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20 novembre 2009 5 20 /11 /novembre /2009 03:37



Cessons de nous ruiner pour sauver les riches

http://goudouly.over-blog.com/article-37910472.html

par Bob Herbert

Sur ContreInfo

Bob Herbert, éditorialiste du New York Times, s’insurge devant le scandale de l’insolente richesse retrouvée par ceux qui n’ont dû leur survie qu’au prix d’un sauvetage qui a ruiné l’Etat, alors même que la grande majorité de ses concitoyens lutte pour parvenir à joindre les deux bouts ou à conserver un toit. « Nous ne pouvons pas continuer à transférer la richesse de la nation à ceux qui sont au sommet de la pyramide économique - ce que nous avons fait depuis environ trente ans - tout en espérant qu’un jour, peut-être, les avantages de ce transfert se manifesteront sous la forme d’emplois stables et d’une amélioration des conditions de vie de millions de familles qui luttent pour y arriver chaque jour, » s’exclame-t-il, avant de conclure qu’aujourd’hui, il faudrait être « fou » pour continuer à croire à ce « conte de fée. »


Par Bob Herbert, New York Times, 19 octobre 2009

Sur ContreInfo


Les gros titres qui faisaient la première page du New York Times ce samedi résumaient sans le vouloir la situation terrible dans laquelle nous avons permis que notre pays s’enfonce.

A droite, le titre de Une annonçait : « Les déficits US s’élèvent à 1 400 milliards de dollars - les plus importante depuis 1945. »

Celui situé à proximité disait : « Le renflouement permet la renaissance des banques et des bonus »

Nous avons passé ces dernières décennies à couvrir les riches d’argent, comme s’il n’y avait pas de lendemain. Nous avons abandonné les pauvres, étranglé économiquement la classe moyenne et mis en faillite le gouvernement fédéral - tout en donnant à peu près tout ce qu’ils voulaient aux banques, aux méga-entreprises et à ceux qui sont au sommet de la pyramide économique.

Mais nous ne semblons toujours pas en avoir tiré les leçons qui s’imposent. Nous avons laissé tant de gens tomber dans le terrible abîme du chômage, que personne - ni l’administration Obama, ni les syndicats, ni certainement quiconque au Parti républicain - n’a la moindre idée sur la façon de leur redonner du travail.

Pendant ce temps, Wall Street tutoie les sommets. Je suis étonné de voir à quel point la population reste passive face à ce scandale qui perdure.

Au moment même où des dizaines de millions de travailleurs Américains se battent pour garder leur emploi et conserver un toit sur la tête de leurs familles, les petits malins de Wall Street se lèchent les babines avec un nouveau festin obscène de plusieurs milliards de dollars de bonus - cette fois-ci grâce aux milliards du plan de sauvetage fournis par l’Oncle Sam, en contrepartie de bien peu de contraintes.

Peu importe que l’économie éprouve toujours de graves difficultés. Comme le Times le notait samedi, pratiquement tout Wall Street « imprime de la monnaie. »

C’est une forme de magie noire qui a un air de déjà vu. J’avais écrit un article, trois jours avant Noël 2007, qui mettait l’accent sur la déconnexion profondément dérangeante entre Wall Street qui récoltait un niveau record de primes - entassant milliards sur milliards de dollars - alors que les familles de salariés arrivaient difficilement à joindre les deux bouts.

Nous apprendrions plus tard que c’est en décembre 2007 que cette grande récession avait commencé. J’avais écrit que « alors même que Wall Street se réjouit et passe des commandes record de champagne et de caviar, le rêve américain est en salle de soins intensifs. »

Nous avons donc assisté à une orgie de bonus lorsque la récession s’installait, suivie aujourd’hui par une nouvelle orgie (aux frais des contribuables) qui n’est ni plus ni moins qu’une arrogante provocation en direction de tous ceux qui ont souffert, et continuent de souffrir durant cette récession.

Que P.T. Barnum [1] l’ait réellement dit ou non, il y a bien un pigeon qui nait à chaque minute. Les contribuables américains pourraient vouloir se regarder dans le miroir, pour vérifier si ce nom d’oiseau leur convient ...

Nous devons procéder à quelques changements fondamentaux dans la façon dont vont les choses dans ce pays. Les joueurs et les escrocs du secteur financier, ces mêmes clowns qui ont tant fait pour mettre l’économie à genoux, poussent des hauts-cris sur leur bon droit lorsqu’on évoque la perspective de règlements visant à lutter contre les pires aspects de leur comportement excessivement risqué, afin de les empêcher de provoquer une nouvelle crise économique.

Nous devrions aller encore plus loin. Nous avons institutionnalisé l’idée selon laquelle il existerait des entreprises qui sont trop grandes pour être laissées faillir et que par conséquent, « nous, le peuple » serions tenus de veiller à ce que cela n’arrive pas - même si cela entraîne la ruine des finances de l’Etat et met en péril le niveau de vie des gens ordinaires. Quel sens tout cela a-t-il ?

Si une société est trop grosse pour faire faillite, alors c’est qu’elle est trop grosse pour exister. Démantelons-la.

Pourquoi l’opinion publique devrait-elle se soucier constamment qu’un faux pas des équilibristes de haut vol de Goldman Sachs (pour prendre l’exemple le plus évident) puisse mettre en péril l’économie toute entière ? Ces acrobates financiers retirent des avantages extraordinaires de leur extravagantes prises de risque - des chèques de paie de plusieurs millions de dollars, des maisons grandes comme des châteaux - mais le public doit être là pour absorber les chocs les plus douloureux lorsqu’ils font une terrible chute.

Assez ! Goldman Sachs s’enrichit alors que le pourcentage total du chômage et du sous-emploi atteint le chiffre stupéfiant de 20%. Les deux tiers de l’ensemble des augmentations de revenus entre 2002 et 2007 - les deux tiers ! - sont allés aux 1% des Américains les plus riches.

Nous ne pouvons pas continuer à transférer la richesse de la nation à ceux qui sont au sommet de la pyramide économique - ce que nous avons fait depuis environ trente ans - tout en espérant qu’un jour, peut-être, les avantages de ce transfert se manifesteront sous la forme d’emplois stables et d’une amélioration des conditions de vie de millions de familles qui luttent pour y arriver chaque jour.

Cet argent n’atteindra jamais le bas de la pyramide. C’est un conte de fées. Nous sommes fous de continuer à y croire.


Publication originale New York Times, traduction Contre Info

[1] Le créateur du cirque Barnum - ndt

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19 novembre 2009 4 19 /11 /novembre /2009 03:57



Le faux débat de l'identité nationale

http://goudouly.over-blog.com/article-le-faux-debat-de-l-identite-nationale-38604055.html


par Caroline Fourest

Sur LE MONDE


En lançant le débat sur "qu'est-ce qu'être français ?", Eric Besson espérait sans doute des réactions outrancières. Il n'a pas été déçu. En quelques heures, certaines voix à gauche ont fourni la caricature qu'on attendait d'elles : "Pétainisme !", "Xénophobie !", "Vous courez après les voix du FN !"

Tout ça pour quoi ? A ce stade, il n'est question que d'un contrat d'intégration, de faire chanter La Marseillaise, de dispenser des cours d'instruction civique, de naturaliser les étrangers méritants (entendez des sportifs pouvant rapporter des médailles et non des Afghans fuyant la guerre), de valoriser l'apport de l'immigration... Il y a de quoi s'agacer, ironiser, mais pas de quoi hurler. A quelques mois des régionales, des Français - et pas seulement les électeurs potentiels du FN - pourraient en déduire que l'opposition est décidément aveugle aux défis du moment. Le débat n'est-il pas légitime ? Il l'est... Le piège réside dans le choix des mots pour le mener : identité nationale.

La phrase d'Albert Camus n'a jamais été aussi vraie : "Mal nommer les choses, c'est ajouter aux malheurs du monde." Or, le ministère de l'immigration et de l'identité nationale est bien mal nommé pour mener un débat si fondamental et si compliqué. Accolés l'un à l'autre, ces deux termes laissent penser que l'identité nationale se décrète, que l'immigration la menace et que la crise du "vivre-ensemble" est un problème d'identité. Rien n'est plus trompeur. Le recul de la mixité et des droits des femmes dans certains quartiers, le repli communautariste, la montée des intégrismes et la dérive sectaire de quelques Françaises - parfois converties - portant le voile intégral relèvent de domaines très différents, souvent confondus, comme l'intégration, la laïcité ou la citoyenneté. Ces questions fondamentales doivent être débattues, mais concernent avant tout le projet de société, et non l'identité.

Au Canada, aux Etats-Unis, aux Pays-Bas, en Belgique, en Grande-Bretagne, partout on se déchire pour trouver une façon de "faire société" qui puisse "accommoder" certaines demandes émanant de minorités religieuses sans défaire le pacte commun. La ligne de fracture ne sépare pas les immigrés des nationaux. Il s'agit d'un débat entre citoyens, en vue d'arbitrer ensemble entre deux utopies : l'une insiste sur ce qui rassemble, l'autre sur le droit à la différence. L'approche multiculturaliste, qui insiste sur le droit à la différence, s'est surtout développée dans des pays anglo-saxons, où il existe une forte tradition d'échelons communautaires entre l'Etat et le citoyen.

Longtemps vanté comme l'âge mûr de la tolérance, ce multiculturalisme est aujourd'hui critiqué, y compris par des progressistes, pour sa tendance à flatter le différentialisme au détriment de l'égalité, les dérogations au nom de la culture et de la religion, le communautarisme et son incapacité à résister à l'intégrisme. A l'inverse, longtemps critiqué pour sa tentation normative (parfois à juste titre), le modèle républicain - intégrateur, égalitaire et universaliste - relève la tête. Des pays écartelés entre les excès du multiculturalisme et la montée d'un populisme raciste songent à renforcer la laïcité et la citoyenneté pour sortir de ce cercle infernal.

Faire le bon diagnostic suppose d'employer les mots justes. De ceux qui conduisent à fortifier les piliers du modèle républicain universaliste - la laïcité, l'égalité des chances, l'école publique - au lieu de flatter une grille de lecture nationaliste, indigne et erronée. Cela suppose une certaine dose d'autocritique.

Car le modèle républicain français est également en crise. Son principal prédateur n'est pas l'immigration, mais la politique de Nicolas Sarkozy lorsqu'elle dépouille la République au profit d'une vision privatisée du lien social et culturel. Si la gauche arrêtait de trembler et avait le courage de se réapproprier les valeurs républicaines, le piège se refermerait sur ceux qui l'on posé.


Caroline Fourest

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17 novembre 2009 2 17 /11 /novembre /2009 03:58



Ceux qui prétendent que la croissance démographique est le gros problème environnemental sont en train de blâmer les pauvres pour les péchés des riches
Le mythe de la surpopulation
http://goudouly.over-blog.com/article-le-mythe-de-la-surpopulation-38321362.html

George MONBIOT
Sur le Grand Soir



Au début des années soixante, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) tint à Genève une réunion peu publicisée mais capitale, dont le but était d’examiner un danger majeur pour l’espèce humaine : la surpopulation du globe. Nous étions en train d’atteindre les six milliards et rien, désormais, ne pouvait plus freiner l’explosion exponentielle. Ni épidémies ni guerres n’allaient y suffire. Alerte rouge. Que faire ?

