projette 56 milliards de tonnes en 2020. Pour avoir une chance sur deux de ne pas dépasser 1,5 ou 2°C de hausse, les émissions devraient culminer au plus tard en 2015 puis diminuer et passer respectivement sous la barre des 40 ou des 44 milliards de tonnes avant 2020 – soit une réduction de 12 à 16 milliards de tonnes. Les plans climat des gouvernements ne représentent que 3 à 4,3 milliards de tonnes. Une diminution supplémentaire de 8 à 13 milliards de tonnes est donc indispensable. Cet effort devrait être réalisé par les pays développés. 1°) Parce qu’ils sont les principaux responsables du réchauffement. 2°) Parce que – mais qui le sait ?! - les plans climat des pays en développement sont conformes aux chiffres du GIEC (une déviation de 15 à 30% par rapport au scénario de référence), tandis que ceux des pays développés ne correspondent même pas à la partie basse de la fourchette indiquée par les experts (20%, alors que le GIEC recommande une réduction nette de 25 à 40%).

Trois tours de passe-passe

A ce stade du raisonnement, il est important de savoir que l’objectif de 8 à 13 milliards de tonnes de réduction des émissions doit être analysée en tenant compte du fait que le Protocole de Kyoto offre aux pays développés trois tours de passe-passe, permettant de remplacer des réductions réelles de leurs émissions par des réductions fictives :

- le premier tour de passe-passe est le fait que la négociation du Protocole a donné lieu à une distribution extrêmement généreuse des droits d’émission. Certains pays de l’Est, notamment, ont reçu des droits calculés sur base de la quantité de gaz à effet de serre émise par l’URSS avant l’effondrement économique de ce pays. De ce fait, la Russie, l’Ukraine et le Bélarus disposent aujourd’hui d’énormes quantités de droits non utilisés, et qui peuvent être vendus sur le marché du carbone. Globalement, les excédents correspondraient à 2 milliards de tonnes de gaz à effet de serre. Au terme de la première période d’engagement de Kyoto, en 2012, il faudra décider si ces excédents pourront encore être échangés, ou pas ;

- le deuxième tour de passe-passe concerne les absorptions de carbone par les sols et les forêts. Selon Kyoto, les pays développés peuvent comptabiliser comme réductions d’émissions les augmentations d’absorption découlant d’un changement d’utilisation des sols, ou d’une augmentation de la superficie des forêts (à noter que les rejets de carbone résultant d’une moins bonne utilisation des sols ou d’une déforestation ne doivent par contre pas être comptabilisés comme émissions !). On estime que les pays riches disposent ainsi d’une réserve correspondant à 0,5 milliards de tonnes de gaz à effet de serre ;

- le troisième tour de passe-passe est la possibilité pour les pays développés de compenser leurs émissions par des mesures censées réduire les rejets – ou accroître les absorptions - de gaz à effet de serre dans les pays du Sud ou en transition. C’est ce qu’on appelle les « mécanismes de projet », dont le plus connu et le plus important est le fameux Mécanisme de Développement Propre (MDP). Le risque est d’une part que la compensation ne soit que théorique (certains spécialistes estiment que c’est le cas une fois sur deux, voire davantage, notamment en cas de compensation par des projets forestiers), d’autre part que des réductions soient comptabilisées deux fois (une fois par le pays développé, et une fois par le pays hôte du « mécanisme de projet »).

 Plus d’ambition pour moins d’efforts

Selon l’étude de Climate Action Tracker citée plus haut, ces trois dispositifs permettraient aux pays développés d’atteindre les objectifs de leurs plans climat sans prendre aucune mesure supplémentaire d’ici 2020, donc sans réduire le moins du monde leurs émissions réelles. Dès lors, de deux choses l’une : soit les tours de passe-passe sont bannis, soit on considère que l’écart entre ce qui est nécessaire et ce qui est décidé n’est pas de 8 à 13 milliards de tonnes, mais de 10,5 à 15,5 milliards de tonnes, au moins, à combler par le Nord. Or, sur cette question cruciale, Cancun est plus qu’ambigu : d’un côté, le sommet « presse les pays développés d’augmenter leur ambition en matière de réduction des émissions » pour être dans la marge des 25 à 40% de réduction en 2020 mentionnée par le GIEC ; de l’autre, il leur suggère de procéder à cette augmentation en « prenant en compte les implications quantitatives des activités de foresterie et de changement d’affectation des sols, de l’échange des droits, des mécanismes de projet et du report des droits de la première sur la deuxième période d ’engagement ». En clair : faites semblant de faire plus d’efforts, et faites-en moins en réalité !

