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19 juillet 2008 6 19 /07 /juillet /2008 03:36
Référendum en Irlande - Le "non" passe en tête. Et alors ?

L’Union européenne   la soumettre ou la démettre

 Christophe Ventura (Politis, 3-9 juillet 2008, n 1009)

 

L’Union européenne  UE)  persiste  et  signe.  Elle  se  fera  contre  les  peuples.  Et  désormais,  sa stratégie à moyen terme est fixée. Si le traité « n’entrera pas en vigueur au 1er  janvier 2009 », Nicolas  Sarkozy1 a  néanmoins  dévoilé,  vendredi  20  juin,  les  réponses  de  l’UE  au  « Non » irlandais.

Non renégociation, contre l’avis écrasant des électeurs du « Non » en Irlande, du traité - « une renégociation du traité est exclue. On ne va pas refaire un traité simplifié bis  …). Le traité de Lisbonne existe.» - et poursuite du processus de ratification dans tous les Etats membres dans le cadre du calendrier initial  avant juin 2009). 

 

C’est dans ce cadre, juridiquement irrégulier et politiquement sourd à toute intrusion réelle de la voix des peuples dans la construction européenne, que Nicolas Sarkozy a affirmé, les yeux dans les yeux, que « le Non irlandais est une réalité politique qu’il faut respecter ».  La  voix  des  élites  a  parlé.  Dans  un  contexte   toutes  les  études  de  sciences  sociales  et politiques  dévoilent  que  les  peuples  européens    -  en  particulier  leurs  classes  populaires  -, « acceptent »  la  construction  européenne  plus  qu’ils  n’y  « adhèrent »,  le  vote  du  12  juin indique,  malgré  plusieurs  facteurs  spécifiques,  un tronc  commun avec  le  « Non » français  et néerlandais de 2005. 

 

On  peut  au  moins  identifier  deux  éléments  partagés.  Tout  d’abord,  l’Union  européenne  est assimilée  à  une  machine  infernale  dont  la  fonction  est  la  destruction  des  modèles  sociaux nationaux  et  leur  mise  en  concurrence.  Peut-être  plus  que  la  conscience  d’un  engagement contre  un  modèle  -  le  néolibéralisme  en  tant  que  tel  -,  les  votes  indiquent  une  aspiration  à défendre des droits dans des situations vécues et concrètes.

D’autre  part,  ce  phénomène  se  conjugue  à  l’attachement  à  l’appartenance  nationale,  ce  qui explique, dans le champ politique, le poids, dans les secteurs progressistes et conservateurs  y compris nationalistes), des formations et des courants qui défendent, à travers des conceptions très opposées, les principes de souveraineté.

 

Comment, dans ces conditions, et sur la base d’une recherche de construction d’alliances avec les peuples, faire de l’Europe un véritable « partenariat entre les Etats et les peuples »2  dont la  vie  démocratique  se  déroule,  encore,  dans  le  cadre  stato-national ?  Comment  soumettre l’Union européenne, avant de la démettre si sa remise à plat s’avère impossible ?

 

C’est aujourd’hui cette question qu’il nous faut poser et formuler - dans son intégralité - dans le débat public avec lucidité et responsabilité. Un nouveau débat émerge au sein des fronts qui ont  constitué,  en France  comme  ailleurs,  les coalitions  du « Non » aux traités  de  cette  Union européenne  anti-démocratique  et  anti-sociale.  Processus  constituant  au  niveau  des  27  avec élection d’une assemblée européenne spécifique - ou mandat donné au Parlement européen en 2009  -  et  référendum  dans  tous  les  pays ?  Organisation  par  l’ensemble  des  Parlements nationaux de grands débats nationaux sur un nouveau texte fondateur ? Solutions combinées ? 

Quels  objectifs ?  Construction  d’une  Europe  sociale  et  démocratique  dans  le  cadre  des « libertés fondamentales »  c’est-à-dire néolibérales) des traités et du marché unique européen ?  Construction de  nouveaux espaces  de  coopération entre  pays,  travaillant  à  leur  unité,  dans une Europe à géométrie variable et sans suprématie des règles du marché unique ?

 

Que  ce  débat  soit  mené  sans  restrictions,  dans  les  associations,  syndicats,  et  partis.  Ces derniers  affronteront  de  nouveaux  les  électeurs  en  2009,  puis  en  2012.  Mère  de  toutes  les batailles, la question européenne continuera désormais de surplomber toutes les autres. Ainsi, le nécessaire développement de mobilisations sociales à l’échelle nationale et européenne doit nourrir  la  construction,  dans  nos  cadres  nationaux,  d’une  gauche  radicale  de  gouvernement3 capable d’assumer le dépassement de l’Europe réellement existante.

 

Qu’il  soit  permis  à  l’auteur  d’indiquer  une  intuition. Une  autre  Europe  possible  ne  pourra  se construire  dans  le  cadre  juridique  et  politique  de  l’Union  européenne.  C’est  à  une Confédération  des  Etats  d’Europe  qu’il  faut  s’atteler  avec  le  maximum  de  politiques communes, le cas échéant dans des configurations à géométrie variable.

 

 

1

Les citations de Nicolas Sar ozy sont tirées de la conférence de presse que le chef de l’Etat, en sa qualité de président en exercice du Conseil européen, a donné à la fin de la réunion du Conseil à Bruxelles : http://www.elysee.fr/webtv/index.php?intChannelId=13&intVideoId=609

2

 Expression de Mary Lou McDonald, députée européenne irlandaise et membre du Sinn Féin  composante de la coalition du « Non ») dans L’Humanité dimanche, n°116, 19-25 juin 2008.

3

L’association Mémoire des luttes et la revue internationale Utopie critique travaillent à l’élaboration d’un Manifeste pour un socialisme du 21è siècle  http://www.medelu.org/ et http://utopie-critique.fr).

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18 juillet 2008 5 18 /07 /juillet /2008 03:46
Afrique : le rapport de Christiane Taubira embarrasse l'Elysée

Par Ludovic Lamant

Mediapart.fr

 

 

C'est un rapport que Nicolas Sarkozy regrette sans doute déjà d'avoir commandé. Dès le départ, la mission confiée à Christiane Taubira en avril dernier semblait périlleuse : définir la position française à l'égard des négociations de libre-échange menées depuis plus de cinq ans, dans un climat électrique, entre la Commission européenne et les 76 pays dits ACP, ces anciennes colonies pour la plupart, d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, qui comptent parmi les Etats les plus pauvres au monde.

 

Remis en toute discrétion le 15 juin au soir à l'Elysée, dans une première version électronique, le rapport sur ces très controversés Accords de partenariat économique (APE) n'a toujours pas obtenu le feu vert présidentiel en vue d'une publication. L'exécutif aurait demandé à la députée de Guyane de revoir sa copie. Pour l'instant, en vain. Contacté à maintes reprises par Mediapart, l'Elysée reste silencieux. Alors que la France s'apprête à prendre les rênes de l'Union européenne pour six mois, l'affaire pourrait prendre de l'ampleur.

 

 

En vert, les pays membres de l'Union européenne. En orange, les pays ACP signataires des Accords de Cotonou.
En jaune, les non-signataires. Source : La Documentation française, 2007.

 

Que dit ce document de 191 pages, téléchargeable en intégralité ici, malicieusement sous-titré «Et si la politique se mêlait enfin des affaires du monde» ? D'une tonalité plus politique que technique, il opère de fait un virage marqué de la position française, reprenant à son compte bon nombre de critiques et d'exigences des ONG qui, du coup, se frottent les mains.

 

En vrac, Christiane Taubira propose de redéfinir intégralement le mandat confié à la Commission dans le cadre de ces négociations, de placer le développement au cœur des APE, de revoir le calendrier et l'ampleur des secteurs en passe d'être libéralisés et même, au passage, d'annuler la dette extérieure des pays les plus pauvres. Bref, l'ancienne candidate à l'élection présidentielle pour le Parti radical de gauche, à grand renfort de citations, ici d'Amartya Sen, là de Victor Hugo, propose ni plus ni moins qu'un grand chambardement.

 

De Lomé à Cotonou

 

Pour comprendre le rapport Taubira, il faut remonter à Cotonou. Signés en juin 2000, ces accords de partenariat marquent une rupture en matière de partenariat entre l'Union et les ACP. Auparavant, les conventions de Lomé défendaient un principe simple : puisque les deux zones, l'une au Nord, l'autre au Sud, n'en sont pas au même stade de développement, elles ne peuvent avoir les mêmes obligations économiques.

 

Ce système de «préférences non réciproques» a permis à de nombreux produits venus des ACP d'entrer sur le marché européen avec des droits de douane bien plus faibles que ceux acquittés par d'autres pays en développement. Permettant, par exemple, aux bananes du Cameroun de faire jeu égal, sur les marchés européens, avec celles d'Amérique centrale, pourtant beaucoup plus compétitives.

 

Ces façons de faire, c'était prévisible, ont déclenché l'ire de l'OMC. Au fil des ans, au nom de la sacro-sainte concurrence pure et parfaite, l'institution, poussée par de nouveaux géants du Sud comme le Brésil, a défendu une autre approche des choses. Un «système de préférences généralisées» : d'accord pour des régimes tarifaires préférentiels, à condition qu'ils profitent à l'ensemble des pays en développement, ACP ou pas ACP.

 

L'une des raisons d'être des Accords de Cotonou était d'apporter une réponse à la grogne de l'OMC. S'ouvrent donc, en 2002, des négociations entre la Commission européenne et les pays ACP visant à libéraliser davantage leurs économies. Au 31 décembre 2007, date butoir fixée par l'OMC pour régler ce différend, le bilan est pratiquement catastrophique pour l'Union. Sur les 76 pays ACP en discussion, 41 ont opposé un refus catégorique à ces projets.

 

Parmi les 35 autres, la situation est pour le moins contrastée : les 14 pays de la région Caraïbes ont conclu des Accords de partenariat économique «complets», qui concernent l'ensemble de l'économie, des biens aux services, passant par les investissements. Les autres (21), comme la Côte d'Ivoire ou le Nigeria, se sont contentés d'accords intérimaires et limités, à la construction juridique douteuse, signés dans la précipitation des toutes dernières semaines. Pour le moment, rien n'a été définitivement entériné.

UE-ACP : un double désaccord

 

Bruxelles n'a pas démissionné pour autant. Nouveau calendrier avancé : octobre 2009, date de la fin du mandat de l'actuelle Commission Barroso. Exactement comme pour le dossier de la Politique agricole commune (PAC), la présidence française de l'UE, à partir du 1er juillet, intervient donc à un moment crucial.

 

Avec, dans la ligne de mire, le grand raout organisé les 20 et 21 octobre à Paris, consacré aux migrations et au développement. D'ici là, Paris dispose d'une fenêtre d'opportunité pour faire avancer le dossier, et inciter la Commission à plus de souplesse. Seul hic : le rapport Taubira, qui devait préparer le terrain, ne semble pas tout à fait correspondre aux premières volontés de l'exécutif français... La députée, qui avait refusé d'entrer dans le gouvernement Fillon, n'a pas hésité, dans son élan, à s'attaquer à d'autres maux du continent africain, quitte, diront certains, à frôler le «hors sujet» : annulation de la dette, fonds vautours...

 

 

USAID.jpg

 

Repicage du riz au Mali (source : Usaid). Les paysans africains pourraient être les premiers touchés
par une libéralisation très rapide des échanges.

 

Les desseins bruxellois sont à peu près connus. La Commission veut, d'ici un an, des accords «complets» (portant non seulement sur les marchandises, mais aussi sur les biens et services), «régionaux» (au niveau de l'Afrique de l'Ouest, de l'Est, etc.) et «réciproques» (les pays ACP doivent à leur tour accepter de laisser les importations européennes sans droits de douane). D'après l'exécutif européen, les difficultés des derniers mois sont avant tout liées à des problèmes de compréhension et de pédagogie...