Assistaient à ce mémorable brainstorming des représentants de la science en marche et un peu aussi du capital, dont, entre autres, des cadres d’I.B.M., alors objet des attentions détonantes de la Rote Armee Fraktion (plus connue sous le nom de Bande à Baader - NDR), et feu Robert McNamara, occupé quant à lui à résoudre la quadrature du cercle au moins au Vietnam, à l’aide de napalm, de défoliants et d’agent orange.

N’y assistaient pas les Chinois, qui allaient opter chez eux pour la solution pragmatique d’un seul enfant autorisé par famille (fin des années 70).

N’y assistait pas non plus l’écrivain anglais John Cowper Powys, qui venait de mourir (1961) et qui aurait pu être pourtant de bon conseil, car il avait écrit, en substance : « La terre ne produit-elle pas assez de fruits pour nourrir tous les enfants des hommes ? Bien sûr que si. Il suffirait que ces fruits soient répartis entre eux équitablement et que certains hommes cessent d’accaparer stérilement ce qui est nécessaire à la survie de tous. » (Nous résumons.)

Au moment où les progrès foudroyants de la technologie ont rendu inutiles à ces « certains hommes » le travail fourni par la majeure partie des autres, mais où cette majeure partie, devenue improductive, va avoir le mauvais goût de continuer à manger...

Au moment où l’OMS semble avoir renversé ses priorités et, au coude à coude avec les détenteurs abusifs des moyens chimico-biologiques de sauver ou d’exterminer leurs semblables, prétend nous protéger, par la force, d’une pandémie fantôme...

Il devient urgent, pour la « majeure partie », d’identifier correctement les dangers réels qu’elle court et de prendre elle-même les mesures adéquates pour y faire face. Le révérend Swift étant mort, M. George Monbiot, pour sa modeste part, s’y est collé (le 28 septembre dernier, dans le Guardian). C.L.


Ce n’est pas une coïncidence si ceux qui sont obsédés par la croissance démographique sont d’opulents hommes de race blanche, qui ont passé l’âge de se reproduire : c’est bien la seule question environnementale pour laquelle ils ne sont pas à blâmer. Le brillant spécialiste des systèmes de la terre, James Lovelock, par exemple, a prétendu le mois dernier que « ceux qui ne voient pas que la croissance démographique et le changement de climat sont deux faces d’une même médaille, sont soit ignorants, soit refusent de voir la vérité. Ces deux énormes problèmes environnementaux sont inséparables, et discuter de l’un en ignorant l’autre est irrationnel. » (1) Eh bien, c’est Lovelock qui est ignorant et irrationnel.

Un article publié hier dans la revue Environment and Urbanization (Environnement et Urbanisation) montre que les endroits où la population a augmenté le plus vite sont ceux où l’émission de carbone dioxide a augmenté le plus lentement, et vice versa. Entre 1980 et 2005 par exemple, l’Afrique Sub-Saharienne a produit 18,5% de la croissance démographique mondiale, et à peine 2,4% de l’augmentation de CO2. L’Amérique du Nord n’a produit que 4% de population en plus, mais 14% des émissions de carbone excédentaires. Soixante-trois pour cent de la croissance démographique mondiale sont à imputer à des endroits du globe où l’émission de CO2 est très faible.

Même ceci ne rend pas une image exacte de la réalité. L’étude souligne qu’à peu près un sixième de la population est si pauvre qu’elle ne produit aucune émission de carbone significative. C’est aussi ce groupe dont la croissance en population est susceptible d’être la plus forte. Aux Indes, des foyers où l’on gagne moins de 3.000 roupies par mois (± 43 €) consomment, par tête, un cinquième de l’électricité et un septième du carburant d’un foyer où l’on gagne 30.000 roupies ou plus. Ceux qui dorment dans les rues ne consomment pratiquement rien. Ceux qui vivent de la récupération des déchets (2) (une grande partie de la sous-classe urbaine) économisent souvent plus de gaz à effet de serre qu’ils n’en produisent.

Beaucoup des émissions pour lesquelles les pays les plus pauvres sont blâmés devraient, en bonne justice, nous être attribuées. Les torchères des compagnies exportatrices de pétrole du Nigéria, par exemple, ont produit plus de gaz à effet de serre que toutes les autres sources de l’Afrique Sub-Saharienne mises ensemble. Même la déforestation, dans les pays pauvres, est causée principalement par les opérations de livraison de bois, de viande et de fourrage aux consommateurs des pays riches. Les paysans pauvres font infiniment moins de mal.

L’auteur de l’article, David Satterthwaite, de l’Institut International pour l’Environnement et le Développement, fait remarquer que la vieille formule enseignée à tous les étudiants en développement selon laquelle l’impact total (du CO2 sur l’environnement) équivaut à la population x la richesse x la technologie (I =PRT), est fausse. L’impact total devrait être mesuré ainsi : I = CRT, c. à d. consommateurs x richesse x technologie. Beaucoup de gens dans le monde consomment si peu qu’ils ne figureraient pas dans cette équation. Or, ce sont eux qui ont le plus d’enfants.

Alors qu’il y a une corrélation faible entre le réchauffement global et la croissance de la population, il y a une corrélation forte entre le réchauffement global et la richesse. Je suis allé jeter un coup d’oeil à quelques super yachts, me disant que je pourrais avoir besoin d’un endroit où traiter les ministres du Labour dans le style auquel ils sont habitués. D’abord, j’ai jeté mon dévolu sur le RFF 135 de la Royal Falcon Fleet, mais quand j’ai découvert qu’il ne consommait que 750 litres de fuel à l’heure, je me suis rendu compte que je n’allais pas impressionner Lord Mandelson avec ça. Je n’en mettrais non plus plein la vue à personne du côté de Brighton avec l’Overmarine Mangusta 105, qui ne pompe que 850 litres à l’heure. Le rafiot qui m’a tapé dans l’oeil est fabriqué par Wally Yachts à Monaco. Le Wally Power 118 (qui donne aux wallies – lisez tarés - une sensation de puissance) consomme ses 3400 litres à l’heure, quand il voyage à 60 noeuds. C’est presque un litre à la seconde. Une autre façon de le dire est : 31 litres au km.

Évidemment, pour faire un vrai tabac, il me faudra l’équiper en teck et en acajou, embarquer quelques jet skis et un mini-sous-marin, amener mes invités à la marina en jet privé et en hélicoptère, les nourrir de sushis au thon à nageoires bleues et de caviar beluga, et conduire la bête à une allure telle que la moitié de la vie sous-marine méditerranéenne sera réduite en purée. Propriétaire d’un de ces yachts, je ferai plus de mal à la biosphère en dix minutes que la plupart des Africains n’en font dans toute leur vie. Là, oui, on peut dire que ça chauffe, baby !

Une de mes connaissances, qui fréquente les gens de la haute, me dit que, dans la ceinture banquière de la vallée de la Tamise Inférieure, il y a des gens qui chauffent leur piscine extérieure à la température du bain d’un bout de l’année à l’autre. Ils aiment y regarder les étoiles en faisant la planche par les belles nuits d’hiver. Le carburant de chauffage leur coûte 3.000 £ par mois (soit ± 3200 €). Une centaine de milliers de personnes, vivant comme ces banquiers, épuiseraient les écosystèmes nécessaires à notre survie plus rapidement que 10 milliards de gens vivant comme la paysannerie africaine. Au moins les super-friqués ont-ils le tact de ne pas trop se reproduire, si bien que les riches vieillards qui jettent l’anathème sur la reproduction leur fichent la paix.

En mai, le Sunday Times a fait paraître un article intitulé : « Un club de milliardaires se mobilise pour faire rendre gorge à la surpopulation ». Il révélait que « certains éminents milliardaires américains se sont rencontrés secrètement » pour décider quelle bonne cause ils pourraient soutenir. « Un consensus a émergé pour adopter une stratégie stygmatisant la croissance démographique en tant que menace environnementale, sociale et industrielle potentiellement désastreuse ». En d’autres termes, les ultra-riches ont décidé que c’étaient les très pauvres qui étaient en train de saloper la planète. On se défonce pour trouver une métaphore adéquate, mais en vain : c’est au-delà de toute caricature.

James Lovelock est, avec Sir David Attenborough et Jonathan Porrit, un des parrains d’OPT (Optimum Population Trust, ou « Trust pour une Population Optimale »). C’est là une des douzaines d’organisations « caritatives » (3) dont le seul but est de décourager les gens de faire des enfants, au nom du sauvetage de la biosphère. Mais je n’ai pas été capable d’en trouver une seule dont le but fût de mettre en cause l’impact sur la biosphère du comportement des très riches.

Les pinailleurs pourraient me rétorquer que ceux qui se reproduisent rapidement aujourd’hui pourraient, demain, devenir plus riches. Mais, comme les super-riches accaparent une part toujours plus grande du gâteau et que les ressources comment à être à sec, cette éventualité diminue de jour en jour. Il y a de fortes raisons sociales d’aider les gens à contrôler leur procréation, mais de très faibles raisons environnementales. Sauf chez les populations les plus opulentes.

L’Optimum Population Trust feint d’ignorer que le monde va vers une transition démographique : les taux de croissance de la natalité baissent à peu près partout, et le nombre d’êtres humains a des chances, d’après un article paru dans Nature, de culminer, en ce XXIe siècle, aux alentours de 10 milliards. La plus grande partie de cette croissance se fera chez ceux qui ne consomment presque rien.

Mais personne ne prévoit une transition dans la consommation. Les gens font moins d’enfants au fur et à mesure qu’ils deviennent plus riches, mais ils ne consomment pas moins, ils consomment davantage. Comme le montrent les habitudes des super-riches, il n’y a pas de limites à l’extravagance humaine. On peut s’attendre à ce que la consommation augmente, de pair avec la croissance économique, jusqu’à emboutir les amortisseurs de la biosphère. Quiconque comprend ceci et continue à considérer que c’est la population et non la consommation qui représente LE gros problème, refuse, comme le dit Lovelock, de voir la vérité. (4) C’est la pire espèce de paternalisme : celle qui blâme les pauvres pour les excès des riches.

Mais où sont donc les mouvements de protestation contre la richesse puante qui détruit nos systèmes de vie ? Où est l’action directe contre les super yachts et les jets privés ? Où est cette fichue lutte des classes, quand on a besoin d’elle ?

Il serait temps que nous ayons assez de coeur au ventre pour mettre le doigt sur la vraie plaie. La plaie n’est pas le sexe, c’est l’argent. Ce ne sont pas les pauvres, ce sont les riches.

