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26 novembre 2007 1 26 /11 /novembre /2007 04:16


Retraite : La droite mène une campagne idéologique

Pointés du doigt comme des «nantis», les salariés qui bénéficient des «régimes spéciaux» sont pourtant loin de bénéficier de droits exorbitants. Mais pour la droite, peu importe. Ce qui compte c’est de parvenir à détourner l’attention du plus grand nombre sur les privilèges qu’elle accorde aux plus riches. Et pour cela il lui faut des boucs émissaires.

 

Ne nous y trompons pas, la droite ne veut pas régler le problème de l’équilibre financier des régimes de retraite par répartition. Au contraire elle cherche à remettre en cause notre système de solidarité nationale pour renvoyer chacun à l’assurance individuelle privée. Déjà durant la campagne présidentielle la droite avait ciblé les plus fragiles pour les stigmatiser opposant les salariés entre les prétendus assistés et «ceux qui se lèvent tôt».

 

Supprimer les régimes spéciaux ne veut pas dire pour la droite un seul régime de retraite, bien au contraire. Cette solution est totalement écartée par la droite. Non seulement parce que les non salariés qui ont toujours refusé l’intégration au régime général (qui les obligerait à aligner leurs cotisations sur celles des salariés) sont souvent des clientèles électorales de la droite. Mais aussi parce que l’unique objectif du gouvernement – et du MEDEF- est d’aligner le plus vite possible vers le moins-disant le régime de retraite des salariés et de laisser libre cours ensuite à la capitalisation… Le chacun pour soi remplace progressivement le chacun selon ses moyens pour les cotisations et le chacun selon ses besoins pour les pensions. Or passer d’un système à l’autre n’est pas anodin. En effet les retraites par capitalisation, et plus généralement toutes les formes de revenus d’épargne accentuent les inégalités. Sans compter qu’elles sont sensibles à l’instabilité chronique des marchés financiers.

 

Supprimer les régimes spéciaux au nom de l’ « équité »

 

Les agents de la SNCF (160.000 environ) peuvent partir à 55 ans mais ils cotisent plus. Lorsque qu’un salarié du privé cotise environ 26% de son salaire (régime général et ARCCO) l’agent de la SNCF cotise près de 36 % de son salaire. Une partie de ces 36 % est certes payée par l’Etat mais c’est aux dépens d’un salaire direct plus élevé.
Le montant de retraite des cheminots est inférieur au montant moyen des pensions. Pour partir plus tôt à la retraite, les agents de la SNCF non seulement cotisent plus mais acceptent d’avoir un taux de remplacement (niveau de la retraite par rapport au dernier salaire) inférieur de 10 point au taux de remplacement des autres salariés. La retraite d’un agent de la SNCF est calculée sur son dernier salaire. C’est un acquis qui n’est pas transposable pour un salarié du privé qui peut voir son revenu considérablement régresser au cours de cette dernière année. La vraie égalité avec les salariés du public serait de revenir au calcul de la retraite sur la base des 10 meilleures années.
La pénibilité ne serait plus la même aux dires du gouvernement. Pourtant une note de l’INSEE publiée en juin 2005 montre que les écarts d’espérance de vie entre catégories socio-professionnelles se sont accrus chez les hommes (les hommes cadres vivraient 7 ans de plus que les ouvriers) alors qu’ils restaient stable chez les femmes. Parmi les facteurs identifiés pour expliquer les différences de mortalité, certaines professions sont plus sujettes à des horaires de travail décalés qui affectent l’état de santé et donc la mortalité.
Et si nous introduisions le débat sur la pénibilité du travail, il ne serait pas évident que les dépenses seraient diminuées. Prenons l’exemple des caissières et caissiers de supermarché. Devons-nous conclure que ce n’est pas un travail pénible puisqu’ils sont assis ?

 

Réformer les régimes spéciaux ne réglera nullement la question de l’équilibre des régimes de retraites

 

L’idée reçue : en supprimant les régimes spéciaux, on sauvegarderait la retraite par répartition. Or, les salariés des régimes spéciaux de retraites représentent peu de personnes. Prétendre dès lors qu’il faut s’attaquer aux régimes spéciaux pour retrouver l’équilibre des régimes de retraite est un argument fallacieux ! Actuellement, il y a environ 500 000 retraités relevant des régimes spéciaux pour un total de 12 millions de retraités, soit 4,2 %. En 2025 ils seront environ 300 000 à relever des régimes spéciaux sur 18 millions de retraités, soit 1,6 % du total…

 

Le partage des richesses : la solution

 

Quand la droite parle «d’égalité» entre les salariés, il faut s’attendre à encore plus d’inégalité entre les riches et les pauvres… Alors à nous de proposer notre vision de l’égalité. Et pour cela il est nécessaire de revenir sur la question du financement des retraites. Pour parvenir à ses fins, la droite a préparé les esprits à la nécessité d’une «réforme des retraites» qui abaisserait leur niveau. La thèse de l’impossible financement, comme celle de l’augmentation de l’espérance de vie, ont été patiemment introduit dans les têtes. Il ne serait plus possible de partir à la retraite aussi tôt du fait des courbes démographiques et du coût exorbitant des retraites pour les actifs. Pourtant, aujourd’hui la richesse produite ne cesse d’augmenter. Il faut sans cesse moins de salariés pour produire davantage. Pourquoi cela ne bénéficie pas au système de retraite ? Cela renvoie à l’enjeu de la répartition des richesses ainsi créées. Pour le Conseil d’Orientation des Retraites «il était possible de maintenir le niveau des retraites à condition d’augmenter les cotisations retraites de 15 points en 40 ans». Cela représente une augmentation de 0,38 point par an. Bien sûr, le principal opposant à cette proposition est le Medef, qui prétend qu’une augmentation de 0,25 point pour les cotisations patronales et de 0,13 point pour les cotisations salariales est impensable. Or ceci est au contraire non seulement possible, mais largement souhaitable.

 

Vigilance et solidarité

 

Je pourrais écrire des pages et pages pour produire autant d’arguments que nécessaire. Les arguments, voilà une belle arme contre la droite qui n’en produit pas, mais attise uniquement le ressentiment d’un peuple bien souvent désorienté et à la recherche de solutions à ses problèmes quotidiens. Tout devient difficile et notamment pour les retraités dont les revenus sont parfois très faibles, trop faibles. Ce sont bien souvent les premiers à défendre la retraite par répartition, le meilleur instrument de la République pour garantir à chacun un niveau de vie décent. La droite tente une démolition de ce formidable système de solidarité entre tous poursuivant ainsi le profond travail de sape commencé dès 1993 avec Balladur (attaque du privé), puis Juppé en 1995 (au nom de l’équité) et dernièrement par Fillon, déjà lui, en 2003 (toujours l’équité).
Après les régimes spéciaux la droite va s’attaquer au régime général, en agitant toujours l’impossible alternative et surtout en protégeant les nantis de toute réforme. Nous devons être vigilants : la remise en cause des régimes spéciaux n’est que le signe annonciateur de remise en cause du régime général, celui de tous les citoyens.

 

Soyons solidaire !

 
 

Thierry Duval

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25 novembre 2007 7 25 /11 /novembre /2007 03:59




L'AGRICULTURE DE DEMAIN


Auteur : RAINELLI
Editeur : DU FELIN
Parution : 02 2007
Pages : 157
Isbn : 978-2-86645-640-5
Reliure : Paperback
Prix : 11.9 € 
   
   



Présentation de l'éditeur

Crise alimentaire, OGM, négociations de l'OMC, biocarburants : loin d'être un secteur marginal, l'agriculture de demain est au cour de nombreux débats. Aujourd'hui, alors que plus de 850 millions de personnes souffrent de la faim, les déséquilibres entre Nord et Sud sont criants. Mais d'ici 2050, la Terre devra nourrir 9 milliards d'hommes. Les OGM seront-ils le moteur d'une nouvelle Révolution verte ?

Pour l'heure, les grands pays développés sont toujours les leaders des marchés agricoles. Les Etats-Unis, qui profitent de la libéralisation des échanges tout en subventionnant leur agriculture, sont montrés du doigt. La politique agricole commune (PAC) de l'Union européenne, monopolisant près de 45 % du budget et dont la France est grande bénéficiaire, est accusée d'être injuste et protectionniste. Quelles seront les nouvelles stratégies des pays développés face à l'Inde, la Chine et le Brésil qui sont en passe de bouleverser le secteur ? Alors que le prix du pétrole flambe, les biocarburants apparaissent comme la solution d'un développement durable. Mais sont-ils une chance pour l'agriculture ou un risque pour l'alimentation mondiale ? Enfin, la libéralisation du commerce agricole est sujet d'âpres négociations au sein de l'OMC. La mondialisation de l'agriculture peut-elle produire de la croissance et réduire la pauvreté, ou va-t-elle accroître l'isolement des pays les plus pauvres ? Cet ouvrage passionnera tous ceux qui veulent des réponses claires et nuancées sur ce sujet essentiel pour l'avenir de nos sociétés.


Biographie de l'auteur

L'auteur, Pierre Rainelli, ingénieur agronome et docteur en sciences économiques, a fait carrière à l'INRA. Ancien consultant à I'IFRI, il participe aux travaux de Notre Europe sur l'avenir de la PAC et a dirigé Les politiques agricoles sont-elles condamnées par la mondialisation ? Le préfacier, Pierre Lepetit, est vice-président de Notre Europe, le think tank fondé par Jacques Delors dédié à l'intégration européenne. Ancien négociateur européen et spécialiste des questions agricoles, il est l'initiateur de programmes de recherche sur l'agriculture, notamment à l'IFRI et à Notre Europe.


Table des matières


ETAT DU MONDE : UNE SITUATION ALIMENTAIRE FRAGILE, DE GRANDES INEGALITES ENTRE LES CONTINENTS ET DES FLUX COMMERCIAUX CONVERGEANT VERS LES PAYS RICHES.
Une situation alimentaire très inégale selon les continents

Production alimentaire mondiale : qui produit quoi ?

Les échanges agricoles sont réalisés principalement entre pays riches ou avec des pays riches

UNION EUROPEENNE, ETATS-UNIS : LES CHOIX STRATEGIQUES

DES GRANDS PRODUCTEURS DU MONDE DEVELOPPE

Les États-Unis : une agriculture puissante mais très dépendante des aides


L'agriculture européenne : une forteresse à l'intérieur et un concurrent déloyal à l'extérieur ?

La France, grande bénéficiaire de la PAC, mais jusqu'à quand ?

LES NOUVEAUX ACTEURS : INDE, CHINE ET BRESIL

L'Inde : l'éléphant qui s'ébranle

La Chine : de l'objectif d'autosuffisance à l'exploitation des avantages comparatifs


Le Brésil, nouveau géant agricole

COMMENT NOURRIR 9 MILLIARDS D'HOMMES EN 2050 ?. La croissance des populations des pays en développement va poser de sérieux problèmes alimentaires pour 2050

L'eau et le sol : des ressources menacées et en disponibilité limitée

Les OGM au secours des pays en développement ?

LES BIOCARBURANTS : CHANCE POUR L'AGRICULTURE OU RISQUE POUR L'ALIMENTATION MONDIALE ?

Raréfaction des hydrocarbures et demande croissante : une chance pour les biocarburants ?

· quel prix les biocarburants sont-ils compétitifs, et quel est leur impact sur les marchés agricoles ?

LA CROISSANCE AGRICOLE ET L'INSERTION DANS LES ECHANGES MONDIAUX PEUVENT-ELLES REDUIRE LA PAUVRETE ?

L'agriculture joue un rôle central dans la réduction de la pauvreté

La libéralisation du commerce agricole peut-elle réduire la pauvreté ?

LA LIBERALISATION DES ECHANGES AGRICOLES : EST-CE UN JEU OU TOUT LE MONDE GAGNE ?


Comment mesurer les effets de la libéralisation des échanges ?

Quels sont les effets de la libéralisation sur les cours et les flux commerciaux, pour les pays développés et les pays en développement ?

GAGNANTS ET PERDANTS DE LA LIBERALISATION ENTRE LES PAYS EN DEVELOPPEMENT ET PARMI LEURS POPULATIONS

La libéralisation ne profite pas à tous les pays en développement

Gagnants et perdants à l'intérieur des pays en développement

L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE, GARANTE D'UNE MONDIALISATION ACCEPTABLE ? Du club fermé du GATT à l'Organisation mondiale du commerce (OMC)


L'agriculture, sujet d'affrontements dans les négociations commerciales multilatérales (NCM)
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24 novembre 2007 6 24 /11 /novembre /2007 03:58


Voracité
 

Tandis que, contre l’horreur économique, le discours critique – qu’on appela un temps altermondialiste – s’embrouille et devient soudain inaudible, un nouveau capitalisme s’installe, encore plus brutal et conquérant. C’est celui d’une catégorie nouvelle de fonds vautours, les private equities, des fonds d’investissement à l’appétit d’ogre disposant de capitaux colossaux (1).

 

Les noms de ces titans – The Carlyle Group, Kohlberg Kravis Roberts & Co (KKR), The Blackstone Group, Colony Capital, Apollo Management, Starwood Capital Group, Texas Pacific Group, Wendel, Eurazeo, etc. – demeurent peu connus du grand public. Et, à l’abri de cette discrétion, ils sont en train de s’emparer de l’économie mondiale. En quatre ans, de 2002 à 2006, le montant des capitaux levés par ces fonds d’investissement, qui collectent l’argent des banques, des assurances, des fonds de pension et les avoirs de richissimes particuliers, est passé de 94 milliards d’euros à 358 milliards ! Leur puissance de feu financière est phénoménale, elle dépasse les 1 100 milliards d’euros ! Rien ne leur résiste. L’an dernier, aux Etats-Unis, les principaux private equities ont investi quelque 290 milliards d’euros dans des rachats d’entreprises, et plus de 220 milliards au cours du seul premier semestre 2007, prenant ainsi le contrôle de huit mille sociétés... Déjà, un salarié américain sur quatre – et près d’un salarié français sur douze – travaille pour ces mastodontes (2).

 

La France est d’ailleurs devenue, après le Royaume-Uni et les Etats-Unis, leur première cible. L’an dernier, ils y ont fait main basse sur quatre cents entreprises (pour un montant de 10 milliards d’euros), et ils en gèrent désormais plus de mille six cents. Des marques fort connues – Picard, Dim, les restaurants Quick, Buffalo Grill, les Pages jaunes, Allociné ou Afflelou – se retrouvent sous le contrôle de private equities, le plus souvent anglo-saxons, qui lorgnent maintenant sur des géants du CAC 40.