 

Pourtant, en l'état, deux désaccords de fond entre Bruxelles et les pays ACP interdisent tout espoir d'avancée. Le premier est affaire de jurisprudence. Conformément à l'article 24 du Gatt, «l'essentiel des échanges» doit être libéralisé «dans un délai raisonnable». Cette exigence extrêmement vague de l'OMC fait l'objet d'une myriade d'interprétations, que la Commission estime avoir tranchées pour de bon. Pour «l'essentiel des échanges», il faut comprendre 90% – ce qui donne un marché européen ouvert à 100% et des marchés ACP ouverts à 80%. Pour le «délai raisonnable», Bruxelles fixe la date butoir à 2020. La plupart des pays africains, évidemment, crient au scandale et rejettent cette interprétation pour le moins partiale.

 

L'autre difficulté est d'ordre budgétaire. Les Etats africains savent que la suppression des revenus douaniers prévue dans le cadre de ces accords de libre-échange entraînerait une forte baisse de leurs entrées budgétaires. «Après suppression des recettes fiscales douanières qui constituent parfois près de 40% des ressources budgétaires des Etats, les APE vont procéder durablement sinon définitivement au désarmement des Etats et à l'institution de leur impuissance en tant que puissance publique», prévient Christiane Taubira dans son rapport.

 

Vers des APE «au service du développement» ?

 

C'est bien là l'inquiétude : si ces APE ne devraient pas changer grand-chose aux équilibres de l'économie européenne, ils pourraient en revanche aggraver un peu plus la situation de nombreux pays africains. Non seulement parce que leurs recettes budgétaires diminueront fortement, mais aussi parce que les producteurs locaux, exposés à de nouveaux concurrents, pourraient être rapidement évincés du marché...

 

D'autant que, comme le rappelle Christiane Taubira, les obstacles au libre accès des produits africains en Europe n'auront pas tout à fait disparu dans les faits : «Les barrières non tarifaires, telles que les normes sanitaires, phytosanitaires et autre standards sur lesquels les ACP n'ont ni moyens ni pouvoirs de contrôle, faute de laboratoires agréés par l'Union européenne, constituent des remparts bien plus efficaces que les tarifs douaniers.»

 

Face à ces profonds désaccords, que prône le rapport Taubira ? Au-delà d'une quinzaine de préconisations, dont l'avenir est loin d'être assuré (lire sous notre onglet Prolonger), la députée revient longuement sur les ambiguïtés des APE et la difficile cohabitation entre logiques économiques et politiques de développement.

 

 

USAID.jpg

Dans une coopérative en Guinée (Source Usaid).

 

Au fil des ans, afin d'arrondir les angles, le commissaire européen au Développement Louis Michel s'est en effet impliqué dans le projet. Les APE sont ainsi devenus des accords de partenariat économiques «au service du développement», sans doute pour mieux faire passer la pilule auprès des populations africaines. Mais le changement est, pour l'heure, purement rhétorique, tant Peter Mandelson, commissaire au Commerce, continue de dominer les débats. Catégorique, il persiste depuis des mois : «Il s'agit d'accords de commerce, pas du volet commerce dans des Accords.»

 

L'avis de Taubira : «Il convient donc, à l'échelon politique, de dire clairement si les APE s'inscrivent dans l'Accord de Cotonou, si l'Accord de Cotonou reste l'engagement réciproque de l'Union européenne et des pays ACP, ou s'il s'agit (...) d'abandonner le développement comme un dangereux mirage et d'inviter les pays ACP à se jeter dans la grande kermesse du libre commerce.»

 

C'est à coup sûr le premier mérite du rapport Taubira : relancer ce débat autour du développement et de la coopération économique envers l'Afrique, à la veille de six mois de présidence française de l'Union.

 



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17 juillet 2008 4 17 /07 /juillet /2008 03:24
Écologie en temps de guerre.
Quand les États-Unis luttaient contre le gaspillage des ressources
Par
FABRIQUE DES IDEES.

« Notre mode de vie n’est pas négociable » a déclaré G. W. Bush. Pourtant, pendant la Seconde guerre mondiale, les citoyens américains ont renoncé un moment à la culture de la consommation et du gaspillage. 11 juin 2008

Aux États-Unis, les générations actuelles sont-elles équipées pour répondre au défi homérique que représente le réchauffement climatique ? Si les grands médias glosent à longueur de page sur les « crédits de carbone », les « voitures hybrides » et l’« urbanisme intelligent », il n’en reste pas moins que notre empreinte écologique ne cesse d’augmenter. À titre d’exemple, la maison américaine typique est aujourd’hui 40 % plus grande qu’il y a vingt-cinq ans, alors même que la taille de chaque foyer s’est réduite. Dans le même temps, les mammouths du genre 4x4 (qui représentent 50 % des voitures particulières) ont envahi les autoroutes, tandis que la taille des surfaces commerciales par habitant - un moyen indirect, mais fiable, de mesurer l’augmentation de la consommation - a quadruplé.

Autrement dit, nous sommes trop nombreux à parler d’écologie tout en conservant un mode de vie surdimensionné – donnant ainsi du grain à moudre aux conservateurs qui multiplient les tribunes fustigeant cyniquement les factures d’électricité d’Al Gore. Nous sommes désespérément drogués aux énergies fossiles, au shopping compulsif, à l’expansion suburbaine et au régime carnivore. Les Américains pourront-ils jamais renoncer volontairement à leurs 4x4, à leurs hamburgers, à leurs énormes manoirs de banlieue et à leurs sacro-saintes pelouses ? Surprise : la bonne nouvelle nous vient du passé. Dans les années 1940, les Américains combattaient simultanément le fascisme à l’étranger et le gaspillage chez eux. Mes parents, leurs voisins, et des millions d’autres Américains laissaient la voiture au garage pour se rendre au travail à vélo, retournaient leur pelouse pour planter des choux, recyclaient les tubes de dentifrice et l’huile de cuisson, prêtaient bénévolement leurs services aux crèches et aux centres de l’United Service Organization [1], offraient le gîte et le couvert à des inconnus, et s’efforçaient consciencieusement de réduire leur consommation et d’éviter le gaspillage inutile. La Seconde Guerre mondiale donna ainsi lieu à la plus grande expérience d’écologie populaire de l’histoire des États-Unis. Lessing Rosenwald, le directeur du Bureau pour la conservation des matériaux industriels, exhortait ses compatriotes « à passer d’une économie de gaspillage – et on connaît les habitudes de ce pays en matière de gaspillage – à une économie de préservation. » Une majorité de civils répondit à l’appel, certains à contrecoeur, beaucoup avec enthousiasme.

Le symbole le plus célèbre de ce nouvel état d’esprit était les « jardins de la victoire ». Initialement encouragés par l’administration Wilson pour lutter contre la pénurie alimentaire pendant la Première Guerre mondiale, les jardins potagers communautaires ou familiaux sont réapparus au début du New Deal et furent alors élevés au rang de stratégie de subsistance pour les chômeurs. Au lendemain de Pearl Harbor, l’enthousiasme populaire fit céder les résistances des fonctionnaires du ministère de l’Agriculture et fit des « jardins de la victoire » le dispositif central de la campagne nationale « Food Fights for Freedom ».


Dès 1943, haricots et carottes poussaient sur la pelouse de la Maison-Blanche et, à l’instar de la Première Dame Eleanor Roosevelt, près de 20 millions de « jardiniers de la victoire » assuraient 30 % à 40 % de la production nationale de légumes – permettant en retour aux fermiers de nourrir la Grande-Bretagne et la Russie. Dans The Garden Is Political, un recueil de poèmes populaires publié en 1942, John Malcolm Brinnin saluait ces « mètres carrés d’internationalisme » surgissant dans les villes américaines. Même si les jardins de la banlieue et de la campagne étaient plus étendus et souvent plus productifs, certains des horticulteurs les plus enthousiastes étaient les enfants des centres-villes, reconvertis en paysans urbains fiers de leur capacité d’autosubsistance. Dans les grands centres industriels du pays, avec l’aide des boy-scouts, des syndicats et des centres sociaux, des milliers de sinistres terrains vagues couverts d’ordure furent transformés en jardins communautaires. À Chicago, 400 000 écoliers s’engagèrent dans la campagne « Clean Up for Victory », destinée à récupérer de la ferraille pour l’industrie et à nettoyer des parcelles pour les transformer en jardins.


Au-delà de la nécessité de répondre aux besoins alimentaires, cette horticulture de guerre contribua aussi à nourrir un imaginaire spontané d’autosuffisance et d’écologie urbaine, même si le concept n’existait pas à l’époque. À Los Angeles, la culture des fleurs (« indispensable au moral des citoyens ») fut inclue dans le programme « Clean-Paint-Plant », visant à transformer les terrain vagues de la cité. À Brooklyn, le personnel du Jardin botanique municipal enseigna les principes du jardinage aux enseignants de la ville et à des milliers d’élèves enthousiastes.


La guerre eut aussi pour effet d’affaiblir considérablement, au moins pour un temps, le règne de l’automobile, symbole du mode vie américain. Les chaînes d’assemblage de Detroit furent reconverties pour construire des tanks Sherman et des bombardiers B-24 Liberator. L’essence était rationnée ainsi que le caoutchouc, à la suite de l’occupation de la Malaisie par les Japonais. (Le directeur du Bureau américain du caoutchouc était chargé de collecter les pneus usés pour les usines, où ils étaient réutilisés pour les tanks et les camions.) Quand, en raison du rationnement et du trafic, le réseau des tramways et des bus du pays parvint à saturation, il devint urgent d’inciter les travailleurs au covoiturage ou d’adopter des modes de transports alternatifs. Si les grands centres de production militaires surpeuplés comme Detroit, San Diego et Washington, n’atteignirent jamais l’objectif de 3,5 personnes par voiture, ils réussirent toutefois à doubler le taux d’occupation des véhicules grâce à la mise en place d’impressionnants réseaux de ramassage et de co-voiturage impliquant voisins et collègues de travail. Le co-voiturage fut aussi encouragé par des réductions de prix sur l’essence, des amendes salées pour les amateurs de balades automobiles en solitaire et des slogans agressifs, comme celui de l’affiche qui proclamait : « Quand vous conduisez SEUL, vous conduisez avec Hitler ! »


Même l’autostop devint une forme tout à fait officielle de co-voiturage. Les automobilistes étaient encouragés à embarquer les travailleurs attendant leur bus et les soldats en permission. Dans le Colorado, le Parti républicain fit le voeu d’économiser le caoutchouc en demandant à tous ses candidats aux élections de 1944 de se rendre en stop aux meetings de campagne. À Hollywood, une starlette en shorts ultra-courts reçut les félicitations de la presse pour avoir pris en stop un soldat abandonné sur le bas-côté. Emily Post, la grande prêtresse des bonnes manières de l’époque, voyait d’un mauvais œil ce genre de sociabilité routière et suggérait à ses lectrices de faire preuve de retenue : il était ainsi « malvenu de lever le pouce pour faire du stop » ; les femmes devaient plutôt « bien mettre en évidence leur badge militaire ». À quoi elle ajoutait que « ces trajets ne sont pas des lieux de rencontre et qu’il n’est pas nécessaire d’engager la conversation », même si nombre de baby boomers doivent sans doute leur existence à ce « co-voiturage de guerre ».