George Monbiot

http://www.monbiot.com

 

The Guardian, 29.9.2009, relayé par Information Clearing House
http://www.informationclearinghouse.info/article23624.htm

Traduction : C.L. pour le Grand Soir

(1) Voir notes justificatives des citations sur www.monbiot.com

(2) C’est-à-dire qui se nourrissent dans les dépôts d’ordures. (NdT)

(3) C’est-à-dire exemptées d’impôts.

(4) Ou, comme disait Mme la Comtesse de Ségur, née Rostopchine : se met à l’abri de la pluie dans la mare.

 

URL de cet article
http://www.legrandsoir.info/Le-mythe-de-la-surpopulation.html
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12 novembre 2009 4 12 /11 /novembre /2009 03:50
Prêts pour la prochaine crise ?
http://goudouly.over-blog.com/article-prets-pour-la-prochaine-crise--38321210.html

par Paul Craig Roberts
Sur Contre Info

Les USA sont non seulement sous la coupe des intérêts privés du secteur financier qui a réussi jusqu’à présent à échapper à toute mesure de régulation sérieuse, mais ils sont aussi dans le peloton de tête des statistiques des inégalités de revenu et du taux de pauvreté. Ces deux caractéristiques sont en général celles des états faillis, souligne Paul Craig Roberts, qui s’inquiète que l’absence de réglementation des produits dérivés ne provoque un nouveau désastre.


Par Paul Craig Roberts, Vdare, 25 octobre 2009

Les preuves montrant que les États-Unis sont un Etat failli s’accumulent plus vite que je ne peux les répertorier.

L’une des caractéristiques décisives d’un Etat failli est que les escrocs sont placés à l’intérieur du gouvernement, et utilisent ce gouvernement pour protéger et promouvoir leurs intérêts privés.

Une autre caractéristique déterminante est l’inégalité croissante des revenus, lorsque ces « insiders », ces initiés, manipulent la politique économique pour assurer leur enrichissement au détriment de tous les autres.

L’inégalité des revenus aux États-Unis est aujourd’hui la plus extrême de tous les pays. Le rapport 2008 de l’OCDE, « Distribution des revenus et pauvreté dans les pays de l’OCDE, » (PDF) conclut que les États-Unis sont le pays où l’inégalité est la plus grande et le taux de pauvreté le plus élevé dans l’OCDE. Depuis l’année 2000 on n’a constaté nulle part une telle hausse des inégalités de revenus.

L’OCDE note par ailleurs que la répartition des richesses aux USA est encore plus inégale que ne l’est celle des revenus.

Le 21 octobre 2009, Business Week a rendu compte d’un nouveau rapport du Programme de Développement des Nations Unies concluant que les États-Unis se situaient au troisième rang parmi les Etats ayant les pires inégalités de revenus. Les deux premiers, Hong Kong et Singapour, étant en fait des cités-Etats et non des pays, les USA ont la honte d’être le pays où l’inégalité dans la répartition des revenus est la plus forte.

L’augmentation marquée de ces inégalités de revenus aux États-Unis depuis l’année 2000 a coïncidé avec la délocalisation des emplois, qui a enrichi les cadres bénéficiant de « primes de performance » tout en appauvrissant la classe moyenne. Dans le même temps, on a également assisté à une croissance rapide des produits dérivés, négociés de gré à gré, non réglementés, qui ont enrichi Wall Street et le secteur financier au détriment de tous les autres.

Des millions d’américains ont perdu leur maison et la moitié de leur épargne-retraite et devront supporter la charge de la dette publique qui a servi à renflouer les banksters qui sont à l’origine de la crise des produits dérivés.

Le 21 octobre l’émission Frontline a diffusé, « The Warning », un documentaire qui montrait comment la Réserve fédérale, Alan Greenspan, le secrétaire au Trésor Robert Rubin, le secrétaire adjoint au Trésor Larry Summers, et Arthur Levitt, le président de la Securities and Exchange Commission, ont empêché Brooksley Born, alors responsable de la Commission des Commodity Futures Trading (CFTC), de remplir son mandat et de réglementer ces produits dérivés négociés de gré à gré.

Après que la pire crise de l’histoire financière des Etats-Unis ait éclaté - comme Brooksley Born l’avait prévu - Alan Greenspan, désormais discrédité, a été tiré de sa retraite pour qu’il vienne s’expliquer devant le Congrès, lui qui avait affirmé qu’aucune règlementation des produits dérivés n’était nécessaire. Greenspan avait même déclaré au Congrès que la réglementation des produits dérivés serait préjudiciable. Pathétique, Greenspan a dû admettre que l’idéologie du marché libre qu’il avait fait sienne avait révélé ses « failles ».

Greenspan a peut-être parié le futur de notre pays sur ses croyances dans le marché libre, mais qui donc pourrait croire que Rubin et Summers faisaient autre chose que de protéger les énormes profits frauduleux que procuraient à Wall Street les produits dérivés ? Comme l’a souligné Brooksley Born, les dérivés négociés de gré à gré sont un « marché obscur », sans aucune transparence. Les régulateurs ne disposent d’aucune information sur ces produits, pas plus que les acheteurs.

Même après l’effondrement et le renflouement de Long Term Capital Management en 1998, Greenspan, Rubin et Summers n’ont pas changé d’avis. Greenspan, Rubin et Summers, comme leur suiveur Arthur Levitt - qui regrette aujourd’hui de s’être fait duper par les banksters - ont réussi à manipuler un Congrès totalement ignorant en ne laissant pas la CFTC remplir son office. Brooksley Born, empêché par des représentants élus de protéger les citoyens, a choisi de démissionner. L’argent de Wall Street avait tout simplement réussi à travestir les faits et à écarter les régulateurs honnêtes, s’assurant de l’inaction du gouvernement, et provoquant du même coup la crise financière qui a éclaté en 2008 et continue aujourd’hui de frapper notre économie.

Les initiés de la finance qui ont la main sur le Trésor, la Maison Blanche et la Réserve fédérale ont transféré aux contribuables le coût de la catastrophe qu’ils ont provoqué. Lorsque cette crise a débuté, Henry Paulson - nommé par le président Bush comme successeur de Rubin en tant que représentant de Goldman Sachs à la tête du Trésor US - a joué sur la peur afin d’obtenir de « nos » représentants au Congrès qu’ils acceptent sans poser de questions de débloquer les centaines de milliards de dollars des contribuables (l’argent du TARP) pour renflouer Goldman Sachs et les autres malfrats sévissant dans les produits dérivés.

L’indignation de l’opinion publique a éclaté lorsque Goldman Sachs a annoncé récemment qu’elle allait octroyer d’énormes bonus à six et sept chiffres à ses salariés. Tentant de défendre les banksters qui, sauvés par l’argent public, s’offrent des primes supérieures à ce que la plupart des gens gagneront en toute une vie, Lord Griffiths, le Vice-Président de Goldman Sachs International, a déclaré que l’opinion devait apprendre à « tolérer l’inégalité en tant que moyen d’atteindre à une plus grande prospérité pour tous. »

En d’autres termes, « qu’ils mangent de la brioche ».

Selon le rapport de l’ONU cité ci-dessus, la Grande-Bretagne vient en 7ème position ex-æquo des pays ayant les revenus les plus inégaux au monde. Après les bonus de Goldman Sachs, les Britanniques vont monter dans le classement, et pourront peut-être rivaliser avec Israël pour la quatrième place [1] .

En dépit de cette folie totale que sont ces produits dérivés, de la colère grandissante de l’opinion et de la confession de M. Greenspan devant le Congrès, rien n’a été fait pour les réglementer.

L’un des assistants au Trésor de Rubin, Gary Gensler, a remplacé Brooksley Born à la tête de la CFTC. Larry Summers dirige le Conseil Economique National du président Obama. L’ancien membre de la Réserve fédérale Timothy Geithner, un protégé de Paulson, est le secrétaire au Trésor d’Obama. Un vice-président de Goldman Sachs, Adam Storch, a été nommé responsable de la Securities and Exchange Commission.

Les Banksters sont toujours en place.

Existe-t-il un autre pays dans lequel, au vu et au su de l’opinion publique, une petite minorité utilise de façon aussi flagrante le gouvernement au bénéfice d’intérêts privés, aidé par une coterie d’économistes adeptes du « marché libre », prêts à justifier le pillage, au motif que « le marché fonctionne au mieux » ?

Un narco-Etat est une calamité. Mais Les États-Unis et leur « financio-Etat » dépassent cette horreur.

Comme le dit Brooksley Born, si rien n’est fait, « cela va se produire à nouveau ».

Mais rien ne peut être fait. Les escrocs tiennent le gouvernement.

[Note de Paul Craig Roberts : Le rapport de l’OCDE montre que malgré la réduction des impôts sous Reagan, la hausse des inégalités des revenus s’est ralentie durant cette période. Au milieu des années 1990 le coefficient Gini (une mesure de l’inégalité du revenu) a même diminué. A partir de l’année 2000, avec la nouvelle économie (qui consistait essentiellement en une fraude financière et à délocaliser les emplois), le coefficient Gini a connu une forte hausse.]

Paul Craig Roberts est économiste et fut Sous-secrétaire au Trésor dans l’administration Reagan.

Sur le web :

OCDE : Croissance et inégalités : Distribution des revenus et pauvreté dans les pays de l’OCDE


-  L’écart entre riches et pauvres s’est creusé et le nombre de personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté a augmenté au cours des deux dernières décennies. L’évolution est assez générale, affectant les trois quarts des pays de l’OCDE. L’ampleur du changement est limitée mais significative.

-  Les inégalités de revenu se sont nettement accentuées, au début des années 2000, en Allemagne, au Canada, aux États-Unis et en Norvège. Par contre, les revenus ont eu tendance à s’égaliser en Grèce, au Mexique et au Royaume-Uni.

-  La montée des inégalités s’explique généralement par le fait que les riches ont vu leurs revenus s’améliorer tant par rapport aux titulaires de bas revenus que par rapport aux titulaires de revenus moyens.

-  Environ une personne sur dix avait dans les pays de l’OCDE un revenu inférieur à la moitié de la valeur médiane nationale en 2005.

-  Le risque de pauvreté a diminué pour les personnes âgées, alors qu’il a augmenté pour les jeunes adultes et les familles qui ont des enfants.

-  Les revenus sont plus également répartis et il y a moins de gens pauvres lorsque les dépenses sociales sont importantes : c’est ce qu’on observe dans les pays nordiques et dans les pays d’Europe occidentale comme l’Autriche, la Belgique et les Pays-Bas. Dans ces pays, en 2005, les dépenses sociales en faveur des personnes d’âge actif représentaient 7-8 % du revenu national et la part des personnes d’âge actif concernées par la pauvreté se situait entre 5 % et 8 %.