 

Le phénomène de ces fonds rapaces est apparu il y a une quinzaine d’années mais, dopé par un crédit bon marché et à la faveur de la création d’instruments financiers de plus en plus sophistiqués, il a pris ces derniers temps une ampleur préoccupante. Car le principe est simple : un club d’investisseurs fortunés décident de racheter des entreprises qu’ils gèrent ensuite de façon privée, loin de la Bourse et de ses règles contraignantes, et sans avoir à rendre compte à des actionnaires pointilleux (3). L’idée, c’est de contourner les principes mêmes de l’éthique du capitalisme en ne pariant que sur les lois de la jungle.

 

Concrètement, nous expliquent deux spécialistes, les choses se passent ainsi : « Pour acquérir une société qui vaut 100, le fonds met 30 de sa poche (il s’agit d’un pourcentage moyen) et emprunte 70 aux banques, en profitant des taux d’intérêt très faibles du moment. Pendant trois ou quatre ans, il va réorganiser l’entreprise avec le management en place, rationaliser la production, développer des activités et capter tout ou partie des profits pour payer les intérêts... de sa propre dette. A la suite de quoi, il revendra la société 200, souvent à un autre fonds qui fera la même chose. Une fois remboursés les 70 empruntés, il lui restera 130 en poche, pour une mise initiale de 30, soit plus de 300 % de taux de retour sur investissement en quatre ans. Qui dit mieux (4) ? »

 

Alors qu’ils gagnent personnellement des fortunes démentielles, les dirigeants de ces fonds pratiquent désormais, sans états d’âme, les quatre grands principes de la « rationalisation » des entreprises : réduire l’emploi, comprimer les salaires, augmenter les cadences et délocaliser. Encouragés en cela par les autorités publiques, lesquelles, comme en France aujourd’hui, rêvent de « moderniser » l’appareil de production. Et au grand dam des syndicats, qui crient au cauchemar et dénoncent la fin du contrat social.

 

Certains pensaient qu’avec la globalisation le capitalisme était enfin repu. On voit maintenant que sa voracité semble sans limites. Jusqu’à quand ?


Ignacio Ramonet


(1) Lire Frédéric Lordon, « Quand la finance prend le monde en otage », Le Monde diplomatique, septembre 2007.

(2) Lire Sandrine Trouvelot et Philippe Eliakim, « Les fonds d’investissement, nouveaux maîtres du capitalisme mondial », Capital, Paris, juillet 2007.

(3) Lire Philippe Boulet-Gercourt, « Le retour des rapaces », Le Nouvel Observateur, Paris, 19 juillet 2007.

(4) Cf. Capital, op. cit.



Le retour des rapaces


Rebaptisés « private equities », les rapaces sont de retour. Avec un appétit d’ogre, des capitaux colossaux, l’argument de la rationalisation industrielle et de fantastiques opportunités de profit rapide sur le dos des entreprises fragiles

De notre correspondant aux Etats-Unis

La goutte d'eau qui a fait déborder le vase? C'est peut-être la fête extravagante donnée à New York pour ses 60 ans, qui aurait coûté 11 millions d'euros, dont près de 1 million pour une apparition de Rod Stewart. Ou bien cet article du «Wall Street Journal», dans lequel il confessait en pincer pour des crabes de roche à 290 euros pièce? A moins que ce ne soit, tout simplement, les 500 millions d'euros qu'il a empochés avec l'introduction en Bourse de son navire amiral, le Blackstone Group. Une chose est sûre: du jour au lendemain, Steve Schwarzman s'est retrouvé dans la ligne de mire de l'opinion publique et du Congrès, et avec lui tous les groupes de private equity (fonds privés d'investissement en capital). L'homme qui se vantait de vouloir «faire souffrir» des rivaux qu'il rêvait d'«exterminer» se retrouve soudain dans la position de l'arroseur arrosé...

Private equity: un terme chic et feutré, parfait pour ce club d'investisseurs fortunés qui lancent ou rachètent des entreprises qu'ils gèrent ensuite de façon privée, loin de la Bourse et de ses actionnaires pointilleux. Le phénomène existe depuis vingt ans, mais il a pris ces dernières années une ampleur folle, dopé par un crédit bon marché et des financiers toujours plus Imaginatifs. Aux Etats-Unis, les groupes de private equity ont assuré près de 290 milliards d'euros de rachats d'entreprises l'an dernier, et plus de 220 milliards au cours du seul premier semestre 2007. Les deals sont de plus en plus monstrueux - 23,6 milliards d'euros pour le rachat de Bell Canada (téléphone), tout juste annoncé - et les munitions de ces fonds, colossales: 1 100 milliards d'euros (fonds propres plus endettement potentiel). Jusqu'où iront-ils? Ils contrôlent déjà l'équivalent, en valeur, d'un dixième du New York Stock Exchange. Mais ils peuvent aller plus loin. Un deal à 70 milliards d'euros, dit-on à Wall Street, n'a plus rien d'impensable. Et si les Etats-Unis ont déjà été bien ratisses, le reste du monde regorge d'opportunités pour ces flibustiers de la finance. Carlyle, l'un des groupes les plus importants, vient de lancer un fonds européen qui sera doté de 3 à 5 milliards d'euros. Comptez - grosso modo - 4 euros d'emprunt pour 1 euro de capital, ce sont 15 à 25 milliards d'euros qui s'apprêtent à s'abattre sur le Vieux Continent. Et il ne s'agit que d'un fonds!

Ce qui pourrait les arrêter? Leur rapacité. Que ce soit dans les années 1980 avec les OPA et les junk bonds, les années 1990 avec la bulle Internet ou la vogue actuelle des rachats, Wall Street finit toujours par buter sur le même écueil: le fameux «greed is good» (la rapacité est une bonne chose) de Gordon Gekko dans le film «Wall Street» (voir encadré, p. 50). Dans le cas du private equity, cette rapacité est particulièrement insolente: l'an dernier, «les 25 personnes les mieux payées ont touché trois fois ce qu'ont gagné les 80 000 enseignants de New York», calcule Damon Silvers, un avocat de la fédération syndicale AFL-CIO. Non seulement ces financiers gagnent des sommes stratosphériques - près de 450 millions d'euros en moyenne pour chacun des 25 «top managers» -, mais ils font tout pour échapper à l'impôt! Au lieu d'être taxés comme s'il s'agissait d'un revenu, ils assimilent leur magot (une commission de gestion d'environ 2% plus un prélèvement de 20% sur les profits) à un gain en capital, taxé à seulement 15%.
Et bien sûr ils se paient sur la bête - la société rachetée - avec une voracité qui rappelle celle des Ivan Boesky (financier poursuivi pour délit d'initié) et consorts dans les années 1980. Un exemple? La «recapitalisation de dividende», par laquelle la société acquise contracte un emprunt pour payer un dividende à ses nouveaux maîtres. C'est ainsi que les groupes de private equity qui ont pris le contrôle du loueur de voitures Hertz, partageant au passage avec les banques près de 360 millions d'euros en «dépenses et commissions de transaction», se sont précipités pour se faire verser près de 720 millions d'euros de dividende, financé par emprunt. Le montant de ces dividend recaps est passé de moins de 3 milliards d'euros en 2002 à plus de 30 milliards en 2005. Autre exemple: Warner Music. Les groupes de private equity acquéreurs de ce grand nom de la musique ont empoché 2,3 milliards d'euros en un peu plus d'un an, pour un investissement de 1 milliard. Entre-temps, l'action Warner, réintroduite en Bourse dix-huit mois après son rachat, fait du sur-place depuis deux ans, 20% des salariés ont été licenciés et la moitié des artistes sous contrat remerciés...

Ce n'est pas tout: les deux soeurs jumelles de la rapacité, l'imprudence et la malhonnêteté, donnent un parfum furieusement années 1980 à bon nombre de ces deals. L'agence Bloomberg, parmi d'autres, a récemment publié une longue enquête sur les délits d'initiés qui précèdent l'annonce de nombreux rachats. «i», note l'agence. L'imprudence? Elle est à tous les coins de rue. Le fuel qui alimente le private equity se résume à trois mots: «argent pas cher». Les coûts d'emprunt de ces fonds «ont atteint des niveaux historiquement bas, note Andy Kessier, un ancien gérant de hedge fund, dans le «Wall Street Journal». Un taux inférieur à 4% est un cadeau. Or ce taux est récemment tombé à 2,4%». Malgré cela, la compétition grandissante entre fonds pour rafler les entreprises conduit certains à prendre des risques toujours plus importants. Les banques accordent par exemple des prêts-relais, détenant le capital le temps que les groupes de private equity aient rassemblé les fonds auprès de leurs investisseurs. Là encore, cela sent les eighties à plein nez: en 1989, quand le marché des «obligations pourries» s'était subitement écroulé, la banque First Boston s'était retrouvée propriétaire d'Ohio Mattress, une société de matelas de l'Ohio, après avoir accordé un prêt-relais de 350 millions d'euros. L'épisode est entré dans les annales de Wall Street avec un joli titre: «Le lit qui brûle»...

Comment se défendent les nouveaux maîtres du monde, confrontés à cette avalanche de critiques? Plutôt mal. Sur le fond, leur argumentation manque de punch. L'offensive des démocrates au Congrès, dit un lobbyste représentant les firmes Blackstone et Carlyle, «n'est rien d'autre que la volonté de l'AFLCIO de mettre fin à un traitement (fiscal) préférentiel de la prise de risque, par opposition au traitement des salaires». On découvre ainsi que le salarié n'est pas une entité qui prend des risques, comme celui de se faire virer à tout moment... Une autre ligne argumentaire fait écho au fameux discours de Gekko dans le film «Wall Street», quand celui-ci tourne en dérision la bureaucratie des grandes sociétés cotées. Trop d'entreprises normales se retrouvent incapables de changer «pour une myriade de raisons, qui incluent un management indélogeable, de l'inertie, la peur du changement», écrit Jack Welch dans «Business Week». Par contraste, poursuit l'ancien PDG de Général Electric, «le private equity crée presque toujours des business qui se portent bien. Il donne une vision claire et des objectifs mesurables à une compagnie, (...) il crée une mentalité de propriétaire excitante, déchaînant une passion renouvelée chez les salariés. Et il fait tout cela rapidement». Epatant, mais faux: la plupart des études menées depuis 2 000 montrent que les fonds de private equity, en moyenne, font à peine mieux que l'ensemble des grandes entreprises (le S&P 500). Une étude d'un prof de l'Insead et d'un autre économiste fait même apparaître une performance inférieure de 3,3% sur la période 1980-1996.

Bref, le boom du private equity commence à sentir le roussi. On finit de s'en convaincre quand on voit Moody's, la très sérieuse agence de rating, tirer à vue sur ces nouveaux barons: «L'environnement actuel ne suggère pas que les firmes de private equity investissent plus à long terme que les sociétés cotées en Bourse, malgré l'absence de pression que constituent les résultats trimestriels.» Et que dire des commentaires du patron de Goldman Sachs («les choses pourraient déraper très rapidement»), ou de celui du fonds Carlyle («la rapacité est aux commandes, personne ne craint l'échec»)? Sonnés par l'offensive du Congrès, inquiets de leurs propres excès, les nouveaux maîtres du monde rêveraient sans doute de calmer un peu le jeu. Mais ce n'est qu'un fantasme. Comme le rappelle Gekko dans «Wall Street»: «La seule chose qui compte, fiston, c'est le pognon. Le reste, c'est de la conversation.»

 

Philippe Boulet-Gercourt
Le Nouvel Observateur

 

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23 novembre 2007 5 23 /11 /novembre /2007 03:45
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Voici un sujet qui a été entièrement évacué des différentes campagnes électorales passées ou en préparation.

 

Il y a bien longtemps que les règles édictées par nos députés ne sont plus conçues, sauf à la marge, dans les parlements, qu’ils soient nationaux ou extranationaux.

 

Les règles arrivent directement d’organismes supra étatiques qu’il est toutefois intéressant de considérer.

 

Il est question à longueur d’élections de démocratie, et ces lieux ô combien préservés de toutes démarches démocratiques (je parle des organismes supra étatiques), et qui sont les creusets de notre législation mondiale, sont épargnés par la démocratie.

 

 

 

La hiérarchie des lois est une réalité : la loi française est inférieure à la loi européenne (directive) ou à la loi mondiale. Il est aisé de voir comment se confectionnent les lois françaises et qui les votent, surtout en cette période d’élections législatives, nous apercevons à peu prés comment sont élaborées et imposées les lois européennes et le jeu qui s’ensuit sur l’impuissance de nos dirigeants face à ces lois. L’élection de députés européens semble pour nos compatriotes si lointaine, si peu palpable, que l’idée qui est faite de l’élaboration des lois européennes est aussi lointaine.

 

 

 

Mais qu’en est-il des lois mondiales ? Que sont le FMI, la BM, l’ONU, la FAO, l’IFC, la WRU, le BIT, vous en voulez encore des sigles ?

 

Nous rentrons en plein ésotérisme.

 

Qui fait quoi ? Quel est le rôle réel de chacun ? Qui en fait est qui ?

 

Qui élit les personnes responsables de ces lieux de décisions au plan mondial ?

 

 

 

Et pourtant…

 

Ces sigles sont des lieux de pouvoir au niveau mondial :

 

 

 

- FMI : Fonds monétaire international (FMI) est une institution internationale dont le rôle essentiel de nos jours est de fournir des crédits aux pays connaissant des déficits extérieurs et des difficultés financières. Il leur impose en contrepartie certaines politiques économiques. L’institution a été créée en 1944 et devait à l’origine garantir la stabilité du système monétaire international, dont la disparition au moment de la Grande dépression des années 1930 avait eu des effets catastrophiques sur l’économie mondiale. Après 1976 et la disparition de ce système monétaire, le FMI a hérité d’un nouveau rôle face aux problèmes d’endettement des pays en développement et à certaines crises financières.

 

 

 

- BM : Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), plus connue sous le nom de Banque mondiale, est une organisation internationale créée pour lutter contre la pauvreté en finançant les États. Son fonctionnement est assuré par le versement d'une cotisation réglée par les États membres et son siège est à Washington. Le président est élu pour cinq ans par le Conseil des Administrateurs de la Banque, autrement dit, par les responsables de la conduite des opérations générales de la Banque. Elle est l'un des organismes composant les Nations Unies.