Un quatrième tour de passe-passe est dans le pipe-line… qui permettrait de ne pas faire d’efforts du tout. Il consisterait à considérer que non seulement la plantation d’arbres mais aussi la simple protection des forêts existantes pourrait servir à compenser les émissions des pays développés.

Ici, il convient de faire la part des choses. Premièrement, il est révélateur – et choquant- que l’arrêt de la déforestation (qui ne concerne que le Sud) soit, comme à Copenhague, l’unique mesure concrète mentionnée pour lutter contre les changements climatiques (provoqués surtout par le capitalisme au Nord).

Deuxièmement, s’il est exact que l’arrêt de la déforestation dans les pays du Sud permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 15% environ, peut-être davantage, il serait inacceptable que cela génère des crédits de carbone que les grandes entreprises du Nord pourraient acheter à bas prix afin de ne pas payer plus cher la réduction de leurs émissions. A la demande de la Bolivie, les documents adoptés à Cancun ne plaident pas pour cette solution… mais ils ne la rejettent pas non plus. Dans le contexte néolibéral actuel, n’est-il pas évident que cela équivaut presque à un feu vert ?… Puisque les plantations d’arbres donnent droit à crédits, pourquoi pas la protection des forêts ? Le programme REDD (Reducing Emissions from Deforestation and Degradation) s’oriente clairement dans ce sens. Anticipant sa mise en œuvre, de nombreux projets privés de « protection forestière » - impliquant généralement l’expulsion des peuples indigènes- alimentent déjà un marché volontaire des crédits de carbone. C’est dire que la plus grande méfiance est de rigueur lorsque Cancun milite pour « hausser le niveau d’ambition des mécanismes de marché, y compris l’utilisation des sols, les changements d’affectation des sols et les activités forestières » et « encourage toutes les parties à trouver des moyens effectifs de réduire la pression humaine sur les forêts »

Kyoto au frigo, la BM aux finances

En même temps qu’il s’engage clairement en faveur des tours de passe-passe de Kyoto et de leur extension (la résolution demande que de nouveaux mécanismes de marché soient élaborés dans l’année qui vient), le sommet évite soigneusement de se prononcer sur l’avenir du protocole. Ici, les ambiguïtés des décisions prises sont portées à un niveau vraiment remarquable. C’est dans le document relatif à Kyoto que figure la phrase qui « presse les pays développés d’augmenter leur ambition en matière de réduction des émissions ». Ce même texte stipule que l’année 1990 doit constituer la référence pour mesurer les efforts réalisés et exprime le souhait qu’il n’y ait pas de hiatus entre la première et la seconde période d’engagement. Les pays du Sud, qui exigent le maintien du protocole en tant que garantie d’un « leadership climatique » du Nord, semblent ainsi obtenir gain de cause. Pourtant, Cancun ne fait que donner son accord pour que le groupe de travail sur les engagements futurs des pays développés tâche de terminer ses travaux « le plus tôt possible ».

La résolution adoptée salue les « progrès accomplis » au sein de ce groupe… La formule laisse rêveur. D’abord parce que le Japon, le Canada et la Russie ont dit clairement non à toute prolongation de Kyoto, au motif que les pays développés ne représentent plus que 27% des émissions. Ensuite et surtout parce que les Etats-Unis, principaux responsables des changements climatiques, dont les émissions ont augmenté de 30% entre 1990 et 2005, n’ont adopté aucun objectif de réduction d’ici 2020… et ne le feront pas dans un avenir prévisible. Il est vrai que, les USA n’ayant pas ratifié Kyoto, cette formule sur les « progrès accomplis » ne les concerne donc pas… A cet égard, il est significatif que la petite Bolivie soit montrée du doigt quand elle ose défendre toute seule les intérêts des peuples indigènes, tandis que la superpuissance étasunienne n’essuie pas le moindre reproche pour sa politique climatique criminelle.