À l’autre extrême, aux États-Unis, en Corée, au Mexique et en Turquie, les prestations représentaient 2 %, si ce n’est moins, du revenu national, et 12 à 15 % de la population d’âge actif étaient concernés par la pauvreté. (nous soulignons)


Publication originale Vdare, traduction Contre Info

[1] Les pays les plus inégaux sont par ordre décroissant : Hong-Kong, Singapour, USA, Israël, Portugal, Nouvelle Zélande, Italie et Grande Bretagne ex-æquo, Australie, Irlande et Grèce ex-æquo. - ndt

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8 novembre 2009 7 08 /11 /novembre /2009 03:08

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"Ma vie à contre-coran"
http://goudouly.over-blog.com/article-ma-vie-a-contre-coran-38157431.html

de Djemila Benhabib

par Micheline Carrier


Une Québécoise d’origine algérienne, Djemila Benhabi (qui vit à Gatineau), publiera le 17 mars un livre sur la Commission Bouchard-Taylor et les accommodements réclamés notamment par des islamistes. Son livre s’intitule Ma vie à contre-coran. "Cet essai dévoile au grand jour, selon l’éditeur, les stratégies des islamistes au travers de témoignages solidement documentés." La journaliste Laura-Julie Perreault de La Presse présentait, le 7 mars dernier, une entrevue qu’elle a réalisée avec Djemila Benhabib.

« Charles Taylor et Gérard Bouchard n’ont rien compris au Québec d’aujourd’hui. Ils ont convoqué les gens pour les écouter, mais leurs conclusions n’en ont pas tenu compte ; ils avaient tout décidé d’avance », dit Djemila Benhabib.

L’auteure de Ma vie à contre-coran, qui a été journaliste en Algérie, est maintenant fonctionnaire fédérale en Outaouais. Elle "raconte son enfance à Oran, en Algérie, la montée de l’islamisme à laquelle elle a assisté, les assassinats et les massacres qui ont suivi, ainsi que son exil, pour échapper aux islamistes qui lui pourrissaient la vie."

"Parallèlement au récit de son enfance sur les bancs d’écoles d’une Algérie où certains professeurs l’obligeaient à réciter le Coran, elle décrit son malaise depuis son arrivée au Québec face aux demandes formulées par des groupes musulmans, demandes qu’elle qualifie d’islamistes et de prosélytistes."

Son essai de 267 pages critique ouvertement les groupes qui revendiquent des passe-droits au nom de leur religion :

"Ces islamistes, qui revendiquent benoîtement les auspices du respect de la religion et du droit à la différence, pervertissent l’idée de la démocratie. Qu’on se le tienne pour dit, il ne s’agit pas là de liberté individuelle, mais de prosélytisme, d’intégrisme, de fascisme vert. Car dès qu’une religion s’affiche ostensiblement dans la sphère publique, il y a confusion des genres."

Des commissaires Bouchard-Taylor, elle dit : "Ils n’ont pas voulu relever le problème. Pendant ce temps, les groupes islamistes radicaux continuent d’exister à Montréal. Ils embrigadent".

Djemila Benhabib critique également la position de la Fédération des femmes du Québec et celle de Françoise David, qu’elle qualifie de "compromission avec l’islamisme".

La journaliste Laura-Julie Perreault lui a demandé si elle ne craignait pas d’être qualifiée d’islamophobe ou d’intolérante. Elle a répondu : "Je suis une femme de convictions et j’ai payé le prix fort pour ces convictions."

Le livre Ma vie à contre-coran, de Djemila Benhabib, sera publié chez VLB éditeur (Montréal) la semaine prochaine, dans la collection Partis pris actuels.



Le livre de Djemila Benhabib, Ma vie à contre-Coran (VLB éditions), connaît un vif succès au Canada. Il est en passe de devenir le livre de chevet de tous ceux qui ont fui l'islamisme pour trouver refuge en Europe. De Paris à Londres en passant par le Québec, avec le débat sur les "accommodements religieux", l'auteur suit à la trace un mal qu'elle croyait derrière elle. Elle s'étonne d'une certaine naïveté face à l'intégrisme. Suffit-il de présenter le voile comme un acte de liberté, de déguiser ses mots et son projet, pour que l'intolérance soit tolérée ?

Djemila Benhabib est immunisée contre cet angélisme. Connaître l'histoire de l'islam politique ayant ravagé l'Algérie aide à décoder le double discours des intégristes. Le grand mérite de son livre est de nous transmettre cette histoire et ce regard. Il en a un autre : démontrer l'immense responsabilité du pouvoir algérien dans la montée de l'islamisme.

Certains indépendantistes voulaient la laïcité... Le FLN préfère miser sur l'islamisation de la nation algérienne. La Constitution consacre l'islam comme religion d'Etat. Truffées d'instituteurs importés d'Egypte et formés par les Frères musulmans, les écoles publiques deviennent des lieux où l'on bourre le crâne des enfants à coups de récitation du Coran.

Djemila en garde un souvenir assommant. "J'étais debout, moi aussi, pour demander la flagellation des adultères et l'extermination des mécréants." Chez elle, l'endoctrinement ne prend pas. Ses parents militent au PAGS, un mouvement communiste. A la maison, on préfère les livres d'Angela Davis. A l'époque, il existe encore de nombreux Algériens pour préférer le progrès à la réaction. On les marginalise en les traitant d'"occidentalisés". La police les traque.

Octobre 1988, la jeunesse se révolte, descend dans la rue et brûle des voitures. La répression est terrible. Au lieu d'entendre cette rage comme une envie de liberté, le président Chadli Benjedid se tourne vers les intégristes et cède à leurs demandes, dans l'espoir - illusoire - d'acheter la paix sociale. Après avoir voté un code de la famille qui ramène la femme algérienne au statut de mineure, on passe une loi rendant le sport facultatif pour les écolières... au nom de la pudeur. Le Front islamique du salut (FIS) est conforté. Il monte inexorablement.

La suite est connue. Après un premier scrutin municipal permettant au FIS de détenir la moitié des mairies, les intégristes remportent le premier tour des élections législatives de décembre 1991. Ils s'apprêtent à tenir leur promesse : "Interdire les partis laïques ou socialistes" et "appliquer la charia". L'armée annule le processus électoral. Les islamistes basculent dans la guérilla, l'armée dans la sale guerre... Pris en étau, les intellectuels, les artistes, les laïcs se font tirer comme des lapins et vivent dans la terreur.

Djemila Benhabib se souvient du 25 mars 1994, dernier jour de l'ultimatum du GIA "ordonnant aux femmes de porter le hidjab" : "Quitter la maison devenait une expédition. A chaque recoin, la mort guettait les têtes nues." Des filles ayant osé sortir sans voile sont assassinées sur le chemin de l'école ou de l'université. La famille Benhabib reçoit des menaces quotidiennes. Il est temps de s'exiler. Mais le cauchemar n'est pas terminé.

En Europe, les Algériens laïques retrouvent leurs bourreaux. Les islamistes pourchassés par l'armée n'ont eu aucun mal à obtenir le statut de réfugiés. Les ambassadeurs des Frères musulmans monopolisent les médias et vantent le choix du voile. Dans certains quartiers de France, la "réforme" fondamentaliste voulue par Hassan Al-Banna et le FIS parvient à faire passer les musulmans modernes ou non pratiquants pour des traîtres "occidentalisés".

Djemila Benhabib ne supporte plus de voir leur propagande tolérée au nom du multiculturalisme. Son livre est un avertissement : "Toute indulgence envers cette idéologie de mort n'est pas seulement une grave erreur de principe, c'est une trahison."

Caroline Fourest
dans le Monde du 23/10/2009

 

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27 octobre 2009 2 27 /10 /octobre /2009 03:36


Ecole : après le chien, l’argent ! 
http://goudouly.over-blog.com/article-ecole---apres-le-chien--l-argent----37423286.html

par Jacky Dahomay

Sur ContreInfo

Que la république française ait du mal à son école, voilà ce que nous, enseignants ou éducateurs de toutes sortes, savons depuis longtemps. Mais ce qui demeure vraiment stupéfiant, c’est l’ensemble des réponses concrètes que le gouvernement actuel prétend donner à la crise de l’instruction publique. Alors que l’an dernier, le gendarme et le chien, après le prêtre, étaient censés remplacer l’autorité du maître dans la classe, aujourd’hui, un Haut commissaire aux Solidarités actives et à la Jeunesse, avec la collaboration du Recteur de l’Académie de Créteil, propose, afin de lutter contre l’absentéisme des élèves, d’agiter l’appât du gain grâce à la création d’une « cagnotte » initiale de 2000 Euros par classe susceptible de prospérer grâce à un « contrat » établi entre professeurs et élèves.

Par Jacky Dahomay,

Professeur de philosophie à la Guadeloupe,

12 octobre 2009


Que la république française ait du mal à son école, voilà ce que nous, enseignants ou éducateurs de toutes sortes, savons depuis longtemps. Mais ce qui demeure vraiment stupéfiant, c’est l’ensemble des réponses concrètes que le gouvernement actuel prétend donner à la crise de l’instruction publique. Alors que l’an dernier, le gendarme et le chien, après le prêtre, étaient censés remplacer l’autorité du maître dans la classe, aujourd’hui, un Haut commissaire aux Solidarités actives et à la Jeunesse, avec la collaboration du Recteur de l’Académie de Créteil, propose, afin de lutter contre l’absentéisme des élèves, d’agiter l’appât du gain grâce à la création d’une « cagnotte » initiale de 2000 Euros par classe susceptible de prospérer grâce à un « contrat » établi entre professeurs et élèves.

Même si le Haut commissaire, Martin Hirsch, précise que « ce n’est pas une carotte individuelle », n’empêche qu’il s’agit tout de même d’une « carotte » introduisant d’une part, une concurrence malvenue entre les classes et, d’autre part, au sein d’une même classe, un type de rapport inédit entre élèves et on est en droit de se demander si cela peut contribuer à l’élévation des lycéens à la transcendance des savoir et de certaines vertus publiques. En résumé, « carotte », « 2000 euros », « concurrence », « contrat », « prospérer » tout cela gravite autour d’une seule idée : pour que les élèves soient plus assidus en classe, la seule solution serait de les « intéresser ».

Et pourquoi pas ? dira-t-on. Les Anglo-saxons ne sont-ils par moins frileux que nous sur ces questions ? Ainsi, en 1987, un milliardaire newyorkais, John Napoléon La Corte, a osé proposer mille dollars à toute jeune fille acceptant de rester vierge jusqu’à l’âge de dix-neuf ans ! Qui dit mieux ? Peut-on donc se contenter d’être une « belle âme » pédagogique dans ces temps de crise forte de la transmission ? Doit-on lésiner sur les moyens ? Ne peut-on pas utiliser les passions des hommes pour les faire évoluer ? Ce que nous montre Hegel d’ailleurs avec sa célèbre théorie de la « ruse de la raison » : la raison utilise les passions des hommes pour arriver à ses fins comme le conducteur de la charrette utilise la carotte pour faire avancer l’âne, lequel ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Voilà une belle image qui nourrira sans doute l’hégélianisme simplifié de certains conseillers du président de la république. Si le taux d’absentéisme est si élevé chez les élèves des lycées professionnels, c’est qu’ils ne sont intéressés ni par l’apprentissage ni par la vertu des savoirs. Il faut les y amener donc grâce à une valeur qui leur parle, qui est quantifiable, qui peut servir d’équivalent universel : l’argent et tout ce qu’il permet. Puisque toutes les autres valeurs collectives sont de peu de poids, la seule valeur donc qui reste et qui peut intéresser nos élèves c’est l’argent. Et si vous voulez un peu de valeurs transcendantes, le prêtre dans la classe, affirme le président Sarkozy dont peut saluer ici la cohérence, est mieux placé que l’enseignant.