 

 

 

- ONU : Organisation des Nations unies (ONU ou encore Nations unies) est une organisation internationale fondée le 26 Juin 1945 à San Francisco pour résoudre les problèmes internationaux. Elle succède à la Société des Nations (SdN). Elle ne dispose pas de force militaire mais elle peut demander aux États-membres de fournir des contingents pour mettre sur pied des forces d'interposition (les Casques Bleus). Elle est actuellement dirigée par Ban Ki-Moon, successeur de Kofi Annan.

 

- FAO : L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture généralement appelée FAO (Food and Agriculture Organization) est une organisation spécialisée de l’ONU, créée en 1945 dans la ville de Québec. Son siège est à Rome depuis 1951. La FAO regroupe 190 membres (189 États plus l’Union européenne). Depuis l'adhésion de la Russie, le 11 avril 2006, les seuls États non membres de la FAO sont Andorre, Brunei, le Liechtenstein, le Monténégro, le Saint‐Siège et Singapour. Sa devise : « Aider à construire un monde libéré de la faim. »

 

Je vous fais grâce des autres sigles, les principaux étant déjà nommés.

 

Un point reste à éclaircir : qui nomme les dirigeants de ces organisations internationales qui simplement édictent des règles que les pays sont en devoir d’appliquer dans des délais plus ou moins courts ?

 

 

 

Les dirigeants sont auto-désignés par les gouvernements, au mieux en ce qui concerne l’ONU, au pire il s’agit d’un rapport de force entre dirigeants de nations des pays industriellement développés, rapport de force qui permet de « placer » des personnes fidèles à des schémas économique ou bien à la vision de domination d’un tel sur les autres.

 

 

 

Nous le remarquons à ce point, les lois internationales, sont transposées par le parlement européen sous forme de directives et c’est le parlement français qui va alors édicter sous forme de lois, des décisions prises dans des lieux dirigés par des personnes qui sont désignées par des dirigeants de pays forts économiquement.

 

 

 

Un jeu compliqué en cascade, mais bougrement efficace. Cela évite beaucoup de discussions.

 

Il n’y a que peu de place démocratique pour des décisions qui nous concernent tous.

 

 

 

Le plus fort dans cette affaire, c’est que si vous consultez quelque juriste que ce soit, même le plus contestataire de l’ordre établi, il vous répliquera que la hiérarchie des lois impose de respecter cet ordonnancement.

 

 

 

Nous serions prisonniers !

 

 

 

Juste rajouter pour coller à l’actualité que les lois concernant l’émigration sont décidées au plan international dans des perspectives de rapports financiers captés par un petit nombre.

 

Devons nous accepter que les déplacements ne soient plus autorisés que pour quelques riches occidentaux ?

 

Se pose encore et toujours la question de la répartition des richesses.

 

 

 

Nous devrions nous occuper de notre avenir.

 

Aurore

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22 novembre 2007 4 22 /11 /novembre /2007 04:03
 
 
 
 
 
 

Lancée par les Nations unies, l'année internationale de la pomme de terre vise à lutter contre la malnutrition dans le monde en promouvant la culture du tubercule. Mais derrière ce paravent de nobles intentions se profile un joli plan-média en faveur des OGM.

 
 
 

Ce n'est pas un gag : 2008 a été décrétée « Année internationale de la pomme de terre » par l'Organisation des Nations unies. Le coup d'envoi officiel des célébrations sera donné le 18 octobre à New-York, siège de l'ONU. Une fois passée l'escadrille des bons mots faciles (« En 2008, j'ai la frite », « Purée, quel événement », etc.), l'initiative ne prêtera peut-être pas tant que cela à sourire.

 
 
 

Au départ, il s'agit d'inciter à la culture du tubercule sous des latitudes où elle est tout sauf traditionnelle, comme l'Afrique équatoriale ou le sud-est asiatique, et de l'encourager dans des pays où elle émerge, comme l'Inde. La pomme de terre, remède à la faim dans le monde? L'idée est frappée au coin du bon sens. Après tout, elle a sensiblement amélioré l'ordinaire des paysans européens au XVIIIe siècle. Pourquoi ne pas en faire profiter le paysan indien du XXIe siècle ? Peut-être parce qu'entre-temps, la semence de pomme de terre est devenue un marché âprement disputé, notamment à coups de variétés OGM. En effet, les initiatives se multiplient pour tenter d'imposer des hybrides génétiquement modifiés partout dans le monde, suscitant de fortes réticences. De nombreux experts craignent que les producteurs se retrouvent dépendants des multinationales détentrices des brevets, sans oublier les enjeux en termes de santé publique.

 
 

 

La patate, un marché colossal

 
 

La pomme de terre est la quatrième plante la plus cultivée au monde. Le marché est colossal et tous les gros industriels sont au rendez-vous. Monsanto a élaboré une pomme de terre, la « Newleaf Bt », qui produit son propre insecticide. D'autres variétés auraient été testées cette année en Afrique du Sud, avec le soutien de l'USAID, l'Agence américaine pour le développement international. BASF, de son côté, propose deux patates OGM. La première est résistante au mildiou. Elle est en phase d'expérimentation, notamment en Picardie (1)e 1. La seconde variété, Amflora, affiche des rendements très élevés en amylopectine, une forme d'amidon. Elle séduit les industriels mais préoccupe le corps médical, dans la mesure où elle contient un gène marqueur de résistance à certains antibiotiques... Amflora a été testée en Suède et la Commission européenne doit se prononcer bientôt sur sa généralisation. Autant dire que la bataille de l'opinion publique est lancée à l'échelle mondiale.

 
 
 

Et c'est là que l'année internationale de la pomme de terre ne fait plus du tout rire. L'idée de l'événement a été lancée en 2005 par le représentant permanent du Pérou auprès de la FAO. Il relayait une suggestion du Centre international de la pomme de terre (CIP), qui détient un immense catalogue de 3 800 variétés traditionnelles (les Andes étant le berceau de la Solanum tuberosum). Or le CIP, sous les dehors d'un organisme de recherche neutre basé dans un pays en voie de développement, est sous la coupe des industriels de la pomme de terre.

 
 
 

Son président est l'agro-industriel britannique Jim Godfrey, fervent lobbyiste pro-OGM. Sa directrice générale est la biologiste américaine Pamela K. Anderson, dont le cheval de bataille est le partage des « bénéfices » des biotechnologies avec les agricultures des pays en voie de développement... Le CIP mène d'ailleurs ses propres recherches sur les OGM, officiellement à des fins purement scientifiques. En juillet dernier, le centre a tout de même dû se fendre d'un rectificatif paniqué. Invités à un « atelier découverte » sur les bienfaits des patates OGM, des journalistes péruviens avaient cru comprendre que le CIP envisageait d'en étendre la culture à de vastes étendues d'Amérique du Sud. Ils avaient mal compris, évidemment...

 
 
 

Et c'est probablement mal comprendre encore que d'écrire que l'Année internationale de la pomme de terre pourrait bien être une opération déguisée de promotion des patates OGM.

 
 
 

Quasi unanimité

 
 
 

Pratiquement toutes les organisations de la liste des partenaires officiels sont favorables aux OGM. C'est le cas du Cirad (Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement), de l'EAPR (European Association for Potato Research) ou du centre d'information Global Potato News. Au pire, ils affichent une neutralité bienveillante, comme Europatat, représentant les grossistes européens. Le plan de promotion de la FAO admet implicitement le recours à des variétés OGM résistantes au mildiou lorsqu'il évoque le développement des cultures dans des zones humides et chaudes. Le terme « organisme génétiquement modifié » n'apparaît jamais dans la documentation officielle, mais ces derniers sont omniprésents en coulisse. Sans être forcément anti-OGM, il est pour le moins troublant qu'un sujet d'une telle importance soit escamoté de la sorte.

 
 
 

Maigre consolation, les « Années » des Nations unies, qu'elle soit du riz (2004) ou de l'eau (2003), produisent en général peu d'effets, pour le meilleur ou pour le pire. Dans le doute, il faut probablement souhaiter que l'année de la pomme de terre ne fasse pas exception...

 
 
 

Erwan Seznec
paru sur le site de la revue Que Choisir

 
 
 
(1) Début 2007, le gouvernement Villepin s'est engagé à n'autoriser sa culture qu'après consultation du public.

 

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21 novembre 2007 3 21 /11 /novembre /2007 03:27

 

Entretien de Julien Landfried à la revue Utopie critique : « l'antiracisme médiatique est une stratégie de substitution de la gauche après l'abandon du socialisme théorique et concret »

 
Contre le communautarisme, entretien de Julien Landfried, Utopie critique, n°42, 4ème trimestre 2007 (octobre), pages 39 à 45
 
 
Dans cet entretien à la revue Utopie critique, Julien Landfried (directeur de l'Observatoire du communautarisme) explicite la thèse de son essai "Contre le communautarisme" (Armand Colin, 2007) et le sens du passage d'une société politiquement organisée par la lutte de classes à une société organisée autour des minorités victimaires. Il se livre ici à une déconstruction critique de l'antiracisme médiatico-associatif et au rôle de substitution joué par l'immigrationnisme militant pour la gauche, suite au choix surplombant d'abandon des références socialistes traditionnelles.

 
Entretien de Julien Landfried à la revue Utopie critique : « l'antiracisme médiatique est une stratégie de substitution de la gauche après l'abandon du socialisme théorique et concret »
 
Utopie critique : Pourquoi avoir écrit cet essai ?
Julien Landfried: Contre le communautarisme est un essai de défense critique de la philosophie républicaine et de la République comme système politique concret, face à un certain nombre d'offensives qui viennent de loin, mais qui ont pu réapparaître très clairement depuis quelques décennies et en particulier durant le second mandat de Jacques Chirac : lois mémorielles, minorités victimaires, réclamation de politiques de discrimination positive, tentative d'influer sur la politique française au Proche-orient, ethno-régionalismes. Il y a quatre ans, ne l'oublions pas, la Corse a failli sortir du cadre républicain de la loi égale pour tous !

Le livre s'appuie sur le travail de l'Observatoire du communautarisme créé en 2003, d'abord pour rappeler un certain nombre de principes, ensuite pour offrir une monographie de la situation du communautarisme en France, en définissant le plus clairement possible un certain nombre de termes, à commencer bien évidemment par celui de communautarisme.

Dans ce cadre, le livre ne parle pas de communautés, mais d'organisations communautaires qui prétendent parler au nom de leurs communautés et qui ont des stratégies politiques, intellectuelles, médiatiques, financières et autres vis-à-vis des responsables publics. Ce qui est important, à la différence d'un grand nombre de travaux en sciences sociales qui portent de manière très générale sur les communautés, c'est que je parle d'organisations communautaires, qui sont souvent des structures institutionnelles, associations, journaux, groupes de pression, qui ont une histoire dont on peut détailler les différents éléments, qui ont parfois des budgets, des membres, des structures que l'on connaît. Ces organisations communautaires engagées dans des revendications ethniques, religieuses, régionalistes, ou sexuelles, travaillent, en fait, à partir d'une même matrice intellectuelle et politique et ont des éléments de convergence tactique et, au bout du compte, participent selon moi à une mise en destruction de la République comme système politique concret.

Ce qu'analyse aussi mon essai, c'est le rôle des responsables politiques et des médias dans cette configuration, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de dynamique communautariste si des responsables politiques ne disent pas : « nous allons relayer ce que vous dites, nous allons vous financer, constituer telle ou telle structure dont vous ferez partie », ou encore s'il n'y a pas des médias qui, à un moment donné, disent : « vous qui prétendez parler au nom de telle catégorie, nous vous invitons et vous faisons parler parce que nous considérons que vous représentez effectivement la catégorie dont vous vous réclamez. Nous vous donnons en fait la légitimité de représenter la catégorie que vous prétendez représenter. » Il s'agit en réalité d'un dispositif complètement circulaire qui permet à des organisations communautaires d'être consacrées non par leur « communauté » mais pas les politiques et les médias.

Le livre tente aussi de montrer comment des groupes extrêmement minoritaires, y compris au sein des communautés qu'ils prétendent représenter -si tant est que la communauté existe- arrivent très rapidement à des positions de force dans l'espace institutionnel. Je multiplie les exemples : que ce soit le CRIF, le CRAN qui s'est constitué dans une certaine mesure sur le modèle du CRIF, les Indigènes de la République, etc. Le livre ne fait pas l'impasse sur le rôle des organisations communautaires juives dans la définition d'une matrice commune, politique, médiatique et sur comment les autres organisations sont prises à la fois dans un processus de concurrence jalouse, envieuse, et d'imitation vis-à-vis de ces organisations juives. Cela permet d'expliquer, en particulier, le fait que, alors que la plupart des organisations communautaires se construisent sur le modèle juif, un certain nombre des leaders de ces organisations sont animés d'une certaine forme d'antisémitisme. Le communautarisme juif constitue à la fois le modèle théorique et pratique des autres communautarismes, tout en concentrant sur lui haines et ressentiment précisément à cause de sa réussite indéniable.

Les valeurs attribuées à l'esprit des communautés en viennent-elles, plus qu'à s'opposer, à casser l'idée même de justice sociale ?
Julien Landfried: Si on analyse le rôle des médias, il faut voir comment une certaine presse de gauche, à partir des années 1970-80, a décidé que la nation comme nation politique était un problème, en tout cas une configuration politique qui n'avait pas sa préférence. D'autres modes d'organisations politiques, en particulier le multiculturalisme ou le multicommunautarisme politique étaient peu à peu devenues l'objet de leur désir politique. Par exemple, Libération, Le Nouvel Observateur, Politis, Le Monde Diplomatique dans un certain nombre de leurs textes, trahissent leur préférence idéologique cachée, en mettant en avant telle ou telle revendication communautariste. Quand Libération fait sa Une sur la « question noire » en France, le même jour que la première manifestation importante du CRAN, qui est pourtant très faible numériquement, c'est en réalité Libération qui en dit long sur ses préférences idéologiques !. Dans ce cadre-là, c'est la presse de gauche qui tient un rôle déterminant car auparavant c'était elle qui, en mettant la question sociale en tête de l'agenda politique, forçait les responsables politiques et médiatiques à se positionner par rapport à elle.