La presse a fait grand cas du « Fonds vert climatique » mis sur pied par le sommet afin d’aider les pays en développement à faire face aux conséquences du réchauffement. Ceci appelle quatre remarques principales : 1°) l’objectif de cent milliards de dollars par an à partir de 2020 figurait déjà dans « l’accord de Copenhague » ; 2°) Cancun n’a levé aucune des ambiguïtés de cette proposition, notamment en ce qui concerne l’origine des fonds (privés ou publics ?), leur nature (dons ou prêts ?) et la manière dont ils seront acheminés; 3°) la résolution se contente d’affirmer qu’une « partie significative de ce financement passera par le fonds vert climatique » ; 4°) le conseil exécutif du fonds ne sera composé qu’à 50% de représentants des pays en développement, et la Banque Mondiale est désignée comme administrateur… Fut-ce pour une période transitoire de trois ans, nul doute qu’elle s’emploiera à donner au fonds une orientation parfaitement conforme à sa politique néolibérale et néocoloniale d’appropriation capitaliste des ressources naturelles.

Un nouveau régime climatique

Les négociations climatiques vont maintenant reprendre dans le cadre multilatéral des Nations unies. Mais Cancun n’a guère fait plus qu’entériner l’accord conclu il y a un an entre les Etats-Unis et les grands pays émergents, avec le soutien de l’Union Européenne et du Japon. Tous les problèmes demeurent… Ils sont simplement repoussés vers les prochaines conférences des parties, en premier lieu la COP17, qui aura lieu à Durban en 2011.

Un non-événement ? Non, car le cap est mis sur un nouveau régime climatique. Le système de Kyoto qui – c’était son aspect positif – attribuait aux pays développés des objectifs de réduction obligatoires, assortis de pénalités en cas de non-respect des engagements, est remplacé de facto par un mécanisme - purement libéral – d’engagements volontaires des grands pollueurs du Nord et du Sud, soumis à vérification internationale. L’acceptation par la Chine d’une procédure de contrôle « non intrusive, non punitive et respectant la souveraineté nationale » a rendu possible ce tournant. Par celui-ci, le couple sino-étasunien qui domine la planète prend le contrôle des négociations climatiques, repoussant l’UE au rang de figurant. Dans la foulée, le concept clé de « responsabilité commune mais différenciée » tend à s’estomper, les pays pauvres sont encore plus marginalisés, et la pression de l’expertise scientifique sur les gouvernements est desserrée au profit d’une saine prise en compte des sacro-saints impératifs de rentabilité et de compétitivité des multinationales.

Seuls vainqueurs, « les marchés » voient s’ouvrir partout de juteuses perspectives. Voilà en quoi consiste le « succès » de Cancun... Pour les exploité-e-s et les opprimé-e-s du monde, ce sommet ne fait que renforcer l’urgente nécessité d’une mobilisation sociale contre la destruction du climat par le productivisme capitaliste et sa boulimie de combustibles fossiles. Puisse le terrible drame qui a frappé vingt millions de femmes et d’hommes au Pakistan, l’été dernier, motiver chacune et chacun à prendre la mesure des enjeux.

 

 

 

 

 

 

 

 

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12 décembre 2010 7 12 /12 /décembre /2010 03:43

http://goudouly.over-blog.com/article-le-climat-n-existe-pas--62855107.html

 

carte postale de Les Matons

LES MATONS
sans titrecARTed Network

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Sculpture Amicale - Friendly Sculpture
cARTed Series n.165 - novembre 2003 - Bretteville Besançon Sète & Bourges
Special "10e Anniversaire de cARTed"

 

Le climat n’existe pas !

 

A l’issu de Cop 15 à Copenhague nous avions émis le souhait que les prochains sommets sur le climat ne seraient plus les mêmes. (voir http://www.ufal.info/developpement-ecologique-et-social/cop-15-quel-bilan-2/2131 ). En disant cela nous exprimions le souhait que les choses s’améliorent et ne pouvaient que trouver des solutions.

 

Le sommet de Cancún (Cop 16) propose un résultat catastrophique pour tout ce qui concerne les règles pouvant régir le climat et les incidences humaines qui interagissent sur celui-ci. Cela va même au-delà du raisonnable puisque le protocole de Kyoto, le seul accord un peu viable concernant la justice climatique et la réduction des gaz à effet de serre, est lui-même remis en question , même s’il a été sauvé in extremis au moment de la déclaration finale.