De ce fait, tout tourne donc autour de la notion d’intérêt. La Chose publique que doit viser l’école républicaine, est-ce un bien public, de nature transcendante ou un intérêt public pensé dans l’immanence comme concordance des intérêts particuliers pouvant s’exprimer dans la notion de « contrat » ? Des « bons points » d’autrefois à la cagnotte d’aujourd’hui, il y a un glissement significatif de même que des prix de la distribution des prix (qui n’exprimaient pas une valeur marchande) aux billets pour les matches de football qu’un proviseur vient de promettre aux classes les plus méritantes. Les premiers n’ont aucune valeur fiduciaire (relevant d’un contrat monétaire) ni aucune valeur scripturale (ne pouvant être convertis en chiffres). C’est dire donc que leur valeur était purement symbolique. On a donc évolué, dans l’école, vers la domination d’un autre type de valeur, essentiellement quantifiable, dont le représentant est l’argent avec en plus un « contrat » de type fiduciaire c’est-à-dire de nature monétaire. Autrement dit, pour intéresser nos élèves à l’école il faudrait leur inoculer aujourd’hui ce que Marx, dans le Capital, nomme une « morale d’épicier ». Triste époque, avouons-le !

Toutefois, cela n’est que le résultat d’une longue évolution par laquelle le bien public a été de plus en plus pensé en termes d’intérêts, selon l’évolution du capitalisme lui-même, le paradigme de la marchandise et de l’économie prenant le pas sur toutes les autres valeurs collectives permettant de tisser le lien social et d’assurer le devoir de transmission. Cela a été bien décrit par Christian Laval dans son livre L’homme économique (Gallimard). Selon cet auteur, le triomphe du néolibéralisme actuel est à chercher dans cette longue évolution des mentalités. L’école, de ce fait, n’a pour souci que de former des homo oeconomicus selon le modèle du consommateur. S’il ne reste plus de valeurs collectives fortes, pouvant faire autorité, reste à combiner habilement la logique des intérêts avec celle de la répression. La carotte et le bâton. Selon une dialectique obscure, sans doute héritée d’un empirisme sensualiste à la Condillac, le bâton se fait chair en la personne du chien. Celui-ci, en remplaçant la matraque, se fait sujet. A l’inverse, avec la carotte, des classes entières revêtent une peau d’âne. Grosse confusion ontologique qui ne peut que pourrir une école qui s’était voulue républicaine et émancipatrice pourtant.

Que faire alors ? Car pour le vieux professeur républicain que je suis, le maître n’a pas à intéresser l’élève à ce qui l’intéresse déjà mais à ce qui ne l’intéresse pas a priori et de ses intérêts subjectifs à l’ordre transcendant du savoir auquel il doit accéder, il ne peut y avoir continuité mais rupture et toute la liberté est dans cette rupture. Que faire ? Est-ce un « lyannaj » [1] (pour reprendre l’expression guadeloupéenne devenue célèbre) de tous les partisans de l’école républicaine ? Oui mais que sont les républicains devenus ?

J’ai écouté avec un vif intérêt cette émission de Finklierkraut, Répliques, sur les ondes de France culture, du 26 septembre dernier. Etaient invités le philosophe Alain Renaut qui vient de publier Pour un humanisme de la diversité (Flammarion) et Malika Sorel, républicaine convaincue, auteure de Le puzzle de l’intégration (Mille et une nuit). Cette dernière a bien réaffirmé, contre le premier, la nécessité de valeurs collectives fortes que la France aurait abandonnées. Française d’origine algérienne, Malika Sorel raconte comment à l’étranger, en Algérie notamment, on se moque de cette France ridicule qui n’arrive pas à contrôler ses jeunes. Ces propos, apparemment plein de bon sens, ont fait plaisir à beaucoup de gens, en France, en Algérie sans doute. Presque tout le monde serait d’accord et, pourquoi pas, Ben Laden aussi.

Or, c’est précisément ce républicanisme franchouillard, communautariste, nationaliste qu’il faut dépasser si on veut refonder l’école républicaine. Un communautarisme fort peut bien assurer le dressage des jeunes. Et on aura l’ordre mais sans la liberté. Car celle-ci est bien déracinement de ma communauté mais qui me permet un dialogue fructueux avec ma propre tradition culturelle. Sur ce point, Alain Renaut a raison. Car on peut penser que ces mouvements transcendantaux d’arrachement à soi vers le savoir, la liberté et l’ouverture à l’autre, dans leur réciprocité enseignée aux élèves, devraient être toute la culture de l’école. Certes celle-ci peut faire référence aux œuvres de la culture traditionnelle, mais elle ne s’y réduit pas. Il n’y a qu’un certain républicanisme français à réduire l’universalisme à la particularité nationale. A vrai dire, il y a un double refoulé de celui-ci : 1) la question sociale et 2) la diversité culturelle. Il n’y a de jeunes de banlieues que parce qu’il y a eu une mise au ban de la société de ces jeunes. Et ils se sentent exclus des valeurs collectives précisément parce que celles-ci manquent d’ouverture sur l’universel.

Il s’agit donc aujourd’hui, pour tous ceux qui ont à cœur de renouveler la raison républicaine contre le rationalisme instrumental dominant avec le néolibéralisme, d’opérer une véritable critique, au sens kantien du terme, de la raison républicaine au lieu de réactiver un républicanisme nationaliste obsolète dont l’universalisme s’est perverti en fermeture à l’autre. Pour parodier donc le divin marquis de Sade, qui s’y connaissait en matière de perversion, disons tout simplement : « Français, encore un effort si vous voulez vraiment être universalistes ». Notre école y gagnerait beaucoup.

Article communiqué par David Dahomay

[1] Mot créole dérivé de liane, signifiant collectif, entraide, rendu célèbre par le LKP, acronyme de « Lyannaj Kont Pwofitasyon » c’est-à-dire Lianage contre la profitation

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21 octobre 2009 3 21 /10 /octobre /2009 03:49



Le Honduras : Vers les profondeurs d’une révolution originale
http://goudouly.over-blog.com/article-le-honduras---vers-les-profondeurs-d-une-revolution-originale-37213401.html

par Narciso Isa Conde


Comment expliquer trois mois de mobilisation populaire continue, massive et auto-soutenue dans une société si appauvrie comme celle du Honduras ?

Comment expliquer ce phénomène politico-social sans précédent, même dans un continent avec tant d’expériences formidables et tant de luttes héroïques ?

Une histoire tragique et un commencement interrompu d’un nouvel avenir

Le peuple hondurien - victime des sévérités et des tragédies provoquées par les abus impériaux et oligarchiques propres du type de domination exercée dans toutes les “républiques bananières” de l’Amérique centrale, fouetté pendant des décennies par un généralat criminel issu de l’École de l’Amérique, pillé par les mafias politiques et le patronat des temps néolibéraux et de la postmodernité - a commencé à avancer petit à petit, jusqu’au coup fatidique du passé 28 juin, forgé dans la base étasunienne de Soto Cano/ Palmerola et assumé par les coupoles bureaucratiques, technocratiques, militaires, policières et sociales de ce pays frère.

Cette marche différente, temporairement frustrée, a commencé avec le triomphe électoral précaire de Manuel Zelaya (Mel), l’un des peu leaders libéraux ayant survécu au neo-conservatisme qui s’est emparé du Parti Libéral jusqu’à ressembler au Parti National (le parti conservateur).

Mel a précisément amorcé la différence qu’une partie de la société hondurienne désirait obtenir sous la stimulation d’un continent ébranlé par la quatrième vague révolutionnaire des dernières soixante années.

Une vague réellement dynamique et touchante, capable de commencer des processus transformateurs avec peu de forces d’avant-garde (au style classique) et même avec de faibles, précaires et presque inexistants contingents politiques révolutionnaires.

Capable de redonner de l’actualité aux révolutions apparemment décédées et de placer au centre du débat des alternatives au néolibéralisme appauvrissant et qui dénationalise. Cette nouvelle modalité du capitalisme qui surgie de sa crise structurale de la fin du XXe siècle et avec assez de pouvoir destructif pour submerger l’humanité dans la pire période de son histoire pour assurer la pérennité de son existence, situation qui s’aggrave comme l’illustre le déchaînement de la présente méga-crise de la civilisation bourgeoise.

De cette réalité - après des profonds reflux politiques et des résistances sociales prolongées- les nouvelles offensives transformatrices des peuples de notre Amérique ont poussé. Elles se sont glissées par les interstices du système dominant, en le perforant, en lui faisant des fissures, en ouvrant des creux et en abattant certains de ces murs et ces piliers.

Au Honduras, situé justement entre deux produits de la nouvelle vague (la nouvelle ascension du FSLN au gouvernement et le triomphe électoral du FMLN), placé dans le cœur d’un continent en effervescence et en lutte pour une nouvelle démocratie et une vraie indépendance, la petite fissure que le gouvernement façonné par Manuel Zelaya a impliquée n’a pas tardé à être agrandie par l’impact des vents encourageants provenant du Sud.

Peu à peu, Mel a été sensibilisé par la nécessité de gouverner autrement. Peu à peu il a dirigé son regard vers la Venezuela, vers l’Équateur, vers la Bolivie, vers le Brésil, vers l’Uruguay, vers le Nicaragua, vers El Salvador … et “il a coupé les yeux” aux faucons de Washington et aux régimes de droite de la Colombie, du Mexique, du Pérou, du Panama et du Costa Rica.

Il a tourné son visage vers l’Aube [NDT : Alba en espagnol]…
Il a pensé à la gloire de revendiquer les relations avec une Cuba révolutionnaire très maltraitée par ses prédécesseurs.
Il a vu l’avantage de PETROCARIBE et les programmes de santé cubains et vénézuéliens.

Il a senti le pouvoir unificateur et revendicatif du nouveau bolivarisme et il s’est rappelé des idéaux de Morazán, piétinés par le camp traitre et parricide de l’Amérique Centrale.

Il a avancé doucement depuis la solitude de son précaire pouvoir institutionnel, mais il a avancé à contre-courant en détachant la colère des cerbères de sa patrie et de leurs tuteurs avec siège en Soto Cano et à Washington.