A partir du moment où un certain nombre de journaux décident que l'agenda politique doit être restructuré, la question sociale en fait est dégradée, elle est placée vers le bas de la file d'attente dans la hiérarchie des urgences. Le vrai problème de ces organisations communautaires, c'est l'impact qu'elles ont sur le monde politique, intellectuel ou médiatique : elles perturbent l'agenda politique. Des problèmes essentiels ont ainsi été déclassés par des questions mineures ou illégitimes.

Il suffit de voir comment les grandes organisations communautaires que j'étudie dans le livre sont faiblement représentatives des « communautés » au nom desquelles elles prétendent parler. Le CRAN doit avoir quelques dizaines de cotisants, quand il organise une manifestation, il y a 500 personnes ; les Indigènes de la République ne dépassent pas la trentaine de « polémistes ». Le CRIF qui se prétend représentatif de la « communauté juive de France » ne regroupe réellement que quelques milliers de personnes au mieux. Il y a donc un problème de représentativité, problème qui, par ailleurs, se pose dans toute démarche politique dans la République.

Dès lors, pourquoi critiquer spécifiquement les organisations communautaires ?
Julien Landfried: La question de la représentativité est au cœur des institutions de pouvoirs et de contre-pouvoirs. Si on prend le cas des syndicats, aucun d'entre eux ne peut se prétendre représentatif de tous les salariés. Si tel était le cas, aussitôt, quelqu'un le nierait en affirmant qu'il n'appartient pas à ce syndicat, que ce même syndicat peut compter 500 000 adhérents, mais qu'il y a 20 millions de salariés en France.

Avec le syndicalisme, quel qu'il soit, salarial ou patronal, il y a toujours des gens qui n'y adhèrent pas et ont le droit de le dire, alors qu'avec les organisations communautaires, le processus d'intimidation intellectuelle, qui est à la base du communautarisme, interdit toute contestation. L'intimidation consiste à affirmer que toute critique est l'expression d'une « phobie » et vous voilà « antisémite », « homophobe », « islamophobe », « raciste » ou autre, en butte aux procès ou aux menaces ! Ce qui empêche bien entendu toute constitution d'une forme de contre-pouvoir, en raison de son coût trop élevé (risques de campagne de calomnie et de déstabilisation, polémiques publiques, menaces de procès, etc.). Or, ce sont les contre-pouvoirs qui contribuent à remettre les institutions et les organisations à leur juste place. C'est là que réside la grande différence entre « corporatisme » et « communautarisme ». Le « corporatisme » fonctionne avec de puissants contre-pouvoirs, alors que le « communautarisme » les refuse, à cause de la mise en fonctionnement de ce processus d'intimidation intellectuelle et politique.

Vous montrez clairement dans votre livre que ces organisations communautaires en viennent à diviser la société en mettant en avant des intérêts particuliers.
Julien Landfried: Je ne dis pas que les organisations communautaires ont ces objectifs, je dis que les conséquences de leurs actions en arrivent là. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Par exemple, le CRIF a pour objectif essentiel la poursuite de la défense des intérêts israéliens. Les organisations homosexuelles, aujourd'hui, ce qui n'était pas le cas il y a dix ans, ont comme objectifs principaux le mariage homosexuel et l'homoparentalité. Si on prend tel ou tel groupe musulman, ce sera de réclamer la réforme de la loi de 1905 en vue d'un financement public des lieux de culte. Il apparaît clairement que les objectifs de ces organisations communautaires ont pour effet de déclasser la question sociale.

Les organisations communautaires défendent l'idée d'une société fragmentée où le multiculturalisme est au moins hermétique aux autres, quand il n'est pas en concurrence d'ailleurs ?
Julien Landfried: Bien entendu, mais il faut aussi voir que ces cultures fragmentées que portent les organisations communautaires se sont développées depuis plusieurs décennies, dans un contexte de dépréciation de la nation politique, de la nation comme espace historique. Il y a une perte d'estime de soi, dans la société française, qui à mon avis est directement corrélée aux élites. Il y a eu un processus idéologique très lourd de destruction de l'image que le peuple pouvait avoir de lui-même et qui était lié à ce que les intellectuels ou les organisations politiques produisaient comme symboles et représentations de ce même peuple. A partir du moment où, dans les années 1970, le peuple devient un problème pour la gauche intellectuelle, il est tout à fait logique qu'il ne puisse plus y avoir de projection commune.

La représentation du Français, depuis les années 1970, a pris la figure du « beauf » de Cabu, un travailleur blanc, macho, raciste, un plouc inculte. C'est l'image du Français devenue dominante dans les élites culturelles de gauche. Un film marquant, lui aussi des années 1970, Dupont Lajoie, montre un travailleur « blanc » qui est ontologiquement raciste. Il y a un phénomène de substitution qui est apparu dans les années 1980 : on préfère au travailleur français, qui était une figure du peuple, la figure de l'immigré. C'est ce que j'appellerai la xénophilie de substitution. Aujourd'hui on est toujours dans cette configuration idéologique, qui a évolué en « sans-papiérisme », qui n'est rien d'autre qu'une variante de ce déplacement politique, idéologique et affectif. A force de rechercher la fraternité ailleurs, cela me semble surtout signifier que l'on n'a pas tellement envie de la rencontrer dans son pays, avec ses voisins les plus proches : les classes populaires.

Il ne s'agit pas de haine de soi, les élites sont très contentes d'elles. Elles sont animées non pas d'une haine du peuple, mais en tous cas d'un profond mépris pour lui, ce qui a créé un phénomène de distanciation qui me semble en cours d'aggravation.

Ce que vous appellez le « sans-papiérisme » ne recherche pas à relier ce problème avec ceux, plus larges, des travailleurs, chômeurs et autres. Non, c'est devenu un problème particulier, celui de procurer des papiers et ensuite, on ne s'intéresse plus à eux.
Julien Landfried: Les « sans-papiéristes » refusent de voir que l'immigration a un impact sur les conditions de travail et de rémunération des personnes non qualifiées de la classe ouvrière, et qu'elle crée une très forte concurrence sur les plus bas salaires. Evidemment, lorsqu'on a un rapport avec l'immigration qui se résume au personnel domestique ou aux femmes de ménage, et que l'on n'est pas soi-même mis en concurrence sur le marché du travail ou du logement, on ne peut qu'être « sans-papiériste » !

Dans le « sans-papiérisme », il y a, je le répète, un phénomène de substitution. La classe ouvrière est remplacée par les sans-papiers. Le porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire Oliver Besancenot dit d'ailleurs souvent que « les immigrés sont les principales victimes du libéralisme ». Peut-on imaginer aveu plus clair ?

En quoi le républicanisme vous semble-t-il encore adapté ?
Julien Landfried: Pour en revenir à la question républicaine, la thèse du livre est la suivante : le modèle républicain français est, même s'il a des imperfections, un modèle robuste. Il a été pensé de manière particulièrement fine. Les principes républicains peuvent permettre à la société française de poursuivre sa propre histoire. La société française, dans son mode de fonctionnement démographique, est globalement en accord avec ces principes. Si on la compare avec les Etats-Unis, la Grande Bretagne, l'Allemagne, on s'aperçoit que le degré d'ouverture, d'universalisme concret, que l'on peut mesurer par le nombre de mariages mixtes, par la capacité des gens à construire des familles avec des personnes venues d'univers différents, est très élevé. Contrairement à ce que l'on veut nous faire croire, le peuple français est particulièrement anti-raciste, et dans le bon sens du terme, à savoir non « médiatico-associatif » ! Il vit un anti-racisme concret, discret et puissant.

Je défends aussi dans le livre l'idée que l'assimilation fait partie intégrante de l'idéal républicain. Il est consternant de voir à quel point l'idée même d'assimilation est devenu un tabou à gauche, alors que cela a été le cœur de la gauche républicaine pendant des décennies ! Voilà un principe totalement admis par les catégories populaires. Son abandon a été vécu de manière insupportable par elles, et il ne faut pas nécessairement chercher beaucoup plus loin la dynamique qui a poussé le Front National dans les années 80 au moment où le multiculturalisme théorique enterrait l'idée même d'assimilation dans la rhétorique de la gauche.

Le principe de la liberté est lui aussi bien mal en point et je le montre en ce qui concerne la chape de plomb qui empêche de s'exprimer sur les organisations communautaires, relayées par le processus idéologique de « politiquement correct », par les médias, la servilité du monde politique. On en est arrivé à ne pas pouvoir dire les choses comme elles sont. Il y a là un enjeu de reprise d'émancipation et c'est un message que j'envoie au courant républicain : à un moment donné, il faut avoir le courage de dire les choses comme elles sont et cesser de s'abriter derrière l'évocation des principes. La démocratie est, je le rappelle, l'organisation de la conflictualité politique.

La notion d'égalité en droits est elle aussi très mal en point, parce que les courants socialistes, au sens large, l'ont troqué pour l'antiracisme. Mais l'antiracisme n'est pas une politique, c'est une posture morale. Dans une époque où la dynamique est inégalitaire, au plan national comme international, il faut un mouvement politique qui soit en mesure de redire que l'égalité en droits est un objectif politique central.

Pouvez-vous préciser le lien que vous tissez entre le socialisme et l'antiracisme ?
Julien Landfried: En 1983, la gauche a changé de logiciel politique et économique (c'est la fameuse « parenthèse » jamais refermée depuis), et elle a dû par conséquent trouver un prolétariat de substitution. La gauche n'avait plus les moyens de gagner les élections vu la politique qu'elle menait et l'on vit la montée conjointe de l'abstention et du vote en faveur du FN. La gauche a donc été « contrainte », une fois ce choix économique surplombant réalisé, d'élaborer une stratégie de substitution au socialisme : c'est l'invention de l'anti-racisme médiatique. Avant, on parlait de lutte des classes, depuis, c'est « Touche pas à mon pote » ! Pour aller vite, c'est ainsi que cela s'est passé. C'est l'histoire de SOS-racisme qu'il permet de comprendre cette substitution. Paul Yonnet l'a admirablement analysé dans Voyage au centre du malaise français (Gallimard, 1993).

Sos-racisme a évolué : jusqu'au début des années 90, ses positions étaient différentialistes et opposées à l'assimilation. L'association dépeignait une société française en proie à un racisme généralisé et avait pour habitude, par amalgame polémique, de transformer les Juifs en « immigrés » ! C'est ce qui a été appelé par certains observateurs l'« extranéisation des Juifs ».

Aujourd'hui, sans s'en expliquer véritablement, Sos-racisme s'est réconcilié avec l'assimilation. On voit donc que ses positions dérivent et se transforment au gré des rapports de force internes au monde politique et militant. Aujourd'hui, le Mrap ou la LDH, qui sont opposés à Sos-racisme, ont des positions identiques à celle du Sos-racisme d'il y a dix ans !

Ma critique de l'ensemble des associations anti-racistes est assez simple: elles ne produisent absolument rien. Si l'on veut des études sérieuses sur le racisme, mieux vaut s'adresser aux institutions publiques comme la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), les statistiques sont toutes publiques, les rapports publics sont intéressants alors que ceux des associations sont d'une affligeante bêtise. Elles ne vivent que de subventions, n'ont presque pas de cotisants. Si le gouvernement arrêtait de les subventionner, elles disparaîtraient purement et simplement. Il y a un lien très fort entre les associations anti-racistes et les institutions publiques, sur le plan financier et politique, qui illustre parfaitement la fonction écran que jouent les associations antiracistes dans notre société. De nombreux militants de ces associations se retrouvent d'ailleurs dans la classe politique et deviennent des élus, en bénéficiant soit de circonscriptions réservées, soit de places avantageuses lors de scrutins de liste.

Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par « francophobie » ?
Julien Landfried: On ne peut pas comprendre que de nouvelles catégories de « victimes » soient devenues centrales dans le discours public, et en particulier à gauche, si on ne comprend pas que le peuple qui était avant l'objet de l'attention de toute la gauche a complètement disparu de la carte politique et médiatique. Pourquoi ? il apparaît que les élites politiques, syndicales, intellectuelles qui structuraient le mouvement ouvrier, s'est créée une profonde distance avec le peuple au sens large. Cette distance a été aggravée par l'anti-racisme médiatique qui ne conçoit le peuple que de façon négative, qui le déprécie par une relecture de l'histoire nationale qui, en premier lieu, touche le peuple. L'intégralité de l'histoire française, pas seulement la période de colonisation, ou la collaboration vichyste, subit un processus dépréciatif. Une relecture de l'histoire du mouvement ouvrier a subi, là aussi, cette dépréciation en affirmant qu'il a toujours été réactionnaire ! Et en particulier, il n'aurait pas assez été connecté aux luttes « minoritaires ». La francophobie est devenue une idéologie dominante dans une large part des élites, en particulier à gauche.

A cette dernière réalité s'ajoute l'apparition de tout un ensemble de critiques masquées de l'idéal démocratique. Ainsi de la nouvelle allergie au « populisme », qui apparaîtrait étrange à un socialiste du début du siècle qui n'aurait pas eu peur du peuple et ne lui aurait pas trouvé que des vices. Le philosophe et essayiste Jean-Claude Michéa a écrit de très pénétrantes pages à ce sujet. Il est d'ailleurs hautement significatif que les commentateurs autorisés valorisent à ce point la décision de l'ancien président Mitterrand d'abolir la peine de mort, non d'abord en raison du caractère inacceptable de la peine de mort, mais d'abord parce que Mitterrand aurait eu la vertu d'aller contre l'opinion populaire, supposée favorable à la dite peine de mort. Pour la nouvelle intelligentsia, la grandeur d'un responsable politique se mesure désormais à sa capacité à mener des politiques opposées à celles que le peuple souhaiterait voir mener. Ce dispositif intellectuel a été reproduit à l'identique avec les deux référendums sur l'Europe en 1992 et 2005. C'est pourquoi il serait préférable, pour un responsable politique soucieux de justice sociale et de démocratie, de ne pas trop rougir si on le traite de « populiste ». Car ce sera sans doute là la marque qu'il aura chatouillé d'un peu trop près les intérêts des puissants.


Propos recueillis par Florence Gauthier et Gilbert Marquis, le 22 septembre 2007.
Contre le communautarisme, Julien Landfried, Armand Colin, 2007
Le blog dédié à l'essai : www.communautarisme.net/contre


Contre Le Communautarisme


Titre : Contre Le Communautarisme
  Auteur : Landfried, Julien
  Editeur : Armand Colin
  Genre : Essais De Sociologie
  Date de parution : 01/01/2007
  ISBN : 2200346557
  EAN13 : 9782200346553
  Présentation : 1 vol. (187 p.)