 

Dans la mesure où le protocole de Kyoto, qui engage près de 40 pays industrialisés à réduire leurs émissions de GES de 5,2% en dessous de leur niveau de 1990 à l'horizon 2008-2012. (à noter que les États-Unis n'ont jamais ratifié ce traité), semble vouloir être abattu par les pays capitalistes cela signifie que les choix économiques faits au niveau mondial sont incompatibles avec la préservation de la planète, d’autant plus quand nous apprenons que la conférence de Cancún est de transférer la gestion du fonds vert mondial à la Banque Mondiale ! Même si ce fonds vert mondial envisage un conseil d'administration avec représentation équitable entre pays développés et en développement, le texte de Cancun prévoit au passage que la Banque mondiale servira d'administrateur intérimaire durant trois ans. L’avenir seul jugera, mais le risque est grand.

 

Si tel est le cas de figure, alors il faut envisager de détruire ce schéma économique dominant, car au-delà de la destruction de la planète, il est générateur de crises économiques et sociales qu’il n’arrive plus à réguler.

 

Le capitalisme règne depuis 200 ans. Durant cette période il a fini par imposer un modèle individualiste qui détruit toutes les représentations collectives. Quand il détruit la planète c’est encore son œuvre, quand il détruit le social, l’échange gratuit, la solidarité, c’est également son œuvre. Pour cela il a besoin de détruire aussi la démocratie, afin d’asseoir son pouvoir et au-delà sa structure individualisante.

Le capitalisme a fait dériver la notion de valeur du collectif à l’individu, n’imposant plus ainsi à la collectivité les règles partagées, mais laissant à chacun le soin de s’autodéterminer, c’est en ce sens aussi que la démocratie doit être abattue pour lui.

C’est pourquoi les lieux de décisions de chacun sont de plus en plus éloignés et ne sont plus désignés lors de scrutins populaires.

 

Les FMI, OMC, BM, UE et autres lieux de décisions antidémocratiques vont à l’encontre des populations et sont l’émanation de ce manque de démocratie.

 

Ces structures deviennent alors la « loi » au niveau planétaire avec comme seul objectif l’accroissement des richesses pour quelques uns.

 

Les contraintes sociales, écologiques et économiques, qui sont les règles communes pour un partage des richesses d’une manière durable et raisonnable, ne sont pas bonnes pour les objectifs de ces diverses instances internationales.

Le protocole de Kyoto est une contrainte, au même titre que les salaires minima imposés, la législation du travail,... pour envisager de nouveaux profits.

 

A l’issu du sommet de Cancún nous voilà certain d’une chose, le capitalisme n’est pas conciliable avec l’écologie, mais il ne l’est pas non plus avec le social ni avec une économie régulée.

 

Les prochains sommets concernant la planète, l’avenir de notre société, ou la conception économique du vivre ensemble, et qui envisageront notre société de demain ne pourront émaner que des peuples eux mêmes et prendre d’autres solutions que celles envisagées par le capitalisme.

 

Dominique Mourlane

Article publié pour l'UFAL

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3 septembre 2010 5 03 /09 /septembre /2010 03:27

http://goudouly.over-blog.com/article-bio-diversite-alerte-l-onu-s-aligne-sur-l-omc--56418206.html

Agnès Bertrand, co-auteur de «OMC le pouvoir invisible», et Françoise Degert, journaliste, tirent le signal d'alarme: la financiarisation de la nature rapporte aux banques en leur permettant de se garantir sur les actifs naturels. Mais elle représente un véritable danger pour la préservation des écosystèmes.
Relevé dans Marianne 2

(Dessin : Louison)

 

Bio-diversité : alerte, l'ONU s'aligne sur l'OMC !

 

La biodiversité est sous les feux de la rampe. Se basant sur les atteintes irréversibles portées au monde du vivant, l'Organisation des nations unies (ONU) a déclaré 2010 « année de la biodiversité ». Le battage médiatique est à son comble. Point d’orgue : la Convention sur la biodiversité, issue du Sommet de la terre de Rio en 1992, réunira en octobre prochain, à Nagoya (Japon) les 193 États signataires du traité. Cette 10ème conférence des Parties (COP 10) [1]  se déroulera au siège du Keidaren, le puissant syndicat patronal japonais. Pour cet événement qu’ils ont largement sponsorisé,  une présence massive des lobbies d’affaires est attendue.  Sur la table des négociations à Nagoya, les enjeux seront aussi faramineux qu’ils sont occultés. Sous prétexte de préservation de la biodiversité, se prépare un recadrage complet de la structure et des finalités de la convention. Petite histoire d’une formidable imposture.