L’un des grands films de l’année 1942 fut La Splendeur des Amberson d’Orson Welles, une chronique sociale pessimiste qui décrit comment le capitalisme moderne et l’automobile ont détruit le petit monde tranquille de la fin du XIXe siècle, avec ses pittoresques voitures à cheval. Et pourtant, c’est une partie de cet univers, traction équestre incluse, qui fut alors ressuscité sous les auspices de l’austérité en temps de guerre. À la grande joie des enfants et des personnes âgées frappées de nostalgie, les épiceries et les entreprises de livraison pallièrent la pénurie de caoutchouc en harnachant leur vieux canasson à une carriole. En mai 1942, le New York Times rapportait que les habitants des banlieues chics du Connecticut et de Long Island commençaient à transformer leurs chevaux de selle en bêtes de trait : « les fabricants de harnais font d’excellentes affaires et les voitures à cheval sortent des remises où elles étaient reléguées. »


Mieux encore, on assista au retour triomphal de la bicyclette – grande tocade nationale des années 1890 –, en partie grâce à l’exemple amplement diffusé de la Grande-Bretagne, où plus d’un quart de la population se rendait alors au travail en vélo. Moins de deux mois après Pearl Harbor, une nouvelle arme secrète, le « vélo de la victoire » – un engin en ferraille équipé de pneus en caoutchouc de récupération – faisait son apparition à la une des journaux et dans les actualités cinématographiques. Dans le même temps, des centaines de milliers de travailleurs réquisitionnaient les vélos de leurs enfants pour leur déplacement quotidien à l’usine ou au bureau, et des dizaines de municipalités organisèrent des parades cyclistes et autres « journées du vélo » pour promouvoir la supériorité patriotique du Schwinn sur la Chevrolet. À défaut d’automobile, les voyages d’agrément motorisés étant prohibés, les familles partaient en balade ou en vacances à vélo. En juin 1942, les autorités du Parc national du Yosemite déclaraient qu’elles n’avaient jamais vu autant de visiteurs en bicyclette. Les fonctionnaires du ministère de la Santé, pour leur part, ne cachaient pas leur satisfaction : horticulture et cyclisme favorisaient tous deux la bonne santé et la vigueur physique de la population civile, et on pouvait même espérer qu’ils contribuent à la réduction du nombre de cancers, lequel atteignait déjà un niveau inquiétant à l’époque.


Ce n’était pas seulement les matériaux qui était recyclés, mais aussi les idées. Pendant la guerre, une bonne partie de l’idéalisme des débuts du New Deal ressurgit dans les domaines de la politique du logement, de l’emploi et de l’aide à l’enfance, mais aussi, à la fin du conflit, dans la reconversion civile des industries militaires. Exemple particulièrement intéressant : le mouvement en faveur d’une « consommation rationnelle » parrainé par le Bureau de la Défense civile (OCD), qui encourageait les citoyens à « n’acheter que le nécessaire » et mit en place des centres d’information pour les consommateurs prodiguant des recommandations en matière de nutrition, de conservation des aliments et de réparation des appareils ménagers. Les centres de l’OCD remettaient en question les valeurs les plus sacrées de la consommation de masse – turnover effréné des styles, tyrannie de la mode et de la publicité, obsolescence structurelle des produits, etc. – tout en érigeant la figure de la femme au foyer en « soldat de l’économie » gérant son ménage avec la même frugale efficacité que l’industriel Henry Kaiser ses chantiers navals.


De fait, avec des millions de femmes manipulant des riveteuses et maniant le fer à souder, la division sexuelle des rôles sociaux se voyait de plus en plus contestée. En avril 1942, par exemple, les reporters du New York Times rendirent visite à un village de caravanes installé à proximité d’une usine d’armement du Connecticut. Ils s’attendaient sans doute à y rencontrer de jeunes épouses rêvant de leur pavillon de banlieue et de la cuisine modèle que la Foire internationale de New York de 1939 leur avait promise pour l’après-guerre. Au lieu de quoi, ils tombèrent sur des ouvrières très attachées à leur travail et fort satisfaites d’un logement qui n’exigeait qu’un minimum d’entretien domestique.


À partir de 1942, la convergence entre ce « féminisme de guerre » naissant et l’impératif de préservation commença à bouleverser la mode féminine. Obnubilé par le souci d’économiser la laine, la rayonne, la soie et le coton, l’Office de la Production en Temps de Guerre (WPB) estimait que les mêmes techniques qui avaient révolutionné la production de bombardiers et de cargos militaires – structures simplifiées et standardisation des composants – pouvaient être appliquées à l’industrie textile. Contre toute attente, ce fut l’héritier d’une chaîne de grands magasins, H. Stanley Marcus (de la dynastie Neiman Marcus) qui fut nommé à la tête du département du WPB chargé de la rationalisation du secteur. À ce titre, il mit l’accent sur la préservation et la durabilité – des priorités qui coïncidaient avec les valeurs féministes égalitaires depuis longtemps défendues par la styliste radicale Elizabeth Hawes, dont le livre, Why Women Cry (1943), était un manifeste audacieux contre la dictature de la « mode incommode ».


L’objectif était de créer une « silhouette élancée et allégée », un style plus court, moins corseté et plus standardisé qui laisserait à l’industrie textile plus de temps et d’espace pour fabriquer des uniformes, des tentes et des parachutes. Jupes courtes, salopettes et pantalons devinrent la norme approuvée par le WPB, et les photographes du magazine Life prodiguaient aux troupes basées à l’étranger les images affriolantes d’un authentique zèle patriotique : en tant que contribution à l’effort de guerre, les starlettes coupaient le bas de leur chemise de nuit ou arboraient des pyjamas passablement raccourcis. En mai 1942, les ciseaux de l’austérité vestimentaire promue par le WPB s’en prirent aussi à la mode masculine et supprimèrent les revers de pantalon de laine. Toute cette économie de tissu servit aussitôt à la production de couvertures et autres fournitures militaires dans les quelque cinq cents ateliers de couture mis en place dans tout le pays à la demande du Bureau pour la Conservation des Matériaux industriels. L’impératif de préservation entrait également en contradiction avec la culture du luxe. Malgré les milliards de dollars accumulés grâce à l’industrie de guerre, les grands ploutocrates américains étaient obligés de se montrer nettement plus discrets dans leurs dépenses. Afin de contraindre les entrepreneurs à répondre à la demande de logements bon marché destinés aux travailleurs, le WPB interdit la construction de maisons coûtant plus de 500 dollars (le coût moyen était alors de 3 000 dollars). À la même époque, des milliers de domestiques abandonnèrent les demeures fastueuses de Park Avenue et Beverly Hills pour des emplois mieux payés dans l’industrie militaire, tandis que nombre de ceux qui avaient décidé de rester à leur poste rejoignaient le tout nouveau syndicat des employés de maison affilié à la CIO. Si certains millionnaires se réfugièrent dans leur club pour y pester contre les derniers affronts de Franklin D. Roosevelt, d’autres se résignérent à cette pénurie de domesticité et déménagèrent dans des appartements de taille plus modeste – quoique toujours fort luxueux –, acceptant de céder provisoirement leur gentilhommière aux programmes de logements sociaux à destination des troupes. Ainsi, en juillet 1942, le Chicago Tribune relatait l’histoire typique de sept jeunes sous-officiers de l’US Navy et de leurs épouses, qui se partageaient le manoir d’un vieux « baron voleur » (de nos jours, on appellerait ça du « logement communautaire »).


Cette mobilisation totale fut rebaptisée la « guerre du peuple » et, en dépit des critiques venues des milieux conservateurs, journalistes et visiteurs étrangers tombaient généralement d’accord pour estimer que cette combinaison de crise mondiale, de plein emploi, et d’austérité modérée constituait un excellent stimulant pour le caractère américain – ce que confirment également les recueils de souvenirs de l’époque. Ainsi, par exemple, Samuel Williamson, chroniqueur au New York Times, observa les effets du rationnement et de la restriction du transport automobile sur les familles des banlieues éloignées qui ne pouvaient jouir ni de l’« autosuffisance de la campagne », ni de l’« intégration totale en milieu urbain ». Après une première phase de désarroi et de confusion, Williamson se réjouit de voir les banlieusards enfourcher leurs vélos, raccommoder leurs vêtements, cultiver leur jardin, et consacrer plus de temps à coopérer avec leurs voisins. Sans voiture, les gens se déplaçaient plus lentement, mais semblaient être plus actifs. Comme Welles dans La Splendeur des Amberson, Williamson remarquait qu’en l’espace d’une génération, la vie des Américains avait connu une véritable révolution. Malgré cela, la guerre et l’impératif de préservation faisaient renaître de vieilles valeurs qui semblaient avoir disparu à jamais : « Une de ces valeurs, sans doute, c’est la redécouverte que le domicile familial n’est pas un simple dortoir, mais un lieu de vie en commun. Voilà qui revalorise les relations humaines. »


Ce qui se dessinait à travers les commentaires optimistes de Williamson, c’était un avenir différent pour l’Amérique. Malheureusement, au lendemain de la guerre, cette promesse fut balayée par l’euphorie de l’abondance et la réaction conservatrice contre les réformes économiques et sociales du New Deal. Avec la Guerre froide et la normalisation culturelle des banlieues américaines, il ne subsista pas grand-chose des valeurs et des programmes innovateurs de la « Guerre du peuple ». Et pourtant, quelques générations plus tard, cette brève période qui vit se côtoyer jardiniers de la victoire et allègres auto-stoppeurs demeure une source d’inspiration et un vivier de compétences pour la survie de la planète.


Article initialement paru sous le titre « Home-Front Ecology » dans le Magazine Sierra Club (juillet-août 2007).

Traduction : Hugues Jallon pour Mouvements

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16 juillet 2008 3 16 /07 /juillet /2008 03:24

Digital Art : Women in Art, by Philip Scott Johnson
(Eggman913) 2007



 

La vidéo "Women in Art", réalisée par l'énigmatique créateur Eggman913 dans le Missouri aux Etats-Unis, est une hymne impressionnante consacrée à l'histoire de l'art à travers l'image de la femme. La musique est celle de Yo-Yo Ma jouant la Sarabande de la Suite pour Violoncelle n° 1 de Bach.

Cette vidéo, téléchargée sur de nombreux sites vidéo collaboratifs, a créé une vraie euphorie sur le web. Rien que sur le site YouTube, elle a été visionnée par plus de 5,3 millions visiteurs et elle a suscité plus de 10.000 commentaires endéans 2 mois. Elle est référencée sur des centaines de blogs à travers le monde.

Cette vidéo est un vrai chef d'oeuvre d'art digital sur les plans de la maîtrise technique et de la créativité artistique. Eggma913 a créé d'autres vidéos intéressantes, accessibles sur YouTube, moyennant le logiciel de "morphing" d'images FantaMorph d'Abrosoft.

Les oeuvres d'art utilisées pour la création du film "Women in Art" ont été répertoriées par Boni, instructrice professionnelle au "Fayetteville Technical Community College" sur son site
http://www.maysstuff.com/womenid.htm
dédié aux novices de l'Internet.

Have a look at the paintings exhibited by the american artist Grant Barnhart in the gallery.
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15 juillet 2008 2 15 /07 /juillet /2008 03:27
Les révoltes de la faim, conséquences naturelles de la mondialisation
Par Aurélien Bernier

Dès le XVIIIème et le début du XIXème siècle, les économistes Adam Smith et David Ricardo avaient décrit un phénomène d'une logique imparable : la baisse du prix des denrées alimentaires permet d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés sans avoir à augmenter leurs salaires. Par voie de conséquence, cette baisse est vivement souhaitable pour les propriétaires des grands moyens de production. Règle numéro un du parfait libéral : la nourriture doit être bon marché.