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20 novembre 2007 2 20 /11 /novembre /2007 04:02


Assumons l’anticapitalisme !
Par
Dans Mouvements

QUESTIONS QUI FACHENT.

Une gauche authentique doit-elle se définir comme anticapitaliste ou antilibérale ? L’antilibéralisme dont se réclame une gauche radicale n’est-il qu’un anticapitalisme euphémisé ? Pourquoi cette difficulté à se définir positivement ? 11 octobre 2007

 

Depuis un quart de siècle, deux grands systèmes d’attitude occupent de façon hégémonique l’espace politico-idéologique : le projet néolibéral et la méthode sociale-libérale. Pour s’opposer frontalement au premier et se distinguer absolument de la seconde, la dernière décennie a vu émerger une notion : celle « d’antilibéralisme ». Ce terme a des inconvénients. Tout d’abord, « libéralisme » étant associé à « liberté » dans les représentations communes, il tend à laisser le terrain de la liberté aux tenants de la déréglementation et de la flexibilité. Par ailleurs, les « marxistes » font remarquer à juste titre que la référence au libéralisme contourne la question majeure du capitalisme. On peut aujourd’hui s’opposer à la logique ultralibérale sans mettre en cause les fondements capitalistes de cette logique. Or, l’expérience des années de la « grande croissance » a montré que, si l’on ne s’attaque pas aux mécanismes de l’accumulation, les tentatives de régulation publique finissent par échouer. Mieux vaut donc, disent certains, ne pas se cacher derrière son petit doigt : si l’accompagnement social-démocrate du capitalisme est aujourd’hui efficace, tout projet transformateur conséquent ne peut être qu’anticapitaliste.

 

Cessons donc de nous engluer dans « l’antilibéralisme » ; assumons le projet de « l’anticapitalisme ». La critique n’est pas infondée ; je n’en juge pas moins qu’elle est insuffisante et que la conclusion tirée çà et là n’est pas adaptée.

 

La fixation sur le terme d’antilibéralisme n’est pas le fruit d’un choix concerté, mais d’une conjoncture. Elle est d’abord une réaction à l’évolution qui a dominé l’aire occidentale à partir de la seconde moitié des années 1970. Alors, se déploie un vaste mouvement idéologique, porté à l’échelle transnationale (les travaux de la « Trilatérale »), qui va se définir comme un « néolibéralisme ». On en sait les ressorts principaux : la remise en cause de l’encadrement juridique du marché du travail, le démantèlement des services publics, la déréglementation des marchés, la réduction de « l’économie de surendettement » pour drainer le maximum de capitaux vers les placements financiers, la délégitimation de la dépense publique, le glissement des dépenses sociales vers l’assurantiel et, last but not least, l’ajustement structurel dans le tiers monde. C’est contre les effets concrets de ce néolibéralisme-là que s’est dressé « l’antilibéralisme » contemporain. Stricto sensu, il aurait fallu parler « d’anti-néolibéralisme ». « Antilibéralisme » avait le mérite de la simplicité. La référence à l’antilibéralisme a été un moment de la riposte à l’ordre néolibéral des révolutions conservatrices. Il a offert une piste de contenu critique à l’altermondialisme et à l’émergence d’une nouvelle radicalité critique.

 

Formellement, on a raison de souligner que l’antilibéralisme et l’anticapitalisme ne se confondent pas. Politiquement, la distinction me paraît pourtant bien formelle. Dans les faits, la dernière décennie a fait que la critique « antilibérale » s’est tissée, à part égale, contre les politiques de « révolution conservatrice » et contre les ajustements « sociaux-libéraux ». Pratiquement, l’idée que l’appropriation sociale vaut mieux que l’appropriation privée, l’insistance sur les valeurs de partage, de solidarité, de mise en commun, de bien public, d’intervention publique, tout cela ne conduit pas à s’éloigner uniquement des politiques néolibérales stricto sensu… Même si la propension n’est pas uniforme, l’antilibéralisme porte aujourd’hui plutôt vers l’anticapitalisme que vers l’ajustement social-démocrate…

 

En outre, en passant de l’antilibéralisme à l’anticapitalisme, nous ne réglons pas le fond du problème. Encore faut-il s’entendre sur l’anticapitalisme que nous promouvons. Si, contre les tentations sociales- démocrates, nous nous contentions, par exemple, de reprendre telles quelles les méthodes étatistes de dépassement du capitalisme, nous resterions dans l’ornière. L’anticapitalisme doit être lui-même reconsidéré : il doit se débarrasser de ses « kystes mentaux », apprendre à réarticuler les combats contre l’exploitation (ceux du vieux mouvement ouvrier) et les luttes contre la domination ou contre l’aliénation marchande, savoir raisonner plus franchement en termes de société globale, de projet articulé, de dépassement des vieilles frontières de l’économique, du social, du politique et du culturel.

 

Ajoutons que l’anticapitalisme n’échappe pas au piège redoutable de « l’anti ». Que l’objectif soit de contredire le « libéralisme », le « productivisme » ou le « capitalisme », l’essentiel du projet est moins dans la logique que l’on récuse que dans la direction générale que l’on promeut comme la plus juste et la plus réaliste. Ne me dis pas seulement contre quoi tu combats, mais pour quoi tu combats… En bref, le plus important est de dire ce que l’on vise et la méthode que l’on suggère pour y parvenir. S’identifier par le « pro », plutôt que par « l’anti »…

 

Dans l’étape qui est aujourd’hui la nôtre, la seule perspective qui soit éthiquement et rationnellement acceptable me paraît être celle d’une émancipation intégrale des individus, dans le cadre d’une société de mise en commun généralisée, sans mécanisme d’exploitation ou d’aliénation collective. Une société, de ce fait, sans exploitation capitaliste et sans aliénation marchande. Pour y parvenir, que faut-il faire ? Dépasser le capitalisme : ni s’adapter à ses normes, comme le veut la méthode sociale-démocrate ; ni l’abolir par la substitution de la logique étatique à la logique privative. « Dépasser », c’est s’inscrire dans un processus transformateur : ni la substitution brutale, par en haut, selon les vieilles images de la révolution ; ni la stratégie graduelle des petits pas à l’intérieur du système. Vouloir « dépasser », c’est s’inscrire dans un temps historique qui n’est pas prédéterminé (il n’y a pas de sens de l’histoire), sans être pour autant indéterminé (il n’y a pas de transformation des logiques fondamentales sans volonté collective de les transformer). C’est vouloir révolutionner les logiques fondamentales, car s’y adapter ne fait qu’en reproduire durablement les effets négatifs ; mais c’est refuser que cette révolution passe principalement par les méthodes d’une substitution plus ou moins rapide (l’État qui se substitue au marché). C’est réhabiliter l’exercice de la volonté collective contre la logique libérale du « laisser-faire » ; mais c’est refuser que cette volonté s’exprime par les raccourcis, tentants mais dangereux, de la délégation de pouvoir. C’est considérer que, l’économie elle-même étant une affaire de choix, la lutte permanente pour imposer des choix au détriment d’autres est fondamentale dans tout processus transformateur ; mais c’est refuser que la logique belliciste de la lutte ne conduise à privilégier la sphère de la dénégation au détriment de celle de l’expérimentation.

 

Sommes-nous en état, d’ores et déjà, de trouver le mot unifiant, capable de désigner de façon simple et recevable par tous, le contenu d’une transformation sociale nécessaire et possible ? Je n’en ai pas l’impression. Seule la décantation du débat démocratique et de l’expérience produira le vocabulaire correspondant aux visées que nous nous fixerons. Dans l’immédiat, nous savons ce que nous récusons et, en gros, ce que nous suggérons, à la place, pour fonder l’architecture du « vivre ensemble » : face aux mécanismes de l’appropriation privée, ceux de l’appropriation sociale ; face aux règles de la concurrence, les vertus de la coopération ; face aux logiques de dépossession et de délégation, les méthodes de l’implication citoyenne. En bref, au coeur de notre parti pris se trouve une idée simple : dans la modernité contemporaine, le plus raisonnable est de conjuguer l’éthique et l’efficacité au lieu de les opposer, par la concurrence permanente de chacun contre tous. Anticapitaliste, le projet ? Disons plutôt qu’il vise à engager la société mondiale dans un post-capitalisme qui inclut, pour une longue période, à la fois des éléments de marchand (et donc d’appropriation privée) et des germes de non-marchand (la gestion de la sphère publique et l’extension de la gratuité), mais sous dominante publique et non sous dominante privée.

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19 novembre 2007 1 19 /11 /novembre /2007 03:43



Dépasser l’Europe réellement existante

Cet article sera publié dans le prochain numéro d’Utopie critique (http://www.utopiecritique.
net/) Par Christophe Ventura
Membre d’Attac France

Le cinquantenaire de l’adoption du traité de Rome a donné lieu, le 25 mars, à de médiatiques célébrations à Berlin. Pour sa part, le Conseil européen de Bruxelles (22-23 juin) a permis aux dirigeants européens d’arracher un accord sur les axes du traité « simplifié », « réformateur » ou « modificatif », selon les expressions, qui remplacera le défunt projet de traité constitutionnel européen (TCE) et son calendrier d’élaboration, d’adoption et de ratification1. Les 27 chefs d’Etat et de gouvernement européens ont inscrit cet agenda dans le cadre proposé par la Déclaration de Berlin qui affirme vouloir « asseoir l’Union européenne sur des bases communes rénovées d’ici les élections au Parlement européen de 2009 »2.


« Bases communes rénovées » ? En amendant seulement à la marge les traités déjà existants pour en reprendre l’ensemble des dispositions dans un nouveau texte « résumé », les dirigeants européens consacrent en réalité la substance du TCE et les « bases communes libérales » de la construction européenne tout en communiquant habilement sur le thème de la « sortie de crise ».3

Affirmant avoir compris le message populaire du « Non » et du « Nee » de 2005, ils lançaient, le 25 mars, un énigmatique « car nous le savons bien, l’Europe est notre avenir commun ». La question peut désormais bel et bien se poser, tant l’orientation prise par la construction européenne depuis plusieurs décennies a conduit au décrochage manifeste des peuples, y compris de ceux qui ont participé à la fondation du projet initial au lendemain de la Deuxième guerre mondiale. En réalité, l’histoire de la construction européenne depuis 50 ans montre qu’elle n’a jamais été un processus à vocation démocratique, mais un outil utilisé par les classes dominantes européennes pour s’intégrer à l’évolution du capitalisme et en conforter la perpétuation.

La première décennie du 21ème siècle, avec l’irruption de la question environnementale, va contraindre l’humanité à bouleverser son modèle économique (en particulier dans les pays du Nord) alors que l’évolution géopolitique mondiale modifie les rapports de force Nord/Sud. Cette nouvelle donne impose des transformations profondes dans nos sociétés, et à l’Union européenne, forme réellement existante de l’Europe. Peut-elle constituer la base d’un autre projet politique continental ? D’une nouvelle relation à construire avec ses Etats-nations et leurs citoyens dépend une partie de la réponse.

 

Fin de siècle

Un bref détour par l’histoire de la construction européenne et celle, en particulier, de l’Union européenne, montre que l’« idée européenne » n’a jamais été pure, ni naturellement pacifique. La construction européenne fut, dès le lendemain de la Deuxième guerre mondiale, l’instrument d’un autre conflit planétaire opposant, cette fois-ci, les Etats-Unis et l’URSS.

L’Union européenne, appellation qui, en novembre 1993, s’est substituée à celle de Communauté économique européenne (CEE), est apparue à l’extrême fin d’un cycle historique dont les conditions objectives ont été modifiées par le contexte du 21ème siècle émergent.

La volonté des « pères fondateurs » était de bâtir une paix durable sur le continent après la seconde guerre mondiale qui avait détruit les liens entre les nations européennes. Légitime, ce projet initial a cependant rapidement été rattrapé par la bipolarité d’un monde rythmé par l’affrontement Est-Ouest. Dans ce cycle, les nations européennes, divisées en deux camps, étaient soumises à l’influence de leur partenaire de référence. Comme le rappelle Serge Halimi, « dopée par les milliards de dollars du plan Marshall [la construction européenne] fut assez largement, un produit d’exportation américaine ( …). Ce que le président Vincent Auriol appell[a] « un bloc cimenté par l’argent américain » »4.


Ainsi, l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE en 1973, le développement de la relation francoallemande après le traité de l’Elysée de 1963, et la mise sous tutelle de l’Europe par l’Otan font partie de cette histoire européenne et constituent des éléments de son ADN. De son côté, l’influence du « camp socialiste » sur le noyau européen a été perceptible. Ainsi, les politiques nationales de compromis sociaux qui ont été menées, notamment en France ou en Italie, s’expliquent, en partie, par la volonté des classes dirigeantes de contenir la « fièvre rouge » dans le mouvement ouvrier.

Une des conséquences historiques de cette période est que le mouvement ouvrier, prisonnier de l’affrontement Est-Ouest, n’a pas investi le champ de la construction européenne. Celui-ci était alors considéré comme un sujet sans valeur politique propre. L’effet de ce vide politique est que la construction européenne est toujours restée le pré-carré des gouvernements et des élites politiques, technocratiques et médiatiques. Cette réalité a facilité

sa dérive anti-démocratique, puis néolibérale à partir des années 1980 lorsque les forces économiques dominantes ont imposé aux gouvernements, sans contrôle démocratique ni contre-pouvoirs mobilisés, la nécessité de « dégoupiller » le bouchon des frontières nationales pour permettre la reproduction du capital et l’augmentation de ses taux de rendement. De ce point de vue, la désertion du champ européen, à l’exception notable du syndicalisme agricole, dans les espaces nationaux par les mouvements politiques, syndicaux et sociaux, a engendré un retard déterminant dans l’appropriation démocratique de ce sujet historique5.


L’affrontement Est-Ouest a donc autant pesé sur le cours de la construction européenne que la disparition du camp soviétique (1989-1991) aura accéléré son basculement vers la création de l’Union européenne.

La chute de l’Empire soviétique a donc abandonné le monde, et pour longtemps, à la domination politique, économique et idéologique des Etats-Unis. C’était, tout du moins, l’analyse que faisaient, en France comme ailleurs, les principaux acteurs de la construction européenne à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Il fallait désormais « se faire une place » dans le « nouveau siècle américain »6.