Il a perdu des appuis traditionnels et il a commencé à gagner des sympathisants dans les mouvements sociaux et des secteurs politiques, que bien que méfiants des candidats issus du bipartisme réellement funeste, ils ont commencé à apprécier sa sincérité et à évaluer positivement les risques qu’il prenait.

La grande séparation s’est ainsi initiée, accélérée par le sujet de la consultation populaire pour l’Assemblée Constituante. Mel a senti et a souffert de la rigueur de la vieille camisole de force constitutionnelle, et il s’est décidé à contribuer à la déchirer, pour enlever ce poids au souffrant peuple hondurien.

De cette façon, il a menacé de démonter sérieusement l’échafaudage d’institutions décadentes et il a ouvert le débat autour de la permanence ou non d’un système politique et des institutions faites à la mesure de la classe perverse dominante -gouvernante hondurienne.

Il a mis sur la table la question de surpasser la pseudo-démocratie existante et d’ouvrir les vannes de la création et du développement d’une nouvelle démocratie, d’une démocratie participative.

Il s’est situé de cette façon dans le tourbillon de la contradiction fondamentale à une échelle continentale : un status quo vs une autodétermination nationale et une participation populaire ; cela au milieu de l’explosion de la grande crise du capitalisme étasunien et mondial, et de l’actuelle situation révolutionnaire continentale.


Des réformes qui génèrent des contre-réformes
Des réformes qui agitent des révolutions.
Des révolutions qui motivent des contre-révolutions féroces.

Une époque de contre-réformes et de réformes, et des révolutions et de contre-révolutions “sui generis”.
Des confrontations socialement profondes au-delà de ses formes atténuées initiales.

Des temps dans lesquels le désir réprimé de changement politique des peuples s’exprime dans tous les plans : à la surface, à ciel ouvert, mais aussi sous terre, dans le sous-sol des sociétés ; dans les places et les urnes, dans des champs et les villes, à l’intérieur et l’extérieur des institutions établies, à l’intérieur et l’extérieur du système de partis. Et avec puissances et modalités qui semblent plus réversibles.


Le coup a précipité la rébellion obligée et nécessaire

Au Honduras ce changement, désiré et contenu par des décennies, venait lentement ; mais il venait … jusqu’à ce que ceux de là-haut (de l’extérieur et de l’intérieur) qui n’ont pas voulu risquer d’attendre des décisions de moyen terme optent pour le coup de griffe immédiat.

Un coup de griffe conjuré, qui dans ses tragiques conséquences temporelles, a eu la vertu de tout radicaliser et de sortir tout le bon et le mauvais à fleur de peau : la domination et la résistance, le mensonge et la vérité, l’oppression et la nécessité de changements ; en transformant ce pays de l’Amérique centrale dans un pays ingouvernable à partir de ce pouvoir engendré par ce fait de force, et en générant parallèlement de nouveaux originaux flux révolutionnaires venant des gens d’en bas.

Le coup a mis en évidence toute la méchanceté du pouvoir établi et toutes les vertus du peuple en lutte.

Un coup de griffe néfaste dictatorial, que loin de diminuer avec le temps son intensité brutale, augmente chaque jour dans tous les plans comme une forme de survie forcée.

Une prometteuse résistance populaire qui n’arrête pas de grandir dans toutes les directions, qui assume comme question de vie ou de mort pour la société et son développement, l’échec total du régime putschiste.

La dictature devient de plus en plus dure, tandis que la mobilisation et la protestation populaire ne cessent pas de s’exprimer avec des modalités de plus en plus fortes, permanentes et répandues.


Deux pouvoirs s’affrontent dans un conflit crucial

Deux pouvoirs dans une bagarre décisive et franche.

L’un représenté par des institutions corrompues, des mécanismes répressifs, des entreprises et des richesses de plus en plus éloignées de la société, de plus en plus illégitimes, de plus en plus affaiblies.

L’autre dans les rues, les champs, les places et les chemins, désarmé mais levé et prête à tout ce qui permette son émancipation. Des mouvements sociaux récréés et fortifiés horizontalement, des courants politiques révolutionnaires surgis apparemment de rien ou du peu qui s’est cumulé dans le mauvais temps, le peuple appauvri mais capable de générer une rébellion créatrice ; en innovant dans les sujets et les acteurs politiques, sociaux et culturels capables de remplir vite le déficit et les vacuités paralysées.

D’un côté : le gouvernement putschiste, l’oligarchie vorace, les mafias politiques, le généralat corrompu, les nouveaux riches, les corporations transnationales, les hiérarchies ecclésiastiques ultraconservatrices, les enclaves militaires impérialistes et le bipartisme pervers manipulant ses clientèles politiques décimées.

De l’autre : le Front de la Résistance contre le Coup et tout son extraordinaire éventail social et politique : les travailleurs et travailleuses du champ et de la ville, les sans travail, les couches moyennes progressistes, les églises de base, les peuples originaires, les femmes exclues, la jeunesse en rébellion, le nouvelle et vielle gauche, les peuples originaires, le nègre et le mulâtre discriminé.

La grande pauvreté contre la grande bourgeoisie, l’honnêteté contre la corruption, la justice contre l’oppression.

D’un côté : l’usurpateur du Congrès, le meneur des « gorilettis » et des « pinochettis », expression de l’illégalité, de l’illégitimité et de la brutalité.

De l’autre : le président légal et de plus en plus soutenu, le président Manuel Zelaya, entouré de sympathie et du peuple et rempli de légitimité depuis son séjour temporel dans l’Ambassade du Brésil.

Deux pouvoirs diamétralement distincts et face à face.

L’un qui assume passionnément la contre-réforme, la recolonisation et la contre-révolution, et l’autre qui impulse avec vigueur les réformes faisant chemin vers la révolution et la libération de la grande patrie.

Dans un seul jeu, il y a la vie de l’ultra-réaction politique et sociale comme facteur dominant et l’existence du peuple comme être politique et social en liberté ; il y la continuité de la colonisation ou la souveraineté revêtue de vert/espoir.

Ceux d’en haut s’accrochent à leur décadent pouvoir, majoritairement contesté, en semant à droite et gauche du néofascisme, un défaitisme de la pire espèce et une culture de la mort.

Les gens d’en bas savent déjà que vaincre est indispensable pour éviter une longue nuit de terreur dramatique et une plus grande misère, pour vivre en liberté bientôt et certainement, en dignité et souverainement.

Vu tout ce qui est devant et derrière les putschistes, les battre est de faire pratiquement une révolution démocratique et de reconquérir l’indépendance médiatisée et piétinée.


La contradiction à rouge vif : un point chaud et décisif dans un continent changeant
Le coup au Honduras est partie d’une contre-offensive impérialiste, oligarque, bipartiste et mafieuse qui inclut aussi l’installation des cinq nouvelles bases militaires étasuniennes en Colombie et les divers plans de déstabilisation des gouvernements révolutionnaires et progressistes de la région ; particulièrement ces machinations dirigées contre les processus vénézuélien, équatorien et bolivien en Amérique du Sud, contre le virement progressiste au Honduras, au Nicaragua et El Salvador en Amérique centrale, et contre la présence hautaine du Cuba révolutionnaire dans les Caraïbes insulaire.

Les deux points aigus de la contre-offensive réactionnaire sont inséparables et les deux monstres de la politique impériale - l’Hondurien destiné à stimuler l’escalade putschiste, déstabilisatrice tout le long et le large de notre Amérique et le Colombien (un narco-état para-terroriste) devenu plate-forme d’agression militaire impérialiste et l’Israël du continent pour la conquête de la région amazonienne et de son expansion au Caraïbe - doivent être battus pour ne pas reculer. Ce sont les points les plus chauds et décisifs dans le contexte de la nouvelle vague de changements et de la confrontation en marche, il ne doit donc pas avoir des excuses pour confluer et pour être profondément solidaires avec les forces adversaires, insurgés et non insurgés, radicales et modestes, des sociétés honduriennes et colombiennes.

Le retour audacieux de Mel à Tegucigalpa met au rouge vif la contradiction dans ce point névralgique de la confrontation, après avoir promu la détermination populaire d’arracher de racine le régime putschiste.

Nous sommes témoins du râle de l’un des monstres surgis de cette contre-offensive impérialiste-oligarchique, surtout si l’ascension de l’offensive populaire continue. L’ « état de siège » pour 45 jours de plus est un clair - bien que cruel - signe de sa profonde faiblesse et son énorme désespoir.

Les putschistes sont traqués et en chemin à collapser. Le peuple ne lui donne pas, ni doit lui donner, aucune trêve. Il est trop conscient de l’occasion historique qu’il a pour balayer ce piteux obstacle à la nécessaire et aspirée révolution démocratique de Morazán.

Le peuple hondurien, sans nécessité de le proclamer (bien que l’on commence à parler déjà de cette possibilité), marche vers les profondeurs d’une révolution singulièrement hérétique (comme le sont toutes les révolutions vraiment) ; difficile, bien que pas totalement impossible de médiatiser.

La conscience collective de cette réalité et l’assomption par le peuple hondurien du sens crucial de l’actuelle confrontation, explique son engagement, sa persistance, sa bravoure originale et inégalable, sa capacité d’avancer progressivement et de mettre en scène une insurrection permanente sans les armes, l’assomption que continuer à avancer ainsi pourrait asphyxier le vieux régime et mettre au monde la demandé restitution du président Zelaya ; dans les conditions dans lesquelles ce peuple héroïque ne peut plus être simplement satisfait avec une démocratie représentative traditionnelle, mais principalement avec des changements sociaux en profondeur, avec une réelle révolution politique et sociale, avec une démocratie participative et intégrale.

Dans un moment si difficile comme beau pour le peuple hondurien viennent à ma mémoire les mots savants du professeur Juan Bosch dans les premiers moments du soulèvement civique - militaire du peuple dominicain contre le régime putschiste du Triumvirat en avril 1965 ; ce message émotif depuis le Puerto Rico dans ces heures stellaires du contrecoup populaire, dans lequel, entre autres idées, il a affirmé sans hésitation depuis le plus profond de son cœur quelque chose du style : "à un peuple qui a lutté avec tant d’héroïsme comme le Dominicain il faut lui donner beaucoup plus que la liberté”.

Il fallait certainement lui garantir l’émancipation sociale et le pouvoir populaire, ce qui dans le cas dominicain a été empêché par l’invasion de 42 000 soldats d’infanterie navale étasunienne.

Parions et contribuons maintenant pour que le Honduras d’aujourd’hui et dans l’actuelle Amérique, la révolution politico-sociale, la nouvelle démocratie et le nouveau socialisme puissent avancer !