Dans ses travaux, le même Ricardo élabore la théorie des avantages comparatifs, qui conclut à l'intérêt qu'aurait chaque pays à se spécialiser dans les types de production pour lesquels il se montre le plus performant. Peu importe que cette spécialisation rende dépendant d'autres pays producteurs, le libre-échange permet aux marchandises de circuler et aux peuples de satisfaire leurs besoins. Règle numéro deux : il faut renoncer à la souveraineté alimentaire et industrielle pour se convertir au libre-échange.


La stratégie de mondialisation permise par le développement fulgurant des réseaux de transport et de communication n'est jamais que la mise en oeuvre à marche forcée de ces principes par les puissances économiques. Tous les moyens auront été bons pour y parvenir. Le GATT puis l'OMCi propageront le libre-échange un peu partout sur la planète, y compris dans le domaine agricole. Lorsque les négociation patinent à l'OMC, comme c'est le cas depuis quelques années, des accords régionaux ou bilatéraux prennent le relais et appliquent les mêmes recettes. Sans oublier les Plans d'ajustement structurels imposés aux pays emprunteurs du Fonds monétaire international (FMI), qui déclinent encore la doctrine néolibérale. En bout de course, les vrais bénéficiaires de ce libre-échangisme débridé sont les grandes entreprises, qui peuvent profiter des conditions sociales, fiscales et environnementales les plus avantageuses et niveler par le bas les législations grâce à l'argument massue de la concurrence internationale.


De plus, la financiarisation croissante de l'économie démultiplie les conséquences de cette réorganisation. Le pouvoir exorbitant des marchés généralise la spéculation, y compris sur les produits alimentaires. Le « marché mondial » fixe les prix, fonction de l'offre et de la demande... mais aussi (et de plus en plus) des perspectives de rendement financier. Pour s'en convaincre, on peut admirer la transparence de la banque belge KBC qui, pendant les révoltes de la faim, vante les performances d'un produit financier investi dans les matières premières agricolesii.


Ainsi, on comprend mieux comment cette mondialisation qu'on nous prédisait heureuse a pu conduire à la situation de pénurie alimentaire vécue en ce moment même par de nombreux pays. Spéculation provoquant une hausse brutale des prix, répartition totalement inéquitable des richesses, dépendance des pays du Sud vis-à-vis du Nord...voilà les ingrédients de la crise. On peut bien-sûr ajouter un choix technologique désastreux comme celui des agro-carburants, qui confirme l'hérésie du système économique mondial en détruisant des aliments pour produire de l'énergie.


Face à la révolte de populations qui ne parviennent plus à payer leur nourriture, les institutions sont dans l'embarras. Elles accusent la hausse de la population, la croissance de la Chine et de l'Inde ou le changement climatique, et préconisent d'augmenter l'aide alimentaire. Les plus téméraires reconnaissent tout juste des effets pervers dans la stratégie internationale et se souviennent que les subventions des pays riches à leur agriculture provoquent un dumping terrible dont sont victimes les pays en développement. Egale à elle-même, la Banque Mondiale s'oppose à l'arrêt des exportations de produits alimentaires par les Etats les plus touchés par la famine au motif... que cette mesure provoquerait une nouvelle augmentation des cours sur les marchés ! En d'autres termes, pour sortir de la crise, laissons mourir les pauvres.


On applaudira enfin la commissaire européenne à l'agriculture, Mme Mariann Fischer Boel, qui estime que les prix élevés sont « une bonne chose pour les producteurs »iii et qu'un développement plus rapide des organismes génétiquement modifiés (OGM) limiterait la crise. Toutes les démonstrations ont pourtant été faites et maintes fois répétées pour tordre le cou à ce dernier argument. Protégés par brevets et conçus pour une agriculture intensive basée sur la chimie, les OGM sont un désastre de plus pour les pays en développement. Environ 80% des surfaces cultivées dans le monde avec ces variétés sont d'ailleurs destinés à la nourriture du bétail consommé dans les pays riches. Et, à supposer que certains OGM apportent une amélioration en terme de rendement (ce qui reste à prouver), les faits démontrent que les causes de la malnutrition sont bien politiques, et qu'augmenter la production ne modifiera en rien la situation.


Une diversion aussi ridicule n'a visiblement qu'un objectif : celui d'occuper le terrain médiatique. Car, pour les tenants de l'ordre économique international, le risque que les citoyens tirent les véritables conclusions de cette situation est grand. Et ces conclusions sont sans appel. Le libre-échange est un désastre au Sud comme au Nord. Reconstruire la souveraineté alimentaire et industrielle des Etats est la seule voie possible pour sortir d'une logique de concurrence et s'engager dans une logique de coopération et de solidarité. Pour cela, il faut fermer la bourse, contrôler les importations et les investissements, taxer les profits... bref, remettre l'économie sous contrôle politique. Si elle était analysée pour ce qu'elle est, cette crise alimentaire devrait signifier la mort clinique de l'idéologie néolibérale.



iGATT : Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, signé le 30 octobre 1947 pour harmoniser les politiques douanières des parties signataires. Cet accord multilatéral de libre-échange entra en vigueur en janvier 1948 et aboutira en 1994 à la création de l'Organisation Mondial du Commerce (OMC).

iii« Hausse des prix agricoles: bonne chose pour les producteurs », AFP, 18 avril 2008.

 
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14 juillet 2008 1 14 /07 /juillet /2008 03:31





14 juillet en France

 

Le jour du 14 juillet je reste dans mon lit douillet

La musique qui marche au pas, cela ne me regarde pas…

 

21 mai 1880 Benjamin Raspail dépose le 14 juillet sur les fonds législatifs…en commémorant le 14 juillet 1790, car celui de 1789 est jugé trop sanglant.

C’est pourtant la prise de la Bastille et la fin de l’ancien régime qui sont commémoré par la population française. La fête de la Fédération (14 juillet 1790) n’étant de fait que le premier anniversaire de la prise de la Bastille.

 

Nos « élites » savent toujours mieux que quiconque ce qu’il nous faut.

On ne fête pas la prise de la Bastille, mais son ombre.

 

« On » refuse le vote des français sur la question de l’Europe (2005), « on » réalise un holdup parlementaire.

« On » annule le vote populaire irlandais, en poursuivant le processus européen.

« On » n’écoute pas le français et l’européen qui refuse les OGM de manière largement majoritaire (85 et 75 %), « on » les impose.

 

Tout ceci est si simple, si loin de nos préoccupations.

ILS savent mieux que nous. C’est sûr.

 

Prenons nous en charge.
Préparons la suite…

…tout de suite

 

Car si nous ne nous occupons pas de nous, d'autres s'en chargent,

en particulier ce 14 juillet 2008.

 

Dominique



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13 juillet 2008 7 13 /07 /juillet /2008 03:33
Livre - Supercapitalisme

Quand le supercapitalisme menace la démocratie

 

Début 2008 était publié aux éditions Vuibert, dans une excellente traduction et avec un appareil critique complet (index, notes), un livre dont je m’étonne qu’il n’ait pas rencontré plus d’écho. Professeur de politique publique à l’université de Californie à Berkley, ancien secrétaire d’Etat à l’emploi sous la présidence de Bill Clinton, Robert Reich s’attaque pourtant à une question fondamentale. « Et si le capitalisme d’aujourd’hui signait l’arrêt de mort à petit feu de la démocratie ?». A travers six chapitres (l’âge pas tout à fait d’or, le supercapitalisme en gestation, le grand écart, la démocratie malade, la politique détournée de sa vocation, guide du supercapitalisme à l’usage du citoyen) Reich décrit et analyse comment le capitalisme du milieu du XIXe siècle s’est transformé en « capitalisme global » puis en « supercapitalisme ». Mais alors que ce supercapitalisme permet d’agrandir encore le gâteau économique, la démocratie, elle, qui se soucie de l’ensemble des citoyens est, sous son influence, de moins en moins effective.

 

Approximativement entre 1945 et 1975, l’Amérique avait trouvé, selon Reich, un compromis remarquable entre capitalisme et démocratie. Il combinait un système économique très productif et un système politique qui répondait dans une grande mesure aux besoins des citoyens. Cette époque était caractérisée par une production de masse (avec économies d’échelle et entreprises géantes), un partage des profits entre les parties prenantes (entreprise, fournisseurs, distributeurs, salariés), et un gouvernement qui protégeait la capacité de négociation de ces parties prenantes et qui réglementait l’accès aux biens communs (chemins de fer, téléphone, gaz et électricité et plus largement énergie).

 

Depuis la fin des années 1970 un changement fondamental s’est produit dans le capitalisme démocratique américain. Ce changement s’est propagé par ondes successives au reste du monde. La structure de l’économie a évolué vers des marchés infiniment plus concurrentiels. « Le pouvoir est passé aux consommateurs et aux investisseurs ». Les nouvelles technologies, issues de la guerre froides sont à l’origine de ce changement à travers :

 

  • Le développement de la mondialisation avec la création de chaînes d’approvisionnement mondialisées rendues possibles par l’utilisation des conteneurs, tankers et des nouvelles techniques d’informations et de communication). Cela a aussi permis à la grande distribution d’agréger le pouvoir de négociation des consommateurs et de pressurer les fabricants pour en obtenir des prix toujours plus bas. Enfin le lien entre performance des entreprises américaines (de plus en plus mondialisées) et le bien-être des citoyens américains s’est rompu.

 

  • Le développement de nouveaux processus de production de plus en plus informatisés , avec la fin des économies d’échelles, l’apparition de vendeurs multiples et la concurrence des oligopoles par des producteurs spécialisés.

 

  • Le développement de la déréglementation dans les domaines des télécommunications, du transport aérien, de l’énergie mettant fin aux péréquations et aux subventions croisées. Enfin la déréglementation financière s’est accompagnée de l’agrégation par les fonds de pension et mutuels des investisseurs individuels qui ont contraint les entreprises à des rendements de plus en plus importants.

 

 

L’économie américaine est maintenant caractérisée par ce que Reich appelle « le grand écart ». Avec  une économie devenue de en plus productive (triplement du PIB, un Dow-Jones multiplié par 13) et un revenu médian qui a stagné (si il avait progressé au même rythme que la productivité, ce revenu serait supérieur de 20 000 dollars par an à celui constaté aujourd’hui).  Avec un désengagement des entreprises  dans le domaine de la protection sociale de leurs salariés (18% fournissent une couverture sociale complète en 2006 contre 74% en 1980) et de leurs retraités (un tiers des entreprises de plus de 200 salariés fournissent  une assurance sociale en 2006 contre deux tiers en 1980). Avec une captation accrue de la richesse par les couches supérieures. En 2004, 16% du revenu intérieur bénéficie à 1% des contribuables (deux fois plus qu’en 1980) et 7% de ce même revenu à 0,1% des contribuables (trois fois plus qu’en 1980). Enfin, là où un PDG d’une grande entreprise gagnait, en 1980, 40 fois le salaire moyen de ses salariés, il gagne, en 2001, 350 fois ce salaire moyen et même, en 2006, pour le PDG de General Motors, 900 fois.

 

 

La démocratie américaine est elle malade. Les marchés répondent avec une efficacité redoutable aux désirs individuels, ils ne répondent pas aux objectifs collectifs. Les citoyens sont devenus inaudibles. Ne bénéficiant plus des institutions qui agrégeaient leurs pouvoirs de négociation, leur voix est couverte par le vacarme des entreprises et lobbies de toute sorte. Le processus politique est devenu une extension du champ de bataille qu’est le marché. Les entreprises sont entrées dans une concurrence de plus en plus farouche pour arracher des décisions politiques leur conférant un avantage concurrentiel conduisant à une véritable OPA du monde de l’entreprise sur celui de la politique. Avec un rôle croissant de l’argent des grandes entreprises dans la politique. Avec des entreprises et coalitions qui se présentent volontiers comme défenseurs de l’intérêt général, qui définissent ce que sont les “grands problèmes du moment” et qui financent des experts pour parer d’une apparence rationnelle des arrangements confortables (conduisant à une véritable « corruption du savoir »). Avec des politiques publiques jugées à la seule aune d’un calcul utilitaire permettant de déterminer si elles sont susceptibles d’améliorer la productivité de l’économie. Avec des responsables politiques qui s’intéressent de moins en moins aux questions de justice et d’équité sociale, alors que les inégalités se creusent, qui “représentent” les consommateurs et investisseurs, et de moins en moins les citoyens.