 

La notion de biodiversité ne se limite plus aujourd’hui à « la diversité des êtres vivants et de leurs caractères génétiques ». Dans un parallélisme parfait avec les services environnementaux de l’OMC (organisation mondiale du commerce), établis dans  l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) [2] elle s’étend à « tout le matériel » susceptible d'être mis en valeur. Elle inclut non seulement les plantes, les animaux, les gènes, mais également les paysages, les forêts, le captage et la filtration de l'eau, les savoirs faire traditionnels, les cultures, la «sensibilisation» du public, etc. 

 

Dans les coulisses de la Convention, de nombreux organismes publics et privés, des États  s'affairent depuis près d'une décennie : l'ONU et ses organismes satellites, l'Union européenne, en particulier la France et l’Allemagne, les Etats-Unis, l'Australie, le Canada etc... S’appuyant sur les penseurs néo-libéraux, ils décrètent, avec Pavan Sukhdev, que la seule solution est d’offrir «  une argumentation économique exhaustive et irréfutable pour la conservation des écosystèmes et de la biodiversité». Ce responsable des marchés internationaux de la Deustche Bank à Bombay est également fondateur d'un programme de «comptabilité environnementale» en Inde. La finance se pose en sauveur de la planète. 

 

Mais le problème est de donner une valeur marchande à des millions d'espèces et de molécules différentes. Pour contourner la difficulté, l'évaluation de la biodiversité ne porte plus sur les espèces mais sur tous « les services économiques », depuis la pollinisation à la filtration de l’eau, rendus à l'homme par la totalité des écosystèmes (forêts, zones humides, prairies, récif corallien...). Des services estimés par le professeur américain Robert Costanza [3] à 33 000 milliards $ en 1997 soit le double de la valeur mondiale brute produite cette année là. 

 

Boîte à outils planétaire

Pour donner une valeur aux écosystèmes, de 2001 à 2005, l’ONU a élaboré le Millenium Ecosystem Assessment (MEA) [4]. Il doit être décliné à l'échelle de la France avant la fin de l'année. Ce document identifie 31 services rendus, classés en 4 catégories. Ces catégories ont été recoupées avec la cartographie complète fournie les bases de données géographiques transmises par les satellites [5]. L’ensemble permet de connaître l’état des sols, des sous-sols, les gisements de ressources naturelles, les ressources marines etc.  Au prétexte d’établir des zones de protection de la biodiversité, les fameuses trames vertes et bleues,  le globe terrestre est ainsi scruté et transformé en parts de marché. 

 

Mais le zèle économétrique ne s’arrête pas là. Depuis 2007, c’est le TEEB (The Economics of Ecosystems and Biodiversity) qui élabore, toujours sous la direction du banquier Pavan Sukhdev, un système complexe pour calculer la valeur monétaire de chaque « service écosystémique » (sic !). Discrétion oblige, les conclusions de ces constructions mathématico-financières ne seront présentées qu’en octobre 2010 à Nagoya. 

 

Sans attendre la conférence de Nagoya toutefois, un premier symposium destiné au monde des affaires, intitulé le « business of biodiversity », s’est tenu à Londres le 13 juillet. Julia Marton-Lefèvre, directrice de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), a présenté l’étude « TEEB for business » pour faire un appel du pied aux transnationales. Le rapport promet  aux entreprises près de 1 100 milliards $ de profits supplémentaires en 2050, grâce aux services écosystèmiques [6] .  Parmi les contributions au symposium, notons celles de William Evison, de PricewaterhouseCoopers, Mikkel Kallesoe, du World business Council for sustainable development qui regroupe des multinationales aussi notoirement écologiques que Dow chemical. 