C’est essentiellement pour cette raison que les dirigeants européens ont démarré, à partir des travaux du Conseil européen de Hanovre de juin 1988, et de celui de Dublin d’avril 1990, un processus de révision des traités qui aboutit, le 7 février 1992, à la signature du traité dit de Maastricht sur l’Union européenne. Avec ce traité, une nouvelle zone de partenariat et de « concurrence complémentaire » avec l’hyperpuissance mondiale voyait le jour. Parmi ses objectifs, celui d’oeuvrer, dans son espace, à la subordination des peuples au règne du marché économique et financier mondial.

Afin d’encadrer et de faciliter ce processus, les gouvernements ont doté les institutions européennes, notamment la Commission, « gardienne des traités », de pouvoirs supérieurs aux leurs dans nombre de domaines vitaux (concurrence, marché intérieur). A aucun moment, il ne fut bon de consulter les représentations nationales ou encore de mobiliser les populations autour de ces questions. En choisissant l’utilisation du vote à l’unanimité pour adopter ou changer les traités, les gouvernements ont également limité leur capacité à infléchir

collectivement le sens général de la construction européenne. Quand les populations furent consultées sur le sens de la construction européenne, comme en 2005 lors du référendum sur le projet de traité constitutionnel européen (TCE) en France et aux Pays-Bas, celles-ci affirmèrent leur rejet de la construction de cette « Europe réellement existante », avec un effet à la fois immédiat et profond : le consensus des élites européennes

ne suffisait plus. Affolées par l’irruption soudaine des peuples dans le débat européen, ces dernières furent contraintes de prendre la mesure de la réalité : l’Europe est aujourd’hui perçue, à juste titre, comme un projet « ectoplasmique » sans finalités géographique, politique et démocratique. Sa seule réalisation perceptible, depuis l’Acte unique de 1986 et le traité de Maastricht est l’intégration des peuples à marche forcée dans un marché unique soumis aux dogmes du néolibéralisme. Ce marché intérieur est censé fournir, selon la Stratégie de
Lisbonne, le cadre de promotion de « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde»7 .

Un tel projet, incapable d’offrir le socle d’une identité rassembleuse - une communauté d’appartenance - et d’un espace démocratique - une communauté délibérative - aux nations européennes, provoque, plus que jamais, l’indifférence ou la méfiance de peuples privés de leur souveraineté au sein de cette Union.

 

L’Union européenne est-elle adaptée à l’évolution radicale du contexte international ?

L’évolution du monde n’a pas tout à fait suivi le schéma envisagé par les responsables européens.Tout d’abord, l’hégémonie politique mondiale des Etats-Unis s’est durablement embourbée en Irak et en Afghanistan. Au sein même de la population américaine, le rejet croissant du « bushisme » et la défaite probable des néo-conservateurs aux prochaines élections de 2008 pourraient indiquer des évolutions sensibles dans la future politique internationale et économique américaine. Cela explique pourquoi, dans une ultime fuite en avant, George W. Bush pourrait tenter de remobiliser son camp à travers une nouvelle aventure belliqueuse contre l’Iran.

Dans le même temps, les rapports de forces mondiaux et les modèles d’alliances évoluent dans un mouvement contradictoire qui, s’il ne menace pas la suprématie du capitalisme mondial, sécrète néanmoins une multiplication d’espaces où son hégémonie politique et idéologique est affaiblie.

En effet, le poids grandissant de nouveaux acteurs émergents, qui disputent aux Etats-Unis une part des bénéfices économiques du projet néolibéral comme la Chine8, l’Inde, le Brésil ou la Russie9 bouscule les pronostics et modifie la physionomie de la mondialisation. Cependant, cette dynamique ne se déploie pas dans le sens d’une remise en cause de la logique néolibérale de cette mondialisation par ces principales puissances du Sud10. Elles en sont même, de ce point de vue, des alliées de fait. Le capital n’a jamais été patriote : il peut aussi bien se développer à Shanghaï qu’à Washington.

Pourtant, dans le même temps, les fondements même du projet néolibéral se voient remis en cause, en Amérique latine. Dans cette région du monde, des nouveaux gouvernements progressistes ont été élus sur la base de leur engagement à rompre avec les dogmes du « consensus de Washington », gardien du modèle capitaliste d’exploitation du Sud par le Nord. D’ores et déjà, des réalisations continentales concrètes comme l’Alba11 ou la Banque du Sud - fruit de coopérations entre nations du sous continent - 12 ont vu le jour. A l’instar du Venezuela, certaines d’entre elles envisagent aujourd’hui de rompre avec le diktat des institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale). Un tel mouvement aurait des conséquences majeures au niveau international.


Sur le plan des opinions publiques, y compris occidentales, l’hégémonie du néolibéralisme, en tant que projet économique, social et idéologique, subit l’assaut, depuis la fin de la décennie 1990, d’une critique intellectuelle et d’une contestation internationales dont le mouvement altermondialiste est la matérialisation et le prolongement concret.

S’il est encore trop tôt pour savoir quel monde est en train de naître, une chose semble claire : les Etats-Unis, dont la politique économique et guerrière est fortement contestée à l’intérieur comme à l’extérieur, n’imposent pas leur domination comme cela était prévu et provoquent, dans un nombre croissant de pays, un rejet du modèle politique et économique qu’ils incarnent.

Pour sa part, l’Union européenne ne constitue pas un levier pour dynamiser les logiques de changement qui se développent, de façon éparse, sur la planète. Au contraire, elle est un moteur de conservatisme dans le mouvement mondial. Naturellement conçue pour cela, elle va tenter de profiter de la période qui s’ouvre pour renforcer ses positions dans une mondialisation économique et financière dont elle va pérenniser la dynamique destructrice. Malgré la responsabilité particulière de ses acteurs dans l’histoire de la colonisation et de la décolonisation, cet ensemble géopolitique n’a jamais intégré la question de l’émergence des pays du Sud dans ses préoccupations alors que, dans ce nouveau contexte mondial, les lignes de fracture et les nouveaux rapports de force se déplacent sur - et au sein de - l’axe Nord/Sud.

C’est bien là que les défis de demain se concentrent. L’Union européenne se révèle pour ce qu’elle est : un outil inadapté. 

 

Questions ouvertes aux mouvements de lutte contre la mondialisation néolibérale


A la différence de la séquence historique marquée par la guerre froide, la question de l’appropriation du thème européen - où la construction européenne est entendue comme condition politique objective du processus de développement du monde - se pose aujourd’hui aux mouvements oeuvrant à une réelle transformation sociale et politique et exige d’eux d’extraire « l’idée européenne » de son impasse actuelle. Une nécessité que le compte à rebours environnemental et énergétique ne fait qu’accentuer.


Existe-il le scénario d’une Europe participant à la pacification et à l’évolution des relations

économiques et politiques des 192 pays de la planète ? Un tel schéma ne pourrait advenir que si sa forme réelle, son fonctionnement et ses objectifs se trouvaient totalement modifiés.


Contrairement à la vision imposée par la pensée dominante et ses différents agents, il n’existe pas - et n’a jamais existé – d’« idée européenne » ou de « projet européen » isolés du contexte politique leur ayant donné naissance. Malgré tout, nombre d’internationalistes du mouvement altermondialiste semblent se faire les relais d’une certaine « mystique européenne » qui, comme toute superstition ou religion, est un outil de coercition intellectuelle qui limite la capacité des peuples à penser par eux-mêmes.


D’un côté, un constat est partagé. Faite en leur nom, mais sans leur consentement, la construction européenne ne dispose nulle part de légitimité populaire. D’un autre côté, certains courants de la mouvance antilibérale et altermondialiste considèrent que les Etatsnations constituent un obstacle à la réalisation de l’Europe. Ceux-ci considèrent qu’un simple appel, par le haut, aux « citoyens de l’Europe »13 permettrait de renverser, dans les délais imposés par la question énergétique et environnementale, le cours néolibéral et antidémocratique de la construction européenne. Les guerres en ex-Yougoslavie, le spectre des nationalismes (que les politiques de l’Union européenne renforcent ou développent avec les régionalismes) et l’abandon du socialisme comme projet de transformation des sociétés ont facilité cette conversion à l’idéal d’une Europe refuge censée réaliser le dépassement de l’Etat égoïste et oppressif et remplacer l’idéal internationaliste. Ces éléments, s’ils fournissent

une explication de la sincérité de la démarche, ne sont plus satisfaisants aujourd’hui au regard de la dérive que connaît l’Union européenne. Sans intégrer l’échelon national dans sa boîte à outils pour construire une « autre Europe », le mouvement altermondialiste, qui s’inscrit dans la problématique des défis mondiaux, se condamne à rester dans le registre de l’abstraction politique.


Vendre aux opinions publiques l’idée qu’il existerait un projet européen « en soi » fondé sur l’établissement de valeurs dont les vertus, alliées à celles du commerce, auraient pour effet de gommer, pour le bien des peuples et des citoyens, les relations et les rapports de forces entre les sociétés européennes est une pure construction idéologique. Elle a pour fonction symbolique d’anesthésier toute volonté d’agir politiquement sur leur évolution réelle. Au fondement de l’acte politique se trouve l’ambition de transformer les rapports de forces inhérents à tout groupe humain socialement organisé, et nécessaires à son développement. Or, l’ « idée européenne », dans une formidable violence symbolique, en nie l’existence et la nécessité lorsqu’elle prétend se développer hors des formes d’organisation sociale dans lesquelles les peuples européens organisent, encore aujourd’hui, leurs conflits politiques et sociaux et conquièrent directement le pouvoir politique.


Les cadres nationaux, dans la diversité de leurs formes et de leurs histoires, délimitent des espaces au sein desquels les institutions politiques sont encore investies de légitimité et d’efficacité collectives. Bien entendu, cela ne signifie pas qu’il faille faire l’impasse sur la crise de la démocratie représentative et les limites de la démocratie libérale des Etats-nations, dont il ne s’agit pas de développer une vision idéalisée et essentialiste. Il s’agit de formuler l’hypothèse selon laquelle l’Etat-nation est un enjeu de lutte prioritaire pour les forces

sociales qui doit permettre aux mobilisations sociales de trouver un prolongement politique. Entre le rouleau compresseur de la marchandisation des sociétés et la reconstruction de logiques publiques, se trouvent l’Etat-nation et les perspectives de bâtir un Etat postnéolibéral14.


Que l’on pense à l’audace de la proposition formulée par l’idée d’intégration européenne. Celle-ci propose la mise en place d’un espace politique et délibératif supérieur aux cadres nationaux dont la condition de développement repose structurellement sur une diminution des droits démocratiques des peuples. Elle vise à mettre fin au droit des peuples à choisir leurs représentants, un droit qui constitue pourtant le principe fondateur de l’organisation de la vie démocratique. Elle entend y substituer la production de nouvelles formes de légitimation politique venant s’imposer aux sociétés qui composent l’Union européenne et redessiner, en retour, et par effet d’imprégnation, les codes et les usages des classes politiques européennes.


L’intégration européenne favorise en effet la multiplication « d’espaces publics européens sectoriels non démocratiques »15 et une conception de la « chose publique » dans laquelle les négociations secrètes dans une multitude d’enceintes échappant largement au contrôle des élus et des peuples remplacent la participation effective des corps politiques constitués et de leurs institutions. Pour ce faire, elle développe tous azimuts des logiques et des mécanismes de technicisation (procédures, règlements, émergence d’une classe politique professionnelle et d’une administration autonome vouée au développement de l’ « agence européenne »). La

« chose publique » devient dès lors « chose d’experts », préférant les logiques de lobbies et de groupes d’intérêt au contrôle des décisions politiques par les peuples eux-mêmes.


Est-il possible, dans ces conditions, de construire un espace démocratique (et donc délibératif) - qui ne se limite pas à l’émergence d’un espace public (espace de visibilité et d’intervention dans le débat) contestataire en libre concurrence avec d’autres espaces sectoriels - au sein de l’Union européenne ? On nous dira qu’il est toujours possible, dans une perspective « internationaliste humaniste », d’envisager une mobilisation des mouvements sociaux européens afin de créer un rapport de forces favorable à une démocratisation du projet européen. Si pertinente et nécessaire qu’elle soit16, cette proposition se confronte néanmoins à une limite considérable. Elle revient, dans le contexte actuel, à cantonner « le peuple mobilisé » au stade infra-démocratique de la mobilisation sociale, en lui interdisant, au niveau structurel, de peser sur le processus délibératif.


Nous l’avons vu, l’histoire des Etats-nations européens et de la construction européenne est intrinsèquement liée. Dans la période 1986-1992, les gouvernements européens ont mis sur orbite une Europe bâtie pour la mondialisation néolibérale dont, comme le montre le contenu du dernier traité modificatif, elle ne pourra infléchir le cours. Facétie de l’histoire, c’est ce cadre national, si souvent oppressif dans l’histoire du 20ème siècle, qui, ayant vu ses prérogatives affaiblies par les classes dominantes des pays européens, a permis l’émergence, à
l’échelle régionale, d’une autre forme politique oppressive, encore plus anti-démocratique et plus néolibérale.

C’est bien par la reconquête politique de cet espace national et de ses instruments institutionnels, ainsi que dans la redéfinition des relations interétatiques au sein de l’espace européen, que se trouvent une partie des solutions pour créer une nouvelle situation historique dans laquelle, sans revenir au compromis keynésien dépassé par les conditions objectives qui caractérisent le capitalisme actuel, il serait possible de modifier le cours de la construction européenne. Cela impose, d’une manière ou d’une autre, aux mouvements sociaux et citoyens du 21ème siècle la réappropriation commune d’une question qui a tant divisé le mouvement ouvrier au 20ème siècle. Il est, de ce point de vue, intéressant de mesurer l’état de la réflexion sur celle-ci dans le cadre du processus du Forum social européen où s’élabore, depuis 2005 et le rejet du TCE, une « Charte de principes pour une autre Europe ».

Ce document, inédit dans l’histoire du mouvement altermondialiste, aborde peu la question de la répartition des pouvoirs entre les institutions européennes et les Etats-nations alors que, par ailleurs, après s’être constitué autour de mobilisations internationales (Seattle en 1999 contre l’OMC, 2001 contre le G8 à Gênes, 2003 contre la guerre en Irak etc.), ce mouvement a accompagné une dynamique de « renationalisation » des luttes à partir de 2003-2004 (mouvements de résistances aux politiques de privatisation des systèmes de retraites dans les
pays européens en 2004, référendum contre le TCE en 2005 et CPE en 2006 en France, implication des mouvements populaires dans les processus politiques en Amérique latine etc.).