 

Pour Reich il est devenu indispensable de séparer capitalisme et démocratie et de monter une garde attentive sur la frontière entre les deux. L’enjeu est d’établir de nouvelles règles susceptibles de protéger et promouvoir le bien commun et d’empêcher le supercapitalisme de prendre la politique en otage, établissant un juste équilibre entre les intérêts des consommateurs, des investisseurs, des citoyens, de la société. Pour lui, le supercapitalisme a définitivement rendu illusoire la promesse jamais tenue de la démocratie d’entreprise. L’entreprise résiste à tout ce qui pourrait avoir un impact négatif sur ses résultats, accorde peu de priorité à tout ce qui ne les conforte pas. L’entreprise ne peut pas faire de social sans imposer un coût supplémentaire aux consommateurs (prix) et investisseurs (rendements) qui iront voir ailleurs. L’entreprise a pour obsession de créer de la valeur pour l’actionnaire et non de pratiquer la vertu sociale. L’entreprise voit ses résultats attendus mesurés par le niveau du cours de l’action alors qu’aucun étalon ne mesure la façon dont elle sert les autres parties prenantes.

 

Robert Reich conclut son livre par un « guide du supercapitalisme à l’usage du citoyen » et par une dernière phrase digne d’Hannah Arendt. «La première étape, et souvent la plus difficile, est de penser juste ».

 

Considérant que la concurrence débridée, mère du supercapitalisme, s’est propagée à la sphère politique et que les entreprises ne sont pas des personnes mais des « collections d’accords contractuels », Robert Reich préconise de mettre en place une cloison étanche entre le capitalisme, qui optimise la satisfaction du consommateur et de l’investisseur et la démocratie qui permet d’atteindre collectivement des objectifs inatteignables individuellement. Si on veut que les entreprises jouent autrement, il faut modifier le jeu qu’elles jouent en en changeant les règles. La démocratie est le meilleur outil pour changer ces règles et pallier aux conséquences sociales désastreuses : enrichissement des plus riches, appauvrissement des plus pauvres, précarisation de l’emploi et des communautés locales, dégradation de l’environnement, violation des droits de l’homme, produits et services flattant nos instincts les plus bas. Loin de l’angélisme des technocrates et politiques européens, Reich considère que les entreprises ne sont pas faites pour décider de ce qui est socialement vertueux, et qu’elles sont incapables de délivrer efficacement des services qui par leur nature même sont publics. Pour lui, les législations américaines et européennes peuvent contrôler une partie importante du comportement des entreprises mondiales, plus efficacement que les appels à la responsabilité sociale.

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12 juillet 2008 6 12 /07 /juillet /2008 03:26

Après la rétroactivité d'application immédiate, l'inconstitutionnalité à effet différé

Le Conseil constitutionnel a validé hier la loi relative aux organismes génétiquement modifiés (décision n° 2008- 564 DC du 19 juin 2008). L'humanité vit donc ses dernières heures avant l'anéantissement, ce qui n'empêche pas le Conseil d'innover juste avant le Maïs de l'Apocalypse.

Première innovation : la Charte de l'Environnement, intégrée à la Constitution en mars 2005, a pleine valeur constitutionnelle, et s'impose donc au législateur :

Ces dispositions, comme l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement, ont valeur constitutionnelle ; … elles s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif ; … dès lors, il incombe au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 61 de la Constitution, de s'assurer que le législateur n'a pas méconnu le principe de précaution et a pris des mesures propres à garantir son respect par les autres autorités publiques. (§18)

Affirmation tempérée par le fait que ce principe de précaution n'est pas absolu (c'est à dire qu'il ne suppose pas la certitude de l'absence de tout risque, comme l'espéraient certains parlementaires) :

Le fait que les conditions techniques auxquelles sont soumises les cultures d'organismes génétiquement modifiés autorisés n'excluent pas la présence accidentelle de tels organismes dans d'autres productions, ne constitue pas une méconnaissance du principe de précaution. (§21)

Deuxième innovation, qui est une pure création du Conseil, est l'inconstitutionnalité à retardement, ou loi-Cendrillon.

Le Conseil a en effet décelé une inconstitutionnalité dans le texte qui lui était soumis : un renvoi à un décret en Conseil d'État pour fixer des règles (les informations du dossier constitué par l'exploitant d'OGM qui doivent être accessibles au public) alors que la Constitution confie à la loi seule le pouvoir de définir les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, et les principes fondamentaux de la préservation de l'environnement. C'était de fait permettre au Gouvernement d'agir dans le domaine de la loi. C'est contraire à la Constitution. Enfin, pas tout de suite.

Car face à cette incompétence négative (le refus du législateur de légiférer, laissant ce fardeau au gouvernement), le Conseil se trouvait face à un dilemme. Il faut légiférer sur ce point, sinon la loi perd tout son sens. Annuler cette délégation anticonstitutionnelle ne suffit pas à régler la question, puisque ces règles doivent être posées par le pouvoir législatif.

Dès lors, la seule solution était de déclarer en l'état toute la loi contraire à la Constitution, pour l'empêcher d'entrer en vigueur tant qu'elle n'aura pas été à nouveau examinée par le législateur.

Ou d'improviser.

C'est cette deuxième voie qui a été choisie :

La déclaration immédiate d'inconstitutionnalité des dispositions contestées serait de nature à méconnaître une telle exigence (de transposition de directives européennes qui auraient dû l'être depuis longtemps, ça alors, la France, en retard ?) et à entraîner des conséquences manifestement excessives ; … dès lors, afin de permettre au législateur de procéder à la correction de l'incompétence négative constatée, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2009 les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. (§58)

Bref, cette loi est conforme à la Constitution jusqu'au douzième coup de minuit de la Saint Sylvestre ; après quoi, telle une loi-Cendrillon, elle deviendra… une citrouille ?

Sauf erreur de ma part, c'est une première.

À ma droite, on louera le pragmatisme du Conseil et son inventivité pour étendre ses capacités de décision (après l'invention des réserves d'interprétation qui sont des déclarations de conformité sous condition, voici la déclaration de conformité à durée déterminée, qui s'auto-détruira dans six mois), et applaudira cette décision qui évite d'envoyer au pilon une loi accouchée dans la douleur et permet au Gouvernement de faire l'économie d'un nouveau concours de lâcheté (non que les candidats manquent, cela dit), à charge pour lui de faire voter en vitesse un amendement (au pif, dans le projet de loi "responsabilité environnementale" qui arrive mardi prochain ? Je rejoins Authueil dans ses prédictions. ).

À ma gauche, on se scandalisera des libertés prises par la Conseil avec la Constitution, qui ne prévoit nulle part cette possibilité de “retenez-moi ou j'annule cette loi”, et y verront un cadeau fait au pouvoir en place, une annulation totale de la loi étant une gifle pour le Gouvernement, et aurait été immanquablement présenté par l'opposition comme une victoire contre les OGM, ce qui eût été une manipulation des faits, certes, mais politiquement exploitable ; un peu comme un non irlandais en somme.

En attendant, nos campagnes reverront bientôt refleurir le MON810. Ça tombe bien l'action n'a fait que +25% depuis le début de l'année (contre +111% sur un an), je me demandais si je ne devais pas vendre. Comme le Conseil constitutionnel, j'ai bien fait de différer.


Loi relative aux organismes génétiquement modifiés

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

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Le 19 juin 2008, par sa décision n° 2008-564 DC, le Conseil constitutionnel a examiné les recours dont il avait été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs à l’encontre de la loi relative aux organismes génétiquement modifiés. Les saisines mettaient en cause la procédure mise en œuvre pour l’adoption de la loi ainsi que ses articles 2, 3, 6, 7, 8, 10, 11 et 14. Le Conseil a rejeté l’ensemble des griefs sous réserve d’une déclaration d’inconstitutionnalité prononcée, à compter du 1^er janvier 2009, à l’encontre des neuvième et treizième alinéas de l’article 11.

*I – La loi OGM a été adoptée au terme d’une procédure régulière.*

La loi OGM a été adoptée en termes identiques par les deux assemblées après le vote d’une question préalable par l’Assemblée nationale et la réunion d’une commission mixte paritaire provoquée par le Premier ministre. Les requérants soutenaient que l’adoption de la question préalable interrompait l’examen du texte et qu’il avait été porté atteinte à leur droit d’amendement en CMP.

Le Conseil constitutionnel a jugé qu’il ressort de l’article 45 de la Constitution que le rejet d’un texte par l’une ou l’autre des deux assemblées n’interrompt pas les procédures prévues pour parvenir à l’adoption d’un texte définitif. Il a également constaté, d’une part, que les conditions de réunion d’une commission mixte paritaire étaient réunies et, d’autre part, que cette CMP s’est effectivement prononcée sur tous les articles de la loi.

*II – La loi OGM est conforme à la Charte de l’environnement qui a pleine valeur constitutionnelle. *

Les requérants soutenaient que les articles 2, 3 et 6 de la loi méconnaissaient le principe de précaution (article 5 de la Charte de l’environnement). Ils soutenaient également que les articles 10 et 11 de la loi méconnaissaient le principe d’information du public (article 7 de la Charte).

Le Conseil a jugé que toutes les dispositions de la Charte de l’environnement avaient valeur constitutionnelle. Il a constaté qu’en l’espèce, celles-ci étaient respectées par la loi :

- D’une part, la loi, qui organise un régime d’autorisation préalable des OGM et qui soumet leur culture à des procédures d’évaluation, de surveillance et de contrôle ne méconnaît pas le principe de précaution lorsqu’elle organise la coexistence des cultures OGM et non OGM.

- D’autre part, le législateur a pris des mesures propres à garantir le respect, par les autorités publiques, du principe de précaution à l’égard des OGM. Ainsi, pour l’application de la loi, il reviendra à ces autorités de prendre en compte ce principe, espèce par espèce, pour chaque autorisation de culture.

- Enfin le respect du principe d’information du public est garanti par plusieurs mesures législatives de publicité (publicité des avis du Haut conseil des biotechnologies sur chaque autorisation, publicité du registre des parcelles où sont cultivés les OGM…).

*III – La loi n’a pas méconnu les directives communautaires qu’elle transpose. *

Les requérants soutenaient que la loi n’assurait pas une correcte transposition des directives communautaires. Après les avoir examinées, le Conseil a jugé qu’aucune des dispositions législatives n’étaient incompatibles avec ces directives. Il a donc écarté ce grief.

*IV – La loi OGM n’a pas pleinement respecté la compétence du législateur. *

Par la révision de la Constitution du 1^er mars 2005, le constituant a accru le domaine de la loi en matière d’environnement. D’une part, les articles 3 (principe de prévention), 4 (principe pollueur-payeur) et 7 (principe d’information du public) de la Charte renvoient expressément à la « /loi /» pour fixer les « conditions » de leur mise en œuvre. D’autre part, l’article 34 de la Constitution a été modifié pour prévoir que : « /La loi détermine les principes fondamentaux… de la préservation de l’environnement/ ».

Ces nouvelles règles constitutionnelles renforcent l’intervention du législateur. Ainsi, il n’appartient qu’au législateur de préciser « les conditions et les limites » dans lesquelles doit s’exercer le droit de toute personne à accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques (article 7 de la Charte). Ne relèvent alors du pouvoir réglementaire que les mesures d’application des conditions et limites fixées par le législateur.