 

Pouvoir offshore, élus hors-sol

Il reste à mettre en place le système qui va organiser et contrôler ce marché. En mai 2010, à Nairobi, « un groupe de travail  spécial à composition non limitée » de la CDB propose la création d’une plate-forme science-politique pour appliquer un plan stratégique, tout en déclarant « qu’il était prématuré d’en discuter ». En juin 2010, en Corée, les représentants de 90 États  adoptent cette proposition : l'Intergovernmental science-policy platform on biodiversity and ecosystem services (IPBES) [7] est lancée. En écho, le G8 réuni le 25 juin au Canada, applaudit sa création. Elle doit être entérinée en septembre, à New York, lors de la 65 éme Assemblée générale de l’ONU. L’IPBES réunira des représentants des États, mais également des experts, des firmes et des financiers. Cette plate-forme sera chargée de fournir l'expertise scientifique en matière de biodiversité. Mais contrairement au GIEC [8], dont elle prétend être la réplique pour la biodiversité, elle aura également un mandat politique. Forte de l’aval de l’ONU, l’IPBES sera, à Nagoya, investie d’un pouvoir supranational. Elle contrôlera l’application d’une convention sur la diversité biologique (CDB) complètement détournée de ses objectifs d’origine. Le plan stratégique, qui sera adopté à Nagoya, couvre une période jusqu’à 2020. Quant aux instruments pour y parvenir, le monde des affaires aura carte blanche.  « L’intérêt et les capacités du secteur privé (…) dans la conservation et l’utilisation durables de la biodiversité et des services des écosystèmes comme source de futures opérations commerciales, et comme condition à de nouvelles possibilités commerciales et de débouchés (…) » est salué ad nauseum par un groupe de travail préparatoire à la 10ème conférence de la CDB [9].

Les banques dans les starting blocks

«Le mal ce n'est pas tant de faire le mal, c'est de dire qu'on fait le bien quand on le fait, c'est de dire les mots à l'envers, les vider de leur sens et pervertir de l'intérieur les critères mêmes de vérité.»

Denis de Rougement, in La part du Diable.

 

La véritable question qui intéresse les banquiers et les fonds d’investissement, c’est à l’évidence de transformer la biodiversité en fonds monétaire. 

Des systèmes de compensation, comme le «Paiement et compensation des services environnementaux» (PSE) sont déjà en vigueur. Pratiqué depuis quelques décennies, ce système se résume à cette idée : les écosystèmes fournissent des services essentiels au bien-être humain, pourquoi ne pas les faire payer? Pour les pays du Sud, la FAO a proposé une convention-type de PSE. Elle incite, par exemple, les agriculteurs à cesser la culture sur brûlis ou à pratiquer l'écobuage... «Toutefois, le PSE ne s'applique pas aux multinationales, en particulier celles qui détruisent les forêts pour planter des palmiers à huile.  Il ne contraint que les petits paysans qui mettent fin à leurs droits d'usages » reconnaît Alain Karsenty, du CIRAD [10].  En l’échange d’une compensation arbitraire, les petits paysans du Sud n’auront plus qu’à acheter les engrais et les pesticides… 

 

Il existe également  les « réserves d’actifs naturels » (RAN), que la filiale biodiversité de la Caisse des dépôts (CDD) commence à créer en achetant des terrains qu’elle remet à l'état de «nature», comme elle l’a déjà fait dans la plaine de la Crau. Par ailleurs, la filiale gère des espaces de compensation pendant 30 à 50 ans pour le compte d'un aménageur (exemple de l'autoroute A 65).  

 

Pour gérer ces contrats, les banques de compensation entrent en jeu. « Elles existent déjà aux Etats-Unis pour les zones humides », a expliqué Capucine Chamoux, de l'ambassade américaine à Paris, lors de la conférence de l'ICREI, réuni à Aix-en-Provence en juin dernier. Une société privée finance, via un crédit bancaire, la restauration d'une zone humide; «celui qui offre la meilleure prestation au plus bas prix emporte le marché de gestion». 

 

Le trou noir de la finance

Chacun sait que les banques de compensation, telles Clearstream, ne sont absolument pas régulées. Leurs activités sont fondées sur les contrats à terme qu'elles transfèrent ensuite aux chambres de compensation chargées de vérifier les transactions. Leur fonctionnement est si opaque qu'en 2008, elles ont été qualifiées de « trou noir de la finance». Comment peut-on prétendre qu’elles vont protéger la biodiversité et les écosystèmes ?  

 

Selon Sarah Hernandez, économiste environnementale, la compensation financière a toutes les chances de devenir «une licence de destruction» de la nature[11] . Le seul intérêt serait donc celui des banques. Elles seront habilitées à transformer les territoires en actifs financiers et ceci n’est pas une vue de l’esprit. L’Allemagne n’a-t-elle pas suggéré, en mars dernier, que la Grèce « offre ses îles » pour compenser sa dette[12]? Grâce aux réserves d’actifs naturels, les banques  auront davantage d'occasion de spéculer. 