Narciso Isa Conde


Source : Rebelión Hacia las honduras de una revolución original
Traduction : Angela Randazzo

jeudi 8 octobre 2009, par Primitivi

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19 octobre 2009 1 19 /10 /octobre /2009 03:47

Ce n’est pas la démographie des pauvres mais la consommation des super-riches qui menace la planète
http://goudouly.over-blog.com/article-37172261.html

par George Monbiot

Sur

George Monbiot charge sabre au clair contre ceux qui affirment que la menace environnementale majeure serait la démographie des pays pauvres. « Ce n’est pas un hasard si la plupart de ceux qui sont obsédés par la croissance de la population mondiale sont de riches hommes blancs, trop âgés pour se reproduire : il s’agit de la seule question environnementale dont ils ne peuvent être tenus responsables, » écrit-il. Le véritable problème n’est pas celui de la démographie mais de la consommation excessive des pays riches, dont les hyper-fortunés donnent une image caricaturale, argumente Monbiot.


par George Monbiot, The Guardian, le 28 septembre 2009


Ce n’est pas un hasard si la plupart de ceux qui sont obsédés par la croissance de la population mondiale sont de riches hommes blancs, trop âgés pour se reproduire : il s’agit de la seule question environnementale dont ils ne peuvent être tenus responsables. Le brillant scientifique spécialiste des systèmes de la Terre James Lovelock a ainsi affirmé le mois dernier que « ceux qui ne parviennent pas à comprendre que la croissance démographique et le changement climatique sont les deux faces de la même pièce de monnaie sont soit ignorants, soit refusent de voir la vérité. Ces deux énormes problèmes environnementaux sont inséparables et il est irrationnel de discuter de l’un tout en ignorant l’autre. » Mais en l’occurrence, c’est Lovelock qui se montre ignorant et irrationnel.

Une étude publiée hier dans le journal Environment and Urbanization montre que les régions où la population a augmenté le plus rapidement sont celles où les émissions de dioxyde de carbone se sont élevées le plus lentement, et inversement. De 1980 à 2005, l’Afrique sub-saharienne est à l’origine de 18,5 % de la croissance de la population mondiale et seulement de 2,4 % de l’augmentation des émissions de CO2. L’Amérique du Nord ne représente que 4 % des nouvelles naissances, mais 14 % des émissions supplémentaires. Soixante-trois pourcent de la croissance démographique mondiale a lieu dans des régions où les émissions de CO2 sont très basses.

Mais ces faits bruts ne décrivent pas entièrement la situation. Cette étude indique que le sixième de la population mondiale est si pauvre que ses émissions ne sont absolument pas significatives. Tout en étant le groupe dont la croissance est apparemment la plus élevée. Les ménages en Inde qui gagnent moins de 3000 roupies par mois (43 € - 66 CHF) consomment par tête un cinquième de l’électricité et un septième du carburant utilisés par un ménage ayant un revenu de 30 000 roupies ou plus. Ceux qui dorment dans la rue ne consomment presque rien. Ceux qui vivent en fouillant les ordures (une part importante des citadins déshérités) ont le plus souvent un solde négatif d’émission de gaz à effet de serre.

De plus, une bonne part des émissions pour lesquelles les pays pauvres sont tenus responsables devraient en toute justice être attribuée aux nations développées. Par exemple, les torchères des compagnies pétrolières exportatrices du Nigéria ont produit plus de gaz à effet de serre que toutes les autres sources de l’Afrique sub-saharienne réunies. La déforestation dans les pays pauvres est principalement causée par l’exploitation commerciale du bois, de la viande et des aliments pour animaux destinés aux consommateurs des pays riches. Les paysans pauvres font bien moins de dégâts.

David Satterthwaite, l’auteur de cette étude, souligne que la vieille formule enseignée aux étudiants en développement, selon laquelle l’impact total (sur l’environnement) est égal à la population multipliée par la richesse et la technologie (I=PRT) est fausse. L’impact total doit être mesuré ainsi : Consommateurs x Richesse x Technologie. La majorité de la population mondiale consomme si peu qu’elle ne figure même pas dans cette équation. Et c’est elle qui a le plus d’enfants.

Alors qu’il n’y a qu’une très faible corrélation entre réchauffement global et croissance démographique, il y a par contre une forte corrélation entre réchauffement global et richesse. J’ai récemment jeté un coup d’œil sur quelques super-yachts, du style de ceux auxquels sont habitués les ministres travaillistes. J’ai d’abord parcouru les spécifications du Royal Falcon Fleet’s RFF 135, mais lorsque j’ai découvert qu’il ne consommait que 750 l. de fioul par heure, j’ai réalisé que ça n’allait pas impressionner Lord Mandelson. L’Overmarine Mangusta 105, qui pompe ses 850 l. à l’heure ne surprendrait guère à Brighton. Mais le rafiot qui a vraiment retenu mon attention est construit par Wally Yachts à Monaco. Le WallyPower 118 (qui confère aux imbéciles finis un sentiment de puissance [ En argot anglais, wally signifie imbécile - ndt ] ) consomme 3 400 l. à l’heure lorsqu’il file à 60 nœuds. Ce n’est pas loin d’un litre par seconde. Ou mesuré autrement, 31 litres au kilomètre.

Bien sûr, pour faire un vrai tabac, je devrais m’offrir du tek et des accessoires en acajou de mahogany, y ajouter quelques jet skis, ainsi qu’un mini sous-marin, transporter mes invités au port en jet privé et en hélicoptère, leur offrir des sushis de thon rouge et du caviar beluga, et pousser le monstre si rapidement que je hacherais menu au moins la moitié des espèces méditerranéennes. En tant que propriétaire d’un de ces yachts, je provoquerais plus de dégât à la biosphère en 10 minutes que la plupart des Africains ne peuvent le faire au long de toute une vie. Là ça chauffe vraiment, bébé...

L’une de mes relations qui fréquente les gens très riches me dit que dans la banlieue des banquiers, la lower Thames valley, certaines piscines extérieures sont chauffées à une température suffisante pour s’y baigner toute l’année. Les propriétaires adorent plonger dans leur piscine durant les nuits d’hiver et regarder les étoiles. Le chauffage leur coûte 3200 € (4 900 CHF) par mois. Cent mille personnes vivant comme ces banquiers épuiseraient les écosystèmes indispensables à la vie plus rapidement que 10 milliards de personnes vivant comme les paysans africains. Mais au moins, les hyper-nantis ont l’exquise attitude de ne pas se reproduire beaucoup, ainsi les vieux riches qui dénoncent la croissance démographique les laissent tranquilles.

En mai, le Sunday Times publiait un article titré : « Un club de milliardaires annonce qu’il veut réduire la surpopulation. » Il révélait que « plusieurs éminents milliardaires américains se sont rencontrés secrètement » afin de décider quelle bonne cause ils devraient défendre. « Un consensus a émergé, consistant à soutenir une stratégie s’attaquant à la croissance démographique, dénoncée en tant que menace environnementale, sociale et industrielle potentiellement désastreuse. » En d’autres termes, les ultra-riches ont décidé que ce sont les très pauvres qui polluent la planète. On peine à trouver une métaphore. C’est au-delà de la caricature.

James Lovelock, comme Sir David Attenborough et Jonathan Porritt, est l’un des soutiens du Optimum Population Trust. Ce n’est qu’une des campagnes et des organisations caritatives parmi des douzaines dont le seul but est de décourager les gens d’avoir des enfants au nom du sauvetage de la biosphère. Mais je n’ai pas réussi à trouver une seule fondation dont le seul objectif soit de s’occuper des impacts sur l’environnement des très riches.

Les tatillons pourraient argumenter que ceux qui procréent rapidement aujourd’hui pourraient s’enrichir dans le futur. Mais, alors que les hyper-nantis s’approprient une part toujours croissante et que les ressources commencent à se tarir, cette perspective, pour la plupart des très pauvres, est de plus en plus illusoire. Il y a de fortes raisons sociales pour aider les peuples à maîtriser leur démographie, mais pas du point de vue environnemental - sauf pour les populations plus aisées.

L’Optimum Population Trust ignore le fait que le monde se dirige vers une transition démographique : le taux de croissance ralentit presque partout, et selon un article publié par Nature, la population va vraisemblablement atteindre un pic au cours de ce siècle, probablement à 10 milliards. La majeure partie de cette croissance aura lieu dans des populations qui ne consomment presque rien.

Mais personne ne prévoit une évolution de la consommation. Les gens ont moins d’enfants à mesure qu’ils s’enrichissent, mais ils ne consomment pas moins - ils consomment plus. Comme le montre le mode de vie des super-riches, il n’y a pas de limite à la recherche du luxe chez l’homme. On peut s’attendre à ce que la consommation se développe parallèlement à la croissance économique jusqu’à ce que les compteurs de la biosphère atteignent la butée. Quiconque comprend cela et considère néanmoins que la population, et non pas la consommation, pose le principal problème « ne veut pas », selon les mots de Lovelock, « voir la vérité ». C’est la pire forme de paternalisme, qui accuse les pauvres des dégâts occasionnés par les riches.

Où sont donc les mouvements manifestant contre ceux qui sont pourris de fric et détruisent nos écosystèmes ? Où sont les actions menées contre les super-yachts et les jets privés ? Où donc est la Lutte de Classes quand on en a besoin ?

C’est le moment d’avoir les tripes d’appeler un chat un chat. Ce n’est pas le sexe le problème, c’est l’argent. Ce ne sont pas les pauvres le problème, ce sont les riches.


Publication originale The Guardian, traduction aimablement communiquée par Igor Milhit
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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 03:41


Le crépuscule du dollar

http://goudouly.over-blog.com/article-37171935.htmlpar Robert Fisk

Sur Contre Info

Le grand reporter Robert Fisk, correspondant de The Independent au Moyen Orient depuis de nombreuses années, fait état de réunions « secrètes » rassemblant les pays du Golfe, les BRIC, le Japon - mais aussi la France, selon lui - afin de définir un nouveau système de facturation pétrolière abandonnant le dollar comme monnaie de référence. Publié hier, cet article a provoqué une certaine nervosité sur les marchés des changes et de l’or, bien que de nombreuses informations reprises ici soient déjà du domaine public. Si la date limite prévue pour la mise en œuvre de cette nouvelle règle du jeu pétrolière est encore éloignée de neuf ans - autant dire une éternité pour les marchés spéculatifs - ces informations viennent cependant renforcer un sentiment général largement partagé. Le mouvement de dédollarisation, que tous les pays frappés par la crise financière « Made in USA » considèrent désormais comme une protection indispensable, est bel et bien engagé. Et les USA vont voir se déliter peu à peu l’ « exorbitant privilège » qui leur permettait de régler leurs déficits sans autre contrepartie que du papier vert.


Par Robert Fisk, The Independent, 6 octobre 2009


Les pays Arabes du Golfe Persique planifient - avec la Chine, la Russie, le Japon et la France - de mettre fin à la facturation du pétrole en dollars, et vont utiliser à la place un panier de monnaies, dont le yen japonais et le yuan chinois, l’euro, l’or et la nouvelle devise commune que doivent adopter les nations appartenant au Conseil de Coopération du Golfe, incluant l’Arabie Saoudite, Abu Dhabi, le Koweït et le Qatar. C’est là un tournant majeur sur le plan financier pour le Moyen Orient.