Le Conseil constitutionnel a veillé au respect du domaine de la loi à l’article 11 du texte déféré. Ce dernier prévoit que l’exploitant doit mettre des informations à la disposition du public quand il sollicite un agrément. Cet article 11 avait, en ses alinéas 9 et 13, renvoyé au décret en Conseil d’Etat le soin de fixer les informations qui ne peuvent pas être tenues confidentielles. Le Conseil constitutionnel a jugé qu’en opérant ce renvoi au décret, le législateur, à qui il incombe de fixer les règles relatives aux secrets protégés, a méconnu l’étendue de sa compétence. Il a donc censuré les alinéas 9 et 13 de l’article 11 de la loi.

Le Conseil a décidé que cette censure ne prendrait effet qu’au 1^er janvier 2009. Ainsi la France ne pâtira pas de cette annulation dans la procédure dont elle fait l’objet devant la Cour de justice des communautés européennes pour transposition incomplète des directives communautaires. Ce délai pourra permettre au législateur de voter, dans le respect du domaine de la loi, la disposition relative aux informations qui ne peuvent rester confidentielles.

 

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11 juillet 2008 5 11 /07 /juillet /2008 03:50
« Libéralisme et solidarité à l'européenne ! »


Au Sud, ils meurent d'avoir été contraints d'ouvrir leurs frontières aux exportations agricoles européennes par la mécanique infernale de la dette imposée par le FMI et la Banque Mondiale. Au Nord, l'Europe publie sa directive transformant en délinquants passibles de plus d'une année d'enfermement les immigrants qui viennent gratter à notre porte pour demander le droit de vivre. Sans doute « la stratégie du choc » décrite par Naomi Klein dans son dernier ouvrage ?

Nous sommes loin de l'inconscient collectif compassionnel et solidaire de la majorité des citoyens. Alors que nous connaissons les causes de cette catastrophe planétaire, l'Europe veut endormir les inquiétudes de sa population par des annonces de dons : quelques centaines de millions de dollars comme des cachets d'aspirine pour soigner les symptômes trop visibles des morts annoncées. Remettre en cause la politique ultra libérale permettant de piller les richesses des pays dits, avec hypocrisie, en développement, le dumping par les exportations agricoles subventionnées qui ruinent leurs agricultures ou la dette illégitime qui saigne depuis 30 ans leur maigres finances, vous n'y pensez pas !
 
Voulez-vous casser la sacro-sainte croissance par le partage ?

« Nous ne pouvons pas accepter toute la misère du monde », nos pays riches ne sont ni responsables, ni coupables ! Renforçons la ligne Maginot de la forteresse Europe, radars, hélicoptères et avisos contre pirogues surchargées d'africains démunis, barbelés et prisons pour ceux qui passent au travers des mailles électroniques de nos remparts !
Allez, gouvernants, continuez à nous faire croire qu'en consommant sans fin pétrole, matières premières et nourriture la planète va se refroidir par la magie de notre technologie. Non, la désertification avance et les affamés ne bénéficient toujours pas des miettes de notre argent, que les riches spéculateurs placent sur les denrées alimentaires : l'effet de
ruissellement est un mirage déculpabilisant.
L'équipe du CADTM France
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10 juillet 2008 4 10 /07 /juillet /2008 03:21


Par Jean Zin



Alors que les menaces écologiques se font de plus en plus pressantes, on peut s'étonner du léger des solutions qu'on prétend y apporter, pas du tout à la hauteur des enjeux et sans une véritable vision globale. Au lieu d'une écologie-politique collective et réaliste, on nous vend plutôt habituellement une écologie individualiste et moralisante, que ce soit dans sa version religieuse ou libérale, mais, en dehors de quelques marginaux, il n'est jamais question, ou presque, d'une véritable alternative au productivisme qu'on impute à l'avidité humaine plus qu'au système du profit.

 On en appelle soit à la conversion des esprits et des coeurs, soit à de simples mesures techniques ou incitations financières, comme s'il était devenu impossible en tout cas de changer un système mondialisé, au moment même où il y aurait tellement besoin pourtant de dispositifs politiques concrets, du local au global, pour adapter notre système de production aux nouvelles forces productives tout autant qu'aux nouvelles contraintes écologiques. On n'y échappera pas, quelles que soient les résistances et les conservatismes. Dès lors, la question n'est pas tant celle de l'ancien système, ni de simplement le brider par des lois, des luttes ou par nos prières, que de savoir par quoi le remplacer et d'en construire un autre plus adapté à notre temps, combinant une inévitable relocalisation de l'économie avec toutes les institutions du travail autonome et du développement humain.

Hélas, les instruments principaux d'une alternative au salariat productiviste comme à la mondialisation marchande paraîtront sans doute bien exotiques par rapport aux modèles de référence et à nos habitudes de pensée, voire complètement hors de propos : monnaies locales, coopératives municipales, revenu garanti ! Il n'y a pas d'autre alternative pourtant, ni libérale, ni autoritaire, ni morale.

La confusion des esprits

Avec notre entrée dans l'ère de l'information, de l'écologie et de l'unification du monde qui en résulte, nous vivons sans doute un des plus grands bouleversements que l'humanité a pu connaître, périodes de rupture où les idées changent, où d'anciennes évidences se renversent, où les esprits s'égarent et l'incertitude domine. Les anciennes idéologies et les réponses qu'elles donnaient se révèlent complètement inadaptées à notre nouvelle situation. Tout est à repenser mais il y a de nombreux écueils sur le chemin. Il faut bien avouer qu'il n'y a pas de solution simple car nous sommes ici face à un problème particulièrement difficile et complexe.

Si on se met dans la perspective de l'histoire des idéologies, on peut caractériser notre moment historique comme celui du passage d'une hégémonie presque totale du néolibéralisme, depuis plus de 30 ans, à celle toute opposée d'une écologie régulatrice, ce qui ne veut pas dire qu'on sache encore très bien ce que cela signifie entre conceptions mystiques et technocratiques. Ce changement de paradigme est cependant d'autant plus problématique que là où le "laisser-faire" pouvait s'arranger de l'imperfection de l'information et des marchés, l'écologie-politique porte en elle l'exigence paradoxale de la prévision et de l'action publique malgré ce manque d'informations et l'incertitude du monde, passage de l'histoire subie à l'histoire conçue. L'accès à ce nouveau stade cognitif dans nos interactions globales avec un milieu incertain et fragile ne va pas du tout de soi, cumulant à la fois les difficultés du principe de précaution et de la construction d'une intelligence collective. Il y faudrait une "démocratie cognitive" très éloignée de nos démocraties de marché actuelles, ainsi que le retour d'un certain collectivisme même s'il est bien différent de l'ancien (il faut le souhaiter!), réfutant l'individualisme libéral par la coopération tout en valorisant l'autonomie de la personne. Cette conscience collective est encore bien hésitante mais elle a déjà commencé à prendre corps pourtant, notamment dans les conférences sur le climat.

Il faut dire qu'en dehors du GIEC, lui-même assez critiquable dans sa modération politique, cette "intelligence collective" a plutôt brillé par son absence jusqu'ici. Il n'y a pas de quoi être optimiste devant l'égarement général, en particulier sur les conceptions mêmes de l'écologie : "Dans la plus grande confusion se mêlent développement durable, sauvegarde de la nature, crise de l'énergie et altermondialisme. Chacun semble persuadé de la nécessité d'une alternative écologiste sans avoir la moindre idée de la façon d'y parvenir, jusqu'à dénier son caractère politique et social pour se contenter d'un catastrophisme sans nuances, de bonnes intentions, de grandes déclarations et de petits gestes..." (L'écologie-politique à l'ère de l'information, è®e, 2006).

La prise de conscience écologique

La première difficulté, c'est effectivement de faire le bon diagnostic, d'arriver à une bonne évaluation des risques écologiques, ce qui est loin d'être évident. Devant les incertitudes, la nécessité d'agir peut toujours être mise en doute par certains, avec plus ou moins de virulence, jusqu'à parler de "psychose collective" à propos du réchauffement climatique ou de "complot des écologistes" ! Cela témoigne du moins que les écologistes sont partout désormais, même dans les gouvernements, et que les irresponsables sont devenus minoritaires. Malgré la difficulté d'établir la vérité des faits et d'y appliquer le principe de précaution, c'est en l'absence de certitude (mais pas d'informations inquiétantes) que l'opinion scientifique puis mondiale a fini par se décider à réagir devant l'ampleur des risques, à part quelques uns qui se voudraient plus malins que les autres et détenir une vérité au nom de convictions intimes qui n'ont plus grand chose de scientifique. Cela n'empêche pas qu'on peut se tromper et que de nouvelles données peuvent toujours modifier nos prévisions. Malgré cela, considérée il y a peu encore comme une préoccupation de rêveurs, il n'y a pas de doute que l'écologie s'impose désormais comme prioritaire au niveau planétaire et transforme profondément nos conceptions politiques en devenant la nouvelle idéologie dominante, pour de fortes raisons matérielles (les questions étant matérielles et non pas idéologiques, il ne faut pas s'étonner qu'il n'y ait aucune unité idéologique des écologistes sur les réponses à donner).

Au niveau le plus immédiat la hausse du pétrole a pu servir d'élément amplificateur, comme au moment du premier choc pétrolier et de l'émergence des premiers mouvements écologistes, mais, aujourd'hui, ce qui motive l'hégémonie idéologique de l'écologie, c'est d'abord le réchauffement climatique qui s'accélère. Il faut d'ailleurs souligner que la période est un peu moins favorable à cette prise de conscience, malgré les mauvaises nouvelles qui s'accumulent, dès lors que nous connaissons temporairement un léger refroidissement dû à La nina. On voit notre difficulté à se projeter dans le long terme et notre sensibilité extrême à l'immédiat !

Plus fondamentalement, sans doute, l'écologie s'impose du fait de la globalisation elle-même et du caractère global des problèmes qu'elle provoque. C'est notre destin planétaire commun qui nous rassemble mais c'est aussi la conséquence de l'ère de l'information qui nous relie et nous fait connaître l'étendue des dégâts, conscience du négatif du progrès ainsi que du déchaînement des sciences et des techniques, avec leur puissance démesurée qui peut se retourner contre nous ; quand le temps est venu d'une post-modernité ou modernité réflexive qui est aussi le temps d'une société post-industrielle. L'écologie politique n'est pas tant un nouveau paradigme ou de nouvelles valeurs, ce n'est pas l'amour de la nature mais l'accès (difficile) à un nouveau stade cognitif, celui d'une conscience planétaire et de la responsabilité de nos actes envers les générations futures. La démocratie en est profondément bouleversée : ce n'est plus l'immanence d'une fondation sur soi-même, c'est la transcendance d'un monde à sauvegarder, ce n'est plus l'immédiateté de la présence mais la projection dans l'avenir, la temporalité de l'être (sa durabilité). Ce n'est plus le pouvoir absolu de la majorité enfin mais une démocratie des minorités, des droits de l'homme et de la diversité, ancrée dans le local : une démocratie de "face à face". C'est encore un effet paradoxal de la globalisation des réseaux et des marchés qu'une pensée globale exige un agir local et une relocalisation équilibrant la globalisation marchande !

L'écologie-politique à l'ère de l'information n'a rien à voir avec un quelconque retour en arrière, ni avec un moralisme puritain, c'est d'abord la conscience des déséquilibres que nous avons produits et la limitation de nos ressources qui devient manifeste avec le développement des pays les plus peuplés. On ne sait pas très bien si la situation est très grave ou désespérée mais on ne pourra plus ignorer désormais ces inquiétantes informations. Une fois admis l'impasse d'un développement qui n'est pas durable, il faudrait lui trouver des alternatives mais, le préalable, c'est d'essayer de comprendre la cause d'un productivisme insoutenable si on veut avoir une chance d'en sortir.