 

La chose est connue, la question nationale et celle de l’Etat appartiennent au registre des nondits et des échecs de la gauche et, au-delà, des forces qui luttent pour la transformation du modèle économique et social capitaliste. Si la question sociale fait partie du corpus commun, celle du cadre de son expression concrète a nourri, avec la relation à l’Etat, de fortes divisions dans l’histoire du mouvement ouvrier. Le fait que les Etats soient - par nature et en tendance - les instruments des classes dominantes pour reproduire leur domination politique, sociale et économique sur le peuple et la société explique en partie cette réticence intellectuelle.

La question de la relation des mouvements sociaux à l’exercice du pouvoir constitue un autre « blocage ». Les traumatismes sont nombreux (stalinisme, communisme autoritaire, capitalisme d’Etat, nationalismes, fascismes, etc.) et les forces du mouvement ouvrier ont échoué à construire des sociétés démocratiques dans le cadre du socialisme réellement existant.

Pourtant, l’histoire du combat social et politique montre que le périmètre des cadres nationaux a également permis, tout au long de la période récente (1995, TCE ou CPE dans la dernière période en France) de construire des rapports de force favorables aux intérêts des peuples et à la démocratie.


Par ailleurs, le « moins d’Etat », et son corollaire, l’effacement de la notion de « frontière » sont les conditions nécessaires à l’accélération des mouvements des capitaux, de biens et de services. Elles leur permettent de se reproduire, de se développer et de pérenniser le modèle de société capitaliste et ses rapports sociaux de domination. L’Union européenne est le théâtre de ces opérations à notre échelle continentale.


Quelle serait cette autre Europe qui, en opposant au capital cette notion de « frontière », ne remettrait pas en cause la liberté des capitaux au profit de celle des peuples ? Comme cela a toujours été le cas durant chaque phase de développement du capitalisme et des forces sociales qui l’ont combattu, la question est posée de savoir comment diffuser et fluidifier dans la société la participation à la contestation de l’ordre dominant et à sa transformation.


C’est dans ce cadre que la question des Etats-nations doit intégrer, dans un contexte historique inédit, le corpus commun des mouvements qui luttent pour la transformation sociale.

 

Favoriser le dialogue des peuples

Les Etats-nations constituent des productions historiques et politiques de la civilisation européenne. De ce point de vue, peu de choses sont aussi « européennes ». Bien qu’imparfaits et fort critiquables sur le terrain de la démocratie, ils sont des formes institutionnelles qui garantissent néanmoins un temps démocratique continu pour les communautés politiques délibératives constituées, c’est-à-dire les peuples. Dans le cadre national, ceux-ci peuvent débattre, intervenir sur leurs élus, disposer d’une information dans leur langue, se réunir, agir

sur leur terrain etc… Bref, disposer des conditions d’un débat démocratique généraliste.


De ce point de vue, les cadres nationaux peuvent fournir, à travers leur réhabilitation et le renouvellement des formes de leur implication dans le processus de décision européen, un point d’appui décisif pour construire cette autre Europe tant attendue. Ils peuvent également, dans ce mouvement, modifier de manière dynamique la nature des relations qu’ils entretiennent entre eux.

Le renforcement de la contribution du cadre national dans la construction européenne permet de donner des perspectives pour la démocratisation à la fois de l’Europe et des Etats. Une telle proposition politique ouvre la voie à une réflexion plus large sur la nécessité de réformer les institutions politiques nationales, de renouveler la démocratie représentative grâce aux nouvelles formes de participation populaire et de contrôle démocratique qui doivent plonger chaque Etat dans les profondeurs de la société qu’il organise.


Quelques pistes de réflexion peuvent être soumises à la réflexion collective.

 

Les Etats-nations, au côté du Parlement européen et des citoyens des pays membres, doivent voir leur contribution renforcée. Par exemple, chaque élargissement des compétences du Parlement européen doit s’accompagner d’un élargissement de la participation des représentations nationales, elles mêmes confrontées à la dynamique des mouvements sociaux et citoyens et au contrôle, en amont et en aval, des mandats des exécutifs.

Il faut repenser la répartition des compétences entre l’Union européenne et les Etats membres dans le sens de la construction d’un « nouvel exercice en commun de la souveraineté »17 .

Une Europe à 27, pour survivre comme ensemble géopolitique, doit faciliter la possibilité de regroupements politiques entre pays membres autour de projets communs et thématiques, comme elle doit mener des politiques de convergence sur les grandes questions transversales qui concernent la survie de l’humanité ( climat, eau, énergie etc.). Majorité qualifiée, unanimité, méthode intergouvernementale ou communautaire doivent être subordonnées à ces objectifs. En d’autres termes, l’Union européenne, si elle veut perdurer, doit se muer en un espace de référence pour la coopération et le multilatéralisme en son sein. Seul un tel cadre a
des chances d’y imposer, peu à peu et par effet d’entraînement, des objectifs sociaux et environnementaux.

Avec un capital mondialisé et une impasse environnementale programmée, des politiques de ruptures radicales avec le libre-échange doivent s’imposer. Dans ce cadre, le renforcement de tous les niveaux de régulation sociale et démocratique des capitaux, des puissances financières et des marchandises est nécessaire afin de « démondialiser » ou de « relocaliser » l’économie. L’autre mondialisation sera une « démondialisation » ou ne sera pas. Dans cette perspective, les Etats-nations européens constituent, s’ils sont envisagés comme des nouveaux espaces de combats démocratiques pour des mouvements progressistes également mobilisés
dans l’espace européen, des instruments efficaces pour y parvenir.


De nouvelles nations usant de leurs atouts et de leurs prérogatives modifient, soit pour la contester, soit pour y prendre plus d’espace, la physionomie de la mondialisation. Cette évolution des relations internationales, marquée par un retour de l’espace national, est manifeste et modifie les raisons et les logiques qui ont présidé à la construction de l’Union européenne. Cette forme réellement existante de l’Europe constitue-t-elle son horizon
indépassable ?


Alors que le projet européen, avec ses fondamentaux libéraux, anti-démocratiques et ses politiques néolibérales, sort renforcé avec la nouvelle feuille de route du traité sur le fonctionnement de l’Union, il revient aux mouvements sociaux et citoyens qui luttent contre la mondialisation néolibérale et sa déclinaison européenne de s’employer à mener ces débats avant 2009. En effet, la revendication d’une ratification démocratique de tout nouveau texte par voie référendaire est légitime et fondamentale, mais elle ne peut plus constituer la seule riposte politique à la dérive de l’Union européenne.




Notes :

1 La présidence portugaise de l’Union européenne est chargée de remettre un projet de texte qui doit être adopté
lors du Conseil européen du 18 et 19 octobre 2007. Le processus de ratification, quant à lui, devrait aboutir avant
les élections européennes de juin 2009.

2 Une nouvelle Commission européenne sera ensuite formée.

3 Lire Bernard Cassen, « Le traité constitutionnel européen ressuscité » (http://www.mondediplomatique.
fr/carnet/2007-06-25-Retour-du-TCE), Pierre Khalfa, « Traité modificatif de l’Union européenne :
inacceptable par sa méthode et pour son contenu » (http://www.france.attac.org/spip.php?article7377) et Robert
Joumard, Michel Christian, Samuel Schweikert, « Analyse du projet de traité modificatif de l’Union
européenne » (http://www.france.attac.org/spip.php?article7449) et « Le traité du mépris »
(http://www.france.attac.org/spip.php?article7450)

4 Serge Halimi, Le Grand Bond en arrière, Fayard, Paris, 2004

5 Sur cette question, lire Louis Weber, « L’Union européenne pouvait-elle être différente de ce qu’elle est
actuellement ? » (http://www.avenirdattac.net/spip.php?article250)

6 Selon l’expression consacrée du président William Clinton dans son discours de 1999 sur l’état de l’Union.

7 Objectif pour l’Union européenne en 2010, défini et adopté lors du Conseil européen de Lisbonne en mars
2000. On parle de la « Stratégie de Lisbonne ». Pour Ernest-Antoine Seillière, ex-président du Medef et
président de Businesseurope (regroupement de 39 organisations patronales européennes), « la priorité des
priorités, c’est l’agenda de Lisbonne, à savoir la capacité des gouvernements nationaux à mettre en oeuvre les
réformes nécessaires pour rendre leur propre économie compétitive » (Le Monde, 15 mai 2007).

8 Celle-ci a reçu 48 pays africains lors du Forum sur la coopération sino-africaine de Pékin en novembre 2006 et
accueilli à Shanghaï l’assemblée annuelle de la Banque africaine de développement les 16 et 17 mai 2007.

9 dont le positionnement face au projet américain de bouclier antimissile censé protéger l’Europe et l’Occident
des supposés dangers iraniens montre, tout autant qu’il donne une illustration du changement de période, la
cruelle inexistence d’une Europe politique.

10 Même si certaines peuvent, comme le Brésil ou l’Inde, produire parmi les plus importants mouvements
populaires de la planète.

11 Alternative bolivarienne pour les Amériques. Accord régional d’intégration se situant en rupture avec les
principes du libre-échange, il défie la logique structurelle du modèle néolibéral en lui opposant une vision des
relations politiques et économiques entre pays basée sur la coopération, la complémentarité et la solidarité. Initié par le Venezuela en 2004, l’Alba regroupe, outre ce pays, la Bolivie, Cuba, et le Nicaragua. L’Equateur pourrait rejoindre cet accord. Des partenariats lient les membres de l’Alba avec d’autres pays et collectivités locales.

12 A la fois Banque de développement régional et fonds monétaire de stabilisation, la Banque du Sud est le fruit
d’une proposition argentine et vénézuélienne. La Bolivie, l’Equateur, le Paraguay ont rejoint ce projet qui verra
le jour en novembre 2007. Le Brésil et l’Uruguay participent également aux discussions pour rejoindre
l’initiative. Les objectifs et les mécanismes de participation, de financement etc., de cette nouvelle institution
financière multilatérale font actuellement l’objet d’un processus de discussion entre les partenaires.

13 Encore plus au niveau européen qu’à l’échelle nationale, la notion de citoyenneté se confronte à un vide théorique. En effet, figure esthétique, elle ne fait l’objet d’aucune analyse de classe et d’intérêt. L’appel aux citoyens européens souhaiterait être celui lancé à un peuple européen qui n’existe pas encore.

14 Sur cette question de la nécessaire refondation de la vie démocratique, lire Alter « Démocratie et institutions
politiques » (http://www.alterm.org/textes_reference.php3?id_article=105&id_rubrique=77&PHPSESSID=0501a362c2c2a8f998b18c65e6f5b
323)

15 Sur cette question de la technicisation, de la juridicisation des processus de décision politique et des nouvelles formes de légitimation politique élaborées par l’Union européenne, lire sous la direction de Olivier Baisnée et Romain Pasquier, L’Europe telle qu’elle se fait. Européanisation et sociétés politiques nationales, CNRS éditions, Paris, 2007.

16 Il est intéressant de remarquer que l’internationalisme est souvent convoqué pour expliquer le choix de
l’Europe contre les égoïsmes nationaux, l’Etat et les frontières. Formulé tel quel, cet argument ne semble pas
convainquant et entretient une certaine confusion. En effet, il faut rappeler que c’est dans la phase socialiste des
sociétés que l’internationalisme devient suppression de l’Etat et des frontières. Dans une première étape, il
signifie la solidarité internationale avec les peuples et la défense des intérêts communs à tous les êtres humains.
Il suppose donc la défense de nations libres. Nous l’avons vu, la construction européenne, aux antipodes des
intérêts des peuples, vise à leur enlever les quelques instruments dont ils disposent encore pour peser sur le cours de l’histoire. D’un point de vue internationaliste, un travail politique prioritaire à effectuer en Europe devrait
consister à favoriser l’émergence de forces politiques coordonnées de transformation dans toutes les nations
européennes afin de défendre et promouvoir, dans chacune d’entre elles et dans les institutions européennes, les intérêts populaires.
Il convient de souligner la relation étroite, politique et culturelle des mouvements ouvriers, de l'histoire des luttes
révolutionnaires qui se sont toujours transmises par l'exemple des uns et des autres, dans des processus spontanés correspondants à une histoire commune, vécue à leur façon par les uns et par les autres peuples.
N'oublions pas que "la prise de la Bastille"a retentit partout. Que la Révolution russe, qui héritait d'un lourd
héritage, avec une dégénérescence bureacratique, a marqué le dernier siècle, même au delà de l'Europe. Bref, un processus de transformation ou un « événement révolutionnaire », tel Mai 68, ne se donnent pas un espace
déterminé d'avance, mais partent d'une situation concrète ici ou là, dans un pays, un espace politique et social
constitué, et se propagent parce qu'ils atteignent l'imaginaire et la vie réelle des autres peuples...qui se trouvent
dans les mêmes conditions objectives, mais pas obligatoirement de la même manière et au même moment dans la même situation concrète.

17 Selon l’expression d’Hubert Védrine dans Continuer l’Histoire, Fayard, Paris, 2007.


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18 novembre 2007 7 18 /11 /novembre /2007 03:37


Manifeste pour une Assemblée Constituante

par André Bellon

Ancien président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale,

Auteur de « Une nouvelle vassalité, Contribution à une histoire politique des années 1980 ».

 

 

Crise de la représentation politique, dérive opportuniste du PS, absence de crédibilité des autres formations de gauche, autant de symptômes qui poussent  certains à proposer de créer de nouveaux partis, d’autres à vouloir aiguillonner le PS de l’intérieur. Si je crois au rôle fondamental des partis dans la vie démocratique, je pense que ces tentatives, quelle que soit la sincérité de leurs auteurs, ne peuvent, en l’état actuel des choses, qu’engager dans des illusions et des impasses.

Le jeu politique est, en effet, perverti par des institutions nationales et internationales bien peu démocratiques, mais bien utiles à une mondialisation qui broie les nations et les peuples, détruit leur droit à disposer d’eux-mêmes comme le prouve le non respect du vote du 29 mai 2005, lamine les acquis sociaux. Aujourd’hui, la priorité est de remettre en cause les règles de ce jeu pervers, de dépasser les cadres figés et moribonds d’une situation sans autre perspective que l’aggravation des difficultés politiques et sociales.