Des réunions secrètes ont déjà eu lieu, auxquelles participaient les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales de Russie, de Chine, du Japon et du Brésil, afin d’élaborer ce projet qui aura pour conséquence que le cours du pétrole ne sera plus exprimé en dollars.

Ces plans, confirmés à The Independent par des sources des milieux bancaires du Golfe et de Hong Kong, pourraient expliquer la hausse soudaine du cours de l’or, mais ils annoncent également une transformation en profondeur sur le marché du dollar dans les neuf ans à venir.

Les Américains, qui savent que des réunions ont eu lieu - bien qu’ils n’aient pas encore appris les détails - vont sûrement lutter contre ces manoeuvres internationales auxquelles participent des alliés jusque-là fidèles comme le Japon et les pays Arabes du Golfe. Parallèlement à ces rencontres, Sun Bigan, l’ancien envoyé spécial chinois au Moyen-Orient, a mis en garde contre le risque d’aggraver les différends entre la Chine et les Etats-Unis dans leur lutte d’influence pour le pétrole du Moyen-Orient. Les « querelles bilatérales et les affrontements sont inévitables », a-t-il déclaré à la Asia and Africa Review. « Nous ne pouvons pas relâcher notre vigilance sur [l’apparition d’une] hostilité au Moyen-Orient au sujet des intérêts énergétiques et de la sécurité. »

Cela sonne comme une dangereuse prédiction d’une guerre économique à venir opposant les USA et la Chine pour le pétrole du Moyen-Orient - qui une fois encore transformerait les conflits régionaux en une bataille pour la suprématie entre grandes puissances. La Chine utilise progressivement plus de pétrole que les États-Unis parce que sa croissance est moins économe en énergie. La devise de transition pouvant être utilisée durant cet abandon du dollar, selon des sources bancaires chinoises, pourrait être l’or. Une indication des montants énormes impliqués est fournie par le total des réserves détenues par Abou Dhabi, l’Arabie saoudite, le Koweït et le Qatar, estimées à 2 100 milliards de dollars.

Le déclin de la puissance économique américaine résultant de la récession mondiale actuelle a été implicitement reconnu par le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick. « L’un des héritages de cette crise pourrait être la prise de conscience que les relations de pouvoir économique ont changé », a-t-il déclaré à Istanbul, avant la tenue cette semaine des réunions du FMI et la Banque Mondiale. Mais c’est l’extraordinaire nouvelle puissance financière de la Chine - alliée au ressentiment des pays producteurs et consommateurs de pétrole contre la puissance d’intervention de l’Amérique dans le système financier international - qui a motivé ces dernières discussions impliquant les Etats du Golfe.

Le Brésil a manifesté son intérêt pour participer à ces règlements de pétrole hors dollar, ainsi que l’Inde. De fait, la Chine semble être la plus enthousiaste parmi toutes les puissances financières impliquées, notamment en raison de ses énormes échanges avec le Moyen-Orient.

La Chine importe 60 pour cent de son pétrole, dont une majeure partie en provenance du Moyen-Orient et de la Russie. Les Chinois ont des concessions de production pétrolière en Irak - qui sont bloquées par les États-Unis jusqu’à cette année - et depuis 2008 ont signé un accord de 8 milliards de dollars avec l’Iran pour développer les capacités de raffinage et les ressources gazières. La Chine a également conclu des accords pétroliers au Soudan (où elle s’est substituée à des intérêts américains) et a négocié des concessions pétrolières avec la Libye, où tous les contrats de ce type prennent la forme de coentreprises (joint-ventures).

En outre, les exportations chinoises vers la région représentent désormais pas moins de 10 pour cent du total des importations des pays du Moyen-Orient. Elles concernent un large éventail de produits, allant des voitures aux systèmes d’armes, l’alimentation, les vêtements, et même des poupées. Confirmant la puissance financière croissante de la Chine, le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, a demandé hier à Pékin de laisser le yuan s’apprécier par rapport à un dollar dont le cours est à la baisse - ce qui par voie de conséquence desserrerait la dépendance de la Chine envers la politique monétaire américaine - afin d’aider à rééquilibrer l’économie mondiale et d’alléger la pression à la hausse sur l’euro.

Depuis les accords de Bretton Woods - qui furent signés après la Seconde Guerre mondiale et avaient défini l’architecture du système international financier moderne - les partenaires commerciaux de l’Amérique ont dû faire face aux conséquences de la prééminence de Washington et plus récemment à l’hégémonie acquise par le dollar, qui sert de principale monnaie de réserve mondiale.

Les Chinois pensent que les Américains ont persuadé la Grande-Bretagne de rester en dehors de l’euro afin d’éviter un mouvement plus précoce de désaffection par rapport au dollar. Des sources chinoises du secteur bancaire indiquent que les discussions sont allées trop loin pour être désormais bloquées. « Les russes finiront par introduire le rouble dans ce panier de devises », nous a déclaré un important courtier de Hong Kong. « Les Britanniques sont coincés entre les deux, et ils entreront dans la zone euro. Ils n’ont pas le choix car il ne leur sera pas possible d’utiliser le dollar américain. »

Nos sources chinoises dans la finance estiment que le président Barack Obama est trop mobilisé par le redressement de l’économie américaine pour pouvoir se préoccuper des conséquences considérables qu’aura l’abandon du dollar dans neuf ans. La date limite pour la transition entre les devises a été fixée à 2018.

Les États-Unis ont brièvement abordé cette question au sommet du G20 à Pittsburgh. Le gouverneur de la Banque Centrale de Chine et d’autres officiels ont manifesté à voix haute leurs inquiétudes sur le dollar depuis des années. Leur problème est qu’une grande partie de leur richesse nationale est conservée sous forme d’avoirs libellés en dollars.

« Ces plans vont changer la face des transactions financières internationales », déclare un banquier chinois. « L’Amérique et la Grande-Bretagne doivent être très inquiètes. Vous comprendrez à quel point ils sont préoccupés en entendant le tonnerre de dénégations que cette information va provoquer. »

L’Iran a annoncé le mois dernier que ses réserves de devises étrangères seraient désormais conservées en euros plutôt qu’en dollars. A coup sûr, les banquiers se souviennent de ce qui est arrivé au dernier pays producteur de pétrole du Moyen-Orient qui ait décidé de vendre son pétrole en euros plutôt qu’en dollars. Quelques mois après que Saddam Hussein eut claironné sa décision, les Américains et les Britanniques ont envahi l’Irak.


Publication originale The Independent, traduction Contre Info
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17 octobre 2009 6 17 /10 /octobre /2009 03:36
Dé-dollarisation du pétrole : un bouleversement financier aux conséquences géopolitiques considérables

par Robert Fisk

Sur ContreInfo


Malgré les démentis, la perspective d’un abandon du dollar dans les marchés pétroliers du Golfe revêt une importance considérable, estime Robert Fisk. Elle traduit non seulement le ressentiment croissant de la région à l’égard de la superpuissance américaine déclinante, mais aussi la prise en compte par les pétro-Etats du nouveau rapport de force naissant, où la Chine jouera un rôle de premier plan.


Par Robert Fisk, The Independent, 7 octobre 2009


Le plan de dé-dollarisation du marché pétrolier discuté en public et en secret pendant au moins deux ans et largement démenti hier par les suspects habituels - en tête desquels l’Arabie saoudite comme on pouvait s’y attendre - reflète le ressentiment croissant au Moyen-Orient, en Europe et en Chine envers des décennies de domination politique et économique américaine.

Nulle part ailleurs au monde, cette décision ne revêt une importance symbolique plus grande qu’au Moyen-Orient, où les Émirats Arabes Unis détiennent à eux seuls 900 milliards de dollars en réserve de devises et où l’Arabie saoudite a discrètement coordonné avec les Russes sa défense, ses armements et ses politiques pétrolières depuis 2007.

Cela n’indique pas le début d’une guerre commerciale avec les USA - pas encore - mais les régimes arabes du Golfe sont de plus en plus rétifs vis-à-vis de leur dépendance économique et politique à Washington depuis de nombreuses années. Sur les 7 200 milliards de dollars de réserves internationales, 2 100 milliards sont détenus par les pays arabes, et environ 2 300 milliards par la Chine. Les nations intéressées à l’abandon du dollar dans le commerce pétrolier sont présumées détenir plus de 80% des réserves internationales en dollars.

Les démentis de l’Arabie saoudite ont été considérés par les banquiers arabes comme relevant des us et coutumes politiques du Golfe. Les Saoudiens avaient persisté à nier que l’Irak ait envahi le Koweït en 1990 - alors même que les légions de Saddam Hussein se tenaient à la frontière saoudienne, jusqu’à ce que les États-Unis diffusent dans le monde entier l’information de l’agression irakienne.

Les banquiers saoudiens sont bien conscients que d’ici à neuf ans - le délai de transition prévu pour l’abandon du dollar dans le commerce du pétrole au profit des devises japonaise et chinoise, de l’euro, l’or et d’une éventuelle nouvelle monnaie du Golfe - La Chine aura doublé son PIB, pour atteindre les 10 000 milliards de dollars (en supposant un taux de croissance de 7%), et que les États-Unis pourraient alors ne plus peser que 20% du PIB mondial.

Des changements aussi radicaux dans l’économie et la finance, encouragés par la dé-dollarisation du pétrole, auront d’énormes répercussions politiques au Moyen-Orient, en particulier si la rivalité des superpuissances économiques américaine et chinoise en vient devient prédominante pour le monde arabe. Le soutien économique apporté à Israël par les USA sera-t-il encore aussi loyal dans neuf ans si la Chine et les pays Arabes sont devenus les forces motrices dans les marchés financiers mondiaux ? De fait - ayant peut-être cela en tête - certains financiers israéliens ont témoigné au cours des deux dernières années leur intérêt pour des investissements non libellés en dollars dans des banques arabes. Chaque fois qu’un changement de cette ampleur se déroule sur plusieurs années, il doit être amorcé en secret.

On ne peut nier que ce projet de négoce pétrolier hors du dollar ait de profonds motifs politiques. L’effondrement de l’Union soviétique a permis aux États-Unis de dominer le Moyen-Orient, plus que toute autre région du monde, et les Arabes - qui ne peuvent plus envisager un boycott pétrolier du type de celui qu’ils imposèrent à l’occident après la guerre de 1973 au Moyen-Orient - sont toujours désireux de prouver qu’ils peuvent utiliser leur pouvoir économique pour impulser des changements.

L’offre faite par l’Arabie Saoudite et la Ligue Arabe de reconnaître Israël et son besoin de sécurité en échange d’un retrait israélien des territoires arabes occupés n’a pas - d’après les Saoudiens eux-mêmes - une durée de validité indéterminée. Si elle est ignorée ou repoussée, ils peuvent alors rechercher d’autres alliés, par le biais de nouvelles institutions financières, pour imposer la naissance d’un nouveau Moyen-Orient. La Chine sera heureuse de les y aider.


Publication originale The Independent, traduction Contre Info
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