Les problèmes écologiques ne peuvent être séparés de tous les autres problèmes, notamment économiques et sociaux : on ne peut séparer la consommation de la production, ni le travail de la vie. On ne peut changer les consommations qu'en transformant travail, revenus et circuits de distribution, si ce n'est la technique elle-même. On ne peut relocaliser qu'en partant du local mais à condition de l'inscrire dans un projet global et des circuits alternatifs qui fassent système. Pour avoir une chance de changer de système, nous avons besoin de comprendre à la fois le caractère systémique du productivisme et pluriel de l'économie (la pluralité des systèmes).

Le productivisme du capitalisme salarial

Depuis les touts débuts de la société de consommation, les condamnations religieuses et morales d'un appétit effréné de marchandises ont été innombrables. On accuse la nature humaine et le mal qui nous habiterait d'un désir illimité ou d'un égoïsme pervers, alors que la société de consommation est un système historiquement daté et qui est d'autant moins déterminé par l'individu qu'il est soutenu par des politiques keynésiennes, par une publicité omniprésente et par des circuits de distribution de masse. Dans ce capitalisme salarial l'emploi dépend de l'écoulement des marchandises. La société de consommation, c'est la société du travailleur/consommateur séparé de son produit et dépendant du capital (des machines). Rien de naturel là-dedans ! Ce n'est pas une question de valeurs, de bons et de méchants, ni même d'individualisme (qui tient surtout au caractère individuel du revenu).

Le productivisme n'est pas causé par la consommation mais par la logique du profit qui constitue le moteur de l'investissement capitaliste. Les capitaux sont utilisés pour augmenter la productivité (réduire le temps de travail) et dégager un profit par rapport à la concurrence. Les entreprises qui n'améliorent pas leur productivité disparaissent. Il n'y a pas là de décision individuelle mais une pression systémique du marché par la baisse des prix, et, comme l'a montré Bookchin, même des coopératives subissent cette pression du marché, sauf si ce sont des coopératives municipales. Le productivisme du capitalisme salarial est d'ailleurs mis à son crédit lorsqu'il permet le décollage de pays pauvres grâce au "cercle vertueux de la croissance" mais il ne peut s'arrêter, tout est là. C'est en découvrant cette nécessité pour le capitalisme de "créer des besoins" qu'André Gorz est devenu l'un des premiers écologistes anti-capitalistes. On peut dire, en effet, que le capitalisme s'impose par son productivisme puis dure par la société de consommation. Il serait donc tout-à-fait illusoire de vouloir réduire par des préceptes moraux un productivisme qui est structurel et financier !

On ne s'en tirera qu'à construire un système de production non productiviste, ce qui peut sembler impossible sauf que, non seulement la victoire du productivisme précipite sa fin, mais on peut considérer qu'il a fait son temps à l'ère de l'information, du travail immatériel et de la coopération des savoirs. En effet, le productivisme caractérise en premier lieu le salariat industriel avec une force de travail qui se mesure en temps de machine, alors que dans le domaine immatériel, le temps de travail n'est plus linéaire et ne constitue plus une mesure pertinente de la valeur d'un produit. C'est ce qui favorise le travail autonome et les contrats d'objectif plutôt qu'un salariat mesuré par son temps de subordination. C'est un point décisif et trop sous-estimé de la sortie du productivisme, cependant, même si les nouvelles forces productives l'exigent, cela ne se fera pas tout seul pour autant. En effet, pour que le travail autonome soit supportable, et même simplement possible, il a besoin d'un support institutionnel (notamment un revenu garanti et des structures collectives).

Pour une économie plurielle

Construire un nouveau système ne veut pas dire détruire l'ancien. Tout au contraire, le système marchand n'a pu se développer que dans les villes franches de la féodalité avant de pouvoir s'y substituer. L'industrie n'a pas supprimé l'agriculture. Adopter un point de vue systémique et comprendre les écosystèmes comme circuits de matières, d'énergie et d'informations permet d'en montrer toute la cohérence et les interdépendances. On ne peut se contenter de mesures isolées, il faut "faire système", mais cela ne peut signifier en aucun cas dénier la nécessaire diversité des systèmes : chaque système, organisme ou organisation n'est qu'une totalité partielle qui n'épuise pas la totalité des possibles mais doit avoir un fonctionnement spécifique et un espace propre. A rebours de tous les extrémismes et des idéologies simplistes, la coexistence des systèmes doit nous amener à défendre une économie plurielle ou mixte (ce qu'elle est déjà avec les sphères du don, de la gratuité et des échanges marchands). Après les totalitarismes communistes et fascistes, c'est le totalitarisme du marché qu'il faut combattre sans retomber dans un totalitarisme écologiste. Il faut y insister car cela ne va pas de soi : la voie de l'alternative est celle d'une économie plurielle (si chère à Jacques Robin) ni simple réformisme, ni pure idéologie.

Il ne peut s'agir de faire n'importe quoi, ni de tout changer à l'économie et au monde tel qu'il va, mais "seulement" de sortir du totalitarisme marchand, de l'exploitation salariale et du productivisme capitaliste, sans tomber pour autant dans un totalitarisme étatique ni dans toutes sortes d'utopies communautaires, qui auront toujours leurs partisans. L'absence d'alternatives crédibles est d'ailleurs le résultat de ce nouveau totalitarisme qui voudrait faire du marché la réponse à tous les problèmes (l'amour même!). En fait cette tentative de supprimer la pluralité des économies a déjà échoué même si elle a outrepassé ses limites et fait beaucoup de dégâts. La première chose à faire, c'est donc de mettre des limites aux marchés, de les réguler (pas de les supprimer !) pour construire patiemment une économie plurielle combinant les logiques marchandes, publiques et associatives, jouant l'Etat contre le marché et le marché contre l'Etat plutôt que de subir le joug de l'un ou de l'autre.

Le productivisme durable

Le productivisme de la société de consommation n'est certes pas la seule cause des problèmes écologiques et il y a déjà beaucoup à faire pour rendre le capitalisme moins destructeur mais les tentatives de rendre un peu plus durable notre modèle économique sans changer de système rencontrent vite leurs limites, alors qu'elles se présentent, pour cela même qu'elles ne changent rien, comme les seules réalistes qu'elles soient moralistes (frugalité individuelle), libérales (écotaxes) ou étatiques (gouvernement des experts).

Inutile de trop s'appesantir sur le moralisme écologiste de la "simplicité volontaire", même s'il est largement dominant et peu constituer une bonne hygiène de vie, sinon pour souligner qu'il reste entièrement dans le cadre de la société de marché. C'est de l'ordre de la charité chrétienne pour réduire la pauvreté qui a toujours accompagné le capitalisme sans rien y changer, c'est le geste quotidien qui nous sauve ! Son efficacité est nulle, par rapport au nombre de "pauvres involontaires", il a tout au plus valeur d'exemple ou d'exploration de nouveaux modes de vie. On ne peut éliminer complètement cette dimension individuelle malgré tout. Il faudra bien adopter en effet des comportements plus écologiques (trier ses déchets, économiser l'eau) même s'ils ne prennent sens qu'à s'inscrire dans un processus collectif et ne peuvent tenir lieu de politique. Par exemple, il est un fait qu'il faudra limiter la consommation de viande rouge, trop coûteuse en ressources et en énergie, mais cela ne servira à rien de le faire individuellement et c'est aller un peu vite en besogne de vouloir qu'on devienne tous végétariens alors que les poulets et les poissons restent de très bonnes sources de protéines. Il se trouve que ces préceptes sont bons aussi pour notre santé, pas seulement pour l'équilibre planétaire, la viande rouge étant impliquée dans de nombreuses maladies et cancers. En tout cas, si l'écomoralisme ne peut en aucun cas constituer une alternative au capitalisme et à la société de consommation, il faut constater du moins que c'est la forme que prend une prise de conscience écologique qui n'a pas de prise sur les événements sinon au niveau individuel. Il y a aussi des mystiques qui réduisent l'écologie à une vue de l'esprit, une façon d'être au monde... On ne peut en rester là.

Une autre tentative, plus sérieuse, d'adapter notre économie aux limitations écologiques, c'est l'éco-économie de Lester R. Brown, projet qu'on peut dire libéral, corrigeant simplement les mécanismes de marché par des écotaxes censés rétablir une illusoire vérité des prix écologiques. A part ça, il n'y a pas grand chose à changer à notre système de production. Il parle bien de "révolution environnementale" mais uniquement dans le sens d'une nouvelle "révolution industrielle" boostée par de nouvelles énergies et de nouveaux marchés ouverts par l'écologie. On s'écarte tout de même du libéralisme lorsqu'il prône une "économie de guerre" qui mobilise toutes les capacités productives pour inonder le monde d'éoliennes, mais on est très éloigné de toute décroissance. On reste dans le même mode de vie, le même travail, la même industrie, le même productivisme qu'en 39-40 et la même organisation sociale ! Ajoutons à cela qu'on suppose des gouvernements démocratiques, capables et bien intentionnés de par toute la Terre ! Malgré tous ses défauts, c'est un projet qu'on ne peut rejeter complètement (impossible de se passer d'écotaxes) et comme on garde le même système, ce sont des mesures qui peuvent s'appliquer très rapidement. C'est un premier niveau d'intervention indispensable mais cela n'empêche pas d'en reconnaître les limites à rester dans le cadre d'un productivisme débridé et du totalitarisme marchand.

La nouvelle économie sera basée sur un recyclage extensif,
sur les énergies renouvelables et sur un système de transport
diversifié s'appuyant plus sur le rail, les bus, les bicyclettes
et moins sur la voiture. (plan B, p277)

Il faut avouer que la plupart des mesures devenues urgentes peuvent être prises dans le cadre du système actuel : les économies d'énergie (isolation, énergie intelligente), le passage accéléré aux énergies renouvelables (le solaire principalement), la promotion des transports en commun, la généralisation du recyclage, la réduction des pollutions, des prélèvements marins (remplacés par des fermes piscicoles), jusqu'aux activités réparatrices et de gestion de l'environnement (eau, forêts, etc.). Il n'y a rien là qui soit incompatible avec le productivisme, lui ouvrant finalement de nouveaux marchés (éoliennes, panneaux solaires, produits bios, etc.). On ne pourra absolument pas s'en passer mais on ne pourra s'en tenir là non plus. En particulier, les préoccupations écologiques mènent inévitablement au retour à de plus grandes solidarités collectives, donc à une certaine réduction des inégalités, ainsi qu'à la mise en commun de nos ressources. C'est le retour de la politique, si ce n'est de l'Etat.

D'ailleurs, de façon bien plus marginale mais assez inattendue, on voit resurgir des tentations autoritaires, d'autant plus autoritaires qu'il n'y a pas d'alternative et qu'on rajoute une contrainte à un système qui s'y oppose ! Des versions plus soft d'une écologie étatique visent simplement à encadrer l'économie par des normes et réguler les marchés ou piloter les entreprises par les syndicats mais il est difficile que cela ne mène pas à une bureaucratie pesante et un gouvernement des experts où le contrôle des populations commence avec le contrôle des naissances. Le néomalthusianisme qui règne souvent dans ces milieux est la dernière tentative de faire de la population elle-même le problème au lieu de mettre en cause notre mode de développement. C'est assez dangereux mais, ce qui plaide pour cette forme de pouvoir que la Chine pourrait incarner, c'est en particulier "l'écologie industrielle" intégrant au plus près des industries complémentaires pour limiter les pertes et les déchets, ce qui s'accommode assez mal du libéralisme.