 

Cette préséance accordée aux fonds spéculatifs dans le management global des écosystèmes de la planète, aussi scandaleuse qu’elle soit, n’est pas tout à fait surprenante. La richesse et le pouvoir ont changé de mains aux Etats-Unis en 2007. Devançant pour la première fois les patrons d'entreprises industrielles ou technologiques, les responsables des fonds spéculatifs et privés sont arrivés en tête du classement des fortunes publié dans Forbes Magazine[13] . Et ils comptent bien conserver la première place. Le cœur du capitalisme financier s’apprête à franchir un nouveau pas : se garantir sur nos réserves d’actifs naturels.

Après avoir coulé le système économique par des investissements véreux, il ne manque plus aux banques que de couler la terre.

 

Dépossession généralisée

Au nom de la biodiversité, cette nouvelle gouvernance affectera le statut et le sort de toutes les ressources naturelles pour des décennies. L’OMC ne s’y est pas trompé. Son rapport sur le commerce mondial 2010, publié fin juillet, s’intitule «Commerce des ressources naturelles ». Son directeur, Pascal Lamy se félicitait dans un communiqué du 27 juillet 2010 que « les choses » allaient bouger en octobre. Bouger pour qui et dans quel sens ? Cette financiarisation de la nature va soustraire  aux communautés locales et aux souverainetés nationales l’usage de leurs ressources et territoires. «On ne peut pas protéger la biodiversité sans toucher au droit de propriété», affirmait Patrick Hubert, ex-conseiller d'État qui a dirigé plusieurs cabinets ministériels, dont celui de Dominique Perben. 

 

Cette nouvelle gestion implique la transformation du droit de propriété, propriété individuelle, bien sûr, mais aussi propriétés de l’État et des communes, propriétés collectives en Afrique et dans l’hémisphère Sud en général. Certes, l’érosion génétique, la dégradation des écosystèmes et l’épuisement des ressources prennent des proportions alarmantes. Mais les solutions proposées par les technocrates et les financiers à Nagoya, vont à contre-sens de la préservation de la nature. Vont-ils y parvenir à les imposer ? L’alerte sur le détournement de Nagoya est lancée et commence à se répercuter à travers la planète [13].

 

NOTES

[1]  www.cbd.int/cop10/

[2]  L’Accord général sur le commerce des services constitue l'annexe 1B de l'Accord de Marrakech. Cf. «Le complot de l'OMC contre les services publics» sur Marianne2

fr.wikipedia.org/.../Accord_général_sur_le_commerce_des_services -

fr.wikipedia.org/.../Organisation_mondiale_du_commerce 

[3]  Robert Costanza : «The value of the world’s ecosystem services and natural capital» Nature n°387, 1997, p.253 à 260.

Professeur en économie environnementale, Robert Costanza a longtemps enseigné à l’université de Vermont  (USA) avant de rejoindre l’université d’État de Portland. 

[4] Évaluation des écosystèmes pour le millénaire

[5]  La base de données Corine Land Cover couvre déjà trente-huit pays européens 

[6] Site général  du « TEEB » :  rapport du « TEEB for business »

[7] Plate-forme intergouvernementale sur la science et la politique de la biodiversité et des services écosystémiques 

[8]  Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat  

[9] Conférence des Parties  à la Convention sur la diversité biologique. Dixième réunion Nagoya, Japon, 18-29 octobre 2010. Point 10 de l’ordre du jour. Rapport du « groupe de travail spécial à  composition non limitée » de l’application de la convention sur les travaux de sa troisième réunion.

 [10] Alain Karsenty, chercheur au CIRAD, consultant dans plusieurs organisations internationales, dont la Banque mondiale. Il est intervenu lors de la 8ème conférence internationale de l’ICREI, qui s’est tenue à Aix-en-Provence du 17 au 19 juillet 2010. 

L’International center for research on environmental issues (ICREI), ou Centre international de recherche sur l’environnement, fondé par Alain Madelin, est actuellement présidé par Max Falque. 

[11] 5ème colloque sur « la réparation des atteintes à l'environnement » organisé à la Cour de Cassation, le 24 mai 2007

[12] L’Expansion.com et AFP du 4 mars 2010 

[13] « Big Bodies vs the Biosphere. Confronting the global corporate hijack of Nagoya’s COP10 »

 

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