La seule source de légitimité d’un pouvoir qui se veut démocratique est la volonté populaire. Réaffirmer cette évidence contre un système qui la méprise de plus en plus passe par la réunion d’une assemblée Constituante. Cette lettre est un appel à se rassembler pour cet objectif autour d’une « association pour une Constituante ».

 

L’état des lieux

Au long des dernières années, la vie politique n’a cessé de dériver vers le conformisme de la mondialisation.

Pour sa part, le Parti Socialiste, incapable de s’opposer aussi faiblement que ce soit à la logique des intérêts financiers qui dominent le monde, en fournit même les cadres dirigeants : le directeur de l’OMC et celui du FMI. Son vrai drame est non seulement qu’il a perdu tous les combats idéologiques, mais qu’il est devenu un soldat de la pensée dominante même s’il habille cette dérive de quelques déclarations, malheureusement sans grande conséquence, en direction des plus défavorisés.

Bien sûr, des tendances critiques existent au sein du PS. Mais leur nature minoritaire et surtout leur incapacité à la rupture permettent aux dirigeants du PS de continuer tranquillement leur dérive tout en prétendant rassembler.

Bien sûr aussi, d’autres partis maintiennent un discours plus social ou plus républicain. Mais, là encore, leur faiblesse relative les fait apparaître à leurs propres yeux comme des aiguillons du parti dominant de la gauche, à ceux des dirigeants du PS comme des alibis et des forces d’appoint. Quel rapport de force, quel aiguillonnement, peuvent-ils d’ailleurs représenter alors qu’ils affirment comme un a priori qu’ils soutiendront en toute hypothèse le PS au deuxième tour de toutes les élections, comme ce fut par exemple le cas lors de la dernière présidentielle ? Annoncer par avance un soutien n’a jamais permis d’affirmer une quelconque divergence de façon très crédible.

Sur ces décombres, la nécessité de reconstruire la République et la représentation politique des classes dominées est une impérieuse nécessité. Cependant, afin de sortir des impasses constatées, la création de nouveaux partis politiques est-elle opportune ? La réponse n’est pas aussi évidente qu’il semble y paraître pour certains car deux contraintes fondamentales pèsent de manière rédhibitoire sur toute tentative de ce type et peuvent même la rendre contreproductive : l’absence d’une pensée critique largement partagée et l’acceptation répandue de la Constitution de la 5ème République.

 

La pensée

La reconstruction de la pensée constitue la véritable priorité, l’enjeu qui conditionne tous les autres. Or, devant les obstacles dressés par l’idéologie dominante et ses instruments de propagande, toute véritable critique a du mal à trouver audience. La vassalisation des esprits est très forte comme toujours dans les phases de crise aiguë, comme au temps où La Boétie  écrivait son « discours de la servitude volontaire ».

Aucune action politique de reconstruction ne peut se faire sans la définition des oppositions fondamentales. C’est le préalable à la refondation du nécessaire jeu partisan. De même, il y a deux siècles, il n’aurait pu y avoir de Révolution française sans les philosophes de la renaissance, puis des Lumières. Et la clarification de l’essentiel s’est faite sur la définition nette des lignes de rupture.

Bien sûr, il existe, de nos jours, des pensées qui s’opposent. Mais nombre d’entre elles ont été polluées, intoxiquées par les dérives des partis dominants, qui ont utilisé les acquis des Lumières, des travaux de Marx et de Jaurès pour en tordre les résultats et en habiller leur pauvre rhétorique.

Il s’agit donc de dire clairement quelles sont les grandes lignes de fracture, alors que les deux acteurs du nouveau bipartisme les minimisent et même les étouffent, volontairement ou non, de peur de s’affaiblir, valorisant des débats souvent secondaires.

Le capitalisme de plus en plus sauvage qui domine et déstructure le monde détruit la démocratie, la citoyenneté et l’humanisme pour laisser libre cours aux luttes des intérêts particuliers. Nous ne devons donc pas chercher à l’influencer, mais au contraire lui opposer ces instruments. Ce n’est pas seulement du fait de ses options que le libéralisme économique doit être combattu. C’est surtout parce qu’il se prétend la seule pensée possible et même comme la vérité.

S’opposer à la pensée dominante n’est pas une attitude extrémiste, mais tout simplement le jeu naturel de la démocratie, celle qui doit nous permettre de défendre les instruments de vie en société. Le 29 mai 2005 a montré que, dans le cas où le choix est ouvert, la réponse populaire est parfaitement claire. Or, la Constitution de la 5ème République empêche de donner vie à ces nouvelles oppositions.

 

La Constitution de la 5ème République

Au nom de la stabilité du pouvoir, la Constitution de la 5ème République fossilise les partis et verrouille la vie politique. Elle a joué un rôle fondamental dans la décomposition de la démocratie et dans la dislocation de la gauche. Sa logique profonde est en effet l’atrophie des oppositions politiques par le jeu de la personnalisation et l’embrigadement des partis par la mise à l’écart politique du Parlement.

La clef de voûte des institutions est le Président de la République, élu au suffrage universel direct. La plupart des républicains avaient, pendant un siècle, d’autant plus critiqué un tel système que son existence avait, en 1851, aidé à l’émergence d’un pouvoir bonapartiste. Pour leur part, ils souhaitaient voir s’exprimer institutionnellement la véritable diversité des options politiques, Mais, François Mitterrand ayant, après sa victoire en 1981, renié ses engagements quant au changement de régime, les deux forces politiques principales en France officialisent désormais une règle du jeu qui réduit, pour l’essentiel, la « démocratie » au choix d’une personne sans contrôle tout au long de son mandat.

Beaucoup de militants de gauche ne mesurent pas à quel point la logique des institutions et le passage du PS à leur tête ont déformé leur vision de la politique et du pouvoir en général. Le présidentialisme génère la vassalisation des individus soumis à la logique des écuries présidentielles et détruit la liberté comme la responsabilité individuelle des élus du peuple. Prétendre créer une diversité des positions dans ce contexte apparaît comme une plaisanterie puisqu’on doit se situer par rapport à un des deux élus potentiels. Le régime devient celui d’un bipartisme aseptisé, instrument de la mondialisation, gommant les lignes de fracture profondes comme les conflits sociaux qui traversent la société. Tous les opposants à un tel choix sont alors présentés comme des partisans du pire. Le débat est devenu manichéen.

On ne peut appeler au retour d’une vie politique responsable sans attaquer la Constitution, sans faire de sa remise en cause un préalable. Ce combat est d’autant plus nécessaire que, ces dernières années, le quinquennat et le mode de scrutin ont encore renforcé les vices fondamentaux du système. Qui plus est, une nouvelle dérive présidentialiste semble être à l’ordre du jour, préparée en catimini par une commission Balladur. Contre un tel coup d’État feutré, il faut imposer l’élection au suffrage universel direct d’une instance ad hoc, c’est-à-dire d’une Assemblée Constituante, légitimement chargée de ce travail. Le mode de scrutin devra assurer la plus large représentativité de la population. Seule une telle assemblée, sorte d’États généraux modernes, a le droit et le devoir de repenser nos institutions.

 

*******

 

On ne peut passer à côté des combats historiques et croire influencer l’Histoire en évitant les ruptures nécessaires. Nombre d’hommes très sérieux tentaient, sous l’Ancien Régime, d’influencer les princes sans changer le système….

Je propose donc de créer une « association pour une Constituante ». Cette stratégie, quelles qu’en soient les difficultés et les oppositions bien prévisibles, est la seule qui soit féconde sur le long terme. Elle a pour objet de redonner vie à la démocratie nationale comme à une construction internationale humaniste.  

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17 novembre 2007 6 17 /11 /novembre /2007 03:23
Soudan : Les civils en butte aux attaques dans la lutte confuse pour le Darfour
 

(New York, le 20 septembre 2007) – Alors que les Nations Unies et l’Union africaine se préparent à déployer au Darfour la plus vaste mission de maintien de la paix jamais mise sur pied dans le monde, les forces gouvernementales soudanaises, les milices « janjawids » alliées, les rebelles et ex-rebelles ont le champ libre pour attaquer les civils et les travailleurs humanitaires, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.


La situation au Darfour qui, au départ, était un conflit armé entre des rebelles et le gouvernement s’est muée en une lutte violente et confuse pour le pouvoir et les ressources, mettant aujourd’hui en présence forces gouvernementales, milices janjawids, rebelles, ex-rebelles, et bandits.

 

Cette situation complexe ne devrait toutefois pas faire oublier la responsabilité de Khartoum dans les attaques aériennes et terrestres menées aveuglément, sa complicité dans les attaques perpétrées par les Janjawids contre les civils, le fait qu’il ne réclame pas de comptes aux violateurs des droits humains, et son refus de mettre sur pied une force de maintien de l’ordre capable de protéger les civils.

 

« La nouvelle mission de maintien de la paix au Darfour aura besoin de moyens et d’un soutien politique pour protéger les civils », a déclaré Peter Takirambudde, directeur à la division Afrique de Human Rights Watch. « Des sanctions ciblées devraient être imposées à l’encontre du Soudan s’il entrave les opérations de paix et autorise les attaques contre les civils ».

 

Le rapport de 76 pages, intitulé « Darfur 2007: Chaos by Design – Peacekeeping Challenges for AMIS and UNAMID » (Darfour 2007 : Un chaos délibéré – Les défis de l’AMIS et de l’UNAMID pour maintenir la paix), décrit la situation actuelle des droits humains au Darfour. Des études de cas réalisées récemment sur tout le territoire du Darfour

illustrent comment la prolifération des acteurs armés et l’incapacité du gouvernement à renforcer l’autorité de la loi – en particulier de la police – contribuent aux exactions.

 

Après avoir été déplacés de chez eux, les civils se retrouvent bloqués dans des camps pour personnes déplacées à l’intérieur du pays. S’ils se hasardent à en sortir pour mener une activité agricole, ramasser du bois à brûler ou rentrer chez eux, ils risquent d’être battus, violés, dévalisés ou tués – généralement par les Janjawids et les ex-rebelles. Les étrangers qui occupent aujourd’hui leurs terres paralysent toute perspective de paix durable et de retour des déplacés. Des combats entre tribus arabes ont causé des centaines de morts supplémentaires et déplacé des milliers de personnes.

 

Le rapport décrit les moyens cruciaux que doivent employer la nouvelle mission de maintien de la paix, la Mission conjointe des Nations Unies et de l'Union africaine au Darfour (UNAMID) et la communauté internationale pour procurer une meilleure protection aux civils et remédier aux lacunes qui ont entravé la mission actuelle de l’Union

africaine, l’AMIS (Mission de l’Union africaine au Soudan).

 

Human Rights Watch a appelé les Nations Unies et l’Union africaine à déployer l’UNAMID sur une grande échelle et de façon stratégique et à lui octroyer une grande capacité de réaction rapide. L’UNAMID devra effectuer des patrouilles régulières de jour comme de nuit (notamment le jour au moment du marché et du ramassage du bois), employer des unités de maintien de l’ordre bien entraînées et bien équipées, et compter en son sein des inspecteurs des droits humains qui pourront rendre compte publiquement de leurs conclusions (dont des experts spécialisés dans la violence sexuelle et basée sur le genre ainsi que dans les droits des enfants).

 

Le plein déploiement de l’UNAMID pourrait prendre de nombreux mois.

 

Dans l’intervalle, le soutien promis par la communauté internationale à l’AMIS doit être fourni. Les forces de maintien de la paix au Darfour doivent reprendre immédiatement leurs activités de protection, notamment les patrouilles lors du ramassage du bois. Ces patrouilles peuvent contribuer à décourager les exactions mais en de nombreux endroits, elles sont suspendues depuis plus d’un an.

 

Human Rights Watch a appelé le Conseil de Sécurité de l’ONU, l’Union africaine et l’ensemble de la communauté internationale à imposer des sanctions ciblées à l’encontre du gouvernement soudanais et d’autres parties au conflit s’ils se mettent en défaut de respecter certaines conditions essentielles pour une amélioration de la situation des droits humains au Darfour.

 

En l’occurrence, toutes les parties au conflit devraient mettre fin aux attaques perpétrées contre les civils. Le gouvernement soudanais devrait s’abstenir d’utiliser illégalement les couleurs ou les emblèmes de l’ONU et de l’AMIS sur ses avions. Il devrait également cesser de soutenir les milices janjawids qui commettent des violences et mettre en place des programmes en vue de les désarmer.

 

Khartoum devrait faciliter le déploiement rapide de l’AMIS et de l’UNAMID et toutes les parties au conflit devraient faire en sorte que les forces de maintien de la paix puissent mener à bien leur mandat sans encombre. Le gouvernement, les milices, les rebelles et ex-rebelles devraient permettre un meilleur accès à l’aide humanitaire et Khartoum devrait mettre un terme à sa politique de consolidation du nettoyage ethnique par l’occupation et l’utilisation des terres.

 

Enfin, les autorités soudanaises devraient mettre fin à l’impunité en coopérant pleinement avec la Cour pénale internationale (CPI), notamment en exécutant les mandats d’arrêt. Elles devraient promouvoir la responsabilisation des criminels en entreprenant des réformes juridiques et d’autres mesures visant à renforcer le système judiciaire du pays.

 

Début septembre, le gouvernement soudanais a pourtant eu l’impudence de nommer une personne soupçonnée de crimes de guerre internationaux à la co-présidence d’un comité chargé d’entendre les plaintes liées aux violations des droits humains au Darfour. Ahmed Haroun, qui est également secrétaire d’État aux affaires humanitaires, est l’un des deux

hommes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt émis par la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

 

« Partout au Darfour, les gens qui vivent dans les camps nous ont confié leur sentiment qu’ils ne pouvaient rentrer chez eux en toute sécurité », a ajouté Takirambudde.


Pour lire le rapport de Human Rights Watch, “Darfur 2007: Chaos by Design – Peacekeeping Challenges for AMIS and UNAMID,” veuillez

consulter :

http://hrw.org/reports/2007/sudan0907/


Pour voir une galerie de photos de Gary Knight/VII illustrant la situation au Darfour en janvier 2007, veuillez cliquer sur :

http://hrw.org/photos/2007/sudan0907/


Pour en savoir davantage à propos du travail de Human Rights Watch sur le Darfour, veuillez consulter :

http://hrw.org/doc?t=africa&c=darfur


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