Elle devrait «simplement être une tyrannie bienveillante,
bien informée et animée par la juste compréhension des choses».
Ce régime devrait-il être communiste ou capitaliste?
Communiste, non seulement pour la «morale ascétique»,
l'exclusion du profit, mais aussi parce que, sur le plan de la «technique du pouvoir»,
ce régime «paraît être plus capable de réaliser nos buts inconfortables
que (...) le complexe capitaliste, démocratique et libéral» (Hans Jonas).

De même que le communisme n'a pas été beaucoup plus qu'un capitalisme d'Etat, on n'est pas vraiment ici dans une alternative au système de production industriel du siècle passé, seulement au marché et au système libéral-démocratique. Malgré tout ce que peut avoir de satisfaisant pour l'esprit la prise de commande de l'économie par des consciences éclairées, c'est une bonne blague ! L'écologie, si ce n'est l'histoire passée, enseignent au contraire le caractère dévastateur et brutal d'un pouvoir trop centralisé, le besoin de l'autonomie des acteurs et de réponses diversifiées. S'il y avait des tyrannies bienveillantes, plus besoin de démocratie en effet, qui n'est pourtant pas pour rien un ingrédient indispensable des bonnes politiques, comme l'a si bien montré Amartya Sen...

Ici, encore une fois, le court terme peut être très bon...
mais à long terme, ça risque d'être horrible (Hubert Reeves).

Décroissance, relocalisation, travail autonome

Pour contester les dérives gestionnaires de l'écologie et les prétentions d'un "développement durable" qui sert de prétexte à la continuation du pillage de la planète, les écologistes radicaux ont popularisé le thème de la décroissance, clairement en rupture avec le productivisme et la croissance attendue par tous comme le messie ! Ce slogan a le mérite d'attirer l'attention sur la nécessité absolue d'une décroissance matérielle de nos consommations mais il comporte de nombreuses ambiguïtés (comme tous les slogans). Tout d'abord, il est purement quantitatif et n'est pas forcément anti-capitaliste encore moins alternatif lorsqu'on croit pouvoir obtenir la décroissance des consommations par la simple réduction du temps de travail. Ensuite il y a confusion entre croissance matérielle et croissance monétaire (inflation) qui ne sont pas forcément corrélés. Enfin, la décroissance ne peut s'appliquer aux pays pauvres qui n'ont pas besoin de consommer moins mais mieux, c'est le modèle économique qu'il faut changer. La question qui se pose est bien celle de l'alternative, d'une alternative à la fois réaliste et désirable, qui soit véritablement "soutenable".

 Il y a les anciennes réponses. Ainsi, Cuba pourrait servir de modèle de décroissance car l'empreinte écologique y est minimale ! C'est bien sûr, contraint et forcé par le blocus américain que l'économie cubaine a dû réduire ses consommations en essayant de vivre en cercle fermé. La vie n'y est pas si horrible qu'on le dit et la nôtre pas aussi belle qu'on le prétend mais l'échec est patent à ne pouvoir supprimer la pauvreté ni même la faim pour une partie significative de la population, sans compter bien sûr le peu de liberté laissé par un pouvoir qui étend son contrôle jusque dans les villages, et cela, sans avoir besoin d'avoir recours à aucun moyen technique sophistiqué ! Si c'est cela notre avenir, il y a quand même de quoi déchanter. Il n'empêche que, là encore, ce qui semblait mort pourrait reprendre vie par cela même qui avait causé sa perte puisque le socialisme démontre ainsi qu'il est loin d'être aussi productiviste que le capitalisme. Le socialisme produit de la pénurie plus que de l'abondance, voilà qui pourrait devenir un avantage (sauf que cela n'empêche nullement des gâchis gigantesques malgré tout !).

L'expérience historique semble condamner toute alternative à sombrer dans ce socialisme autoritaire d'être pensée selon les anciens modèles révolutionnaires, centralisés, étatiques. Les modèles écologistes sont pourtant très différents, bien plus adaptés à une production de plus en plus immatérielle et en réseaux : ce sont des modèles largement décentralisés, démocratiques, diversifiés et basés sur le local, pas du tout compatibles avec une dictature qu'elle soit verte ou rouge.

C'est le point essentiel sur lequel se retrouvent la plupart des écologistes et des altermondialistes : la nécessité d'une relocalisation de l'économie et donc d'alternatives locales à la globalisation marchande. Il ne s'agit pas d'un retour en arrière ni d'un protectionnisme, ni d'une réduction des questions globales à de petits enjeux locaux, mais d'une revalorisation des échanges de proximité pour réduire les circuits de distribution et rendre tout simplement vivable un monde qui se déterritorialise, le réhabiter. C'est reprendre la question par sa base, une reconstruction bottom-up à partir du local, sans exclure pour autant les processus top-down qui ont leur nécessité aussi. Il ne s'agit pas de tout réduire au local. La difficulté, c'est qu'il faut intervenir à différents niveaux : accords internationaux (climat), régulation du capitalisme (éco-économie), infrastructures nationales, circuits alternatifs, institutions locales. Cependant, la nouveauté apportée par l'écologie, c'est bien de redonner toute son importance au local (penser global, agir local).

Un autre point, qui n'est pas du tout pris en compte par l'écomoralisme ni par l'éco-économie, c'est l'indispensable humanisation du travail. Il faut le répéter, ce n'est pas tant du côté de la consommation qu'il faut prendre le problème, mais du côté de la production, de l'épanouissement du travailleur et de sa valorisation. C'est un véritable retournement et la clé de l'alternative. De plus, et contrairement aux technophobes qui croient pouvoir accuser une technique impersonnelle de tous nos maux, c'est bien là qu'il faut tirer parti de la dématérialisation du travail, du passage de la force de travail à la résolution de problèmes valorisant le travail autonome et permettant de sortir du salariat (de la dépendance emploi/consommation). Pour avoir la possibilité de se passer du salariat et que le travail autonome ne soit pas réservé aux classes supérieures, il y a absolument besoin d'un revenu garanti et de toutes les institutions du travail autonome (coopérative, financement, formation, assistance). Dans cette optique de développement humain et de qualité de la vie, il faudra favoriser aussi les techniques conviviales et de meilleures conditions de travail pour les salariés eux-mêmes. En améliorant ce qui constitue une grande partie de notre vie, nous réduirons l'inhumanité du monde et le besoin de compensations marchandes plus sûrement que par la culpabilisation individuelle. Changer le travail, c'est changer la vie et, en changeant les modes de production on changera complètement les modes de consommation. Reste à savoir comment faire.

Heureusement, la nécessité de relocalisation de l'économie pour équilibrer la globalisation marchande constitue notre chance car c'est ce qui donne l'opportunité d'expérimenter ces alternatives localement, ici et maintenant, sans attendre que le monde entier nous rejoigne ! Le niveau le plus pertinent d'une politique écologiste, c'est bien la municipalité où beaucoup peut être fait, notamment grâce à des monnaies locales (immédiatement disponibles) et la mise en place de coopératives municipales pour abriter les travailleurs indépendants et favoriser les échanges locaux (un peu comme les SEL). Ce sont des outils peu familiers et qu'on ne peut décrire ici mais qui permettraient à l'écomunicipalisme de constituer la base d'une véritable alternative bien qu'il soit difficile d'assurer un revenu garanti au niveau municipal. On ne peut espérer convaincre que ce soit une solution crédible, il faut seulement espérer que quelques municipalités tentent l'expérience et le démontrent. Qu'on sache du moins, qu'avec le tryptique "revenu garanti, coopératives municipales et monnaies locales), on peut dessiner une alternative écologiste réalisable immédiatement et qui n'a pas grand chose à voir avec nos anciennes représentations. C'est peut-être le signe de son caractère irréaliste, ou peut-être bien le signe que nous avons déjà changé d'ère... I

l n'y a pas d'alternative

Dans l'urgence actuelle, notre priorité devrait être à la fois d'établir un diagnostic précis de notre situation et de débattre publiquement des alternatives concrètes dans toute leur complexité. C'est ce qui devrait mobiliser toutes nos énergies. Il serait complètement utopique, en effet, de penser qu'on va pouvoir continuer comme avant, il est devenu évident pour le monde entier que nous devons changer nos modes de production et de consommation confrontés à nos limites matérielles ! L'absence d'alternative à un système dont on sait qu'il n'est pas durable renforce les discours extrémistes, millénaristes, religieux, régressifs, autoritaires, appelant à une rupture totale et un homme nouveau complètement fantasmé. Entre une dangereuse passivité et la surenchère verbale, il faut trouver la voie d'un véritable système de production alternatif dans une économie plurielle, en agissant à tous les niveaux (technique, politique, local, individuel), on n'a pas le choix !

On connaît déjà quelques unes des conditions que devront remplir des alternatives réalistes au productivisme capitaliste. Il faudra qu'elles tiennent compte des contraintes écologiques, bien sûr, mais aussi de ce que nous sommes et des échecs passés, de l'étatisme comme du libéralisme. Il faudra que ce soient des alternatives à dimension collective et même mondiales, adaptées à notre temps (ère de l'information, travail autonome, coopération des savoirs) sans pour autant se contenter d'écotaxes pour réduire l'allure d'un productivisme dont il faut pouvoir sortir progressivement, ce qui veut dire donner une alternative au salariat par les institutions du travail autonome.

Non seulement le productivisme durable se révèle une impasse sociale et démocratique mais il est tout aussi vital de relocaliser l'économie et de réduire la logique marchande dans une économie plurielle (Etat/marché/associations avec des fonctionnaires, des salariés, des travailleurs autonomes). Il nous faudra aussi tirer parti de l'ère du numérique pour "dématérialiser" autant que possible (en remplaçant la matière par l'information). Le capitalisme n'est guère adapté à cette nouvelle économie immatérielle qui est d'ailleurs souvent une économie de la gratuité et de la coopération des savoirs, basée sur les compétences et le développement humain. C'est tout cela qui converge dans la construction d'alternatives locales favorisant les coopérations et l'autonomie individuelle dans une démocratie de face à face.

L'important c'est de penser global, de s'inscrire dans un système de production alternatif combinant production, reproduction et circulation (coopératives, revenu garanti et monnaies locales font système), mais ce n'est pas tout. Il faut aussi être de son temps et donc prendre en compte l'ère de l'information, de l'écologie et du développement humain. De telles alternatives, il n'y en a pas légions et ce serait une illusion de croire qu'il suffirait de "prendre le pouvoir" pour changer le système de production. Il faut du temps et l'effondrement du capitalisme n'apporterait rien de bon. Le scénario d'une économie plurielle permet de jouer sur les 2 tableaux : en commençant par écologiser le capitalisme, en le régulant et en réorientant ses productions vers les besoins écologiques, tout en réduisant progressivement son champ avec la montée en puissance de la nouvelle économie immatérielle et relocalisée.


Il n'y a pas d'alternative : nous devons sortir de la société de consommation et réduire la globalisation marchande tout en tirant parti des technologies numériques. Il y a bien sûr des dimensions idéologiques ou économiques mais ni la morale, ni les taxes n'y suffiront, il faudra des dispositifs concrets et une vision globale qui ne sont pas hors de notre portée. Nous en avons présenté au moins une première approximation, largement inspirée du merveilleux livre d'André Gorz, "Misères du présent, richesse du possible", afin de donner quelque idée de comment il faudra sans doute transformer nos institutions pour un monde plus supportable et sans que cela n'ait rien d'impossible ni d'insurmontable pour peu que se produise l'improbable d'une prise de conscience collective claire et décidée d'éviter le pire...

(Revue Argument, vol 11 no1, automne 2008 : Les écologistes font-ils fausse route ?, Québec)
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